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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 septembre 2013, n° 12-03177

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Galec (Sté)

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Olivier, Parléani

CA Paris n° 12-03177

18 septembre 2013

Vu le jugement rendu le 22 novembre 2011 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a dit la pratique de la société coopérative Galec consistant à "demander à ses fournisseurs la restitution des sommes qu'elle a été condamnée à leur verser par décision judiciaire (arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 29 octobre 2009), constitue une tentative de les soumettre à un déséquilibre significatif dans leurs droits et obligations au profit de la société coopérative Galec et contrevient donc aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 2 du Code de commerce" ; a "enjoint la société coopérative Galec de cesser les pratiques susvisées consistant à solliciter de ses fournisseurs la rétrocession des sommes qui leur ont été octroyées par décision de justice" ; a "prononcé à l'encontre de la société Galec une amende civile de 1 000 000 €" ; a "condamné la société coopérative Galec à publier à ses frais, sous quinze jours à compter du jugement définitif le dispositif dudit jugement dans Le Monde, Le Figaro, Les Echos, et sur la page d'accueil des sites Internet www.michel-edouard-leclerc.com et www.e-leclerc.com pour une durée de 3 mois"; a ordonné l'exécution provisoire du jugement, sauf pour les mesures de publication et, enfin, a "condamné la société coopérative Galec à verser au ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile" ;

Vu l'appel interjeté le 20 février 2012 par la société coopérative Galec et ses conclusions du 27 mai 2013, dans lesquelles elle demande à la cour de céans de dire la société coopérative Galec recevable et bien fondée en son appel, de réformer le jugement entrepris, dire le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie irrecevable, et à tout le moins mal fondé en ses demandes, d'ordonner la restitution à la société coopérative Galec des sommes versées par celle-ci au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris et dire que ces sommes produiront intérêts de droit à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et enfin de condamner le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie à payer à la société Galec la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie du 17 mai 2013, demandant à la cour de céans, au visa des articles L. 442-6 I 1° et L. 442-6 I 2° du Code de commerce, de confirmer le jugement entrepris, sauf sur le montant de l'amende civile prononcée, dont il sollicite qu'elle soit portée à la somme de 2 millions d'euros, à titre subsidiaire, si cour ne retenait pas l'application de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce pour qualifier les faits, de dire que la pratique consistant, pour la société coopérative Galec, à demander à ses fournisseurs la restitution des sommes qu'elle avait été condamnée à leur verser par décision de justice, constitue une tentative d'obtenir un avantage sans service commercial effectivement rendu en contre partie au sens de l'article L. 442-6 I 1° du Code de commerce ; en tout état de cause, le Galec à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile :

SUR CE

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

Le Groupement d'Achats des centres distributeurs Leclerc, dit Galec, créé en 1962, est exploité sous forme de société anonyme coopérative à capital variable, sous la dénomination "Groupement d'Achats des Centres Leclerc", et de signe "SC Galec".

La SC Galec est la centrale d'achat du groupe Leclerc. Elle agit pour le compte de ses coopérateurs en ce qui concerne le référencement, la négociation commerciale, et intervient dans le cadre de la relation fournisseur/distributeur en tant que mandataire de ses coopérateurs. Elle a conclu en 2010 des contrats-cadre avec 2 409 fournisseurs. Hors carburant, le chiffre d'affaires des Centres E. Leclerc en 2010 s'élevait à 31 milliards d'euros.

Les protocoles d'accord transactionnels annulés

En 2001, la société coopérative Galec a eu connaissance des conditions commerciales obtenues par la société Carrefour, auprès de ses fournisseurs de produits alimentaires frais pour les années 1998 et 1999, et a constaté qu'elle avait bénéficié de budgets de coopération commerciale inférieurs à ses concurrents. Elle a alors réclamé une compensation aux fournisseurs concernés, et a obtenu une indemnité forfaitaire de 23 313 681,51 € par le biais de 28 protocoles d'accord transactionnels négociés entre le 15 février 2002 et le 25 mars 2003.

Aux termes de ces protocoles, d'une part les fournisseurs s'engageaient à verser une indemnité transactionnelle, forfaitaire et définitive et, d'autre part, il était renoncé, pour toutes les entités du mouvement Edouard Leclerc à toute demande d'indemnité complémentaire au titre des relations commerciales entre les années 1999 et 2001.

Estimant que ces accords transactionnels permettaient à la société coopérative Galec de percevoir des rémunérations rétroactives ne correspondant à aucune prestation commerciale réalisée au titre des années 1999 à 2001, le ministre de l'Economie a poursuivi la société coopérative Galec devant le Tribunal de commerce de Nanterre, pour avoir tenté d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu. Le Tribunal de commerce de Nanterre a, par jugement du 15 novembre 2005, annulé les différents accords transactionnels et condamné la société coopérative Galec à la restitution des sommes indûment perçues, soit 23 313 681,51 euros, au Trésor public et "donné acte au ministre de l'Economie de son engagement de restitution au Galec des sommes qui ne pourraient être remises aux fournisseurs".

Saisie en appel, la Cour d'appel de Versailles a, dans un arrêt du 3 mai 2007, déclaré irrecevable l'action en nullité du ministre, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, au motif que cette action constituait une action de substitution à celle des fournisseurs, engagée sans leur assentiment, et a infirmé le jugement sans statuer sur le fond.

Cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi. La Cour de cassation a, le 8 juillet 2008, cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel en considérant que l'action du ministre était "une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence qui n'est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs".

La Cour d'appel de Versailles, saisie sur renvoi, dans un arrêt du 29 octobre 2009, a considéré qu'aucune pratique discriminatoire ne pouvait être imputée aux fournisseurs, les contrats de coopération commerciale leur ayant été proposés par les distributeurs et a constaté que "les accords transactionnels signés en 2002 et 2003 répond(aient) à la seule exigence du Galec et lui (avaient) permis, sans contrepartie, d'obtenir, des fournisseurs, des rémunérations rétroactives ne correspondant à aucune prestation commerciale qu'il aurait réalisée au titre des années 1999 à 2001". Elle soulignait que "ces accords étaient dépourvus de concessions réciproques et s'analys(aie)nt en des accords permettant le bénéfice rétroactif de coopération commerciale, prohibés à peine de nullité par les dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6 II du Code de commerce". Elle a donc confirmé la nullité des différents accords transactionnels prononcée par le Tribunal de commerce de Nanterre, ainsi que la condamnation de la société coopérative Galec au paiement d'une amende civile de 500 000 € et à la répétition des sommes indûment versées, soit 23 313,51 €, ces sommes devant être versées au Trésor public, à charge pour celui-ci de les (...) aux fournisseurs, étant pris acte de l'engagement du ministre de restituer à la société coopérative Galec les sommes qui ne pourraient être remises aux fournisseurs.

Les lettres de renonciation des fournisseurs

Parallèlement à la procédure judiciaire, 17 fournisseurs sur 28 avaient adressé un courrier au Galec, indiquant qu'ils n'entendaient pas se prévaloir de l'action du ministre. Ces courriers étaient rédigés sur un modèle identique et la moitié d'entre eux avaient été adressés alors que la procédure était pendante devant le Tribunal de commerce de Nanterre.

Le remboursement des sommes indument perçues par le Galec au Trésor public et le remboursement des fournisseurs

Le 8 septembre 2010, le Galec a réglé la somme de 23 313 680 euros au Trésor public. Il a, dans plusieurs courriers, demandé au ministère de l'Economie l'identité des fournisseurs qui avaient communiqué leurs coordonnées bancaires et avaient été remboursés. Le ministre de l'Economie a refusé de lui communiquer ces informations, qui lui sont parvenues, le 20 octobre 2010, grâce à un communiqué de presse, puis un certificat du 24 mars 2011, émis par le receveur-percepteur, indiquant que le versement avait eu lieu pour 27 fournisseurs, regroupés sous 21 dénominations, le 22 septembre 2010, la société Fleury Michon n'ayant, quant à elle, pas même communiqué ses coordonnés bancaires. Elle a écrit le 27 mai 2010 à la DGCCRF de Vendée qui lui demandait ses coordonnées bancaires qu'elle s'était engagée, le 19 décembre 2005 auprès du Galec, à ne pas revenir sur leur protocole transactionnel signé le 12 février 2002 entre Fleury Michon et le Galec. Elle a réitéré son refus de communiquer ses références bancaires, dans un courrier du 21 septembre 2010. La somme lui revenant a été consignée à la Caisse des dépôts et consignation sur un compte ouvert à son nom.

Les lettres-type du 29 novembre 2010 du Galec réactivant les renonciations des fournisseurs

Par lettres-type du 29 novembre 2010 envoyées aux fournisseurs, la société coopérative Galec informait lesdits fournisseurs de la procédure qui avait eu lieu et du dispositif de l'arrêt. Elle sollicitait des fournisseurs qu'ils précisent s'ils avaient été destinataires du reversement des fonds par le Trésor public. Si tel était le cas, la société coopérative Galec faisait remarquer qu'un courrier du 2 juin 2004 prenait son plein effet, en ce que les fournisseurs avaient indiqué qu'ils n'entendaient obtenir ni réparation, ni restitution. Ainsi, la société coopérative Galec en concluait que les fonds que les fournisseurs avaient reçus du Trésor public, devaient lui être restitués : "Nous vous prions de bien vouloir nous préciser si vous avez été destinataire du reversement de ces fonds par le Trésor public, en exécution du jugement rendu le 15 novembre 2005 par le Tribunal correctionnel de Nanterre. Si tel est le cas, l'engagement que vous avez pris à l'égard du Galec par courrier en date du 30 avril 2004 par lequel vous nous avez indiqué que votre société n'entendait obtenir ni remboursement, ni restitution, prend son plein effet. Dès lors, il nous apparaît que les fonds que vous avez reçus du Trésor public, devraient lui être restitués puisque votre société n'en est plus créancière. En vous remerciant de nous faire connaître votre position".

Invité à s'expliquer sur ces courriers, M. Daniel Prunier, président du directoire, n'en contestait pas l'existence matérielle dans un courrier du 29 mai 2011, mais refusait de s'en expliquer: "Le Galec ne conteste évidemment pas l'existence matérielle de ces courriers dont l'envoi a été "constaté" par votre administration, ainsi que vous l'écrivez. Contrairement à ce que vous souhaitez, le Galec ne saurait être contraint de s'expliquer sur leurs "tenants et aboutissants" ne serait-ce que sous l'angle du respect des droits de la défense. De plus il n'a rien à "préciser" ou à "expliquer". Par ces courriers, le Galec poursuit l'application de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 29 octobre 2009 quant à son incidence sur le régime d'exécution tel qu'il a été convenu dans la relation bilatérale avec chacun des fournisseurs. Je vous rappelle que les difficultés d'exécution de cet arrêt sont actuellement soumises à deux procédures dont Madame la ministre de l'Economie, représentée par son administration, est partie opposée au Galec, l'une déjà portée devant le juge de l'exécution, l'autre au stade du recours gracieux préalable à la saisine du juge administratif. Le Galec a exprimé et exprimera ses positions dans le cadre exclusif de ce procédures contradictoires et sous leur garantie".

La procédure intentée par le Galec au ministre devant le JEX et le Tribunal de grande instance de Paris

Se prévalant du donné acte du jugement du 15 novembre 2005 ("donné acte au ministre de l'Economie de son engagement de restitution au Galec des sommes qui ne pourraient être remises aux fournisseurs"), la société Galec a assigné le ministre de l'Economie, le 1er mars 2011, devant le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir la preuve de la restitution desdites sommes aux fournisseurs et qu'il soit enjoint la restitution au Galec de la somme de 910 000 euros non remise à la société Fleury Michon. Le ministre a alors fait valoir que pour 27 fournisseurs, le reversement était intervenu le 22 septembre 2010, et que, pour le fournisseur qui avait refusé de communiquer ses coordonnées bancaires, la somme lui revenant (910 000 €) avait été consignée à la Caisse des dépôts et consignations, sur un compte ouvert au nom de cette société. Le juge de l'exécution a relevé que le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre se bornait à donner acte au ministre d'un engagement et n'avait en aucun cas porté condamnation ou injonction à restituer les sommes au Galec. Le Galec a, le 11 juillet 2011, assigné le ministre devant le Tribunal de grande instance de Paris, qui l'a débouté de ses demandes le 14 mai 2013.

Dans une décision du 13 mai 2011 (QPC 2011-126), saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité dans une affaire Système U, le Conseil constitutionnel a validé le procédé de restitution mis en place par l'intermédiaire du Trésor public : "Considérant, d'une part, que les condamnations à restitution et, le cas échéant, à paiement de dommages et intérêts sont prononcées par jugement en conséquence de l'annulation des clauses illicites : que, par suite, doit être rejeté comme inopérant le grief tiré de l'atteinte au droit de propriété de la personne condamnée ; Considérant, d'autre part, qu'en application des dispositions contestées, les sommes indûment perçues et les indemnités sont versées au partenaire lésé ou tenues à sa disposition, que, dès lors, il n'est porté aucune atteinte au droit de propriété de ce dernier". Le Conseil constitutionnel a à cet égard, écarté les prétentions de Système U qui souhaitait récupérer les sommes consignées, mais non réclamées par les victimes. Le commentaire effectué par les services du Conseil constitutionnel, figurant sur son site Internet, expose que la protection constitutionnelle contre les atteintes à la propriété privée "ne peut logiquement bénéficier qu'aux personnes qui sont légalement propriétaires des biens. Dès lors, une personne condamnée en justice à restituer des sommes indûment perçues ou à verser des dommages et intérêts à la suite de pratiques illicites ne saurait utilement invoquer la méconnaissance du droit de propriété pour récupérer ce montant. C'est la raison pour laquelle le grief invoqué par les sociétés requérantes tiré de l'atteinte au droit de propriété de la personne condamnée a été rejeté comme inopérant par le juge constitutionnel". Le sort des sommes non réclamées n'est pas prévu par la loi et donc elles ne peuvent, en l'absence de texte être davantage récupérées par l'Etat. Les règles de la répétition de l'indu s'appliquent donc et le mécanisme mis en place par le Trésor consistant à consigner les sommes non réclamées au nom de celle-ci satisfait à ces règles.

Le jugement déféré

Par acte introductif d'instance du 22 août 2011, le ministre de l'Économie a assigné la société coopérative Galec devant le Tribunal de commerce de Paris, sur le fondement des articles L. 442-6 I 1° et L. 442-6 I 2° du Code de commerce.

Par le jugement présentement déféré, le tribunal a fait droit à ses demandes, sauf sur le montant de l'amende civile, restée fixée au quantum de 1 000 000 €, alors que le montant requis par le ministre était de 2 000 000 €. Le tribunal a estimé que "l'ultime démarche tentée par le Galec qui intervient en novembre 2010, c'est-à-dire durant la période de renégociation des contrats avec les fournisseurs pour l'année suivante, s'interprète comme l'exercice de pressions abusives sur ces derniers (...) pour tenter de les soumettre à une obligation de restitution des sommes qu'ils ont récupérées auprès du Trésor public et, ce, au mépris d'une décision de justice" ; il ajoute que "la démarche de la SC Galec revient à enjoindre aux fournisseurs de renoncer à leurs créances résultant des sommes qui doivent leur être restituées au titre des décisions de justice intervenues".

Il conclut en soulignant que "cette démarche constitue une tentative de soumettre à son profit les fournisseurs à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ce qui contrevient aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 2 du Code de commerce".

L'arrêt de la Cour européenne des Droits de l'Homme

Par une décision d'irrecevabilité du 17 janvier 2012, la Cour européenne des Droits de l'Homme a déclaré irrecevable la requête du Galec, fondée sur la violation de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, l'action en substitution du ministre ayant eu pour effet, selon le Galec, d'"usurper le droit d'agir en justice des fournisseurs, entraînant l'iniquité du procès dans lequel elle était défenderesse".

Sur l'incident de procédure

Considérant que dans ses conclusions de procédure du 17 juin 2013, le Galec demande à la cour de céans de déclarer irrecevables les conclusions du ministre de l'Economie signifiées le 28 mai 2013 à 17 heures 27, soit après l'ordonnance de clôture, rendue selon les indications RPVA à 13 heures ; que par avis en date du 28 mai 2013, à 13 heures 45, le greffe a avisé le représentant de la société coopérative Galec de ce que l'ordonnance avait été effectivement rendue et lui en a adressé une copie ; que suivant courriel en date du 28 mai 2013, 17 heures 27, le ministre a notifié ses écritures au représentant de la société coopérative Galec ; qu'il soulève, en application de l'article 783 du Code procédure civile, l'irrecevabilité de ces conclusions, notifiées postérieurement à l'ordonnance de clôture ;

Considérant que le ministre de l'Économie demande à la cour de céans, dans ses conclusions en réponse du 17 juin 2013, de constater que le dépôt des conclusions n° 4 du ministre effectué le 28 mai 2013 a été réalisé dans le respect de la date limite de clôture des échanges définie dans la lettre de report de l'ordonnance de clôture de la Cour d'appel de Paris datée du 21 mai 2013, de rejeter la demande de la société coopérative Galec formulée dans ses conclusions datées des 13 et 17 juin 2013 et de condamner la société coopérative à lui verser de ce chef une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que si l'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mai 2013, à 13 heures, soit avant la remise des conclusions n° 4 du ministre, il faut considérer, le ministre n'étant pas doté de l'accès à l'e-barreau et bénéficiant pour l'heure de la faculté de déposer ses conclusions en version papier, et ne connaissant, par conséquent, pas l'heure de la clôture, qu'il pouvait légitimement croire pouvoir encore conclure le 28 mai 2013 et présumer l'antériorité des conclusions ; que la société Galec ne démontre pas en quoi il serait fait échec au principe du contradictoire, ces conclusions ayant pour seul objet de répondre aux conclusions du Galec du 27 mai, communiquées la veille de l'ordonnance de clôture et invoquant un moyen nouveau, tiré de l'absence d'information des fournisseurs de la procédure en cours, alors que le ministre solliciterait l'annulation d'un acte illicite ; que par la note incriminée, le ministre précise qu'il n'a pas intenté d'action en nullité et communique, en réponse à ce moyen nouveau, les lettres envoyées aux fournisseurs par le ministre le 11 août 2011, les informant de son action à l'encontre du Galec ; que ces lettres avaient été annexées à l'assignation signifiée au Galec devant le Tribunal de commerce de Paris et ne sont donc pas nouvelles pour le Galec, qui ne peut prétendre ne pas les avoir reçues en temps utile ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu d'écarter des débats ces conclusions et les pièces ;

Sur l'irrecevabilité prétendue de l'action du ministre

Considérant que le Galec expose que l'action en cessation des pratiques implique implicitement d'en prononcer la nullité et qu'ainsi, le ministre aurait dû en informer les fournisseurs ;

Mais considérant que l'action en cessation des pratiques consiste à faire constater l'illicéité d'une pratique et à la faire cesser ; qu'elle se rattache donc exclusivement à l'action répressive du ministre, visant à rétablir l'ordre public économique, de même que la demande d'imposition d'une amende civile ; que cette action en cessation existait dès l'origine de l'action du ministre, dans l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que les actions en nullité, en répétition de l'indu et en réparation du ministre résultent, quant à elles, de la loi LME de 2008, et sont intentées dans le cadre d'une action autonome du ministre, selon le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation ; que cette action autonome vise à la réparation du préjudice subi par les fournisseurs, qui n'ont pas à y consentir, mais doivent seulement en être informés, compte tenu des conséquences patrimoniales qu'elle pourrait revêtir ; que le Conseil constitutionnel a en effet, dans sa décision du 13 mai 2011, rendue sur question prioritaire de constitutionnalité QPC 2011-126 bien distingué l'action en cessation des pratiques, des actions en nullité, réparation et répétition de l'indu, dont d'ailleurs les saisissants avaient exclusivement saisi la haute juridiction : "Considérant, en second lieu, qu'il est loisible au législateur de reconnaître à une autorité publique le pouvoir d'introduire, pour la défense d'un intérêt général, une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l'ordre public ; que ni la liberté contractuelle ni le droit à un recours juridictionnel effectif ne s'opposent à ce que, dans l'exercice de ce pouvoir, cette autorité publique poursuive la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés, dès lors que les parties au contrat ont été informées de l'introduction d'une telle action ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte aux exigences constitutionnelles susvisées" ;

Considérant qu'en l'espèce, le ministre ne demande que la cessation des pratiques et le prononcé d'une amende civile, hypothèses non concernées par les exigences procédurales posées dans la décision du Conseil constitutionnel ; que ce moyen manque donc en droit, mais aussi en fait, le ministre justifiant par ailleurs avoir dument informé les fournisseurs de son action, en août 2011, par la production aux débats des lettres envoyées à ceux-ci ; que l'action du ministre de l'Economie est donc bien recevable;

Sur les pratiques

Sur la tentative de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties

Considérant que le ministre de l'Économie soutient que l'envoi aux fournisseurs, par le Galec, des lettres-type du 29 novembre 2010 constitue une tentative de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que ces lettres-type rappelaient qu'ils avaient par avance renoncé à l'action en nullité contre les transactions annulées, dans des courriers envoyés de 2004 à 2006 et concluaient que les fonds qu'ils avaient reçus du Trésor public devaient être restitués au Galec ; que ces courriers allaient jusqu'à affirmer que les fournisseurs ne seraient pas créanciers des sommes dont la restitution avait été prononcée par le Tribunal de commerce de Nanterre en 2005 et la Cour d'appel de Versailles en 2009 ; que la société coopérative Galec aurait, par l'envoi desdits courriers, tenté de soumettre les fournisseurs à une obligation (restitution de la somme reçue au mépris d'une décision de justice et de leur intérêt social) créant un déséquilibre significatif (renonciation du fournisseur au bénéfice d'une créance au profit de la société coopérative Galec) ; que ce déséquilibre serait renforcé par les pressions exercées par le directeur de la société coopérative Galec sur les fournisseurs au moyen d'appels téléphoniques et par le contexte de la période concernée, qui correspondait aux négociations commerciales de fin d'année ;

Considérant que le Galec soutient que ni l'élément de coercition ni le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ne sont établis ;

Considérant que l'article L. 442-6 1 2° dispose : "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...) 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties" ; que le Conseil constitutionnel, saisi le 15 octobre 2010 par un arrêt de la Cour de cassation (Chambre commerciale, n° 1137), d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), posée par la société Etablissements Darty et Fils, et relative aux dispositions du 2° du paragraphe I de l'article L. 442-6 du Code de commerce, a considéré dans une décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011 que "le législateur s'est référé à la notion juridique de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui figure à l'article L. 132-1 du Code de la consommation reprenant les termes de l'article 3 de la directive 93-13-CEE du Conseil du 5 avril 1993 susvisée" et "qu'en référence à cette notion, dont le contenu est déjà précisé par la jurisprudence, l'infraction est définie dans des conditions qui permettent au juge de se prononcer sans que son interprétation puisse encourir la critique d'arbitraire" ;

Considérant qu'il en résulte que, dans les contrats conclus entre professionnels, sont abusives les clauses ou pratiques qui tendent à créer, au détriment d'une des parties, un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat ;

Considérant que la caractérisation de l'incrimination suppose la réunion de deux éléments constitutifs : la tentative de soumission d'un partenaire à une pratique, et le résultat de cette tentative de soumission, à savoir l'instauration d'un déséquilibre significatif ;

Considérant que le résultat de la tentative de soumission, c'est-à-dire le déséquilibre significatif, peut être établi par l'absence de réciprocité ou la disproportion entre les obligations des parties ;

Sur la tentative de soumission

Considérant que la SC Galec expose que le ministre dénature les faits en évoquant des pressions abusives et des injonctions faites aux fournisseurs ; qu'elle expose qu'aucune des lettres adressées à ceux-ci ne comportait de caractère comminatoire ; que concernant les appels téléphoniques, le dossier ne comporterait qu'une seule déclaration de fournisseur à charge, qui ne pourrait suffire à elle-seule à caractériser la tentative de soumission, étant dépourvue de toute crédibilité ;

Mais considérant que la tentative de soumission ne suppose pas l'exercice de pressions irrésistibles ou de coercition, mais plutôt l'existence d'un rapport de force économique déséquilibré entre les parties dont il se déduit la soumission du partenaire, influencé par de simples suggestions, invitations fermes ou pressions ; que le ministre de l'Economie soutient à juste titre que "le marché de la distribution est structurellement déséquilibré" et caractérisé par une concentration élevée des opérateurs, proche de celle d'un oligopole ; qu'au premier semestre 2009, les six principaux groupes, tous d'origine française, Auchan, Carrefour, Casino, E. Leclerc, ITM Entreprises et Système U détenaient près de 85 % de parts de marché ; que face à cet oligopole, les fournisseurs, atomisés, ne peuvent utilement contrebalancer cette puissance d'achat, 3 % des fournisseurs seulement constituant de grands groupes ; que cependant, même ces fournisseurs importants ne peuvent se permettre d'être déréférencés par un distributeur comme Leclerc, qui détient 16,9 % de parts de marché ; que c'est pour rétablir un équilibre structurellement faussé que le législateur a doté le ministre du pouvoir d'agir pour garantir l'"ordre public économique" ; que le rapport de force entre partenaires commerciaux est tel que certains fournisseurs n'osent pas résister aux conditions imposées par les distributeurs et encore moins engager une action en annulation et en responsabilité prévue par la loi ;

Considérant que, dans ce contexte fortement asymétrique, l'envoi de lettres-types appelant les fournisseurs concernés à la restitution des fonds au distributeur, même non revêtues de menaces ou de coercition, est automatiquement perçu comme une injonction directive ; que ces lettres ont d'autant plus de force qu'elles portent la signature de M. Daniel Prunier, président du directoire du Galec ; que les mentions qui y figurent visent à induire en erreur les fournisseurs, en leur faisant croire qu'ils peuvent renoncer à leur créance en faveur du distributeur ; que le rappel, dans ces lettres-types, du donné acte du ministre figurant dans le jugement de 2005 est aussi de nature à induire les fournisseurs en erreur, dans la mesure où ce donné acte est présenté comme "un engagement, judiciairement acté par le tribunal, de restituer au Galec les sommes qui ne pourraient être remises aux fournisseurs" ; que la réactivation d'engagements pris par les fournisseurs en 2004 et 2006, soit bien avant que le jugement les faisant bénéficier des restitutions soit devenu définitif, visait également à habiller, sous une apparence de légalité, la demande du Galec ; que cette présentation habile avait pour objet de tromper les fournisseurs sur la portée du jugement qui les rendait créanciers des sommes indûment perçues par le Galec ; que la pression a été entretenue par des appels téléphoniques de M. Daniel Prunier, ou de ses collaborateurs ; que la société Alliance Océane a déclaré aux enquêteurs que M. Prunier avait appelé la société et révélé que la majorité des industriels n'avaient pas envoyé de RIB à l'administration, ce qui était faux, seule la société Fleury Michon ayant refusé de communiquer ses références bancaires : "En fin janvier, début février M. Prunier nous a directement contactés et notre directeur général, M. Gorwood l'a donc rappelé : M. Prunier voulait savoir si Alliance Océane avait reçu la somme du Trésor public (...). Nous avons appris que Galec entendait saisir l'administration pour obtenir du juge d'exécution la restitution des sommes non perçues : on nous a fait comprendre à l'époque que la majorité des industriels n'avaient pas envoyé de RIB à l'administration" ; qu'ainsi, les fournisseurs étaient incités à s'aligner les uns sur les autres, en ne récupérant pas les sommes mises à leur disposition ;

Considérant que l'incitation de novembre 2010 au non-respect de l'arrêt de 2009 a été anticipée, alors que l'affaire était pendante devant le tribunal de commerce ; qu'en effet, les fournisseurs ont, dès 2004, alors que la procédure était en cours, ou courant 2006, adressé des lettres dans lesquelles ils s'engageaient par avance à renoncer à récupérer les sommes qui leur étaient dues ; que ces lettres ont été envoyées bien avant que le jugement de 2005 soit devenu définitif ; qu'il résulte de la forme de ces lettres, qui sont construites sur le même modèle et contiennent les mêmes expressions, qu'elles ont été inspirées, voire dictées par le Galec ; qu'elles contiennent les formules : "je vous confirme que notre société n'entend pas revenir sur ce protocole d'accord en date du 1er juillet 2002 et ne demande ni remboursement ni restitution" ; que la plupart des fournisseurs concernés par les transactions avaient entrepris la même démarche, ce qui ne peut s'expliquer que par les pressions du Galec, ce que le groupe de mots "je vous confirme", qui renvoie à une demande préalable, atteste ; que le Galec ne peut soutenir que la similitude des lettres proviendrait d'une entente entre les fournisseurs, aucun de ceux-ci ne connaissant l'identité des autres ; que ces lettres, bien qu'antérieures à l'entrée en vigueur de la loi LME, peuvent être retenues comme indices de la pratique sanctionnée, qui a été mise en œuvre en novembre 2010 ; qu'aucune règle de non-rétroactivité ne peut donc être opposée au ministre de l'Economie, s'agissant de la prise en compte de cet indice ; que le responsable d'enseignes de la société Laita a déclaré le 27 avril 2011 aux enquêteurs que c'est bien à la demande du Galec que Laita avait signé la renonciation aux créances attendues : "Le 24 février 2006, la société Laita a signé, à la demande du Galec, un document rédigé par eux et revêtant un caractère d'engagement visant à ne pas percevoir les fonds dans le cas d'une condamnation. A l'époque nous n'avons pas eu le choix quant à la signature de ce courrier d'engagement. Le texte de ce courrier a été préparé par leur soin. Je pense que ce texte a été intégré, par nos services, sur notre papier à en-tête" ;

Considérant, enfin, que ces lettres incitatives de novembre 2010 ont été envoyées au moment où s'engageaient les négociations commerciales ; que si les fournisseurs entendus ont déclaré ne pas avoir parlé de l'affaire avec le Galec pendant ces négociations, ce contexte d'âpres discussions les incitait naturellement à une certaine docilité envers le distributeur ;

Considérant que le Galec a tenté de soumettre ses fournisseurs à sa volonté de récupérer les fonds qu'il avait été condamné à leur restituer ; que le premier élément constitutif de l'infraction est donc réuni ;

Sur le déséquilibre significatif

Considérant que le Galec soutient que les renonciations à la créance résultant d'une décision de justice ne caractérisent en rien un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que ces renonciations sont licites, n'ayant pas été invalidées, n'étant pas contraires à l'ordre public, et aucun vice de consentement n'affectant leur validité ; qu'elles ne peuvent être qualifiées de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties puisque la LME n'est pas rétroactive ; que ces renonciations, prétendument contraires aux intérêts des fournisseurs, ne sont pas dépourvues de contrepartie ; qu'en voulant récupérer les sommes non réclamées par les fournisseurs, le Galec n'a fait qu'exécuter le "donner acte" du jugement du 15 novembre 2005, engageant le ministre ;

Considérant qu'en droit de la consommation, est considérée comme une clause noire, toujours constitutive d'abus, de manière irréfragable, le fait de "Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le non-professionnel ou le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations", en vertu du 6° de l'article R. 132-1 du Code de la consommation ; que l'article L. 132-1 du Code de la consommation précise qu'"eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat", ces clauses noires "doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa" ; que de la même façon est présumée abusive, en vertu des dispositions de l'article R. 132-2, 10° du Code de la consommation, la clause tendant à "Supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges" ;

Considérant qu'il résulte de ces prohibitions que les clauses imposant aux consommateurs la réduction de leur droit à réparation ou à la saisine des tribunaux constituent des clauses abusives en droit de la consommation ; que ces règles peuvent inspirer l'application de l'article L. 442-6 I 2 du Code du commerce ;

Considérant que le ministre de l'Économie soutient à juste titre que, dans la présente espèce, en tentant de soumettre ses fournisseurs à une obligation de restitution des sommes que le tribunal de commerce l'avait condamné à leur restituer au titre de la répétition de l'indu, le Galec a créé un déséquilibre significatif entre les parties ;

Considérant que le seul fait de tenter de faire renoncer les fournisseurs à la restitution des sommes indument versées par eux au Galec, à la suite d'une première infraction du Galec (infraction d'obtention d'avantages sans contrepartie), portant sur des sommes considérables, et étant totalement et évidemment défavorable aux fournisseurs, constitue en soi un déséquilibre significatif entre les parties ; que le Galec ne démontre pas que ce déséquilibre aurait été compensé par une obligation ou une contrepartie pécuniaire qu'il aurait prise en charge ou qu'il participerait de l'économie de ses relations avec ses fournisseurs ;

Considérant que le Galec ne peut se défendre en prétendant que ces renonciations étaient licites, toute partie pouvant renoncer à une créance ou à un jugement ; qu'en effet, la pratique sanctionnée consiste à avoir tenté d'empêcher des partenaires commerciaux, par des pressions exercées sur eux, d'obtenir restitution de sommes indument versées auxquelles ils avaient droit, du fait d'une décision de justice définitive ; que la discussion sur la validité des renonciations effectuées est sans objet, dès lors que ces renonciations n'ont pas été effectuées par les fournisseurs de leur propre chef, mais sous l'influence du Galec ;

Considérant que le Galec ne peut prétendre que les pratiques seraient antérieures à l'entrée en vigueur de la loi LME du 4 août 2008, qui a instauré l'infraction de déséquilibre significatif et ne sauraient, par conséquent, être qualifiées de pratiques de "déséquilibre significatif" ; qu'en effet, les pratiques reprochées au Galec ont consisté dans l'envoi des lettres-types le 29 novembre 2010, par lesquelles il a tenté de faire pression sur les fournisseurs, en leur rappelant des engagements antérieurs, intervenus à une période où le jugement n'était pas encore définitif; qu'aucune application rétroactive de la loi ne peut donc être reprochée ;

Sur l'amende civile

Considérant que l'amende civile doit viser à prévenir et dissuader les pratiques restrictives prohibées, mais lucratives en matière commerciale ; que la gravité du comportement en cause et le dommage à l'économie en résultant doivent être pris en compte ;

Considérant en l'espèce, que la pratique reprochée au Galec constitue un renouvellement de la tentative de récupérer des sommes indument perçues ; que la persistance de ce comportement révèle le caractère insuffisamment dissuasif de la précédente amende de 500 000 euros prononcée en 2005 ; que la gravité de la nouvelle infraction de déséquilibre significatif est accrue par la tentative d'échapper à l'exécution d'un jugement devenu définitif ; que l'attitude procédurale du Galec ne révèle aucune volonté de coopérer avec les enquêteurs, le Galec n'ayant pas même consenti à répondre aux demandes de la DGCCRF lui demandant de s'expliquer sur les faits ; que dans une lettre du 9 mai 2011, le président du directoire a présenté les pratiques en cause sous un angle biaisé, celui de l'exécution du "donné acte" du ministre, qui s'engageait à lui restituer les sommes non perçues par les fournisseurs, alors que l'envoi des lettres-types aux fournisseurs avait pour objet de majorer l'assiette de ces restitutions en les invitant à lui restituer directement lesdites sommes, au nom d'engagements antérieurs ;

Considérant que l'ampleur des pratiques, portant sur un montant global de 23 millions d'euros, n'a cependant pas permis de déboucher sur un résultat effectif, puisque seul un fournisseur s'est abstenu de récupérer les sommes qui lui étaient dues ;

Considérant que la somme de 2 millions d'euros requise par le ministre est compatible avec la capacité contributive du Galec ;

Considérant que le Galec ne peut alléguer sa bonne foi en soutenant que les transactions annulées par le jugement de 2005 avaient pour objet de compenser des pratiques de discrimination tarifaire dont il avait lui-même été victime ; qu'en effet le jugement a définitivement écarté ce moyen de défense, la Cour d'appel de Versailles ayant jugé, le 29 octobre 2009, qu'aucune pratique discriminatoire ne pouvait être imputée aux fournisseurs, les contrats de coopération commerciale leur ayant été proposés par les différents distributeurs ; que le Galec ne peut pas davantage exposer que la jurisprudence sur la nouvelle infraction de déséquilibre significatif n'était pas encore stabilisée en 2010, pour échapper à sa responsabilité, dès lors que la pratique qui lui est imputée constitue un des cas de figure les plus évidents qui puissent se trouver, à savoir l'absence de toute contrepartie à une obligation imposée unilatéralement à l'autre partie, obligation qui vient en fraude au jugement, et au détriment de la partie la plus faible ;

Considérant qu'au vu de ces éléments, il convient de porter à 2 millions d'euros l'amende civile prononcée par les premiers juges ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point ;

Par ces motifs : Déclare l'action du ministre recevable, Confirme le jugement entrepris, sauf sur le montant de l'amende civile prononcée à l'encontre de la société Galec - Société Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc, L'infirme sur ce point, Et, statuant à nouveau, Condamne la société Galec - Société Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc à payer une amende civile de 2 millions d'euros, Condamne la société Galec - Société Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, La Condamne à payer la somme de 3 000 euros au ministre de l'Économie, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.