CA Versailles, 12e ch., 29 octobre 2013, n° 12-01461
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lauterbach GmbH (Sté)
Défendeur :
Logic Instrument (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
Mmes Calot, Orsini
Avocats :
Mes Dupuis, Boyer, Adam Caumeil, Minault, Party Bourdie
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Statuant sur l'appel interjeté par la société Lauterbach GmbH contre le jugement rendu le 2 février 2012 par le Tribunal de commerce de Pontoise, qui a :
- débouté la société Lauterbach de son exception d'incompétence au profit des juridictions allemandes
- dit n'y avoir lieu de faire application de la loi allemande
- constaté que le préavis accordé à la société Lauterbach était insuffisant et fixé le préavis à deux années
- condamné la société Lauterbach à payer à la société Logic Instrument la somme de 2 900 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice
- débouté la société Logic Instrument de sa demande dommages et intérêts au titre de la baisse de son chiffre d'affaires au 2e trimestre de 2008, de sa demande de reprise du stock détenu par elle pour la somme de 309 772 euros et de sa demande de réparation du préjudice subi du fait du départ de M. Morice
- condamné la société Lauterbach à payer à la société Logic Instrument la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- débouté la société Lauterbach de l'ensemble de ses demandes
- ordonné l'exécution provisoire du jugement
- condamné la société Lauterbach aux dépens
La société Logic Instrument, créée en 1987 et qui a pour activité la fabrication et la distribution d'instrumentation scientifique et technique, distribue depuis 1988 les produits de la société allemande Lauterbach (créée en 1979) sur le territoire français, laquelle est spécialisée dans le domaines des outils de développement pour déblocage des microprocesseurs.
Par courrier du 24 avril 2008, la société Lauterbach a informé la société Logic Instrument qu'elle cessait avec elle ses relations commerciales fin 2008, en lui précisant qu'elle avait décidé d'aborder le marché français en direct en créant sa propre filiale en France.
Ce délai de préavis de huit mois s'est prolongé dans les faits de trois mois suite aux courriers échangés par les parties sur la liquidation des relations contractuelles et aux pourparlers intervenus sur la proposition formulée le 21 juillet 2008 par la société Logic Instrument de création d'une "joint-venture" sur une période de trois ans entre les deux partenaires.
La société Lauterbach a confirmé par courrier du 11 septembre 2008 sa volonté de rompre les relations contractuelles tout en se déclarant prête à renégocier une période complémentaire de préavis en poursuivant une relation commerciale avec la société française en qualité de revendeur.
La société Logic Instrument s'estimant lésée par la rupture brutale et par l'insuffisance du délai de préavis accordé par la société Lauterbach a engagé le 6 mars 2009 une procédure en indemnisation du préjudice subi sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, en revendiquant un préavis de trois ans et le calcul de l'indemnisation par référence à sa marge brute.
Par ordonnance en date du 4 mai 2012, le premier président de la Cour d'appel de Versailles a dit que l'exécution provisoire du jugement attaqué ne sera pas poursuivie à concurrence de 1 400 000 euros si la société Lauterbach consigne ce montant dans le délai de 15 jours à compter du prononcé de l'ordonnance à la caisse des dépôts et consignations et que l'exécution provisoire se poursuit pour le surplus.
La société Lauterbach a procédé à la consignation des fonds, mais a refusé de procéder à l'exécution de la somme de 1 505 091,74 euros.
Par arrêt en date du 19 décembre 2012, la Cour d'appel de Munich, saisie d'une demande d'exequatur, a conditionné l'exécution forcée de la décision du tribunal de commerce du 2 février 2010 en Allemagne à la constitution d'une garantie à hauteur de 110 % de la somme exécutoire par la société Logic Instrument conformément au jugement du président du Tribunal de grande instance de Munich du 19 juillet 2012 en vertu de l'article 46 alinéa 3 du règlement 44-2001 du 22 décembre 2000.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 1er octobre 2013.
Vu les dernières écritures en date du 26 septembre 2013, par lesquelles la société Lauterbach, appelante, demande à la cour, par infirmation du jugement entrepris, à titre principal, de se déclarer incompétente au profit des juridictions allemandes au visa des articles 23, 2 et 5.1 du règlement n° 44-2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I) et de renvoyer la société intimée à mieux se pourvoir, à titre subsidiaire, de dire la loi française inapplicable au litige, déclarer mal-fondée l'action de la société intimée, la débouter de ses demandes, à titre subsidiaire, de dire que l'indemnité au titre du préjudice économique doit être calculée sur la marge sur coûts variables, soit à raison de 50 815 euros de préjudice moyen mensuel, de déduire du calcul de l'indemnité due au titre de deux années de préavis les 11 mois déjà accordés par la société concluante, laissant ainsi à sa charge 13 mois de préavis, confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société intimée mal-fondée en ses demandes de dommages et intérêts au titre de la baisse du chiffre d'affaires au 2e trimestre 2008 en réparation du réparation du préjudice subi du fait du départ de M. Morice et en ce qu'il a rejeté la demande de la société intimée au titre de la reprise du stock, en tout état de cause, condamner la société intimée au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Vu les dernières écritures en date du 1er octobre 2013, par lesquelles la société Logic Instrument, intimée, demande de réformer le jugement entrepris sur la durée du préavis et sur la demande au titre de la reprise du stock, de fixer le délai de préavis à 3 années et de condamner la société Lauterbach au paiement de la somme de 4 300 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice et à la reprise du stock détenu par la société concluante moyennant la somme de 309 772 euros outre une indemnité de procédure de 4 000 euros et de débouter la société appelante de ses demandes.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux conclusions déposées par les parties qui développent leurs prétentions et leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur l'exception d'incompétence au profit des juridictions allemandes
Considérant que l'appelante invoque la clause attributive de compétence figurant sur ses factures et correspondances sous la forme "Gerichtstand München" (tribunal compétent : Munich), précisant que cette clause a été régulièrement portée à la connaissance de la société intimée et qu'elle lui est parfaitement opposable selon l'article 23 du règlement n° 44-2001 du 22 décembre 2000 dit Bruxelles I, s'agissant de rapports commerciaux entre les parties qui existent depuis vingt ans, que cette clause s'applique à tout litige découlant de la rupture de relations contractuelles entre les parties, y compris sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
Que la société intimée réplique que l'action fondée sur la rupture brutale de relations commerciales établies est une action en responsabilité délictuelle qui peut être engagée devant les juridictions du lieu où le dommage s'est produit en application du règlement Bruxelles I (article 5-3) et de l'article 46 du Code de procédure civile, que l'expression : "Gerichtstand München" rédigée en petits caractères allemands et non apparents, insérée au bas du papier à en-tête, ne peut être considérée comme une clause attributive de juridiction au regard de l'article 23 du règlement Bruxelles I ;
Que la société intimée conteste à bon droit au regard de l'article 23 du règlement Bruxelles I, la validité formelle de la clause attributive de compétence "Gerichtstand München" (tribunal compétent : Munich), mentionnée au bas des factures produites et insérée en petits caractères au milieu des coordonnées postales, téléphoniques et électroniques de la société appelante, dès lors que celle-ci ne démontre pas que ladite clause ait été portée préalablement à la connaissance de son distributeur lors de l'émission des bons de commande et approuvée par celui-ci au moment de la conclusion des prestations convenues ;
Que par ailleurs, la clause attributive de juridiction ne définit pas "le rapport de droit déterminé" au sens de l'article 23 du règlement Bruxelles I pouvant justifier une prorogation de compétence et la notion de "rapports commerciaux courants" initiée par la CJCE dans ses arrêts Segoura en 1976 et Tilly Russ en 1984, invoquée par l'appelante, est inapplicable en l'absence de conditions générales régissant l'ensemble des relations commerciales entre les parties comportant ladite clause, peu important que le directeur général de la société intimée, M. Jacques Gebran, fût de nationalité allemande et même en l'absence de réserves émises lors de la réception des factures ou des correspondances par le distributeur français ;
Que la société Logic Instrument soutient qu'en l'absence de clause attributive de juridiction valable au sens des dispositions des dispositions précitées, il convient d'appliquer le droit commun prévoyant la compétence du juge français (article 5.3 du règlement Bruxelles I), alors que la société allemande estime qu'en tout état de cause, le droit commun ne saurait désigner la juridiction française compétente dans un tel litige par application des articles 2-1 et 5-1 a) du règlement Bruxelles I, que la cour doit se déclarer incompétente au profit des juridictions munichoises, que la fourniture du produit est la prestation caractéristique du contrat de distribution, ce qui implique qu'il convient d'appliquer la loi du fournisseur de produits, qui est présumée être la loi avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits ;
Mais considérant que s'agissant d'une demande fondée sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie entre un fournisseur et un distributeur qui n'ont pas conclu de contrat écrit ni de clause attributive de compétence valable, l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce est reconnu comme loi de police au sens de l'article 3 du Code civil, qui s'impose en tant que règle obligatoire pour le juge français ;
- Sur le droit applicable
Considérant que l'appelante soutient que le droit applicable est le droit allemand selon l'article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), eu égard au caractère autonome de la notion de matière contractuelle au plan communautaire et selon l'article 3 § 1 de la Convention de la Haye de 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels, que selon le droit allemand, elle a respecté le délai de préavis de six mois en cas de rupture unilatérale du contrat prévu à l'article 624 du BGB (Code civil allemand) et même accordé un délai supérieur au délai raisonnable ;
Que la société intimée réplique à juste titre que le droit français est applicable, que la Convention de Rome de 1980 ne s'applique pas en matière de rupture abusive des relations commerciales s'agissant d'une responsabilité délictuelle, ni la Convention de la Haye, que devant le juge communautaire, le seul texte portant sur la loi applicable aux obligations non contractuelles est le règlement n° 864-2007 du 11 juillet 2007 (Rome II) entré en vigueur seulement le 11 janvier 2009, qui détermine la loi applicable en fonction du lieu où le dommage survient qui en l'espèce est la France, que le juge français doit appliquer l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce qui est une règle de protection de l'ordre public économique, reconnue comme une loi de police au sens du droit international privé, précisant que le délai de préavis en droit allemand s'agissant des contrats de prestations de service est une durée minimale à respecter, c'est-à-dire, un plancher et non un plafond ;
Qu'en effet le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, engage la responsabilité délictuelle de son auteur et que la loi applicable à cette responsabilité est celle de l'Etat du lieu où le fait dommageable s'est produit, soit en l'espèce, la loi française ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence au profit des juridictions allemandes et retenu la loi française comme applicable en l'espèce au titre de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
- Sur l'existence d'une relation commerciale établie
Considérant que si les parties n'ont pas contractualisé par écrit leur accord de partenariat, celui-ci a engendré une part significative dans leur chiffre d'affaires annuel réalisé (plus de trois millions d'euros pour la société intimée entre 2005 et 2008 soit environ un tiers de son chiffre d'affaires global provenant de 99 % de l'activité de totale de la division ODE - pièces 21 et 33 et plus d'un million pour la société allemande entre avril 2008 et mars 2009 - pièce 50), généré un courant d'affaires important entre elles sur le long terme et une relation commerciale objectivement stable, habituelle et continue, entre un fournisseur allemand, la société Lauterbach, spécialisée dans le domaines des outils de développement pour déblocage des microprocesseurs et le distributeur français, la société Logic Instrument ;
Que leur partenariat commercial "relationship" qui a duré vingt ans (de 1988 à 2008) s'analyse en une prestation de service à exécution successive, comme le souligne la société allemande ;
Que les relations commerciales nouées entre les parties sont fondées sur un lien d'exclusivité de fait, ce qui implique une situation renforcée de dépendance économique du distributeur français, d'autant que la société appelante, malgré ses dénégations, est leader mondial dans son secteur d'activité : le marché des débuggeurs et émulateurs, outils de développement et de test pour l'industrie embarquée ("embedded systems"), qui est un secteur de pointe et un marché de niche, ce qui met en évidence la notoriété de la marque et la difficulté pour la société intimée de retrouver des produits interchangeables ou substituables et qui autorise un allongement du délai de préavis habituel ;
Considérant en effet, qu'il ressort de la pièce 29 émanant de l'appelante, valant aveu extra-judiciaire au sens de l'article 1354 du Code civil et adressée à son partenaire français, que la société Lauterbach a rédigé un "certificat d'autorisation" le 6 février 2008 établissant que la société Logic Instrument est son agent exclusif pour sa gamme de produits sur le territoire français, laquelle est pleinement autorisée à présenter les offres et habilitée à négocier le contrat, le prix, la durée et les conditions et de signer le contrat en son nom, que cette société est responsable pour toute l'information technique, le support technique, les questions commerciales relatives aux produits livrés par le fournisseur, l'installation, la garantie, la maintenance et le service après-vente ;
Que cette relation d'exclusivité est confirmée par la pièce 30 de l'intimée émanant du site internet Lauterbach et datée du 14 mai 2008, qui mentionne la société Logic Instrument comme seul représentant de la société allemande dans l'organisation de son réseau mondial de distribution ;
Que par ailleurs, selon la pièce 50 de l'appelante, la société Lauterbach n'a réalisé aucun chiffre d'affaires avec d'autres clients français au cours de la période du 28 avril 2008 au 31 mars 2009 (seule période référencée par les conseillers fiscaux de la société appelante) ;
Qu'il en résulte que la société Lauterbach a donc confié à la société Logic Instrument la distribution exclusive de ses produits en France pendant 20 ans même si aucun contrat de distribution ne fut conclu entre les parties ni aucun contrat-cadre et que la société intimée distribuait pour son propre compte les produits de la société allemande tout en étant chargée d'en promouvoir la vente sur le territoire français, sans pouvoir être qualifiée de simple revendeur comme le prétend la société allemande dans son courrier du 11 septembre 2008 ;
Considérant qu'il convient d'examiner les conséquences de la rupture des relations commerciales entre les parties par application des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, la responsabilité de la société Lauterbach pouvant être engagée pour avoir rompu brutalement la relation commerciale avec la société Logic Instrument sans avoir respecté un délai de préavis raisonnable et suffisant pour permettre à celle-ci de réorganiser ses activités et son personnel et de trouver de nouveaux marchés sur le secteur d'activité concerné, eu égard à la durée des relations et de l'attente légitime de stabilité de la société Logic Instrument, en vertu des principes de sécurité et de prévisibilité juridiques, laquelle pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaire avec son partenaire commercial comme celle-ci l'exprime dans son courrier du 15 mai 2008, du fait de l'assurance reçue par la société appelante sur les plans pour la France excluant d'avoir une filiale et de l'absence de critiques émises sur sa performance;
- Sur la brutalité de la rupture des relations commerciales établies entre la société Lauterbach et la société Logic Instrument
Considérant que l'appelante soutient qu'elle a appliqué un délai de préavis raisonnable et suffisant pour permettre à la société intimée d'organiser la suite de ses relations commerciales, que celle-ci s'est détournée de son partenaire allemand au début de l'année 2000 pour se concentrer sur ses activités parallèles propres, notamment de développement de sa propre production, cherchant à s'ouvrir à d'autres marchés, que son chiffre d'affaires réalisé avec la société intimée a reculé sensiblement à partir de 2006, que le bénéfice de la société intimée provenait en majorité des marges exorbitantes dégagées par celle-ci sur les produits Lauterbach, qu'elle a été contrainte de créer sa filiale française, rappelant que la société intimée a créé sa filiale en Allemagne dès 1999, qu'elle estime qu'un délai de préavis de 8 mois est suffisant, précisant que ce délai a été plus long (jusqu'à la fin du 1er trimestre 2009), soit onze mois, que la société intimée a toujours été libre de gérer son activité comme elle l'entendait, sans exclusivité imposée, que la filiale de la concluante a commencé son activité à compter d'avril 2009, que le préavis de trois ans sollicité représente un montant exorbitant, alors qu'il n'existait pas en 2008 et pour l'avenir une quelconque dépendance économique, qu'elle demande à la cour, à titre subsidiaire, de procéder à l'estimation la plus juste du préjudice économique de la société intimée au vu du rapport d'expertise économique effectuée par le cabinet Microeconomix "analyse critique du montant du préjudice évalué par la société Logic Instrument" daté du 24 juin 2013, de revoir la période de référence servant de base de calcul (exercices 2006, 2007 et 2008) ainsi que la marge à retenir à la lumière des réalités économiques du secteur pertinent (marge sur coûts variables), soulignant qu'il convient de tenir compte du préavis de 11 mois déjà accordé, soit un solde de 13 mois x 50 815 euros = 660 595 euros ;
Que la société intimée qui demande de porter le délai de préavis de deux à trois années, de fixer son préjudice à la somme de 4 300 000 euros, réplique que la réelle motivation de la société appelante, par l'effet de la brusque rupture des relations commerciales, est de récupérer en direct la marge générée et le fruit du travail de son distributeur sans aucun dédommagement, sans frais et sans investir dans du personnel, qu'elle estime qu'elle a assuré le développement et la notoriété de la marque Lauterbach qui a une position de leader sur le marché des solutions de debug pour microprocesseurs depuis 2003 avec une croissance régulière, grâce à son suivi commercial, marketing et technique (équipe de six ingénieurs et technico-commerciaux affectés au département ODE - outils de développement pour l'embarqué, qui est un système d'exploitation informatique), qu'elle conteste s'être détournée de la société Lauterbach pour développer des activités parallèles propres, notamment de production, que la société appelante est un groupe mondial très important, qu'elle a été contrainte de se séparer en décembre 2008 de M. Morice, ingénieur commercial, responsable des ventes au sein du service ODE en lui versant une indemnité de départ de 67 348 euros, puis a été contrainte de supprimer le service ODE en 2010 en procédant au licenciement des cinq salariés restants, ce qui a représenté un coût de 200 000 euros, qu'elle estime que le délai de préavis de 8 mois est insuffisant au regard des critères posés par la jurisprudence, qu'elle a dû renoncer aux partenariats qu'elle avait noués en 2009 avec les sociétés Sophia Systems et Pls, qu'elle produit au titre de l'évaluation du préjudice subi une attestation de son commissaire aux comptes sur le calcul de la marge brute entre 2005 et 2009 ainsi que le rapport d'expertise comptable du 11 septembre 2013 de Mme Cariou, expert judiciaire, à qui il a été demandé de délivrer un avis objectif et impartial et en toute indépendance sur la nature des coûts susceptibles d'être retenus pour le calcul de la marge sur coûts variables perdue en raison de la rupture des relations commerciales entre les parties et sur les critères retenus par le cabinet Microeconomix pour définir le marché pertinent sur lequel intervient la société Logic Instrument, qui a exclu de l'assiette de calcul, l'année 2008 qui est l'année de la rupture des relations commerciales, qu'elle convient qu'il y a lieu de retenir pour le calcul du préjudice, la marge sur coûts variables (chiffre d'affaires diminué de toutes les charges variables qu'aurait encouru l'entreprise pour réaliser le chiffre d'affaires manqué), désigné sous le vocable "marge sur coûts variables normative et normale" selon Mme Cariou et définie comme étant la moyenne de la marge commerciale réalisée par la société concluante au cours des trois années ayant précédé l'année de la rupture des relations commerciales, sur la vente et la maintenance des produits Lauterbach, qu'elle soutient que le cabinet Microeconomix ne s'est livré à aucune analyse du contexte économique global et n'a pas identifié de critères pour définir un marché pertinent ;
Considérant qu'il est admis que le préjudice subi en cas de rupture non précédée d'un préavis suffisant, est évalué en considération de la marge brute (définie comme étant la différence entre le chiffre d'affaires et le coût d'achat des marchandises vendues) escomptée durant la période d'insuffisance de préavis du fait de l'existence de charges fixes que l'entreprise victime de la rupture continuait de supporter, par référence au principe de la réparation intégrale du préjudice, du principe indemnitaire et du préjudice réel, les préjudices économiques se traduisant en pertes subies et gains manqués ;
Mais considérant que les parties s'opposent sur l'assiette de calcul pour la période de référence incluant ou non l'année 2008, la nature des coûts susceptibles d'être retenus pour le calcul de la marge sur coûts variables que la société intimée a perdu suite à la brusque rupture des relations commerciales avec la société Lauterbach, en se prévalant d'analyses financières et comptables établies par des spécialistes rémunérés par chacune des parties qui font une interprétation divergente des notions de charges fixes et variables, mais dont les documents techniques sont soumis à la libre discussion des parties, s'agissant pour l'appelante d'une étude appliquant une méthode d'évaluation fondée sur la prospective économique, pour l'intimée, d'une méthode d'évaluation fondée sur l'analyse comptable;
Que la société appelante estime que le tribunal a largement surestimé le préjudice subi par la société Logic Instrument en méconnaissance des réalités comptables et économiques, a réparé plus que le véritable préjudice en indemnisant celle-ci notamment de coûts variables qu'elle n'a pas engagés et que seule doit être retenue la marge sur coûts variables, c'est-à-dire, le chiffre d'affaires diminué de toutes les charges variables qu'aurait encouru l'entreprise pour réaliser le chiffre d'affaires manqué, soit selon le rapport du cabinet Microeconomix qu'elle a mandaté, les coûts salariaux du département ODE, les frais de location de véhicule pour le personnel, d'assurance et de carburant, les frais de déplacement et de téléphone, alors que Mme Cariou qui a établi un rapport d'expertise en faveur de la société intimée, estime que les coûts directs entrant dans le calcul de la marge sur coûts variables se limitent au coût d'achat des marchandises vendues et que la marge sur coûts variables perdue est égale à la marge commerciale telle que mentionnée dans l'attestation émise le 23 avril 2013 par le commissaire aux comptes de la société intimée sur les exercices 2005 à 2009, lequel précise que la marge brute s'entend de la différence entre les ventes et les achats des produits Lauterbach réalisés par la société Logic Instrument, corrigée de la variation de stock sur ces mêmes produits ;
Considérant que les charges variables dépendent de l'activité de l'entreprise par opposition aux charges fixes ou de structure ;
Que la cour estime que les coûts salariaux du département ODE, les véhicules de fonction mis à la disposition des salariés et les frais de déplacement et de téléphone relèvent à la fois des coûts fixes (salaires de base, abonnement de téléphone) et variables (intéressement au chiffre d'affaires, 13e mois, prime ou commission, consommations de téléphone) et doivent être en partie déduits du chiffre d'affaires réalisé sur les produits Lauterbach ;
Qu'il convient de rappeler que le partenariat commercial générait plus de trois millions d'euros pour la société intimée entre 2005 et 2008, soit environ un tiers de son chiffre d'affaires global provenant de 99 % de l'activité de totale de la division ODE ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé le délai de préavis à deux ans, mais il convient de déduire le délai de 11 mois déjà accordé, soit un reliquat de 13 mois ;
Que la marge commerciale sur coûts variables perdue sera évaluée à la somme de 1 520 000 euros en incluant l'année 2008 eu égard à la pièce 21 de l'intimée (tableau de chiffres d'affaires réalisés entre 2005 et 2009) et le jugement sera réformé en ce qu'il a retenu la perte d'une marge commerciale moyenne de 1 445 746 euros sur deux ans ;
Que la cour précise que la société intimée acquiesce dans ses écritures à l'absence de réparation d'un préjudice distinct pour le départ de M. Morice et la baisse de son chiffre d'affaires au cours du 2e semestre 2008 ;
- Sur la reprise du stock
Considérant que la société intimée qui produit l'inventaire du stock, demande que la société appelante soit condamnée à la reprise du stock pour un montant de 309 772 euros, qui était indispensable à la commercialisation, à la démonstration et aux tests des produits Lauterbach, ce préjudice étant distinct de la rupture brutale des relations commerciales, alors que celle-ci réplique qu'en l'absence de disposition légale ou de stipulation contractuelle, cette reprise de stock de marchandises non écoulées ne peut lui être imposée dès lors que la société intimée les a commandées et qu'elle avait connaissance de la fin des relations commerciales huit mois avant la fin de l'année 2008 ;
Mais considérant que la société intimée qui était le seul distributeur des produits Lauterbach sur le territoire français, avait la nécessité de disposer d'un stock important de marchandises et n'a pas eu le temps matériel d'écouler les produits pendant le délai de préavis qui lui avait été accordé, alors qu'elle a été victime d'une rupture brutale de relations commerciales et que son préjudice doit être réparé intégralement ;
Qu'en conséquence, ces circonstances autorisent à déroger aux principes des articles 1582 et 1583 du Code civil et il sera fait droit à la demande de reprise du stock par infirmation du jugement entrepris ;
- Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que la société intimée sollicite la somme de 40 000 euros, somme incluant les frais importants de traduction, d'exequatur et d'exécution en Allemagne en complément de celle allouée par les premiers juges ;
Qu'il lui sera allouée la somme de 30 000 euros de ce chef ;
Par ces motifs : Statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement sauf au titre du quantum fixé pour l'indemnisation du préjudice subi et de la demande de reprise des stocks, Statuant à nouveau de ces chefs, Condamne la société Lauterbach GmbH à payer à la société Logic Instrument la somme de 1 520 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, Condamne la société Lauterbach GmbH à reprendre le stock détenu par la société Logic Instrument moyennant la somme de 309 772 euros, Y ajoutant, Condamne la société Lauterbach GmbH à payer à la société Logic Instrument la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Condamne la société Lauterbach GmbH aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.