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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 24 octobre 2013, n° 12-17506

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

ERL (SARL)

Défendeur :

Union départementale des Sapeurs-Pompiers de Seine et Marne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur

Avocats :

Mes Baragan, Demazure, Boccon-Gibod, Coudène, Hanachowicz

TGI Melun, 1re ch. 1er cab., du 3 juill.…

3 juillet 2012

FAITS ET PROCÉDURE

La société Éditions Régionales et Locales - ci-après ERL - est appelante principale du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Melun le 3 juillet 2012 dans le litige qui l'oppose à l'Union départementale des Sapeurs-Pompiers de Seine-et-Marne, association régie par la loi de 1901, - ci-après UDSP 77 -, laquelle est appelante incidente.

Par contrat du 23 janvier 2001, l'association UDSP 77 a donné à la société ERL mandat de commercialiser des encarts publicitaires à paraître dans sa revue et de concevoir cette revue. Les parties ont convenu que la société ERL reverserait à l'association une partie du produit de la vente de ces encarts.

L'association UDSP 77 a, par la suite, renoncé à publier sa revue et a décidé de diffuser à la place un agenda. Aussi, un nouveau contrat, qui s'est substitué au précédent, a-t-il été signé le 8 février 2010.

Par ce contrat, l'association a donné mandat à la société ERL de commercialiser les encarts publicitaires à paraître dans l'agenda et de concevoir cet agenda. Les sommes dues par cette société ont été fixées forfaitairement, à hauteur de 14 000 euros en 2010, 14 000 euros en 2011 et 15 000 euros en 2012.

Le 10 février 2011, l'association UDSP 77 a dénoncé cette convention. La société ERL l'a alors assignée devant le Tribunal de grande instance de Melun et a demandé sa condamnation à lui rembourser des sommes qui auraient été trop perçues durant les années 2007 à 2010, soit 14 212 euros, à lui payer la somme de 82 445 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive des relations contractuelles et la somme de 68 922 euros à titre d'indemnité de clientèle.

L'association UDSP 77 a conclu au rejet de ces demandes en faisant valoir que la résiliation n'avait aucun caractère abusif et qu'elle avait été amenée - compte tenu des manquements de la société ERL à ses obligations, tenant, en particulier, à la mauvaise qualité de l'agenda et au défaut de communication des doubles des contrats publicitaires conclus - à appliquer l'une des clauses du contrat qui en prévoyait, dans ces hypothèses, la résiliation. Elle a contesté tout droit à indemnité pour perte de clientèle, le contrat ne pouvant s'analyser en un contrat de régie publicitaire qui aurait permis à son titulaire de développer une clientèle propre.

Par jugement en date du 3 juillet 2012, le Tribunal de grande instance de Melun a :

- condamné l'UDSP 77 à payer à la société ERL la somme de 15 212 euros au titre des sommes indûment perçues au titre des redevances des années 2007, 2008 et 2009 ;

- condamné ERL à régler à l'UDSP 77 la somme de 1 000 euros au titre du solde de la redevance pour 2010 ;

- prononcé la compensation de ces deux créances ;

- condamné l'UDSP 77 à régler à la société ERL une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- prononcé l'exécution provisoire ;

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Le tribunal a constaté que le contrat entre l'association UDSP 77 et la société ERL prévoyait deux hypothèses distinctes de résiliation : celle de l'article 8, à la disposition des deux parties et pouvant être exercée dans les trois mois "à partir de la date de parution du premier agenda" ; celle de l'article 9, intitulé "Clauses de rupture", conférée à la seule association et devant être justifié par un manquement de la société ERL à ses obligations en matière de délai de livraison, d'engagement financier, de droit de regard de son mandant sur l'édition de l'agenda et de qualité de celui-ci. Il a observé qu'à la lettre même du courrier de résiliation, celle-ci était fondée sur l'article 8 et que l'association n'était "donc pas fondée à alléguer d'autres motifs pour justifier a posteriori la résiliation unilatérale du contrat comme ceux tenant à la qualité de l'agenda".

En ce qui concerne la régularité de la résiliation, il a constaté que le contrat ayant été conclu le 8 février 2010, le "premier agenda" visé par sa clause de résiliation ne pouvait désigner que l'agenda publié après sa conclusion, soit l'agenda 2011 ; la résiliation du 10 février 2011, intervenue dans les trois mois de la publication de celui-ci, s'inscrivait donc dans les prévisions de cette clause contractuelle et ne revêtait ainsi aucun caractère abusif.

Sur la demande de remboursement des redevances qui auraient été indûment versées par la société ERL à l'UDSP 77, le tribunal a jugé, au vu des chiffres d'affaires réalisés en 2007, 2008 et 2009, que l'association avait effectivement perçu des montants supérieurs à ceux fixés par le contrat et l'a, en conséquence, condamnée à rembourser la somme de 15 212 euros.

Le tribunal, par ailleurs, a constaté que pour 2010, la société ERL avait versé la somme, non de 14 000 euros comme le prévoyait le contrat, mais de 13 000 euros et l'a donc condamnée à verser la somme de 1 000 euros à l'UDSP 77.

Sur la demande d'indemnisation pour perte de clientèle, le tribunal, après avoir rappelé que la résiliation décidée par l'UDSP 77 était conforme aux stipulations du contrat, a jugé que celui-ci ne pouvait s'analyser en un contrat de régie publicitaire qui, en permettant à la société ERL de développer une clientèle propre lui aurait ouvert un droit à indemnité, mais constituait un contrat complexe, comprenant à la fois un mandat d'intérêt commun et un contrat d'entreprise. Il a, en conséquence, rejeté la demande sur ce point de la société.

Enfin, le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner le paiement à l'UDSP 77 des sommes reçues par ERL au titre des ordres d'insertion dans l'agenda 2011, faute qu'il soit démontré que ces sommes avaient été versées exclusivement au titre du mandat convenu entre les parties.

Vu l'appel interjeté le 1er octobre 2012 par la société ERL.

Vu les conclusions du 31 décembre 2012 et les conclusions récapitulatives déposées le 18 juin 2013 de la société ERL, par lesquelles il est demandé à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'UDSP 77 à lui payer la somme de 15 212 euros indûment perçue et l'a compensée avec celle de 1 000 euros due au titre du solde de la redevance 2010 ;

- de le réformer en ce qu'il a débouté la société ERL de ses autres demandes ;

En conséquence,

- de la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes ;

- de dire et juger que le contrat consenti à la société ERL s'analyse en un contrat de régie publicitaire ;

- de dire et juger que l'UDSP 77 a rompu brutalement et de façon injustifiée le contrat intervenu avec la société ERL ;

- de condamner l'UDSP 77 à payer à la société ERL la somme de 82 445 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation abusive du contrat et, de façon subsidiaire, condamner l'UDSP 77 à payer à la société ERL la somme de 61 833,74 euros à titre d'indemnité de clientèle ;

En tout état de cause,

- de condamner l'UDSP 77 à payer à la société ERL la somme de 68 922 euros à titre d'indemnité de clientèle ;

- de dire et juger l'UDSP 77 mal fondée en ses demandes et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- de condamner l'UDSP 77 à payer à la société ERL la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La société ERL soutient avoir droit à l'indemnité de clientèle que le tribunal lui a refusée, en faisant valoir que la qualification de mandat d'intérêt commun, qu'elle approuve, n'exclut nullement un droit à indemnisation du préjudice que lui a causé la rupture du contrat, que celle-ci ait ou non un caractère fautif. Elle demande, en conséquence, que l'association UDSP 77 soit condamnée à lui verser une indemnité de clientèle fixée en référence aux usages professionnels : elle invoque à ce titre les règles d'évaluation arrêtées par la Fédération nationale de la publicité et qui consistent à calculer cette indemnité en appliquant des taux annuels à la différence en volume entre le chiffre d'affaires réalisé à la prise de clientèle et le chiffre d'affaires de la dernière année d'exploitation. Le recours à cette méthode conduit la société ERL à demander le paiement de la somme de 68 992 euros.

Sur la résiliation du contrat, elle indique que le texte de l'article 8 fixant le droit de résiliation des parties avait été adressé à l'association, sous forme de projet d'avenant, dès le 6 juillet 2009, donc avant la publication de l'agenda 2010 et que diverses contraintes ont fait qu'il n'avait été "régularisé" que le 8 février 2010. Elle en déduit que le "premier agenda" visé par la clause de résiliation doit s'entendre de l'agenda 2010, et qu'en conséquence le droit de résiliation avait expiré le 31 mars 2010. Elle demande donc à la cour d'infirmer sur ce point le jugement attaqué, le tribunal ayant jugé par une mauvaise appréciation des faits que le délai de résiliation courait à compter de la publication de l'agenda 2011.

La société ERL fait valoir, par ailleurs, qu'aucun manquement à l'exécution de ses obligations ne peut lui être reproché, ni en ce qui concerne le paiement des redevances dues à l'association, ni en ce qui concerne la communication à celle-ci des documents prévus par le contrat. Il en résulte qu'en rompant fautivement ce contrat, l'UDSP 77 lui a causé un préjudice en la privant du chiffre d'affaires qu'aurait normalement procuré la poursuite de leurs relations jusqu'au terme convenu, soit le 8 février 2013. Elle évalue à ce titre l'indemnité qui lui est due à 82 445 euros.

Vu les conclusions signifiées le 26 février 2013 et le 3 juillet 2013 par l'association UDSP 77, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la société ERL à régler à l'UDSP 77 la somme de 1 000 euros au titre du solde de la redevance de l'année 2010 ;

- débouté la société ERL de sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et abusive du contrat d'édition du 8 février 2010 ;

- débouté la société ERL de sa demande de règlement d'une indemnité de clientèle ;

- infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné l'UDSP 77 à régler à la société ERL la somme de 15 212 euros TTC (soit 14 212 euros après compensation des sommes) au titre des sommes indûment perçues au titre des redevances des années 2007, 2008 et 2009 ;

- débouté l'UDSP 77 de sa demande relative au remboursement d'une somme de 12 510,36 euros TTC correspondant aux ordres d'insertion de l'agenda 2012, alors que celle-ci a dû prendre ses dispositions pour assurer la parution de l'agenda 2012, en lieu et place de la société ERL ;

et statuant à nouveau,

- débouter la société ERL de toutes ses demandes, prétentions et moyens ;

- de condamner la société ERL au paiement de la somme de 12 510,36 euros TTC à l'UDSP 77, correspondant aux ordres d'insertion dans l'agenda 2012 dont elle n'a pas assuré la publication ;

- condamner la société ERL à rembourser à l'UDSP 77 la somme de 14 212 euros TTC au titre des sommes indûment perçues au titre des redevances des années 2007, 2008 et 2009;

à titre subsidiaire, si par impossible la cour jugeait la rupture de la convention d'édition n° 2 brutale et abusive :

- juger que la société ERL ne justifie d'aucun élément permettant de déterminer l'indemnité de rupture qui lui serait due au titre d'une rupture brutale et abusive ;

- juger en tout état de cause que la société ERL ne justifie ni dans son principe, ni dans son montant, d'un droit à une indemnité supplémentaire de clientèle ;

En conséquence,

- débouter la société ERL de ses demandes d'indemnisation ;

- dire et juger en tout état de cause que les sommes dues par la société ERL à l'UDSP 77 au titre du solde de la redevance due pour l'année 2010 et en remboursement des ordres d'insertion se compenseront avec toute somme qui pourrait être mise à la charge de l'UDSP 77 dans le cadre de la présente procédure ;

En tout état de cause,

- condamner la société ERL à payer à l'UDSP 77 la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

L'UDSP 77 soutient, et demande sur ce point la confirmation du jugement attaqué, que la résiliation était conforme aux stipulations de l'article 8 du contrat et qu'elle n'avait donc aucun caractère abusif.

Elle ajoute, en tant que de besoin, que la société ERL a commis de nombreux manquements qui constituent, au surplus, des motifs de résiliation au regard de l'article 9. C'est ainsi qu'elle entend démontrer que la société ERL n'a pas respecté ses obligations s'agissant de la qualité de l'agenda 2010, de la communication, à laquelle elle était tenue, des relevés et doubles des contrats publicitaires conclus et, enfin, de versement de la redevance 2010.

Elle conteste tout droit de la société ERL à une indemnité pour perte de clientèle, compte tenu de la nature du contrat qui ne peut s'analyser ni en un contrat de régie publicitaire, ni, à l'inverse de ce qu'a jugé le tribunal, en un contrat d'intérêt commun puisqu'il n'avait pas pour objet le développement de la clientèle de l'UDSP 77, mais seulement la publication et la diffusion gratuite d'un agenda à ses adhérents. Elle fait valoir, au surplus, que l'indemnisation demandée par la société ERL, infondée dans son principe, n'est pas justifiée dans son montant, le recours à la méthode de calcul établie par la Fédération française de la publicité n'étant possible qu'à la condition d'avoir été contractuellement prévue, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En ce qui concerne la demande de dommages-intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies, l'UDSP 77 observe que l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, qui en est le fondement, ne peut lui être opposé puisqu'il ne s'applique qu'aux relations commerciales établies avec un "producteur, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers", et qu'elle n'entre dans aucune de ces catégories puisqu'elle est une association régie par la loi de 1901. Elle conclut donc, pour cette raison, au rejet de la demande et ajoute qu'en toute hypothèse, l'appelante ne démontre ni le caractère brutal ou abusif de la rupture, ni l'existence du préjudice qui en serait résulté, ni le montant des sommes réclamées.

Enfin, elle demande l'infirmation du jugement sur deux points. En premier lieu, elle soutient que la société ERL a encaissé, pour un montant total de 12 510,36 euros, des sommes correspondant à des ordres d'insertion dans l'agenda 2012, alors que celui-ci a été élaboré après la résiliation du contrat et sans son intervention. Elle demande donc que ces sommes lui soient "remboursées". En second lieu, elle fait valoir que le montant des redevances qu'elle aurait prétendument trop perçues pour les années 2007 à 2010, et au remboursement desquelles elle a été condamnée en première instance, n'a jamais été justifié par la société ERL en dépit des demandes qui lui ont été adressées.

Vu la demande de rejet des débats des conclusions signifiées par l'UDSP 77 le 3 juillet 2013

Le 3 juillet 2013, la clôture ayant été fixée au 4 juillet 2013, l'UDSP 77 a signifié de nouvelles conclusions, dite "Conclusions d'intimé n° 2", dont le dispositif est, en tous points, identique aux précédentes.

La société ERL considère cette signification tardive et contraire à l'article 15 du Code procédure civile et, en conséquence, a déposé des conclusions de rejet des débats le 27 août 2013. L'UDSP a, par conclusions en réplique signifiées le 30 août 2013, fait valoir que l'intimé avait lui-même "notifié de nouvelles écritures et pièces" le 18 juin 2013, "soit deux semaines avant la date de clôture fixée (...), plaçant ainsi l'UDSP 77 dans une position délicate pour répondre" et qu'en conséquence, elle n'avait pu déposer ses nouvelles écritures que le 3 juillet, mais avait alors précisé qu'elle ne s'opposerait pas une demande de report.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande de rejet des débats des conclusions que l'UDSP 77 a fait signifier le 3 juillet 2013

La clôture de l'instruction de cette affaire a été fixée, par ordonnance du conseiller chargé de la mise en état, au 4 juillet 2013. Il convient donc de constater que les dernières conclusions de l'UDSP 77, dites "Conclusions d'intimé n° 2", sont recevables puisqu'elles ont été signifiées le 3 juillet, soit la veille de cette clôture. L'examen de ces conclusions, par ailleurs, ne révèle ni prétention nouvelle, ni moyen nouveau, ni élément de preuve qui n'aurait pas déjà été versé aux débats, et auxquels l'appelant n'aurait pas pu répondre. Dès lors, leur signification la veille de la clôture, afin de répondre aux conclusions adverses signifiées le 18 juin, ne peut être considérée comme contraire au principe de la contradiction au seul motif qu'il n'était plus possible à l'appelant d'y répondre. La cour écartera donc comme mal fondée la demande de rejet des débats des conclusions signifiées le 3 juillet 2013.

Sur la résiliation par l'UDSP 77 du contrat qui la liait à la société ERL

Comme les premiers juges l'ont relevé, et comme cela résulte explicitement du courrier du 10 février 2001 qu'elle a adressé à la société ERL, l'UDSP 77 a fondé l'exercice de son droit de résiliation sur l'article 8 du contrat, ce courrier ajoutant, par ailleurs, que "De plus, les engagements mentionnés à l'article 2 ne sont pas respectés". Il convient donc de déterminer si cette résiliation est intervenue aux conditions, notamment de délai, prévues par l'article 8, lequel prévoit que chaque partie peut dénoncer le contrat "suivant un préavis de trois mois à partir de la date de parution du premier agenda".

Sur ce point, la société ERL fait valoir qu'elle avait en réalité envoyé à l'UDSP 77 le texte de cet article, sous forme de projet d'avenant au précédent contrat, dès le mois de juillet 2009, mais que, le texte n'ayant pu être "régularisé" que le 8 février 2010, il n'en était pas moins en vigueur avant la publication de l'agenda 2010. Elle en déduit que c'est donc celui-ci qu'il faut prendre en considération pour déterminer le délai, en conséquence de quoi la résiliation notifiée par l'UDSP 77 en février 2011 ne serait pas conforme aux stipulations du contrat.

La cour ne peut que constater que cette interprétation est contraire à la lettre même de l'article 8, qui prévoit expressément qu'il prend effet "à la date de signature des présentes", soit le 8 février 2010. Dès lors, l'agenda publié après cette date, c'est-à-dire l'agenda 2011, constitue le "premier agenda" visé par cet article. Il en résulte que les parties disposaient, à compter de cette publication, d'un délai de trois mois pour exercer leur droit de résiliation, soit un délai expirant le 31 mars 2011. Notifiée à la société ERL par lettre du 8 février 2011, la résiliation est donc intervenue dans les conditions prévues par l'article 8. Conforme aux stipulations contractuelles, cette résiliation ne revêt dès lors aucun caractère fautif, et le jugement sera sur ce point confirmé, sans qu'il y ait lieu d'examiner si étaient réunies les conditions fixées par l'article 9 du contrat, inapplicable en l'espèce.

Sur la demande de condamnation de l'UDSP 77 à payer à ERL la somme de 82 445 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation abusive ou brutale du contrat

La société ERL fait valoir qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles et que l'UDSP 77, qui n'était donc pas fondée à mettre fin au contrat avant le terme convenu, s'est rendue fautive d'une rupture abusive ouvrant un droit à réparation.

Il vient d'être démontré que la résiliation décidée par l'UDSP 77 était fondée, non sur l'article 9, mais sur l'article 8 et qu'elle était intervenue régulièrement au regard des conditions posées par ce dernier article. En conséquence, la demande de la société ERL doit être rejetée.

Subsidiairement, la société ERL invoque l'application de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce et prétend qu'en résiliant le contrat, l'UDSP 77 a rompu brutalement les relations commerciales entre elles et qu'elle doit donc réparer le préjudice qui en résulte.

Mais, sans qu'il soit besoin de vérifier si la résiliation décidée par l'UDSP 77 présentait les caractères d'une résiliation brutale au sens de cet article, il convient d'observer que les relations qui l'unissaient à la société ERL n'entrent pas dans le champ d'application de cet article, qui vise les relations commerciales établies avec "tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers" ; or, l'UDSP 77 étant une association relevant de la loi de 1901, n'entre dans aucune de ces catégories professionnelles et ne saurait donc voir sa responsabilité engagée sur le fondement de cet article. La demande de la société ERL sera donc rejetée sur ce point.

Sur la demande de condamnation de l'UDSP 77 à payer à ERL la somme de 61 833,74 euros à titre d'indemnité de clientèle

La cour observe d'abord que le contrat passé entre les parties fixe les conditions de sa résiliation mais, dans cette hypothèse, ne prévoit nullement le versement d'une indemnité de clientèle à la société ERL en cas de rupture à l'initiative de l'UDSP 77.

Elle relève ensuite que ce contrat ne pouvait avoir pour objet le développement de la clientèle de l'UDSP 77, puisque l'agenda était, non commercialisé dans le public, mais distribué gratuitement à ses adhérents, sans que l'association en recherche une augmentation de la diffusion. En revanche, la mission confiée à la société permettait à l'UDSP 77, rémunérée par la perception d'une redevance non pas calculée sur la base du chiffre d'affaires réalisé, mais d'un montant forfaitaire fixé par avance, de couvrir les coûts de conception, de réalisation et de distribution de cet agenda. Ce contrat, d'ailleurs dénommé par les parties "Convention d'édition", ne constitue donc pas, ainsi que le tribunal l'a relevé, un contrat de régie publicitaire dans le cadre duquel le régisseur agissant comme mandataire est rémunéré par un pourcentage du prix facturé à l'annonceur et perçu pour le compte du mandant, et ouvrant droit à une indemnité de clientèle. Le jugement sera donc confirmé sur ce point et la demande de la société ERL rejetée.

Sur la demande de condamnation de l'UDSP 77 à payer à la société ERL la somme de 15 212 euros au titre de redevances indûment perçues pour les années 2007, 2008 et 2009

La "Convention d'édition" du 23 janvier 2001, qui régissait les rapports entre les parties jusqu'à la conclusion du contrat du 8 février 2010, prévoyait dans son article 2 que la société ERL verserait à l'UDSP une redevance annuelle dont l'assiette serait le chiffre d'affaires réalisé au titre des contrats publicitaires qu'elle aurait obtenus, et auquel serait appliqué un pourcentage, compris entre 17 et 25 % selon le montant de ce chiffre d'affaires.

Il a été établi devant les premiers juges, au vu notamment des chiffres d'affaires réalisés tels qu'attestés par l'expert-comptable de la société ERL, que la redevance due s'élevait pour les années 2007, 2008 et 2009 à, respectivement, 10 187 euros, 6 945 euros et 6 206 euros, ces montants résultant de l'application, non contestée, des taux contractuels ci-dessus rappelés. L'UDSP 77, cependant, soutient que les bons d'insertion versés aux débats auraient dû être confrontés aux encarts publicitaires, afin de s'assurer de la véracité des chiffres d'affaires retenus, sans toutefois assortir ses réserves sur ce point d'éléments probants de nature à remettre en cause les constatations des premiers juges. Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la demande de condamnation de la société ERL à payer à l'UDSP 77 la somme de 12 510,36 euros TTC correspondant aux ordres d'insertion de l'agenda 2012

Quoique destinés à l'agenda 2012, ces ordres d'insertion ont été recueillis par la société ERL avant la résiliation du contrat. C'est donc conformément aux stipulations de celui-ci que doivent être réglés les comptes entre les parties. A cet égard, il résulte des termes du contrat que la société encaissait les sommes versées par les annonceurs en paiement de leur ordre d'insertion, mais qu'alors elle n'agissait pas comme mandataire ; ces sommes, en effet, étaient encaissées par elle pour son propre compte, à charge de verser à l'UDSP 77 une redevance annuelle, dont le montant était non proportionnel, mais forfaitaire. Le contrat passé entre les parties ne donnait donc aucun droit à l'UDSP 77 sur les sommes versées, lesquelles n'étaient pas recueillies pour son compte. Dans ces conditions, dès lors qu'il est établi que les ordres d'insertion dans l'agenda 2012 ont bien été transmis par la société ERL à l'UDSP 77, celle-ci n'est pas fondée à revendiquer que lui soient attribuées les sommes correspondantes. Il convient donc de confirmer sur ce point le jugement attaqué.

Sur les frais irrépétibles

Au regard de l'ensemble de ce qui précède, il serait inéquitable de laisser à la charge de l'association UDSP 77 la totalité des frais irrépétibles engagés pour faire valoir ses droits et la société ERL sera condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions ; Condamne la société ERL à payer à l'UDSP 77 la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes les autres demandes plus amples ou contraires de parties ; Condamne la société ERL aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.