Cass. com., 22 octobre 2013, n° 12-17.344
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Celcom (SARL), Cardon (ès qual.)
Défendeur :
SFR (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 février 2012), qu'à la suite d'un litige survenu entre la société Française de radiotéléphone (la société SFR) et la société Celcom, un tribunal de commerce a condamné la société SFR à payer à la société Celcom la somme de 112 946,30 euros au titre du solde du compte entre les parties, condamné la société Celcom à payer à la société SFR la somme de 116 266,32 euros au titre du remboursement d'une rémunération indue et ordonné la compensation entre les montants de ces deux condamnations, rejetant en revanche d'autres demandes indemnitaires telle que celle présentée par la société Celcom au titre du manquement de la société SFR à son obligation précontractuelle d'information ;
Sur la recevabilité de la première branche du deuxième moyen, contestée par la défense : - Attendu qu'il ne résulte ni de ses écritures, ni de l'arrêt, que la société Celcom a soutenu en cause d'appel que sa demande indemnitaire fondée sur la modification unilatérale et discriminatoire des accords de coopération tendait aux mêmes fins que les prétentions qu'elle avait soumises aux premiers juges et qu'elle devait, en conséquence, échapper à la prohibition de l'article 564 du Code de procédure civile ; d'où il suit que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et, comme tel irrecevable ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches : - Attendu que la société Celcom et M. Cardon, son mandataire judiciaire, font grief à l'arrêt d'avoir limité la condamnation de la société SFR au paiement de 110 052 euros et d'avoir écarté le surplus des demandes de la société Celcom, alors, selon le moyen : 1°) que le créancier de l'obligation d'information prévue à l'article L. 330-1 du Code de commerce a droit à la réparation du préjudice né de la violation de cette obligation ; qu'en déboutant la société Celcom de ses demandes fondées sur la violation par la société SFR de son obligation d'information prévue par l'article L. 330-3 du Code de commerce aux motifs que la société Celcom devait "être considérée comme un professionnel de la téléphonie mobile nécessairement informé des divers développement de ce marché et du fonctionnement du réseau de distribution auquel elle appartient" de sorte qu'elle "ne démont[rait] pas avoir eu son consentement vicié du fait du défaut d'information précontractuelle, lequel ne l'a donc pas privée des éléments d'appréciation nécessaires à une prise de décision éclairée", sans rechercher, comme elle y était invitée par la société Celcom qui ne poursuivait pas la nullité du contrat, si cette dernière n'avait pas subi un préjudice en raison du manquement, par la société SFR, à son obligation d'information, la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs inopérants pris de l'absence de vice du consentement, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 2°) qu'en toute hypothèse, les compétences du créancier de l'obligation d'information prévue à l'article L. 330-1 du Code de commerce n'exonèrent pas son débiteur de sa responsabilité ; qu'en écartant les demandes formulées par la société Celcom au titre du manquement commis par la société SFR à son devoir d'information aux motifs que la société Celcom devait "être considérée comme un professionnel de la téléphonie mobile nécessairement informé des divers développements de ce marché et du fonctionnement du réseau de distribution auquel elle appartient", la cour d'appel a violé l'article L. 330-3 du Code de commerce, ensemble l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant soutenu dans ses écritures que si l'obligation d'information avait été satisfaite elle aurait pu apprécier les conditions de concurrence, être informée des changements de politique commerciale et ne se serait jamais engagée avec les mêmes contraintes, ce qui justifiait le paiement de 1 007 558 euros au titre du préjudice économique résultant de la concurrence subie, ce dont il résulte qu'elle fondait sa demande sur l'existence d'un vice ayant altéré son consentement, la société Celcom n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses écritures ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que le contrat ne prévoyait aucune clause d'exclusivité au bénéfice de la société Celcom dans sa zone de chalandise et retenu que cette dernière était un professionnel averti au regard de l'expérience acquise dans le domaine de la téléphonie mobile, la cour d'appel, qui n'a pas exonéré la société SFR de sa responsabilité au titre d'un manquement à l'obligation d'information, a pu écarter la demande indemnitaire qui était fondée sur le vice du consentement occasionné par ce manquement ; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé en sa seconde branche ;
Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Celcom et M. Cardon, ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Celcom au paiement de la somme de 405 620,93 euros, alors, selon le moyen, qu'une faute contractuelle n'ouvre droit à l'allocation de dommages-intérêts que si elle cause un préjudice ; qu'en condamnant la société Celcom au paiement de 272 827,65 euros au titre de contrats de téléphonie prétendument enregistrés au mépris des stipulations contractuelles sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces abonnements n'avaient pas généré un chiffre d'affaires de plusieurs dizaine de millions d'euros pour SFR de sorte que nonobstant la faute imputée à la société Celcom, la société SFR n'avait subi aucun préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, dans le cadre d'un calcul de comptes entre parties, que des sommes avaient été indûment versées à la société Celcom à titre de commissions, pour des prestations réalisées par d'autres points de vente, ainsi qu'à la suite de pratiques de dissociation des produits à vendre en pack, effectuées en contravention des clauses contractuelles, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une action en responsabilité mais d'une demande destinée à établir les comptes entre parties, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le premier moyen et les deuxième, troisième, sixième à huitième branches du deuxième moyen ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.