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Décisions

Cass. com., 22 octobre 2013, n° 12-22.281

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Motoworld (SARL)

Défendeur :

PC Moto (SARL), Kawasaki Motors Europe NV (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Boutet, SCP Bénabent, Jéhannin, SCP Hémery, Thomas-Raquin

T. com. Nancy, du 28 mai 2010

28 mai 2010

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société de droit néerlandais Kawasaki Motors Europe NV (la société Kawasaki) importe et distribue en France des motos de la marque Kawasaki dans le cadre d'un réseau de distribution sélective dont fait partie la société Motoworld, qui bénéficie d'un contrat de concession exclusive pour les "arrondissements" de Nancy, Toul et Lunéville ; que reprochant à la société PC Moto, qui exerce à Nancy une activité indépendante de vente de motocyclettes, d'avoir, en commercialisant des motocyclettes de la marque, participé à la violation d'une interdiction de revente hors réseau et commis des actes de concurrence déloyale à son égard, et à la société Kawasaki d'avoir manqué à ses obligations en ne veillant pas à l'étanchéité du réseau, la société Motoworld les a fait assigner en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Motoworld fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes au titre de la concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) que toute utilisation non autorisée d'un signe distinctif constitue un acte de concurrence déloyale ; qu'en écartant toute concurrence déloyale de la société PC Moto à l'égard de la société Motoworld, concessionnaire exclusif de la marque "Kawasaki", quand elle constatait que la société PC Moto avait utilisé le logo "Kawasaki" à l'occasion d'une opération de commercialisation, peu important que celle-ci n'ait pas donné lieu à une diffusion à l'extérieur des locaux de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que dès lors que la société PC Moto n'était pas concessionnaire de la marque "Kawasaki" et qu'elle ne présentait pas à la vente la totalité de la gamme de la marque dont elle commercialisait les véhicules, il en résultait qu'elle se servait des véhicules de la marque "Kawasaki" comme produit d'appel et qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a toujours pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que l'emploi de l'expression "prix concessionnaire" par un commerçant ne faisant pas partie du réseau de distribution implique nécessairement une comparaison constitutive d'une publicité comparative, de sorte qu'en décidant le contraire, après avoir pourtant constaté que la société PC Moto, qui n'était pas concessionnaire de la marque "Kawasaki", avait fait usage de la mention "prix concessionnaire : 7 199 remise 7 % en bon d'achat moins 503", la cour d'appel n'a de nouveau pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles L. 121-8 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article 1382 du Code civil ; 4°) qu'en affirmant que la mention "prix concessionnaire : 7 199 remise 7 % en bon d'achat moins 503" ne contenait aucun élément de nature à induire en erreur, sans répondre à ses conclusions faisant valoir que les prix indiqués n'étaient pas des "prix concessionnaires", mais des "prix conseillés" de revente par Kawasaki à ses concessionnaires, la cour d'appel a privé son arrêt de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) qu'une pratique commerciale est trompeuse lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur le service après-vente ; que tel est le cas de la présentation d'une garantie de trois ans quand le constructeur n'accorde qu'une garantie de deux années et qu'il n'est pas précisé que l'année supplémentaire de garantie n'est pas accordée par le constructeur, d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait à l'aide d'une considération inopérante, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1, I, 1°, c) du Code de la consommation ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt, qui constate que la société PC Moto n'a utilisé le logo Kawasaki que sur un document disposé dans ses locaux le 11 novembre 2007, à l'occasion de la commercialisation régulière de motocyclettes de la marque, et sans tenter de faire croire qu'elle en était un concessionnaire, retient à bon droit que cette utilisation ne constituait pas un acte de concurrence déloyale ;

Attendu, en deuxième lieu, que c'est à juste titre que la cour d'appel a retenu qu'il ne pouvait être déduit du seul fait que la société PC Moto ne présentait pas la totalité des produits de la gamme de la marque Kawasaki qu'elle s'était servi des véhicules qu'elle commercialisait comme produits d'appel pour la vente d'autres produits ;

Attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre la société Motoworld dans le détail de son argumentation, a retenu que les mentions relatives aux remises consenties par la société PC Moto ne contenaient aucun élément de nature à induire en erreur ; qu'elle a, par ce seul motif, justifié le rejet des demandes du chef de la publicité comparative illicite ;

Et attendu, en quatrième lieu, que c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel a retenu qu'aucun élément du dossier ne démontrait que les informations délivrées par la société PC Moto en ce qui concerne la garantie proposée étaient mensongères ou trompeuses ; d'où il suit qu'inopérant en sa troisième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour rejeter les demandes formées par la société Motoworld au titre de la participation à la violation d'une interdiction de revente hors réseau prévue par l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce, l'arrêt retient que la société PC Moto a justifié avoir acquis durant la période de décembre 2007 à juin 2008 des motocyclettes de marque Kawasaki dans des conditions régulières et qu'il n'est pas établi, dès lors qu'elle n'avait pas à vérifier les conditions dans lesquelles son vendeur avait lui-même acquis les véhicules, qu'elle avait connaissance de ce que l'approvisionnement de ce dernier trouvait son origine dans la violation par un distributeur officiel de l'interdiction de revente hors réseau ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Motoworld qui faisait valoir que ces pratiques se poursuivaient, la société PC Moto continuant à commercialiser des motocyclettes Kawasaki sans justifier de leur origine régulière, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu qu'après avoir retenu qu'aucune faute n'était démontrée à la charge de la société PC Moto, l'arrêt rejette les demandes de la société Motoworld envers la société Kawasaki, "compte tenu de ce qui précède" ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Motoworld qui invoquait des manquements du concessionnaire à son obligation de maintenir l'étanchéité de son réseau, ayant permis à la société PC Moto de la concurrencer sur le territoire concédé, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Motoworld contre la société PC Moto du chef de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce et celles formées contre la société Kawasaki Motors Europe NV, l'arrêt rendu le 25 avril 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Nancy ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.