CA Douai, 2e ch. sect. 1, 17 octobre 2013, n° 12-03700
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
FSM International (SARL)
Défendeur :
Etablissements Winckelmans (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Parenty
Conseillers :
Mme Delattre, M. Brunel
Avocats :
Mes Kazmierczak, Jacquin, Berne
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Lille du 10 avril 2012 qui, saisi par la société FSM International, agent commercial, d'une demande de condamnation de la société Etablissements Winckelmans son mandant auquel est reprochée une rupture brutale et abusive du contrat d'agence ainsi qu'un défaut de paiement de commissions, au paiement d'une somme de 10 907 euro à titre de préavis, 3 229,21 euro au titre d'une facture du 31 janvier 2010, 87 1255 euro à titre d'indemnité de cessation de contrat, 30 000 euro à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale et abusive, considéré que les paiements effectués par les Etablissements Winckelmans étaient satisfactoires, la preuve n'étant pas rapportée d'un taux de commission supérieur à 7 %, qu'aucune somme n'était due au titre de l'indemnité de préavis consécutive à la rupture du contrat d'agent, le délai de préavis ayant été respecté, que l'indemnité de rupture était due, la société Etablissements Winckelmans ne rapportant pas la preuve d'une faute grave imputable à l'agent et que cette indemnité devait être fixée à la somme de 8 943,17 euro correspondant à la moyenne des commissions perçues sur les deux dernières années ; le tribunal a enfin rejeté la demande de dommages-intérêts complémentaires présentée par FSM International faute de preuve d'un préjudice et rejeté la demande reconventionnelle de la société Etablissements Winckelmans pour mauvaise exécution par FSM International de son mandat ;
Vu la déclaration d'appel de la société FSM International en date du 26 juin 2012 ;
Vu les dernières conclusions de la société FSM International en date du 29 mai 2013 demandant la confirmation du jugement en ce qu'il avait constaté l'existence d'un contrat d'agent commercial exclusif et sa réformation pour le surplus ; la société FSM International demande à ce qu'il soit fait droit à ses demandes initiales ; elle estime que la société Etablissements Winckelmans avait donné son accord pour que soit appliqué au chantier de Tolède le même mode de rémunération que celui appliqué aux chantiers des îles Canaries ; s'agissant de l'indemnité de préavis, elle explique qu'elle est due, les Etablissements Winckelmans ayant mis fin au contrat le 17 mai 2010 avec effet rétroactif au 1er mai 2010 et que leur souhait d'exclure de la rupture les îles Canaries, exclusion non acceptée par l'agent, était sans incidence ; s'agissant de l'indemnité compensatrice, elle estime également qu'elle doit être calculée sur l'ensemble des commissions versées tant sur l'Espagne que sur les îles Canaries ; la société FSM International estime enfin que les Etablissements Winckelmans avaient trouvé un nouvel agent pour les représenter en Espagne avant la rupture et que les conditions de cette rupture doivent être sanctionnées par des dommages intérêts compte tenu de son caractère brutal et abusif ;
Vu les dernières conclusions de la société Etablissements Winckelmans en date du 10 avril 2013 demandant la confirmation du jugement en ce qu'il avait déclaré satisfactoire le paiement intervenu sur les commissions du chantier de Tolède et sa réformation pour le surplus ; le rejet total des demandes de la société FSM International est sollicité outre le versement d'une somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts pour inexécution du contrat d'agent commercial ; la société Etablissements Winckelmans conteste avoir accepté d'appliquer au chantier de Tolède la même rémunération qu'au chantier des îles Canaries ainsi qu'en atteste sa réaction immédiate après réception de la facture litigieuse de 3 229,21 euro, le fait qu'une précédente facture d'un montant minime de 169,28 euro n'ait pas été contestée relevant d'une erreur eu égard à son montant ; indiquant avoir réglé le 29 avril 2011 par son conseil le solde des commissions dues sur le chantier de Tolède, elle estime les demandes injustifiées ; s'agissant de la rupture du contrat d'agent, elle estime qu'elle est imputable à l'agent lui-même contenu du caractère insatisfaisant du travail fourni par lui seules des commandes de petites quantités ayant été obtenues au cours de leur collaboration, à l'exception de certaines opérations ponctuelles telle celle relative aux îles Canaries, et cela alors même que le marché immobilier espagnol était le plus dynamique d'Europe ; elle explique que les circonstances de la rupture sont imputables à FSM International dont la gérante a tenu des propos injurieux à l'égard du dirigeant de la société Etablissements Winckelmans ; s'agissant du préavis, les Etablissements Winckelmans estiment ne pas être tenus à son respect compte tenu de l'attitude de la société FSM International ; ils indiquent avoir respecté un préavis plus important puisqu'ils se sont engagés à régler les commissions non seulement sur les trois mois à venir mais sur toutes les commandes relatives aux projets en cours dans la limite des commandes passées dans les 12 mois de la rupture ; la société Etablissements Winckelmans s'oppose à la demande d'indemnité compensatrice compte tenu de la faute grave de l'agent ; elle estime en outre que FSM International n'a subi aucun préjudice du fait de cette rupture compte tenu du chiffre d'affaires insignifiant réalisé sur l'Espagne ;
Vu l'ordonnance de clôture du 27 juin 2013 ;
SUR CE
Attendu que les éléments de fait ont été complètement et exactement énoncés dans le jugement déféré auquel la cour entend en conséquence renvoyer à ce titre ; qu'il sera seulement rappelé que la société Etablissements Winckelmans installée à Lomme (59) a pour activité la fabrication de carrelage notamment de carreaux céramiques de petit format ; qu'elle a confié en 1999 à la société FSM International sa représentation commerciale en Espagne ; qu'aucun contrat écrit n'a été dressé mais la réalité du contrat d'agence n'est pas contestée ; que les parties sont convenues que la société FSM International serait rémunérée à raison de 7 % du montant facturé ; que dans le cadre de la construction d'un hôtel aux îles Canaries, les parties sont convenues qu'outre la commission de 7 % serait versée à FSM International la différence entre les prix habituellement consentis et le prix finalement pratiqué ; qu'en avril 2009, la société Etablissements Winckelmans a obtenu une commande pour un chantier situé en Espagne à Tolède ; que la société FSM International a entendu être rémunérée suivant les mêmes modalités que pour les commandes obtenues aux îles Canaries soit avec le versement d'une sur-commission ; que la facture du 31 janvier 2010 calculée suivant ces modalités a fait l'objet d'un refus de paiement de la part de la société Etablissements Winckelmans ; que les parties n'ont pas réussi à s'entendre sur la détermination du taux de commission ; que par courrier électronique du 17 mai 2010, la société Etablissements Winckelmans indiquait à FSM International qu'elle mettait fin à leur collaboration à compter du 1er mai 2010, cette rupture n'ayant effet que pour l'Espagne et non pour les îles Canaries ; que c'est dans ces conditions que le Tribunal de commerce de Lille a été saisi ;
Sur le paiement du solde des commissions au titre du client Keops Madrid ;
Attendu que c'est à juste titre que le premier juge a considéré d'une part que les parties étaient liées par un contrat d'agent commercial, ce qui n'était d'ailleurs contesté ni par l'une ni par l'autre des parties et que, d'autre part, pendant l'intégralité de la période 1999/2009, le taux de commission servi à FSM International avait été de 7 % et ceci de façon constante ; que ceci résulte des pièces produites par FSM International elle-même, les factures de commission faisant constamment application d'un tel taux ; que ce n'est que dans le cadre du chantier exceptionnel relatif à la construction d'un hôtel aux Canaries qu'un commissionnement différent a été appliqué suivant la formule "commission FSM au mètre carré = différence entre le prix net facturé au client au mètre carré et le prix normalement facturé à Gresite Revestimientos duquel est déduite la commission de 7 %" ; que cette formule aboutit ainsi à une commission plus élevée ; qu'il résulte des échanges de mails intervenus les 2 et 3 février 2010 entre FSM International et les Etablissements Winckelmans que, contrairement à ce que soutient FSM International, il n'existait aucun accord des Etablissements Winckelmans pour l'application de ce mode de calcul à l'ensemble des nouveaux clients ; qu'un tel accord ne résulte pas de l'examen des nombreux documents produits par FSM International aux débats ; qu'un tel accord ne saurait non plus être établi du fait que la société Etablissements Winckelmans a procédé au paiement d'une facture d'un montant très modique, soit 169,28 euro, en date du 30 novembre 2009, faisant application des modalités particulières de calcul de la commission au titre des fournitures effectuées au client Keops Madrid et ce d'autant moins que la deuxième facturation effectuée par FSM International à ce titre le 31 janvier 2010 a été immédiatement contestée par les Etablissements Winckelmans ce qui a donné lieu aux échanges de mail ci-dessus évoqués ;
Attendu que les Etablissements Winckelmans ont recalculé au taux de 7 % la commission due à FSM International au titre du client Keops Madrid et procédé à son paiement ; qu'il en résulte que c'est à juste titre que le premier juge a écarté la demande en paiement présentée à ce titre par la société FSM International ;
Sur la rupture du contrat d'agent commercial ;
Attendu que la rupture du contrat d'agent commercial est intervenue en l'espèce à l'initiative des Etablissements Winckelmans qui ont notifié la fin de relations contractuelles à la société FSM International par mail du 17 mai 2010 ; que cette rupture a été motivée par la société Etablissements Winckelmans elle-même dans ce mail par les propos tenus par Mme Khalifa une dizaine de jours auparavant mettant en cause l'honnêteté des Etablissements Winckelmans et celle de son dirigeant ; que le mail précise : "vos propos ne permettent plus que nous envisagions de poursuivre notre coopération, en effet votre état d'esprit n'est plus en adéquation avec un travail serein et en pleine confiance" ; que la société Etablissements Winckelmans, contrairement à ses allégations, n'établit en rien le comportement fautif qu'elle impute à son cocontractant ; qu'en effet, s'agissant des propos, certainement un peu vifs, tenus par Mme Khalifa, ils ont été tenus, suivant les explications des Etablissements Winckelmans, lors d'une conversation téléphonique hors la présence de tiers et ont pour contexte le défaut d'acceptation par les Etablissements Winckelmans du taux de commissionnement revendiqué par FSM International ; que par ailleurs, si les Etablissements Winckelmans imputent à FSM International un défaut de résultats et de diligences dans l'exercice de son mandat, force est de constater qu'en l'état des documents produits, il n'apparaît pas qu'à aucun moment au cours d'une relation contractuelle qui a duré plus de 10 ans, les Etablissements Winckelmans aient fait grief à leur mandataire d'une insuffisance de prospection ou de résultat ; que ce grief n'apparait pas non plus évoqué dans le mail de rupture du 17 mai 2010 ; qu'il apparaît ainsi que le mandant semble s'être satisfait de l'apport initial par FSM International du client Gresite situé à Barcelone ; que la rupture est ainsi imputable aux Etablissements Winckelmans qui n'établissent pas non plus les circonstances qui révéleraient l'intention de FSM International de forcer son partenaire à la rupture contractuelle ; qu'en l'absence de toute faute grave imputable à FSM International, le droit à respect du préavis et à indemnité compensatoire ne peut être contesté ;
Attendu que, eu égard à la durée des relations contractuelles et au caractère indéterminé de la durée du contrat d'agent, le préavis qui devait être respecté en application de l'article L. 134-11 du Code de commerce par les Etablissements Winckelmans s'établit à trois mois ; que si le mail du 17 mai 2010 notifiant la rupture contractuelle indique prendre effet de façon rétroactive au 1er mai 2010, il y est toutefois également indiqué que, outre le règlement des commissions restant dues, "en ce qui concerne les projets en cours et susceptibles d'aboutir, je vous demanderai de nous fournir une liste de ceux-ci afin que vous perceviez une commission pour le travail effectué si ceux-ci devaient être réalisés dans les 12 mois à venir sur vos bases habituelles" ; que par ailleurs, comme l'a relevé le premier juge, par courrier du 19 juillet 2010, le conseil des Etablissements Winckelmans précisait que si la société FSM International devait réaliser avant le 31 juillet ou même avant le 30 septembre 2010 de nouvelles ventes sur des projets qui n'étaient pas en cours au jour de la rupture, les Etablissements Winckelmans seraient d'accord pour la commissionner au taux habituel ; qu'il en résulte que la société FSM International a bénéficié d'un délai de préavis supérieur à celui exigé par l'article L. 134-11 du Code de commerce ; que sa demande d'indemnité compensatrice ne peut donc être retenue et a été rejetée à bon droit par le premier juge ;
Attendu que, s'agissant de l'indemnisation due à l'agent par application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, elle doit être calculée sur la base des commissions précédemment versées non seulement au titre de l'Espagne continentale mais également en y incluant les Canaries ; qu'en effet, la rupture du contrat étant intervenue à la seule initiative des Etablissements Winckelmans, ceux-ci ne pouvaient imposer à leur cocontractant la poursuite du contrat pour la seule région des Canaries ; que l'indemnisation de l'agent doit se faire au regard du préjudice subi ; qu'elle est, à titre d'usage, généralement fixée à la valeur de deux années de commission calculée sur la moyenne des trois dernières années ; que toutefois il doit être tenu compte du fait que, comme l'a relevé le premier juge l'activité de FSM International a été limitée à l'exception du chantier des îles Canaries au maintien des relations avec la société Gresite Revestimentos située à Barcelone et initialement "apportée" par l'agent à son mandant, société dont la santé financière s'était dégradée en 2009 ; qu'il doit également être tenu compte du fait que FSM International n'a pas présenté d'affaires en cours ni de nouvelles affaires pendant le délai de 12 mois qui lui avait été laissé par son mandant ; que dans ces conditions, il y a lieu de retenir pour l'évaluation de l'indemnité compensatrice le montant moyen des commissions versées au cours des années 2007, 2008 et 2009 en ne retenant toutefois que pour un tiers le montant des commissions payées au titre du chantier des Canaries au regard de son caractère exceptionnel ; qu'il en résulte, sur la base des relevés de commissions établis par la société Etablissements Winckelmans elle-même et produits par la société FSM International, les montants de commission pondérés suivants : 11 380,97 euro TTC au titre de 2007, 23 665,96 euro TTC au titre de 2008 et 25 355,65 euro TTC au titre de 2009 ; que le montant annuel moyen pondéré s'établit ainsi à 20 134,19 euro ; que le montant de l'indemnisation de l'agent doit ainsi être arrêté à 40 268,39 euro TTC, somme que la société Etablissements Winckelmans sera condamnée à payer à la société FSM International assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2010 ;
Attendu enfin que FSM International n'établit en rien avoir subi un préjudice autre que celui réparé par l'indemnité compensatrice dont elle bénéficie au titre de l'article L. 134-12 du Code de commerce ; que la demande de dommages intérêts complémentaires présentée par elle à hauteur de 30 000 euro a été rejetée à bon droit par le premier juge et sera rejetée par la cour ;
Attendue que, de la même façon, dès lors que comme il a été dit ci-dessus la société Etablissements Winckelmans n'établit pas la réalité des fautes imputées à son agent, la demande de dommages intérêts présentée reconventionnellement à hauteur de 50 000 euro doit être rejetée comme elle a été rejetée par le premier juge ;
Que le jugement déféré sera en conséquence réformé sur le seul montant de la condamnation à paiement de l'indemnité compensatrice ;
Attendu qu'il serait inéquitable que FSM International conserve à sa charge le montant des frais irrépétibles engagés pour les besoins de la présente instance devant la cour ; que la société Etablissements Winckelmans sera condamnée à lui payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe, Confirme le jugement déféré sauf quant au montant de l'indemnité de rupture et, statuant à nouveau sur ce seul point, Condamne la société Etablissements Winckelmans à payer à la société FSM International une somme de 40 268,39 euro TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2010, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Etablissements Winckelmans à payer à la société FSM International la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Etablissements Winckelmans aux dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.