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Décisions

CA Nancy, premier président, 30 octobre 2013, n° 13-00839

NANCY

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Sogest (SARL)

Défendeur :

Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes, DIRRECTE de Lorraine

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

Mme Meslin

TGI Metz, JLD, du 4 janv. 2011

4 janvier 2011

Vu l'ordonnance du premier président du 30 août 2013,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 2012 (Chambre criminelle, pourvoi n° X 12-82.27) cassant et annulant en toutes ses dispositions l'ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Metz du 27 janvier 2012 ayant statué sur le recours formé par le directeur régional adjoint de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Lorraine, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes de concurrence (BIEC) des régions Lorraine, Alsace, Champagne-Ardenne, en matière de visites domiciliaires prévus par le Livre des procédures fiscales, contre l'ordonnance du 4 janvier 2011 du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Metz,

Vu l'ordonnance attaquée,

Vu la convocation des parties par le greffe selon lettres recommandées du 12 avril 2013 avec accusés de réception du 16 avril suivant,

Vu, enregistrées le 27 juin 2013, les conclusions présentées par la société à responsabilité limitée Sogest (société Sogest), appelante à titre principal,

Vu, enregistré le 31 juillet 2013, le mémoire déposé par le ministre de l'Economie et des Finances,

Vu l'avis du Ministère public,

Vu l'ensemble des éléments du dossier,

SUR CE

Le juge des libertés et de la détention près le Tribunal de grande instance de Metz saisi par requête du 13 décembre 2010, a par ordonnance du 4 janvier 2011, autorisé le directeur régional adjoint, chef du service du pôle "concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie" de la DIRECCTE de Lorraine, à procéder ou à faire procéder dans les locaux des entreprises SARL Sogest et SAS HB et fils, situés <adresse>, aux visites et saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, afin de rechercher la preuve des agissements entrant dans le champ des pratiques prohibées par l'article L. 420-1, 1° et 2° du Code de commerce relevées dans le secteur de la commercialisation des couteaux à usage professionnel ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée.

La société Sogest a déclaré appel de cette décision le 21 janvier 2011.

Cette même société a selon déclaration au greffe du même jour, également formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie effectuées le 11 janvier 2011 dans ses locaux, en exécution de l'ordonnance du 4 janvier précédent.

Par ordonnance du 27 janvier 2012, la cour a énoncé sa décision sous forme de dispositif dans les termes suivants :

- disons recevables en la forme l'appel et le recours élevé par la SARL Sogest respectivement à l'encontre de l'ordonnance rendue le 4 janvier 2011 par le juge des libertés et de la détention près le Tribunal de grande instance de Metz et à l'encontre des opérations de visite et de saisie effectuées le 11 janvier 2011 dans les locaux de la SARL Sogest en exécution de cette ordonnance,

- jugeons cet appel bien fondé,

- infirmons l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

- jugeons que le procès-verbal des opérations de visite et de saisie effectuées le 11 janvier 2011 est par suite dépourvu d'effets et doit être annulé et que les pièces et documents saisis doivent être restitués à la société Sogest,

- condamnons M. Claude X en sa qualité de directeur régional adjoint chef de service du pôle "Concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie" de la direction générale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Lorraine aux entiers dépens d'appel et à payer à la SARL Sogest une indemnité de 1 500 euro au titre des frais irrépétibles d'appel.

Le ministère de l'Economie et des Finances a formé un pourvoi contre cette ordonnance.

La Cour de cassation, chambre criminelle, a par arrêt du 19 décembre 2012 (pourvoi n° X 12-82.27), énoncé sa décision sous forme de dispositif dans les termes suivants :

- casse et annule, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du premier président de la Cour d'appel de Metz, en date du 27 janvier 2012, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

- renvoie la cause et les parties devant la juridiction du premier président de la Cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil (...).

Toutes les parties ont été régulièrement convoquées par le greffe à l'audience du 10 septembre 2013.

La société Sogest a dans ses écritures, récapitulé ses demandes selon le dispositif suivant :

- vu notamment l'article L. 450-4 du Code de commerce,

- vu l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 19 décembre 2012,

- confirmer l'ordonnance de la 5e chambre de la Cour d'appel de Metz du 27 janvier 2012 en ce qu'elle a dit et jugé que les documents joints à la requête présentée au juge des libertés et de la détention ne l'autoriseraient pas à déduire de présomptions d'entente illicite permettant la recherche de preuves dans les locaux de la société Sogest,

- en conséquence,

- prononcer la nullité des opérations de visite et de saisie,

- ordonner la cancellation de l'ensemble des procès-verbaux découlant des opérations de visite et de saisie,

- condamner la DGCCRF et Monsieur Claude X ès qualités de Directeur régional adjoint, chef de service du pôle concurrence consommation répression des fraudes et métrologie de la direction régionale des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l'emploi de Lorraine à payer à la SARL Sogest la somme de 2 000 euro par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Cela étant exposé, LA COUR,

1. Sur la nullité des opérations de visite et de saisie

Attendu que la société Sogest soutient que c'est à raison que la Cour d'appel de Metz a, pour fonder sa décision, recherché s'il existait des présomptions graves, précises et concordantes de pratiques anticoncurrentielles et non, de simples indices permettant de présumer l'existence de telles pratiques ;

Qu'elle explique : - que l'article L. 450-4 du Code de commerce se satisfait de simples indices permettant de présumer l'existence de telles pratiques dans la seule hypothèse d'infractions en train de se commettre ; - que précisément, il n'existe au dossier d'enquête de la présente espèce aucun indice manifeste permettant de présumer l'existence d'une action concertée ou encore, d'une entente illicite entre la société Y et la société Sogest ; - que la plainte de la société Sceria du 1er octobre 2009 ne pouvait à cet égard être opératoire, dès lors qu'elle émane d'une entreprise en conflit avec la société Y et en concurrence directe avec la société Sogest sur le marché des couteaux industriels ; - que quoi qu'il en soit, cette plainte n'allègue d'aucun fait permettant d'étayer des soupçons d'entente entre les sociétés B et Sogest ; - que le jugement définitif du Tribunal de commerce du Mans du 13 septembre 2010 a d'ailleurs estimé, que la société Y n'imposait pas de prix de revente du matériel de coutellerie ; - que selon une jurisprudence constante en la matière, l'existence d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants d'entente suppose, l'évocation de prix par le fournisseur, l'existence de mesures mises en œuvre par le fournisseur visant à les faire appliquer et enfin, l'application significative de ces prix sur le marché ; - que les pratiques commerciales discriminatoires visant à obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial ou manifestement disproportionné au regard du service rendu, engagent par ailleurs la responsabilité de leur auteur par application de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; - que précisément, ce à quoi prétend la société Sceria la favoriserait illégitimement sur le marché, au détriment des autres distributeurs de la société Y et notamment, de la société Sogest ; - qu'en toutes hypothèses, le fait que les conditions générales de vente et les modalités et taux de remise accordés par l'importateur exclusif aux distributeurs membres de son réseau, soient connus de l'ensemble de ces derniers n'est pas illicite ;

Attendu que le représentant de l'Administration objecte : - que l'approche de la requérante manifeste une méconnaissance des règles de procédure applicables en matière de droit de la concurrence puisqu'elle confond, la pratique décisionnelle de l'Autorité de la concurrence chargée de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles exigeant que la preuve des pratiques soit apportée, au besoin par le biais d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants, d'une part et la jurisprudence judiciaire afférente aux autorisations de visite et de saisies qui ne sont que des mesures d'enquête destinées à assembler des preuves et qui ne requièrent que la production d'indices laissant supposer l'existence de telles pratiques, d'autre part ; - qu'au cas d'espèce, l'Administration qui n'avait pas encore débuté ses investigations demandait au juge, sur la base de présomptions dont le caractère sérieux est établi dans le cadre de la présente instance, l'autorisation de pouvoir effectuer des visites domiciliaires auprès des sociétés B et Sogest afin de rechercher la preuve d'une action concertée destinée à évincer la société Sceria du marché du négoce des couteaux industriels Z ;

Vu l'article L. 450-4 du Code de commerce ;

Attendu qu'il ressort de la lettre et de l'économie de ces dispositions que le juge peut autoriser l'Administration à procéder à des visites et saisies dans les locaux d'une société en se référant, en les analysant, fût-ce succinctement, aux éléments d'information fournis par la requête dont il tire les faits fondant son appréciation quant à la réalité de présomptions d'agissements prohibés visés par la loi ;

Attendu que dans les circonstances de la présente espèce, la société Sogest prétend vainement que la requête d'autorisation présentée au juge des libertés et de la détention n'est fondée sur aucune présomption suffisante de pratiques anticoncurrentielles dès lors qu'en suivant le raisonnement hypothético déductif propre à la matière, les indices relevés par l'Administration requérante, analysés globalement, ne permettaient pas prima facie, d'exclure l'existence de pratiques d'entente prohibées par la légalité économique, mises en œuvre par les sociétés B et Sogest dans le secteur de la commercialisation des couteaux à usage professionnel ;

Attendu que la plainte de la société Sceria du 1er octobre 2009 dénonçant la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles et les documents s'y rattachant, enrichis par les éléments d'information assemblés par l'Administration dans le cadre de premières investigations, pouvaient en effet raisonnablement laisser présumer l'existence d'une possible entente entre un importateur exclusif (la société Y) et l'un de ses principaux revendeurs (la société Sogest), dès lors que n'ayant connu aucune difficulté par le passé, la plaignante justifiait avoir pu constater une brusque dégradation de ses relations commerciales avec l'importateur au moment même où elle bénéficiait d'une progression de vente de ces couteaux et que, nonobstant les dénégations de la société Sogest dans ses conclusions, d'autres éléments du dossier, dont l'audition de l'assistante achats de l'un des clients importants de la société plaignante le 17 février 2010 (Mme Béatrice A), permettaient de relever que la société Sogest, autre distributeur de couteaux en relation d'affaires avec la société Y, avait connaissance de la difficulté subitement rencontrée par la société Sceria pour se fournir en couteaux Z et tentait immédiatement de reprendre les clients de celle-ci;

Attendu que sur ces constatations et pour l'ensemble de ses raisons, la demande d'annulation du procès-verbal des opérations de visite et de saisies réalisées le 11 janvier 2011 sera écartée et l'ordonnance du juge des libertés et de la détention entreprise, confirmé en toutes ses dispositions ;

2. Sur la demande d'annulation des opérations de saisies

Attendu que dès lors que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est jugée régulière, les opérations de visites et de saisies pratiquées en exécution de cette ordonnance ne peuvent être annulées en raison de l'irrégularité alléguée de celle-ci ;

Qu'il s'ensuit que la demande en annulation de ces actes prenant appui sur cette ordonnance présentée par la société Sogest sera également écartée ;

Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;

Attendu que la société Sogest qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d'appel ;

Par ces motifs, LE JUGE DELEGUE, Statuant en audience publique et par décision contradictoire, Vu l'arrêt de la Cour de cassation, Chambre criminelle, du 16 décembre 2012 (pourvoi n° X 12-82.270), Vu l'avis du procureur général, Confirmons l'ordonnance entreprise du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Metz en toutes ses dispositions, Déboutons la société à responsabilité limitée Sogest de sa demande d'annulation des procès-verbaux de visites et de saisie établis en suite de cette ordonnance, Condamnons la société à responsabilité limitée Sogest aux entiers dépens d'appel.