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Décisions

ADLC, 29 octobre 2013, n° 13-D-19

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre par les sociétés Sapec et Weldom dans le secteur du bricolage, des loisirs liés à la maison et de la vente de matériaux de construction et d'éléments d'équipement de l'habitat

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Erwann Kerguelen, rapporteur, l'intervention de M. Étienne Pfister, rapporteur général adjoint, par Mme Claire Favre, présidente de séance.

ADLC n° 13-D-19

29 octobre 2013

L'Autorité de la concurrence,

Vu la lettre, enregistrée le 14 janvier 2011 sous le numéro 11-0011F par laquelle la société Altimat (anciennement Trajectoire) a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés Sapec et Weldom, dans le secteur du bricolage, des loisirs liés à la maison et de la vente de matériaux de construction et d'éléments d'équipement de l'habitat ; Vu le livre IV du Code de commerce modifié ; Vu les décisions de secret des affaires n° 12-DSA-247 du 10 juillet 2012, n° 13-DSA-187 du 20 juin 2013, n° 13-DSA-191 du 26 juin 2013, n° 13-DSA-192 du 26 juin 2013, n° 13-DSA-207 du 15 juillet 2013, n° 13-DSA-210 du 16 juillet 2013, n° 13-DSA-211 du 23 juillet 2013 ; Vu la décision n° 13-JU-03 en date du 10 septembre 2013 par laquelle le président de l'Autorité de la concurrence a désigné, sur le fondement du dernier alinéa de l'article L. 461-3 du Code de commerce, Mme Claire Favre, vice-présidente, pour adopter seule la décision à rendre sur la saisine visée ci-dessus ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, et le représentant de la société Altimat entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 17 septembre 2013, le commissaire du gouvernement ayant été régulièrement convoqué ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LE SECTEUR D'ACTIVITÉ ET LES ACTEURS CONCERNÉS

1. Par courrier du 12 janvier 2011, la société Altimat a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles susceptibles de relever de l'application de l'article L. 420-2 du Code de commerce, en se présentant comme victime d'un abus de position dominante imputable au groupe Weldom, sur le marché de la distribution d'articles de bricolage dans la vallée de la Tarentaise.

2. Plus précisément, la saisine concerne l'exercice d'un droit conventionnel de préemption par le groupe Weldom à l'occasion du rachat par M. X, l'exploitant du magasin sous enseigne Weldom à Aime, d'un autre magasin Weldom implanté dans la localité voisine de Bourg-Saint-Maurice.

1. LE GROUPE WELDOM (MIS EN CAUSE)

3. Le groupe Weldom a pour principale activité la vente au détail d'articles de bricolage. Il a été racheté en 2004 par Adeo, lequel anime principalement trois enseignes : Weldom, Leroy Merlin et Bricoman, détenant chacune respectivement des parts de marché de 4,3 %, 27,2 % et 2,3 % en 2009 (1). Ainsi, le groupe Adeo détenait en 2009, sur le marché national de la distribution d'articles de bricolage, une part de marché de 33,8 % (Tableau 1).

Tableau 1 - Classement des groupes de grandes surfaces de bricolage en France suivant leur part de marché (2)

Groupe / Enseignes / Parts de marché

Adeo / Leroy Merlin, Weldom, Bricoman / 33,8 %

Kingfisher / Castorama, Brico Dépôt / 33,8 %

Mr. Bricolage / Mr. Bricolage, Briconautes, Jardinautes, Catena / 12,9 %

ITM Entreprises / Bricomarché / 11 %

Bricorama / Bricorama, Baktor / 3,4 %

Leclerc / Brico Leclerc, Jardi Leclerc / 2 %

Samse / Entrepôt du Bricolage, Boîte à outils / 1,4 %

4. Si les points de vente sous enseigne Leroy Merlin sont principalement intégrés, ceux sous enseigne Weldom sont essentiellement exploités par des sociétés indépendantes (3), qui, pour la plupart, entretiennent avec le groupe Weldom deux types de relation contractuelle, horizontale d'une part, avec l'adhésion à la coopérative Sapec (a), verticale d'autre part, au travers d'un contrat d'enseigne avec Weldom, anciennement Domaxel Achats & Services (b).

a) La Sapec

5. La Sapec (ou Société pour l'Approvisionnement, la Promotion, et les Études Commerciales) est un groupement coopératif dont l'adhésion constitue dans la plupart des cas une condition préalable à l'affiliation au groupe Weldom à travers le contrat d'enseigne, et dont le fonctionnement est régi par ses statuts et son règlement intérieur.

b) Weldom

6. Afin de se développer, la Sapec a décidé en 1992 de créer une tête de réseau sous la forme de la société anonyme Weldom. Cette société a en charge la gestion du réseau et assume des fonctions de centrale de référencement, d'achats et stockiste. Elle fournit les plans de ventes, ainsi qu'un certain nombre de produits à marque propre. Elle participe aussi à la définition du concept commercial : politique marketing, définition de l'univers du magasin, animation commerciale (campagnes nationales, promotions, catalogues, etc.).

2. LA SARL CORAIL

7. Actuellement, la SARL Corail, une holding, détient les deux sociétés exploitant les points de vente sous enseigne Weldom d'Aime et de Bourg-Saint-Maurice, soit la SA Duchosal pour Aime et la SAS Marc Bataille Matériaux pour Bourg-Saint-Maurice. Le magasin Weldom situé à Bourg-Saint-Maurice était initialement exploité par M. Marc Y.... En 2008, M. Luc X, par l'intermédiaire de la SARL Corail, a acquis la société exploitant ce magasin grâce à l'exercice du droit de préemption figurant au règlement intérieur de la Sapec.

3. LA SOCIÉTÉ ALTIMAT (SAISISSANTE)

8. La société Altimat a pour activité le négoce en matériaux de construction qu'elle distribue à travers neuf points de vente répartis entre le Massif Central et les Alpes. La société a réalisé un chiffre d'affaires de 27 millions d'euros en 2010, contre 42 millions en 2008 au moment des faits (4), notamment en raison de la baisse de la demande générale propre au secteur, ce qui en fait un acteur de taille modeste sur le marché (5).

B. LES PRATIQUES DÉNONCÉES

9. La société Altimat dénonce l'utilisation par le groupe Weldom de son droit de préemption lors de l'opération qui devait initialement lui permettre d'acquérir la SAS Marc Bataille Matériaux. Après avoir décrit le droit de préemption en cause (1), la procédure de rachat ayant abouti à la saisine de l'Autorité et les griefs du saisissant à l'encontre du groupe Weldom seront exposés (2).

1. LE DROIT DE PRÉEMPTION LITIGIEUX

10. Le droit de préemption a été introduit en 1996 par l'article 3-3 du règlement intérieur de la Sapec. Il peut uniquement être mis en œuvre lorsqu'un adhérent de la Sapec cède la majorité des parts ou la totalité de son fonds de commerce.

11. Selon cette disposition, dès qu'un adhérent de la Sapec a trouvé un acquéreur potentiel, il doit le notifier au groupe Weldom et lui communiquer notamment l'engagement d'achat irrévocable du cessionnaire, la date prévue pour la signature des documents définitifs de cession, ainsi que le prix de l'opération.

12. Le droit de préemption est valable pendant toute la durée du contrat d'adhésion à la Sapec et pendant les 12 mois suivants le départ de l'adhérent de cette coopérative (6). Il peut être exercé par la Sapec ou par Weldom en vertu d'une clause de substitution (7). À compter de la notification, le distributeur dispose alors de 90 jours pour l'exercer, sans quoi en l'absence de réponse, il est réputé y renoncer.

13. Si la cession concerne la totalité des parts du fonds de commerce, la préemption n'a pas d'incidence sur le prix, la vente ne pouvant se réaliser qu'à termes équivalents. En revanche, si la cession ne concerne que la majorité des parts, le règlement intérieur prévoit que les partenaires disposent de 30 jours pour convenir ensemble d'un prix, sans quoi il sera déterminé par un expert.

14. Dans le cas où Weldom n'exerce pas son droit de préemption, la vente initialement prévue peut être réalisée mais uniquement suivant le prix et les conditions prévues dans la notification préalable, sans quoi le droit de préemption demeure valable. À ce titre, la Sapec doit être invitée à assister à la signature de l'acte définitif quinze jours francs à l'avance (8).

15. À l'inverse, dans le cas où le droit de préemption est exercé, Weldom peut désigner toute personne physique ou morale comme acquéreur (9). Il doit alors respecter certaines conditions, notamment financières, comme, par exemple, la mise sous séquestre de 10 % de la somme totale de l'opération (10).

2. LA SAISINE PAR LA SOCIÉTÉ ALTIMAT

a) La procédure de rachat de la SAS Marc Bataille Matériaux

16. Fin 2007, souhaitant acquérir la SAS Marc Bataille Matériaux exploitant le magasin Weldom situé à Bourg-Saint-Maurice, la société Altimat a formulé une offre de rachat. Dans ce cadre, bien que n'ayant formulé aucune demande formelle d'agrément, elle souhaitait maintenir l'enseigne Weldom et avait entamé des discussions pour éventuellement passer certains de ses propres points de vente sous cette enseigne (11).

17. Afin de déclencher le délai de purge du droit de préemption de trois mois, le cédant et le cessionnaire ont informé le 23 novembre 2007 le groupe Weldom de leurs intentions, la signature de l'acte définitif étant alors prévue le 31 mars 2008.

18. Cependant, aucune des deux parties n'a communiqué le protocole de vente signé postérieurement le 10 décembre 2007, bien que, d'après le règlement intérieur de la Sapec, il s'agisse d'une obligation préalable au déclenchement du délai d'exercice du droit de préemption. À ce titre, après avoir demandé plusieurs fois la communication des éléments manquants à la SAS Marc Bataille Matériaux (12), le groupe Weldom n'a été en possession de l'ensemble des pièces que le 10 mars 2008.

19. Le 25 mars 2008, le groupe Weldom, par l'intermédiaire de la Sapec, a mis en œuvre le droit de préemption suite à la marque d'intérêt de M. X (13), empêchant ainsi la signature de l'acte définitif de vente au bénéfice de la société Altimat. Le fonds de commerce a ainsi été cédé le 22 avril 2008 (14) à M. X, gérant de la SA Duchosal, exploitant le magasin Weldom d'Aime, soit la zone commerciale la plus proche de celle de Bourg-Saint-Maurice. Afin de bénéficier du droit de préemption, M. X s'est engagé à maintenir le magasin de Bourg-Saint-Maurice sous enseigne Weldom pendant une durée ferme de trois ans (15), la rupture de cet engagement entraînant le paiement d'une pénalité de 845 000 € (16).

b) Les griefs de la société Altimat à l'encontre du groupe Weldom

20. La société Altimat soutient que le droit de préemption mentionné dans le contrat d'enseigne avec Weldom au profit de la coopérative Sapec, combiné à d'autres droits contractuels comme, notamment, l'agrément, la clause de substitution, et la pénalité de sortie (17), permet à ces sociétés de renforcer leur position dominante de manière injustifiée et donc, d'en abuser (18).

21. Antérieurement à sa saisine de l'Autorité de la concurrence, la société Altimat a saisi le tribunal de commerce de Chambéry, lequel a statué par jugement du 15 septembre 2010 (19) en la déboutant de toutes ses demandes parmi lesquelles la contestation de la validité du droit de préemption et l'abus de position dominante exercé par le groupe Weldom. Afin de conclure à l'absence de pratique anticoncurrentielle, le juge met notamment en avant, d'une part, que la société Altimat ne démontre pas la position dominante de Weldom sur le plan local, et d'autre part, qu'elle-même avait pour intention de demeurer sous enseigne Weldom suite au rachat, ayant même discuté le passage de certains de ses propres points de vente sous cette enseigne (20). La société Altimat a interjeté appel de cette décision, et demandé le sursis à statuer dans l'attente des conclusions de l'Autorité de la concurrence, ce qui a été accordé.

II. Discussion

A. LES MARCHÉS CONCERNÉS ET LA POSITION DES OPÉRATEURS SUR CES MARCHÉS

1. DÉLIMITATION DU MARCHÉ DE PRODUITS

22. Eu égard au secteur et à la pratique décisionnelle de l'Autorité de la concurrence en la matière (21), le marché de la distribution de détail d'articles de bricolage comprend les grandes surfaces de bricolage d'une surface supérieure à 300 m² (ci-après "GSB") et les négociants en matériaux de construction disposant d'une surface de vente en libre-service, dédiée aux articles de bricolage, supérieure à 300 m² (ci- après "NEG").

2. DÉLIMITATION DU MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

23. Conformément à la pratique décisionnelle de l'Autorité (22), le marché géographique pertinent sur lequel est actif un magasin de bricolage peut être délimité par un rayon de l'ordre de 15 à 20 minutes en voiture pour les GSB de dimension moyenne (2000 à 3000 m²), qui peut aller jusqu'à 30 minutes en voiture pour les points de vente de superficie beaucoup plus importantes ou présentant une taille relativement plus élevée par rapport aux concurrents immédiats, ou bien encore se trouvant à proximité d'un hypermarché particulièrement attractif. L'Autorité de la concurrence n'a jamais eu à s'interroger sur le périmètre des zones de chalandise des magasins de bricolage de petite surface, comme en l'espèce le magasin d'Aime (23) (511 m²).

24. En l'état des informations dont dispose l'Autorité, les calculs de parts de marché présentés ci-dessous s'appuieront sur l'hypothèse d'une zone d'attractivité des petits magasins de bricolage équivalente à celle des surfaces plus importantes. En effet, si dans la vallée de la Tarentaise, aucune surface commerciale n'est supérieure à 2 000 m², en revanche la nature enclavée de la zone géographique et le caractère intrinsèquement limité de l'offre en articles de bricolage qui en découle peuvent augmenter l'incitation des clients à parcourir une distance plus importante pour réaliser leurs achats. Ainsi, le périmètre des zones de chalandise peut être limité à 20 minutes, sauf en cas de proximité d'Albertville, auquel cas le périmètre peut être étendu à cette zone pour autant que la distance séparant les magasins soit inférieure à 30 minutes. L'analyse sera ensuite affinée en fonction des données concrètes tirées de l'examen des zones de chalandise.

3. LA POSITION DES OPÉRATEURS SUR CES MARCHÉS

25. Comme l'Autorité l'a rappelé à plusieurs reprises (24), le pouvoir de marché d'un groupe de distribution doit s'apprécier en tenant compte des magasins détenus en propre et de ceux exploités en franchise ou affiliés, quel que soit leur statut juridique, dès lors que leur politique commerciale n'est pas suffisamment autonome par rapport au franchiseur ou à la tête du réseau.

26. Le contrat d'enseigne des magasins Weldom prévoit une obligation d'approvisionnement exclusif à 80 % (25), un assortiment préconisé de produits (26) comprenant des produits à marque de distributeur, et le respect de prix maximums conseillés par la tête de réseau (27). Il prévoit aussi la participation du point de vente à l'intégralité des opérations "incontournables" du réseau, lesquelles représentent 80 % des opérations promotionnelles annuelles établies par Weldom (28). Le contrat interdit aussi au magasin de prospecter de manière active la zone concédée à un autre magasin du groupe (29). Weldom bénéficie en outre d'un droit de préemption en cas de cession majoritaire des parts du fonds de commerce. Enfin, s'agissant des conditions de sortie, l'exploitant doit respecter un délai avant de sortir du réseau, dans un contexte où le droit de préemption demeure valable pendant encore un an après sa sortie du réseau.

27. Aussi, en raison de l'accumulation de ces contraintes, la politique commerciale des magasins Weldom n'apparaît pas suffisamment autonome pour considérer chaque point de vente indépendamment de son appartenance à l'enseigne. Cette appréciation a d'ailleurs été confirmée par l'arrêt du Conseil d'État du 23 décembre 2010 (30), qui, constatant que le contrat liant les points de vente à une enseigne de bricolage "les oblige notamment à respecter la politique commerciale élaborée par [le franchiseur] en matière publicitaire, à participer à huit campagnes promotionnelles par an, à s'approvisionner à 80 % de leurs achats auprès des fournisseurs référencés par cette société, à ne pas modifier leur point de vente sans l'accord du franchiseur et à accorder à celui-ci un droit de préemption, de substitution et de préférence en cas de cession de leur magasin [statue que] (...) l'Autorité de la concurrence n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que les magasins franchisés du réseau [du franchiseur] devaient être pris en compte pour apprécier le pouvoir de marché de la nouvelle entité, en dépit de leur statut juridique de commerçants indépendants, de l'absence de participation [du franchiseur] à leur capital et de l'absence, dans la charte du réseau, de stipulation donnant au franchiseur le pouvoir de fixer les prix de vente aux consommateurs".

28. Par analogie, la plupart de ces obligations (soulignées dans le texte plus haut) sont présentes de manière directe ou indirecte (31) dans le contrat d'enseigne Weldom. Par conséquent, bien qu'il s'agisse d'exploitants indépendants, les parts de marché des différents magasins sous enseigne Weldom seront additionnées pour apprécier le pouvoir de marché de l'enseigne sur les zones de chalandise concernées par l'exercice du droit de préemption litigieux. À titre d'information exclusivement, les parts de marché des différents magasins implantés dans les zones de chalandise sont également présentées.

29. Les marchés géographiques susceptibles d'être affectés par l'exercice du droit de préemption litigieux sont ceux sur lesquels sont présents les magasins sous enseigne Weldom implantés à Aime (a) et Bourg-Saint-Maurice (b).

a) La position de Weldom et de la SA Duchosal sur la zone d'Aime

30. Au moment des faits, se trouvaient en première analyse, dans la zone de chalandise du magasin sous enseigne Weldom exploité à Aime par la SA Duchosal, les magasins et enseignes suivants :

<EMPLACEMENT TABLEAU 2> - les magasins présents dans la zone de chalandise du magasin sous enseigne Weldom exploité par la SA Duchosal à Aime

Source : Autorité de la concurrence, à partir de données transmises par Weldom (36)

31. Fin 2007, la part de marché de l'enseigne Weldom sur la zone d'Aime était ainsi de 74,2 %. Il convient en parallèle de relever que la zone d'Aime est peu attractive car elle subit une importante "évasion" commerciale, alors que parallèlement les flux entrants émanant de communes voisines sont négligeables. En effet, 24,1 % des dépenses des habitants d'Aime en articles de bricolage sont réalisées à Albertville et 24,6 % à Bourg-Saint-Maurice (37) (graphique 1). À l'inverse, seulement 3 % des dépenses des habitants de Bourg-Saint-Maurice en articles de bricolage sont réalisées dans la commune d'Aime (38).

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE 1> : l'évasion commerciale sur la zone de chalandise d'Aime

Source : CCI de Savoie

32. Au moment de l'opération de rachat contestée, l'attractivité du magasin d'Aime est donc limitée. En outre, si l'enseigne Weldom dispose sur cette zone d'une part de marché très élevée, le magasin de cette enseigne exploité à Aime par la SA Duchosal ne dispose quant à lui que d'une surface commerciale limitée.

33. Pour autant, l'attractivité des magasins situés à Aime pourrait se développer de manière significative lorsque la zone commerciale dite "des îles" sera achevée, soit probablement fin 2015 (39) une fois les différents recours purgés. Ce projet commercial est porté par la mairie d'Aime qui, après avoir acquis les terrains nécessaires à l'opération, a ensuite procédé à un appel d'offres public pour l'attribution du bail emphytéotique administratif. Dans l'hypothèse où il serait retenu par l'attributaire du projet, M. X disposerait alors d'une surface commerciale de 1 450 m² adossée à un supermarché alimentaire de 2 450 m². Cependant, plusieurs éléments rendent incertaine une telle issue, tant au moment de l'exercice du droit de préemption qu'aujourd'hui (40).

b) La position de Weldom et de la SAS Marc Bataille Matériaux sur la zone de Bourg-Saint-Maurice

34. Au moment des faits, se trouvaient en première analyse, dans la zone de chalandise du magasin sous enseigne Weldom exploité par la société Marc Bataille Matériaux à Bourg-Saint-Maurice, les magasins et enseignes suivants :

<EMPLACEMENT TABLEAU 3> - les magasins présents dans la zone de chalandise du magasin sous enseigne Weldom exploité par la SAS Marc Bataille Matériaux à Bourg Saint Maurice

Source : Autorité de la concurrence, à partir de données transmises par Weldom (43)

35. Si le tableau fait figurer le magasin d'Aime dans la zone de chalandise de celui de Bourg-Saint-Maurice, il convient de relever que la petite taille de cette surface comme la faible attractivité de la zone d'Aime sont susceptibles de limiter l'influence de ce magasin dans le pouvoir de marché que pourrait détenir l'enseigne Weldom. De fait, comme décrit précédemment, seulement 3 % des dépenses des habitants de Bourg-Saint-Maurice en articles de bricolage sont réalisées dans la commune d'Aime.

36. Fin 2007, la part de marché ainsi calculée de l'enseigne Weldom sur la zone de Bourg Saint Maurice était de 67,3 % (59 % si le magasin Weldom d'Aime n'est pas inclus dans le périmètre de la zone de chalandise). Au surplus, l'analyse des flux commerciaux dans le secteur du bricolage de la vallée de la Tarentaise montre que la zone est attractive car d'une part, les flux entrants émanant de la commune voisine d'Aime sont importants (44), et d'autre part, les flux sortants vers d'autres zones concurrentes sont relativement limités (45) (Graphique 2).

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE 2> - l'évasion commerciale sur la zone de Bourg-Saint-Maurice

Source : CCI de Savoie

B. ANALYSE CONCURRENTIELLE DU DROIT DE PRÉEMPTION LITIGIEUX

1. PRINCIPES APPLICABLES

37. La jurisprudence tant européenne que nationale a, à plusieurs reprises, fait application des règles de concurrence aux clauses contractuelles ou aux statuts régissant les relations de franchise entre opérateurs ou les relations entre coopérateurs. Aux termes de cette jurisprudence, la compatibilité des statuts des coopératives avec les règles de concurrence ne peut être appréciée de façon abstraite. Elle est fonction des clauses statutaires particulières de l'association et des conditions économiques constatées sur les marchés concernés (46).

38. S'agissant en particulier d'une clause de non-concurrence à laquelle étaient soumis les membres d'une coopérative, le Conseil de la concurrence a ainsi considéré que "l'application dans le cas d'espèce, pendant trois ans, de la clause de non-concurrence ne peut que dissuader l'adhérent de quitter la coopérative pendant la durée du contrat, quelles que soient les circonstances, et conduit à protéger la coopérative contre toute concurrence potentielle de la part de ses membres ; qu'elle est manifestement excessive au regard de l'objectif poursuivi ; qu'une telle pratique, ayant pour effet de restreindre la concurrence potentielle entre les membres de la société coopérative est contraire aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 [devenu l'article L. 420-1 du Code de commerce]" (47).

39. Par ailleurs, saisie sur la licéité d'une clause de non-réaffiliation de trois ans prévue dans le contrat de franchise entre le groupe Carrefour et un magasin, la Cour d'appel de Paris a jugé qu'en l'espèce la clause était disproportionnée de par son étendue et la généralité de ses termes (48), et ce d'autant qu'elle se couplait à une interdiction de commercialiser des produits sous une autre marque de distributeur que celle du franchiseur. Finalement, les effets de ces dispositions étaient comparables à ceux d'une clause de non-concurrence, alors même que la nécessité de protection du savoir-faire apparaissait limitée eu égard "à la généralité du commerce alimentaire de proximité concerné", dans un contexte où de surcroît la clause n'était limitée ni au local du magasin concerné ni à une durée d'un an, si bien qu'elle n'était pas couverte par le règlement d'exemption n° 330-2010 (49).

40. À l'inverse, dans sa décision n° 11-D-03 du 15 février 2011, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du commerce de gros des fruits et légumes et produits de la mer frais, l'Autorité a considéré qu'une clause de non-réaffiliation de deux ans n'emportait ni objet, ni effet anticoncurrentiel dès lors qu'au regard des circonstances de l'activité concernée, elle n'était pas de nature à empêcher un ancien affilié, auquel il était interdit de s'affilier à un groupement concurrent, de concurrencer les autres opérateurs du secteur (50). Une analyse similaire a été conduite pour le droit de préemption post-contractuel de deux ans accompagnant ladite clause de non-réaffiliation.

41. Par ailleurs, l'Autorité de la concurrence a également eu l'occasion d'examiner les clauses restrictives présentes dans les contrats d'affiliation de la distribution alimentaire dans le cadre de l'avis n° 10-A-26 du 7 décembre 2010 relatif aux contrats d'affiliation de magasins indépendants et aux modalités d'acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire. Dans cet avis, après avoir constaté le degré de concentration élevé d'un certain nombre de zones de chalandise dans le secteur de la distribution alimentaire, l'Autorité de la concurrence a considéré que, dans ce cadre, certains dispositifs contractuels et capitalistiques coexistant au sein d'une même relation commerciale, comme des durées d'engagement relativement longues, des droits d'entrée à paiement différé, des clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence post-contractuelles et des droits de priorité lors des rachats de magasins, pouvaient avoir pour objet ou effet de dissuader l'affilié de sortir du réseau, alors même que cette mobilité inter-enseignes des magasins indépendants pouvait être un facteur important de concurrence entre les groupes de la distribution alimentaire.

2. APPLICATION AU CAS D'ESPÈCE

42. L'exercice du droit de préemption a permis au propriétaire du magasin d'Aime de racheter, au détriment de la société Altimat, le magasin sous enseigne Weldom implanté dans la localité voisine de Bourg-Saint-Maurice.

43. Selon les éléments présents au dossier, la société Altimat avait également pour intention de maintenir le magasin de Bourg-Saint-Maurice sous enseigne Weldom. Son directeur général a ainsi déclaré lors de son audition "nous avons eu des discussions très avancées avec [Weldom] notamment [sur le fait de passer] un certain nombre de points de vente Altimat sous enseigne Weldom. Deux points de vente présentaient un intérêt pour l'installation de la marque Weldom : l'agence de Tulle, et celle de Millau. (...) J'avais l'intention à terme de passer l'ensemble de mes agences sous enseigne Weldom, ce que j'ai déclaré (...) dans le cadre de nos échanges. Dans l'hypothèse d'un passage sous enseigne Weldom, j'avais l'intention de rester avec cette enseigne à long terme. (...) Les conditions pour être adhérents allaient donc de soi. Nous n'avons pas fait de demande spécifique d'agrément. Les seules questions qu'ils nous ont posées étaient de savoir si nous voulions rester sous enseigne WELDOM, [ce] à quoi nous avons toujours répondu invariablement par la positive" (51). Cette intention très claire de la société Altimat de maintenir le point de vente de Bourg-Saint-Maurice sous enseigne Weldom est par ailleurs reprise dans les attendus du jugement ayant débouté la saisissante de ses demandes devant la juridiction commerciale (52).

44. Dans la mesure où la politique commerciale des magasins Weldom n'est pas suffisamment autonome vis-à-vis de la tête de réseau pour considérer chaque point de vente indépendamment de son affiliation à l'enseigne, la concurrence entre les deux magasins d'Aime et de Bourg Saint-Maurice n'a donc pas été affectée à court terme par l'exercice du droit de préemption.

45. En revanche, l'existence de ce droit de préemption et son exercice au cas d'espèce auraient pu avoir pour effet de limiter la faculté des magasins en cause de changer d'enseigne (a). Par ailleurs, en permettant de confier l'exploitation des deux magasins en cause à des sociétés contrôlées par une même personne physique, l'exercice du droit de préemption a pour conséquence probable de priver ces deux magasins de la possibilité d'être exploités sous des enseignes concurrentes, ce qui pourrait avoir pour effet de limiter alors la concurrence susceptible d'exister entre eux (b). Au cas d'espèce cependant, aucun de ces deux risques concurrentiels n'est appuyé d'éléments suffisamment probants.

a) L'effet du droit de préemption sur la faculté des magasins en cause de changer d'enseigne

46. En premier lieu, en l'absence, d'une part, d'obligation post-contractuelle de non-ré-affiliation ou de non-concurrence, et d'autre part, de participation de Weldom au capital des membres de son réseau, le droit de préemption inséré dans le règlement intérieur de la Sapec et, ultérieurement, dans le contrat d'enseigne Weldom, n'empêche pas la mobilité inter-enseignes. L'adhérent est en effet en mesure d'exploiter son magasin sous une autre enseigne une fois le contrat rompu, et ce, tant qu'aucune cession de capital majoritaire n'est entreprise.

47. De fait, les membres du réseau Weldom exploitent effectivement la faculté de mobilité inter-enseignes permise par ces dispositions : alors que le réseau Weldom comptait 236 points de vente en 2011, 49 contrats d'enseigne ont été rompus et 108 adhérents ont quitté la coopérative Sapec en dehors de toute cession du fonds de commerce pour poursuivre une activité entre 2000 et 2011 (53).

48. En second lieu, la durée du droit de préemption post-contractuelle n'est que d'un an, si bien qu'une fois son affiliation rompue, le propriétaire du magasin dispose, à brève échéance, de la possibilité de céder son magasin à l'acquéreur de son choix. Pour ce faire, la société exploitant le fonds de commerce doit résilier le contrat d'enseigne avec Weldom et démissionner de la Sapec, en respectant, à l'époque des faits, un préavis minimum de trois mois (54), désormais d'une année (55), et s'acquitter d'une pénalité (56), qui, au cas d'espèce, aurait été d'environ 125 000 € (57). Passé un délai d'un an (58), pendant lequel l'adhérent démissionnaire peut librement s'affilier à une autre enseigne, l'exploitant peut ensuite librement céder son magasin à l'acquéreur de son choix.

49. S'agissant plus particulièrement du montant de la pénalité, et de son effet sur la mobilité des magasins du réseau Weldom, il convient de noter que toutes les sociétés ayant, entre 2000 et 2011, résilié leur contrat hors cession ou bien dans le cadre d'une cession à une enseigne n'appartenant pas au réseau Weldom, ont dû s'acquitter de ce type de pénalité, si bien qu'eu égard à la mobilité constatée durant la période (59), la pénalité n'entrave pas significativement la mobilité des magasins.

50. Enfin, le droit de préemption a été octroyé à M. X contre son engagement de maintenir le magasin de Bourg-Saint-Maurice pendant trois années fermes au sein du réseau Weldom, entraînant en l'espèce une durée minimale d'affiliation de trois ans et huit mois (60). Cependant, la société Altimat, le repreneur initialement choisi par le propriétaire du magasin de Bourg-Saint-Maurice, avait également pour intention d'adhérer au réseau Weldom (voir § 43), si bien que l'exercice du droit de préemption n'a pas eu pour conséquence d'imposer une enseigne qui n'aurait pas été librement choisie par le repreneur initial du magasin de Bourg-Saint-Maurice.

51. Par ailleurs, la société Altimat aurait été liée à l'enseigne Weldom pour une durée équivalente à celle souscrite par M. X, les contrats Weldom signés à l'époque prévoyant déjà une durée minimale d'engagement de trois ans (61). De plus, ni les dispositions contractuelles actuellement applicables aux deux magasins d'Aime et de Bourg Saint-Maurice (62), ni la structure de l'actionnariat des sociétés de M. X (63), ne sont de nature à limiter de manière significative la mobilité de ces deux magasins à l'issue de la période d'engagement de trois ans et huit mois. Une telle mobilité à la sortie a pour conséquence d'inciter l'enseigne Weldom à procurer aux magasins de la zone des produits et services compétitifs.

52. À cet égard, il convient de relever qu'aucun élément au dossier ne permet de montrer que l'enseigne Weldom aurait tiré profit de son éventuelle position dominante, ou de celle des magasins de la SARL Corail sur les zones de chalandise d'Aime ou de Bourg-Saint-Maurice, pour accroître les prix de cession de ses produits, ou dégrader la qualité des services rendus aux deux magasins et, in fine, aux consommateurs des deux zones. En particulier, durant la période d'engagement de trois ans et huit mois, les conditions d'achats des différents magasins Weldom étant identiques (64), l'enseigne n'a pas pu utiliser la situation concurrentielle privilégiée du magasin de Bourg-Saint-Maurice pour procéder à des hausses de prix ciblées sur ce point de vente, lesquelles auraient ensuite été répercutées vers des consommateurs relativement captifs, eu égard à la position de l'enseigne et des magasins de la SARL Corail sur la zone.

53. De fait, en l'absence de barrière à la mobilité post-contractuelle, l'enseigne avait tout intérêt à maintenir une qualité de service identique pour inciter M. X à rester au sein de son réseau à l'issue de la période d'engagement. L'incitation de Weldom à cet égard se trouvait même renforcée par la détention, par la SARL Corail, de deux magasins, conférant à cette dernière un plus grand pouvoir de négociation vis-à-vis de son franchiseur. Par conséquent, le fait de n'avoir pas pu mettre en concurrence l'enseigne Weldom au moment du rachat du magasin de Bourg-Saint-Maurice n'a pas eu d'effet sensible sur la performance de l'enseigne avec ce magasin, ce qu'illustre son réengagement au terme des trois années et huit mois d'engagement initiaux.

54. En définitive, ni le droit de préemption, ni les autres clauses comme celles relatives aux pénalités n'ont eu d'effet sur la faculté des magasins en cause de changer d'enseigne.

b) L'effet du droit de préemption sur la concurrence inter-enseigne sur les zones de chalandises d'Aime et de Bourg-Saint-Maurice

55. L'exercice du droit de préemption a eu pour effet de permettre à un propriétaire unique de détenir les deux magasins d'Aime et de Bourg-Saint-Maurice. Ainsi, alors qu'auparavant, chaque magasin pouvait adhérer à une enseigne distincte de celle de l'autre point de vente, permettant ainsi à deux enseignes concurrentes de se concurrencer sur ces magasins, il apparaît désormais plus probable que les deux points de vente continueront à l'avenir d'être exploités sous une même enseigne.

56. Au cas d'espèce cependant, la concurrence susceptible d'exister entre les deux magasins d'Aime et de Bourg-Saint-Maurice apparaît intrinsèquement limitée, si bien que l'exploitation de ces deux magasins sous une même enseigne n'entraîne pas de réduction sensible de la concurrence sur la zone.

57. En effet, en premier lieu, la concurrence que pourrait exercer le magasin d'Aime sur celui de Bourg-Saint-Maurice était d'ores et déjà limitée avant l'exercice du droit de préemption du fait de la petite superficie du magasin d'Aime, de la faible attractivité de la zone dans laquelle il est implanté (65), et, eu égard à sa surface de vente, de son éloignement vis-à-vis du magasin de Bourg-Saint-Maurice. La forte rentabilité du magasin de Bourg-Saint-Maurice comparée à celui d'Aime (66) et sa capacité à drainer une part importante de la clientèle de la commune d'Aime (67) témoignent de la faible pression concurrentielle susceptible d'être exercée par le magasin d'Aime sur celui de Bourg-Saint-Maurice.

58. En second lieu, la pression concurrentielle exercée sur la zone d'Aime est demeurée significative après l'exercice du droit de préemption. En effet, en plus de continuer à subir la concurrence des négociants Point P et Samse à Bourg-Saint-Maurice, le magasin d'Aime était également concurrencé par les magasins de bricolage situés dans la zone de Moutiers (68), et d'Aigueblanche (69) jusqu'en septembre 2011 (70), qui subissaient quant à eux la concurrence de plusieurs autres magasins et étaient donc, de ce fait, incités à être compétitifs. L'évasion commerciale subie par la commune d'Aime vis-à-vis d'Albertville, 25 % des achats d'articles de bricolage y étant effectués, atteste également de la concurrence que subit par ce biais le magasin d'Aime. Enfin, du fait de sa petite taille, ce magasin pourrait aisément être concurrencé par un nouvel entrant, aucune autorisation d'urbanisme commercial n'étant nécessaire pour ouvrir une surface inférieure à 1 000 m², ou par une extension des surfaces de vente des négociants consacrées aux articles de bricolage.

59. Dès lors, le probable maintien, à l'avenir, d'une même enseigne sur ces deux magasins, n'est pas susceptible de produire des effets anticoncurrentiels en l'état actuel des implantations commerciales.

III. Conclusion

60. Aux termes de l'article L. 462-8 du Code de commerce, "l'Autorité de la concurrence peut (...) rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants".

61. Or, force est de constater qu'en l'espèce, ni les éléments produits par la saisissante à l'appui de ses prétentions, ni l'analyse menée par le rapporteur à partir de ces éléments n'ont permis de démontrer l'existence de pratiques anticoncurrentielles de la part de Sapec et/ou Weldom résultant de l'exercice de leur droit de préemption.

62. Il résulte de ce qui précède qu'il convient de rejeter la saisine de la société Altimat en application du texte précité.

DÉCISION

Article unique : La saisine enregistrée sous le n° 11-0011F est rejetée.

Notes :

1 Xerfi - Articles de bricolage - septembre 2010 - page 61.

2 Ibid.

3 Xerfi - Articles de bricolage - septembre 2010 - page 62.

4 Cote 139.

5 À titre de comparaison, les acteurs majeurs du secteur comme Point P réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 500 M€ (Étude Xerfi - Matériaux de construction - mars 2010 : les chiffres d'affaires des principaux acteurs sont Point P : 581,9 M€, Comasud : 528,2 M€, La Plateforme : 526,2 M€ - page 91).

6 Article 3-3-5 du règlement intérieur de la Sapec en vigueur en 2007 (cote 953).

7 Article 3-3-3 du règlement intérieur de la Sapec en vigueur en 2007 (cote 951).

8 Article 3-3-4-1 du règlement intérieur de la Sapec en vigueur en 2007 (cote 952).

9 Article 3.3.3 du règlement intérieur de la Sapec en vigueur en 2007 (cote 951).

10 Article 3.3.4.2 du règlement intérieur de la Sapec en vigueur en 2007 (cote 952).

11 Voir § 43.

12 Le 19 décembre 2007 et le 5 mars 2008 (cote 659).

13 Lequel a envoyé un courrier à Weldom le 21 mars 2008, confirmant son souhait d'acquérir le point de vente de Bourg-Saint-Maurice (cote 2634).

14 Date de la signature du protocole d'accord entre le groupe Weldom et M. X (cote 117).

15 Suivant les conditions du protocole d'accord entre Weldom et M. X signé le 22 avril 2008 (cotes 113 à 117).

16 En référence au protocole d'accord précité (cote 116). Cette pénalité correspondrait à plus de 150 % du résultat net de 2007 de la SAS Marc Bataille Matériaux (calcul réalisé sur la base de la liasse fiscale 2007 ramenée sur 12 mois).

17 Cote 9.

18 Cote 8 - La société Altimat met aussi en avant que l'utilisation du droit de préemption par le groupe Weldom serait de nature à entraver son accès au marché de la distribution de détail d'articles de bricolage. Cependant, le magasin de Bourg-Saint-Maurice ne constitue pas pour la société Altimat la seule possibilité de rachat au plan national. Par ailleurs, l'éviction dont se prétend victime la saisissante dans le cadre d'un projet de rachat à Villefranche du Rouergue (cote 11) est extérieure au droit de préemption, la société Altimat n'ayant signé aucun protocole d'accord. De plus, cette situation ne peut illustrer le fait, pour le droit de préemption, de permettre de favoriser des sociétés appartenant au réseau Weldom, dans la mesure où la société finalement choisie était, comme la société Altimat, extérieure au réseau Weldom (cote 144).

19 Cotes 319 à 325.

20 Cotes 323 et 324.

21 Voir notamment § 19 de la décision n° 10-DCC-01 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Mr Bricolage de la société Passerelle.

22 Voir notamment § 20 à 24 de la décision précitée.

23 Cote 2939.

24 COMP-M.2898 Leroy Merlin/Brico, Lettre ministre de l'Economie du 29 août 2002, Mr Bricolage/Tabur ; Lettre du ministre de l'Economie du 7 avril 2004, Leroy Merlin/Domaxel ; Décision n° 10-DCC-01 Mr Bricolage/Passerelle précitée.

25 Article 5-1 du contrat d'enseigne actuellement en vigueur (cote 2409).

26 Ibid.

27 Article 5-5 du contrat d'enseigne actuellement en vigueur (cote 2412).

28 Article 6-3 du contrat d'enseigne actuellement en vigueur (cote 2413).

29 Article 1-4 du contrat d'enseigne actuellement en vigueur (cote 2397).

30 Arrêt du Conseil d'État du 23 décembre 2010 Mr Bricolage contre la décision n° 10-DCC-01 du 12 janvier 2010 de l'autorité de la concurrence.

31 Le contrat d'enseigne ne comporte pas expressément l'obligation de "ne pas modifier [le] point de vente sans l'accord du franchiseur", mais comprend indirectement des obligations s'en rapprochant. En effet, le partenaire doit assurer le respect général de l'image de marque et doit participer à son évolution (article 4-2 du contrat d'enseigne - cote 2404) et doit ainsi plus particulièrement respecter les normes d'installation, d'agencement et de décoration du point de vente (article 4.3 du contrat d'enseigne - cotes 2404-2405), et celles d'exploitation de ce dernier (article 4.4 du contrat d'enseigne - cotes 2405-2406).

Notes du Tableau 2 :

- 32 Ce magasin a fermé en septembre 2011 (cote 631).

- 33 Cote 3026.

- 34 Cote 3026.

- 35 Cote 1071.

- 36 La liste des magasins correspond aux données fournies initialement par Weldom (cote 498) à laquelle a été rajouté le magasin d'Aigueblanche. La réduction éventuelle du périmètre de la zone de chalandise à 15 minutes n'affecte pas significativement le calcul des parts de marché. Elle exclurait seulement de la zone le point de vente Weldom d'Aigueblanche, faisant ainsi passer la part de marché de Weldom de 74 % à 65 %, ne modifiant pas de manière substantielle la position détenue par l'enseigne sur la zone.

37 Étude de la CCI Savoie "Analyse de la consommation en bricolage sur le territoire de la Tarentaise" (cotes 1765 à 1789).

38 Ibid (cote 1773).

39 Estimation de la Socara - actuel titulaire du bail emphytéotique (cote 2674).

40 Ni au moment de l'exercice du droit de préemption, ni actuellement, la possibilité pour M. X d'agrandir son magasin en disposant de la zone affectée au bricolage au sein du projet "des îles" n'a été acquise. S'il a bien signé un accord avec la société Onagan en 2007, cet accord était soumis à plusieurs conditions suspensives qui n'étaient pas levées en mars 2008, soit à la date où le droit de préemption a été exercé (notamment décision d'attribution du projet et accord financier sur les conditions commerciales - cotes 2499 à 2502). En tout état de cause, Onagan n'a pas été retenu par la marie qui a finalement confié le projet à la Socara, laquelle, en revanche, n'a signé aucun accord avec M. X. À ce titre, la Socara indique que s'il existe un accord moral de principe, et que M. X demeure prioritaire sur le dossier du fait du transfert de son magasin, elle ne s'interdit pas de signer avec un autre partenaire qui proposerait des conditions financières supérieures (cotes 2673-2674). Enfin, le groupe de distribution initialement en charge du projet (Casino) a déposé plusieurs recours juridiques à la suite de la décision de la mairie d'attribuer le projet commercial à la Socara, si bien que les travaux ne pourront commencer qu'une fois les différents délais juridiques purgés, soit environ fin 2015 (cote 2674). En définitive, aucun élément matériel, pas plus que les différents recours juridiques ne permettent d'affirmer de manière certaine que M. X pourra agrandir son magasin en disposant de la surface commerciale affectée aux articles de bricolage dans la zone "des îles".

Notes du Tableau 3 :

- 41 Cote 3026.

- 42 Cote 1071.

- 43 La liste des concurrents correspond aux données fournies initialement par Weldom (cote 494) affinées par les services d'instruction. Les points de vente suivants ont été exclus de la zone de chalandise : Réseau Pro d'Aime, car sa surface commerciale affectée aux articles de bricolage est inférieure à 300 m² ; Weldom de Moutiers ainsi que Samse de Salins-Les-Thermes car ils sont distants de Bourg-Saint-Maurice de plus de 20 minutes. Par ailleurs, la réduction éventuelle du périmètre de la zone de chalandise à 15 minutes n'affecte pas le calcul des parts de marché, n'excluant aucun point de vente de l'analyse.

44 25 % des dépenses des habitants d'Aime en articles de bricolage sont réalisées dans la commune de Bourg-Saint-Maurice - Étude CCI précitée (cote 1781).

45 8,7 % des dépenses des habitants de Bourg-Saint-Maurice en articles de bricolage sont réalisées à Albertville, respectivement 9,4 % à Chambéry - Étude CCI précitée (cote 1780).

46 CJCE, 15 décembre 1994, affaire C-250-92, point 31 ; CJCE, 12 décembre 1995, affaire C-399-93, point 10.

47 Cons. Conc., décision n° 00-D-14 du 3 mai 2000, Briques plâtrières.

48 CA Paris du 6 mars 2013 RG n° 09-16817 opposant la société Segurel au groupe Carrefour, et dont les conclusions font notamment référence à l'avis de l'Autorité de la concurrence n° 12-A-15 du 9 juillet 2012 rendu à ladite juridiction sur cette même affaire. Le même raisonnement a été tenu dans une autre décision de la cour d'appel de Paris, la durée de la clause de non-réaffiliation étant en l'espèce d'une durée d'un an (CA Paris du 3 avril 2013 RG n° 10-24013).

49 Article 5-b) du règlement (UE) n° 330-2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées

50 Voir notamment § 104 à 112 de la décision n° 11-D-03 précitée.

51 Cotes 141-142.

52 "Il est symptomatique de constater que la SA Trajectoire (...) ne voyait aucun inconvénient à (...) solliciter son adhésion à l'enseigne Weldom et que pour ce faire elle indique avoir présenté aux dirigeants de cette enseigne, ses différentes implantations pour lesquelles elle formait ce projet, et que de surcroît, dans son projet d'acquisition des titres de la SAS Marc Bataille Matériaux, elle prévoyait de poursuivre l'exploitation du fonds sous cette enseigne" (jugement du Tribunal de commerce de Chambéry du 15 septembre 2010 RG n° 2009-50075, cotes 323-324).

53 Le nombre de sociétés ayant quitté la Sapec sur la période est plus important que le nombre de sociétés ayant rompu leur contrat d'enseigne Weldom. Cette différence tient essentiellement au fait que 53 des 108 adhérents SAPEC n'étaient pas liés par un contrat d'enseigne Weldom, mais étaient membres du réseau "Club Partenaire" (cote 1797).

54 Article 12 des statuts Sapec en vigueur en 2007 (cote 991).

55 Article 12 des statuts Sapec actuellement en vigueur (cote 967).

56 Article 6.4.2 du contrat d'enseigne Weldom en vigueur en 2007 (cote 529).

57 Ce montant correspond à la somme de la prime annuelle générale de fonctionnement et des pertes de bonification annuelle sous forme de ristourne. Il représente 22,6 % du résultat net réalisé en 2007 (calculé sur la base de la liasse fiscale ramenée sur 12 mois) mais moins de 3 % du prix de vente du fonds de commerce (cote 2449).

58 Article 3-3-5 du règlement intérieur Sapec en vigueur en 2007 (cote 953).

59 Entre 2000 et 2011, cela représente 69 contrats d'enseigne (49 hors cession et 20 dans le cadre d'une cession du fonds de commerce à une enseigne n'appartenant pas au réseau Weldom).

60 La durée est de 3 ans et 8 mois car le contrat est de trois ans ferme et ne peut ensuite être résilié qu'à la date anniversaire du 31 décembre 2011.

61 Les contrats d'enseignes applicables à l'époque des faits étaient à durée indéterminée mais ils prévoyaient une durée d'engagement minimale de 36 mois à compter de la signature du contrat, faute de quoi le franchisé devait s'acquitter d'un montant correspondant à 5 % de son chiffre d'affaires hors taxe (article 6-7-3, cote 534). Cette indemnité se cumule avec la pénalité de résiliation du contrat (cote 2926), si bien que la pénalité qu'aurait dû finalement supporter le magasin de Bourg-Saint-Maurice en cas de rupture du contrat avant l'échéance de trois ans se serait approximativement élevée à 315 000 € (sur la base du chiffre d'affaires de 2007 issu de la liasse fiscale ramenée sur 12 mois - cote 1966), soit 57 % du résultat net annuel. Bien que moins élevée que la pénalité acceptée par M. X suite à l'exercice du droit de préemption (d'un montant de 845 000 €), une telle pénalité semble néanmoins de nature à dissuader une sortie du réseau avant l'échéance des trois ans.

62 La durée du contrat d'enseigne est passée de un à trois ans pour l'ensemble des magasins du réseau Weldom (cote 2660). Cependant, les deux contrats ayant été signés à la même date, soit le 21 décembre 2011 (cote 2364 et 2425), leur échéance est identique et la société Duchosal a donc la possibilité de sortir simultanément ses deux magasins du réseau Weldom en mettant fin aux deux contrats en même temps. En ce qui concerne la pénalité de rupture à terme du contrat, elle est désormais égale à 6 mois de cotisation annuelle (cote 2416) sur la base d'un taux de 3,3 % applicable au CA brut (ligne FL de la liasse fiscale - cote 2437). En cas de rupture avant le terme de trois ans, la pénalité est doublée (cote 2417). Au cas d'espèce, et toutes choses égales par ailleurs, cette modification maintient la pénalité à un niveau équivalent de 125 000 € environ en cas de rupture avant le terme, ou la diminue à 62 500 € en cas de rupture au terme du contrat. Le préavis est désormais d'un an minimum (cote 967).

63 Il n'existe aucun contrôle conjoint de Weldom car la totalité du capital social des sociétés concernées appartient directement ou indirectement à M. Luc X, le groupe Weldom ne détient donc aucune participation dans les sociétés de M. X susceptible de lui permettre d'empêcher un changement d'enseigne desdits magasins (cotes 2366 et 2427 concernant la SAS Marc Bataille Matériaux et la SA Duchosal ; cote 2200 concernant la holding des deux sociétés, la SARL Corail).

64 Weldom a confirmé ce point en indiquant que les conditions d'achats de ses adhérents sont identiques pour tous les magasins indépendants sous enseigne Weldom. Seuls varient d'un magasin à l'autre les avantages quantitatifs qui sont fonction des volumes, mais "en tout état de cause, à quantité identique achetée à la même référence, le prix est le même pour tous les magasins Weldom" (cote 2925).

65 Si l'évasion commerciale de la zone d'Aime était très importante en 2011, cette situation durait depuis déjà plusieurs années. À titre d'illustration, M. X indiquait, dans un courrier de 2006 destiné à promouvoir le projet "des îles", qu'"en février 2003, la CCI de la SAVOIE évaluait la progression importante de l'évasion commerciale en 1992 et 2002 (de 53 % à 78 %)", ces chiffres concernant vraisemblablement l'ensemble des achats (cote 2496). De même, le rapport de CDAC pour la zone "des îles" indique que le taux d'évasion commerciale a progressé de 52 à 75 % entre 1992 et 2010 (cote 2690).

66 À titre d'illustration, le taux de marge brute moyen entre 2006 et 2007 du magasin d'Aime était de 37,9% quand celui de Bourg-Saint-Maurice était de 43,9 %. Par ailleurs, le taux de marge nette moyen sur la même période du magasin d'Aime était de 8,1 % quand celui de Bourg-Saint-Maurice était de 14 % (le taux de marge brute étant défini comme le ratio entre la marge brute et le chiffre d'affaires et taux de marge nette comme le ratio du résultat net sur le chiffre d'affaires).

67 25 % des dépenses des habitants d'Aime sont réalisées à Bourg-Saint-Maurice alors que réciproquement seulement 3 % des dépenses des habitants de Bourg-Saint-Maurice sont réalisées à Aime.

68 Fin 2007, sur la zone de chalandise de Moutiers sont implantés deux autres magasins sous enseigne Weldom en plus de celui d'Aime et six autres magasins de bricolage sous enseignes concurrentes. La part de marché de l'enseigne Weldom n'y est que de 22,2 %.

69 Fin 2007, sur la zone de chalandise d'Aigueblanche sont implantés deux autres magasins sous enseigne Weldom en plus de celui d'Aime et sept autres magasins sous enseignes concurrentes. La part de marché de l'enseigne Weldom n'y est que de 18 %.

70 Cote 631.