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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 24 octobre 2013, n° 11-10991

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Thyssenkrupp Ascenseurs (SAS)

Défendeur :

Ascenseurs Distribution Ingénierie et Services (EURL), Deloret (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur

Avocats :

Mes Baechlin, Rigout, Grappotte-Benetreau

T. com. Marseille, du 23 mai 2011

23 mai 2011

La société Ascenseurs Distribution Ingénierie et Services (ci-après Adis), créée le 26 janvier 2007, qui a pour activité la fourniture de pièces d'ascenseurs, a noué des relations commerciales avec la société Thyssenkrupp Ascenseurs, qui assure la vente et la mise en œuvre d'installations d'ascenseurs ainsi que la maintenance et la modernisation du parc existant.

La société Thyssenkrupp Ascenseurs dispose à cette fin d'un réseau d'agences, dont celles du sud de la France placées sous l'autorité de la direction régionale Rhône Alpes Méditerranée ; cette dernière employait comme directeur régional adjoint M. Zalagh, qui avait été auparavant directeur de l'agence de Marseille. Dans le cadre de son poste au sein de l'agence de Marseille, celui-ci avait bénéficié du pouvoir de signer, sans autorisation préalable, les marchés dans la limite de 500 000 € pour les activités d'installation, de modernisation et de travaux et de 100 000 € pour les activités de maintenance, montants, qui passeront à respectivement 800 000 € et 300 000 € à l'occasion de ses fonctions de directeur adjoint.

Cette direction régionale comptait aussi parmi ses salariés Mme Perriot en qualité d'assistante de gestion agence, puis de région, à compter du 1er avril 2009 et M. N'Guyen qui occupait un poste d'agent qualifié de montage et d'entretien et qui avait été promu responsable de secteur au sein de l'agence de Marseille en 2002.

A la suite d'un audit interne, la société Thyssenkrupp Ascenseurs a estimé qu'avait été mis en place, au sein de l'agence de Marseille, un système de fractionnement des ordres d'achats afin qu'ils n'atteignent jamais le seuil de 6 000 € HT, ainsi que le paiement d'acomptes de 70 à 75 %, dépassant les montants habituellement versés ; elle relevait que la société Adis avait bénéficié entre le 1er janvier 2007 et le milieu de l'année 2009 de commandes pour un montant de 850 000 € dont la moitié au seul titre de chantiers relevant de M. N'Guyen.

En juin 2009, la société Thyssenkrupp Ascenseurs, qui estimait que les pratiques anormales relevaient d'une stratégie mise en place par ses salariés avec le concours de la société Adis, a mis fin unilatéralement et sans préavis à ses relations avec celle-ci.

Par acte du 16 septembre 2010, la société Adis a assigné la société Thyssenkrupp Ascenseurs devant le Tribunal de commerce de Marseille afin de la voir condamnée à lui verser la somme de 65 132 €, sauf à parfaire, en réparation du préjudice découlant du gain manqué pendant la période de préavis dont elle a été privée et des difficultés pour réorienter son activité, celle de 40 000 € au titre de la perte de chance et celle de 7 716,34 € au titre de deux factures impayées.

Par jugement en date du 23 mai 2011, le Tribunal de commerce de Marseille a :

- condamné la société Thyssenkrupp Ascenseurs à payer à la société Adis la somme de 25 000 € au titre du préjudice subi pour rupture brutale des relations commerciales, celle de 6 271,82 € TTC au titre du matériel livré, avec intérêt de droit sur ces deux sommes à compter de la citation, et celle de 1 500 € au titre de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire des dispositions du présent jugement, conformément aux dispositions de l'article 515 du nouveau Code de procédure civile,

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.

Vu l'appel interjeté le 10 juin 2011 par la société Thyssenkrupp Ascenseurs.

Par jugement du Tribunal de commerce de Draguignan du 26 mars 2013, la société Adis a fait l'objet d'une liquidation judiciaire et Me Deloret a été nommée liquidateur ; par conclusions du 31 mai 2013, elle est intervenue volontairement à l'instance.

Vu les dernières conclusions signifiées le 21 juin 2013, par lesquelles la société Thyssenkrupp Ascenseurs demande à la cour de :

- constater l'intervention volontaire de Maître Deloret ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Adis et la reprise de la présente instance,

- dire et juger l'appel principal de la société Thyssenkrupp Ascenseurs recevable et bien fondé,

- constater que dans ses conclusions Maître Deloret ès qualités ne reprend pas les demandes formulées par la société Adis au titre de ses dernières conclusions,

- dire et juger dès lors l'appel incident et les demandes de la société Adis irrecevables et à tout le moins infondées,

- infirmer le jugement rendu le 23 mai 2011 par le Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a :

- condamné la société Thyssenkrupp Ascenseurs à payer à la société Adis la somme de 25 000 € au titre du préjudice subi pour rupture brutale des relations commerciales, celle de 6 271,82 € TTC au titre du matériel livré, avec intérêt de droit sur ces deux sommes à compter de la citation, et celle de 1 500 € au titre de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la société Thyssenkrupp Ascenseurs de sa demande indemnitaire pour procédure abusive et de sa demande formée au titre des frais irrépétibles,

- confirmer le jugement rendu le 23 mai 2011 par le Tribunal de commerce de Marseille le 11 mars 2011 en ses autres dispositions,

Et statuant à nouveau :

In limine litis :

- déclarer irrecevables l'appel incident et les demandes de la société Adis en tant qu'elles ne sont pas reprise dans les conclusions de Maître Deloret ès qualités,

par conséquent,

- débouter la société Adis et Maître Deloret ès qualités de leurs demandes, fins et conclusions,

Sur le fond :

A titre principal :

- dire et juger que la relation commerciale entre les sociétés Adis et Thyssenkrupp Ascenseurs ne présentait pas le caractère établi requis pas les dispositions de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, de sorte que la rupture de ces relations n'est pas répréhensible sur le fondement desdites dispositions,

- dire et juger qu'en tout état de cause, la rupture desdites relations était justifiée au titre de l'inexécution par la société Adis de ses propres obligations contractuelles, notamment celle de loyauté posée par l'article 1134 du Code Civil, et qu'en conséquence, sur le fondement même des dispositions de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, ladite rupture n'est pas fautive et n'ouvre droit à aucune indemnisation,

- en conséquence, dire et juger la société Adis et Maître Deloret ès qualités irrecevables en leurs demandes, et, par conséquent les rejeter et les en débouter,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour de céans devait dire et juger d'une part, que la relation commerciale entre les sociétés Adis et Thyssenkrupp Ascenseurs présentait le caractère établi requis par les dispositions de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, de sorte que la rupture de ces relations serait répréhensible sur le fondement desdites dispositions, et, d'autre part, que la rupture desdites relations n'était pas justifiée au titre de l'inexécution par la société Adis de ses propres obligations contractuelles, notamment celle de loyauté posée par l'article 1134 du Code civil, et qu'en conséquence, sur le fondement même des dispositions de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, ladite rupture serait fautive :

- dire et juger que la société Adis et Maître Deloret ès qualités ne rapporte pas la preuve des préjudices que lui aurait causé la prétendue rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Thyssenkrupp Ascenseurs,

en conséquence,

- débouter la société Adis et Maître Deloret ès qualités de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- débouter la société Adis et Maître Deloret ès qualités de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, notamment en ce qu'elles visent au paiement des factures des 14 mai et 27 octobre 2009,

- condamner la société Adis et Maître Deloret ès qualités à payer à la société Thyssenkrupp Ascenseurs une somme de 10 000 € en réparation du préjudice subi, sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile,

- donner acte à la société Thyssenkrupp Ascenseurs du fait qu'elle se réserve le droit d'intenter toute action judiciaire à l'encontre de la société Adis et Maître Deloret ès qualités eu égard aux circonstances de l'espèce,

- ordonner en tant que besoin la restitution des sommes versées par la société Thyssenkrupp à la société Adis au titre de l'exécution provisoire du jugement rendu le 23 mai 2011 par le Tribunal de commerce de Marseille,

- condamner ensemble la société Adis et Maître Deloret ès qualités à payer à la société Thyssenkrupp Ascenseurs une somme de 10 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Thyssenkrupp Ascenseurs considère les demandes formulées par la société Adis comme irrecevables, car elles n'ont pas été reprises dans les conclusions de Maître Deloret ès qualités, qui est intervenue volontairement à l'instance par des conclusions signifiées le 31 mai 2013.

Elle soutient également que ses relations commerciales avec la société Adis n'étaient pas établies, compte tenu du comportement des anciens salariés de la société Thyssenkrupp Ascenseurs, Messieurs Zalagh et N'Guyen, et Madame Perriot, qui ont privilégié de manière anormale et déloyale la société Adis.

Elle estime ensuite que la déloyauté de la société Adis justifiait une rupture immédiate des relations commerciales artificiellement entretenues avec elle par suite des agissements fautifs de ses anciens salariés.

Sur les différents préjudices allégués par la société Adis, elle répond que la rupture sans préavis n'ouvre pas droit à une indemnité dès lors qu'aucun préjudice n'est justifié, comme en l'espèce, la société Adis ne justifiant pas des frais prétendument exposés pour réorganiser son activité et rechercher de nouveaux débouchés et ne produisant pas d'éléments justificatifs du caractère exigible de ses factures.

Elle conclut que l'action de la société Adis est totalement infondée, et constitue donc un abus, et sollicite le paiement d'une somme de 10 000 € pour procédure abusive.

Vu les dernières conclusions signifiées le 27 juin 2013 par lesquelles Me Deloret, ès qualités de liquidateur demande à la cour de :

- dire et juger l'appel incident de la société Adis recevable,

- confirmer le jugement rendu le 23 mai 2011 en ce qu'il a jugé de l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales imputable à la société Thyssenkrupp Ascenseurs,

- constater que les parties ont entretenu des relations commerciales stables pendant 25 ans,

- constater que la société Thyssenkrupp Ascenseurs a rompu brutalement, sans écrit et sans préavis les relations commerciales en juin 2009,

- dire et juger que la relation commerciale entretenue entre la société Adis et la société Thyssenkrupp Ascenseurs est établie au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

- dire et juger qu'aucune inexécution contractuelle ou déloyauté ne peuvent être reprochées à la société Adis,

- dire et juger que la faute de la société Thyssenkrupp Ascenseurs est établie,

- dire et juger qu'aucun préavis n'a été respecté,

- dire et juger que la rupture de la relation commerciale établie entre les parties à l'instance en l'absence de préavis est constitutive d'une rupture brutale des relations commerciales établies au regard des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

- dire et juger que la société Adis rapporte la preuve d'un préjudice,

- En conséquence, débouter la société Thyssenkrupp Ascenseurs de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement du 23 mai 2011 en ce qu'il a évalué la durée du préavis à trois mois et les dommages-intérêts à la somme de 25 000 €,

- dire et juger qu'au regard de la relation commerciale établie entre les parties depuis janvier 2007, de la situation de dépendance économique dans laquelle se trouvait la société Adis vis-à-vis de la société Thyssenkrupp Ascenseurs, la rupture de cette relation commerciale établie aurait dû donner lieu à un préavis d'une durée minimum de 6 mois,

- statuant à nouveau, condamner la société Thyssenkrupp Ascenseurs à verser à la société Adis la somme de 65 132 € en réparation du préjudice découlant du gain manqué pendant la période de préavis dont elle a été privée et des difficultés qu'elle rencontrera pour réorienter son activité,

- confirmer le jugement du 23 mai 2011 en ce qu'il a condamné la société Thyssenkrupp Ascenseurs à payer la somme de 6 271,62 € TTC au titre de la facture du 14 mai 2009,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Adis de sa demande de paiement de la facture du 27.10.2009 relative aux pénalités de retard pour un montant de 1 444,52 €,

- Statuant à nouveau, condamner la société Thyssenkrupp Ascenseurs à verser à la société Adis représentée par son mandataire judiciaire la somme de 1 444,52 € au titre des pénalités de retard,

- En tout état de cause, dire et juger que la procédure engagée par la société Adis n'est pas abusive,

- rejeter la demande de la société Thyssenkrupp Ascenseurs formulée au titre des dispositions de l'article 32-1 du CPC,

- rejeter la demande de condamnation de la société Thyssenkrupp Ascenseurs sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi que sur celui de l'article 699 du CPC,

- condamner la société Thyssenkrupp Ascenseurs au paiement de la somme de 10 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus de l'indemnité allouée à ce titre par le jugement du 23 mai 2011.

La société Adis soutient que la société Thyssenkrupp Ascenseurs a rompu unilatéralement et brutalement les relations commerciales.

Elle en déduit une présomption de faute de la part de la société Thyssenkrupp Ascenseurs, qui ne lui a adressé aucun préavis écrit avant sa rupture.

Elle soutient ensuite que la relation commerciale entre elle et la société Thyssenkrupp Ascenseurs était établie, et ce alors même que les salariés mis en cause n'étaient pas ses seuls interlocuteurs.

Elle précise également que la SCI créée entre MM. Zalagh et N'Guyen, anciens salariés de la société Thyssenkrupp Ascenseurs, et Monsieur Pacos, son gérant, ne faisait aucune concurrence envers la société Thyssenkrupp compte tenu de son objet social, et ne justifiait aucunement une rupture brutale des relations commerciales.

Elle souligne le fait qu'aucune exception d'inexécution ne peut lui être opposée pour justifier la brutalité de la rupture des relations commerciales ainsi que l'absence totale de préavis.

Elle estime en outre qu'un préavis de 6 mois aurait été un délai raisonnable pour rompre la relation commerciale établie depuis 30 mois, et chiffre son préjudice à 65 132 €.

Elle soutient que sa facture est parfaitement établie dans la mesure où il était de pratique habituelle en cas d'urgence de passer des ordres par télécopie ou par téléphone et que les pénalités de retard étant dues de plein droit depuis la loi NRE du 15 mai 2001.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les conclusions de Me Deloret ès qualités :

Considérant que la société Thyssenkrupp Ascenseurs soutient que l'appel incident et les demandes de la société Adis ne sont pas recevables en tant qu'elles ne sont pas reprises dans les conclusions de Maître Deloret ès qualités ;

Considérant que Me Deloret, ès qualités, a fait resignifier les conclusions qui avaient été signifiées par la société Adis le 9 janvier 2012 et par lesquelles celle-ci demandait à être reçue en son appel incident, ayant été notamment déboutée par les premiers juges de sa demande en paiement d'une facture en date du 27.10.2009 pour un montant de 1 444,52 € correspondant à des pénalités de retard ; qu'en conséquence Me Deloret qui a repris ces conclusions en sa qualité de liquidateur de la société Adis et les a fait signifier est recevable, la cour étant saisie par les dernières conclusions signifiées par les parties.

Sur la rupture des relations commerciales :

Considérant que la société Thyssenkrupp Ascenseurs n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière ;

Considérant que la société Thyssenkrupp Ascenseurs fait grief aux premiers juges d'avoir retenu l'existence d'une relation commerciale établie et soutient qu'en tout état de cause la rupture des relations commerciales sans préavis était parfaitement justifiée ;

Qu'elle affirme que, pour qu'une relation commerciale puisse être qualifiée de suivie, stable et habituelle, encore faut-il qu'elle soit loyale et franche, ce qui, selon elle, n'a pas été le cas, dans la mesure où la relation commerciale était plus une relation entre ses salariés, MM. Zalagh et N'Guyen qu'entre les deux sociétés, ceux-ci ayant outrepassé leurs pouvoirs et privilégié de façon anormale la société Adis ;

Que la relation commerciale entre les parties a débuté dès la création de la société Adis, soit en janvier 2007, et s'est poursuivie sans discontinuer jusqu'en juin 2009, soit pendant deux ans et demi ; qu'elle s'est traduite par des commandes signées tant par les salariés incriminés que par d'autres salariés ; que la position de directeur régional adjoint au sein de la direction Rhône Alpes Méditerranée de M. Zalagh plaçait certains salariés sous son autorité ; que, pour autant, des ordres d'achat ont été passés avant sa prise de fonctions comme directeur adjoint et par des salariés pour lesquels il n'est pas démontré un lien de subordination ; que, de plus, celui-ci ne représentait pas la société et était lui-même soumis à des contrôles internes ; que, si la société Adis a bénéficié d'importantes commandes dès le début de son activité, et, si cette situation résulte de liens privilégiés, qui se sont instaurés avec certain de ses salariés, il n'en demeure pas moins que les relations commerciales sont intervenues entre deux sociétés, personnes morales, indépendantes de leurs salariés ;

Qu'il n'est pas contesté que la société Thyssenkrupp Ascenseurs était devenue le principal client de la société Adis au cours de cette période ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu l'existence d'une relation commerciale stable, suivie et donc parfaitement établie ;

Considérant que l'article L. 442-6 dispose "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée : de rompre brutalement même partiellement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale du préavis déterminé en référence aux usages commerciaux, par des accords professionnels" ;

Considérant que la société Thyssenkrupp Ascenseurs a rompu les relations commerciales sans adresser de courrier écrit ; qu'en conséquence, la rupture des relations commerciales a été unilatérale et brutale ; que cette rupture est fautive, quand bien même la société Thyssenkrupp, Ascenseurs argue de fautes de la société Adis ;

Que la société Thyssenkrupp Ascenseurs invoque, d'une part, des fautes de ses salariés, indiquant les avoir licenciés à raison de ces fautes, d'autre part, un manque de loyauté et de bonne foi de la société Adis ;

Que la société Thyssenkrupp Ascenseurs invoque une communauté d'intérêts entre la société Adis et certain de ses salariés, qui s'est traduite par d'importantes commandes selon des modalités contraires aux instructions et process en vigueur au sein du groupe et contraires à ses intérêts, à celui de ses fournisseurs et sous-traitants habituels ;

Qu'elle produit un courrier de la société SDA en date du 20 avril 2009, qui évoque une concurrence déloyale de M. Zalagh et de certains de ses collaborateurs "depuis la création de leur propre société" et un rapport d'audit en date du 22 juin 2009, qui a mis en évidence une pratique consistant à passer le même jour plusieurs commandes pour en fractionner le prix et échapper ainsi au seuil de 6 000 € à compter duquel une délégation était nécessaire ;

Que la référence à une société créée par M. Zalagh ne permet pas d'identifier celle-ci comme étant la société Adis ; que cette dernière conteste le rapport d'audit, faisant valoir que les relations commerciales, qui duraient depuis deux ans, n'avaient donné lieu à aucune observation de la société Thyssenkrupp Ascenseurs à son encontre ;

Considérant que le rapport d'audit est un document interne à la société Thyssenkrupp Ascenseurs qui, s'il met en évidence des commandes fractionnées, ne démontre pas que celles-ci auraient bénéficié exclusivement à la société Adis, ni que les éléments pris en compte soient significatifs, compte tenu de ce que, d'une part les périodes comparées au titre des commandes passées par les différents salariés ne sont pas les mêmes et, d'autre part que les prestations "travaux" n'ont pas été distinguées des prestations au titre du service après-vente ;

Que de plus, si la société Adis a passé des commandes dépassant ce seuil, il n'est pas davantage démontré qu'elle aurait usé de manœuvres pour obtenir l'accord de la société Thyssenkrupp Ascenseurs, ni qu'elle aurait participé à un concert frauduleux qui aurait empêché la société Thyssenkrupp Ascenseurs d'en prendre connaissance ;

Considérant que, si le rapport d'audit met en cause la qualité des prestations réalisées par la société Adis, cette dernière ne justifie d'aucune réclamation de clients, ni d'aucune mise en cause dont elle aurait fait l'objet ;

Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'aucune exception d'inexécution de ses obligations par la société Adis ne justifiait la décision de rupture brutale des relations commerciales.

Sur la durée du préavis :

Considérant que la société Adis considère que le préavis fixé à 3 mois par les premiers juges est insuffisant, invoquant un état de dépendance économique ;

Considérant que la société Thyssenkrupp Ascenseurs fait valoir que les matériels livrés étaient des matériels standards et que la société Adis ne justifie d'aucun investissement, de sorte qu'il lui appartenait de diversifier sa clientèle ;

Considérant que les relations entre les deux parties ont débuté en janvier 2007 ; que la société Adis indique avoir enregistré en 2009, année de la rupture, une perte de chiffre d'affaires de 41,25 % ; que cette perte ne démontre pas que la société Adis était dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de la société Thyssenkrupp Ascenseurs ; qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une spécificité de son activité la liant à la société Thyssenkrupp Ascenseurs et faisant obstacle à sa réorganisation ; que, dès lors, eu égard à la durée de la relation commerciale, un préavis de trois mois était parfaitement adapté ;

Sur le préjudice au titre du préavis :

Considérant que le préjudice indemnisable au titre de ce préavis est égal au montant de la marge brute que la société Adis pouvait escompter au cours de celui-ci ;

Que la société Adis indique avoir réalisé avec la société Thyssenkrupp Ascenseurs un chiffre d'affaires de 391 748 € en 2007 et de 443 936 € en 2008, soit une moyenne annuelle de 385 742 €, et avoir bénéficié d'une marge brute moyenne annuelle de 33,77 %, chiffres dont elle justifie par ses pièces comptables ; qu'elle demande au titre d'un préavis de 6 mois la somme de 65 132 € sans prendre en compte le chiffre d'affaires réalisé au cours des six premiers mois de l'année 2009 qui a été de 214 239 € et qui ne caractérise pas une baisse d'activité et de profit ;

Que le préjudice de la société Adis au regard du préavis non exécuté s'établit donc à la somme de 385 742 x 3 mois x 33,77 % = 32 566 € ; qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a chiffré ce quantum à la somme de 25 000 € ;

Considérant que si la société Adis soutient avoir subi d'autres préjudices, notamment pour avoir dû immobiliser un stock important et pour perte de chance, elle ne formule aucune demande chiffrée et indique ne pas être en mesure de démontrer le lien de causalité directe; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de cette demande ;

Sur la demande en paiement des factures :

Considérant que la société Adis a demandé le paiement de deux factures soit :

* une facture du 27.10.2009 pour un montant de 1 444,52 € correspondant à des pénalités de retard

* une facture du 14.05.2009 d'un montant de 6 271,82 € correspondant à du matériel ;

Considérant que la société Thyssenkrupp Ascenseurs conteste ces factures, faisant valoir que la société Adis n'est pas en mesure de produire l'ordre d'achat correspondant ;

Considérant que la société Adis soutient que les deux sociétés ont travaillé pendant deux ans et demi dans un climat de confiance, de sorte que, dans des situations d'urgence, certains ordres étaient passés par télécopie ou par téléphone et donnaient lieu à l'émission d'un ordre d'achat interne à la société Thyssenkrupp ;

Que la société Adis produit une attestation de M. Lemesle concernant la réception du matériel facturé et une attestation de la société SDA qui indique "nous ne recevons pas non plus les bons de commande nous permettant de facturer les travaux que nous avons réalisés" ;

Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la pratique des ordres d'achat par mail et par télécopie était une pratique courante entre les parties et a condamné la société Thyssenkrupp Ascenseurs à payer la facture du 14 mai 2009 ;

Considérant que le taux de pénalité était stipulé au bas des factures de la société Adis, qui, dès lors, était fondée à en réclamer le paiement ; que c'est donc à tort que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande de paiement de sa facture du 27 octobre 2009.

Sur la demande de la société Thyssenkrupp Ascenseurs pour procédure abusive

Considérant que la société Thyssenkrupp Ascenseurs qui succombe, doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que la société Adis a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Dit Me Deloret ès qualités recevable en l'ensemble de ses demandes, Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne la condamnation de la société Thyssenkrupp Ascenseurs à payer à la société Adis la somme de 25 000 € au titre du préjudice subi pour rupture brutale des relations commerciales et en ce qu'il a rejeté la demande de la société Adis au titre de sa facture du 27.10.2009 pour un montant de 1 444,52 €, Et statuant à nouveau, Condamne la société Thyssenkrupp Ascenseurs à payer à la société Adis la somme de 32 566 € au titre du préavis qui aurait dû lui être accordé, Condamne la société Thyssenkrupp Ascenseurs à payer à la société Adis la somme de 1 444,52 € au titre de sa facture du 27.10.2009, Rejette toute autre demande plus ample ou contraire, Condamne la société Thyssenkrupp Ascenseurs à payer à la société Adis la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Thyssenkrupp Ascenseurs aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.