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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 2, 5 novembre 2013, n° 12-07664

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Deroo-Blanquart

Défendeur :

Sony Europe Limited (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Portelli

Conseillers :

Mmes Fetizon, Orsini

Avocats :

Mes Debray, Ricard, Cuif, Delbecq

CA Versailles n° 12-07664

5 novembre 2013

Faits et procédure

M. Deroo-Blanquart a acheté le 27 décembre 2008 auprès du magasin Conforama un ordinateur de marque Vaio modèle VGN-NR38E, équipé d'un système d'exploitation Windows Vista Premium et de logiciels Media Player 11 et Adobe pour le prix de 549 euro.

Par exploit du 17 février 2011, M. Deroo-Blanquart a assigné la société Sony France. Il formulait les demandes suivantes:

- Vu la directive 2005-29-CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 et ses annexes,

- Vu les articles L. 120-1 alinéa 1, L. 121-1, L. 122-11-1, L. 122-1, L. 122-3, L. 132-1 alinéa 1, R. 132-1, L. 111-1 et L. 113-3 alinéa 1 du Code de la consommation,

- Vu les articles 1235 et 1376 du Code civil

- constater que le matériel et les logiciels sont deux éléments parfaitement distincts,

- constater que la société Sony s'est livrée à l'égard de M. Deroo-Blanquart à des pratiques commerciales déloyales interdites au sens du n° 2 de l'annexe 1 et des articles 5 et de la directive 2005-29-CE, ainsi que des articles L. 120-1 et suivants du Code de la consommation,

en conséquence,

- condamner la société Sony à payer à M. Deroo-Blanquart la somme totale de 450 euro d'indemnité forfaitaire pour l'ensemble des logiciels pré-installés, se décomposant comme suit:

* 125 euro d'indemnité forfaitaire pour le logiciel système d'exploitation Microsoft Windows Vista,

* 110 euro d'indemnité forfaitaire pour le logiciel Microsoft office 2007,

* 55 euro d'indemnité forfaitaire pour le logiciel McAfee Internet Security suite,

* 150 euro d'indemnité forfaitaire pour l'ensemble des autres logiciels pré-installés,

* 10 euro d'indemnité forfaitaire pour les services de pré-installation des logiciels,

- dire que ces sommes porteront intérêt dans les conditions de l'article L. 122-3 du Code de la consommation,

- condamner la société Sony à payer à M. Deroo-Blanquart la somme de 2 500 euro à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice résultant de ses pratiques commerciales déloyales et interdites,

- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 décembre 2008 date de la mise en demeure de M. Deroo-Blanquart avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- condamner la société Sony à payer à M. Deroo-Blanquart la somme de 2 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civil,

- condamner la société Sony aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures, il formulait les demandes suivantes:

* A titre liminaire, rappeler que le matériel et les logiciels sont deux éléments distincts, tant dans leur nature que dans leur régime juridique,

* A titre principal,

- constater que la société Sony a fourni à M. Deroo-Blanquart des logiciels qu'il n'avait pas demandés et dont elle lui a exigé le paiement immédiat,

- constater qu'il s'agit d'une pratique commerciale agressive et déloyale 'en toutes circonstances' interdite par la paragraphe 29 de l'annexe 1 de la directive 2005-29-CE et l'article L. 122-3 du Code de la consommation,

- en conséquence, rappeler que cette pratique commerciale de fourniture de produits non demandés est purement et simplement interdite par l'application du paragraphe 29 de l'annexe 1 de la directive 2005-29-CE et des articles L. 122-3 et L. 120-1 du Code de la consommation,

* Subsidiairement,

- constater que dans le cadre de sa pratique commerciale de vente subordonnée des logiciels avec le matériel informatique, la société Sony s'est livrée, au regard des circonstances de l'espèce à des pratiques trompeuses par action et par omission, agressives et illicites et qu'il s'agit de pratiques commerciales déloyales,

- en conséquence, déclarer cette pratique commerciale de vente subordonnée purement et simplement interdite compte tenu des circonstances de l'espèce, par application de l'article L. 120-1 du Code de la consommation,

* en conséquence,

- rappeler que le droit de M. Deroo-Blanquart au remboursement des logiciels ne peut être subordonné à aucune condition en vertu de l'article L. 122-3 du Code de la consommation avec toutes suites et conséquences de droit,

- condamner la société Sony à payer à M. Deroo-Blanquart la somme totale de 450 euro d'indemnité forfaitaire et indemnitaire pour l'ensemble des logiciels pré-installés, se décomposant comme suit:

* 125 euro d'indemnité forfaitaire pour le logiciel système d'exploitation Microsoft Windows Vista,

* 110 euro d'indemnité forfaitaire pour le logiciel Microsoft office 2007,

* 55 euro d'indemnité forfaitaire pour le logiciel McAfee Internet Security suite,

* 150 euro d'indemnité forfaitaire pour l'ensemble des autres logiciels pré-installés,

* 10 euro d'indemnité forfaitaire pour les services de pré-installation des logiciels,

- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 décembre 2008, date de la mise en demeure de M. Deroo-Blanquart, conformément à l'article L. 122-3 du Code de la consommation, avec capitalisation des intérêts, conformément à l'article 1154 du Code civil,

- condamner la société Sony à payer à M. Deroo-Blanquart la somme de 3 500 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant de ses pratiques commerciales déloyales et interdites et de son préjudice moral,

* En toute hypothèse,

- condamner la société Sony à payer à M. Deroo-Blanquart la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civil,

- condamner la société Sony aux entiers dépens

- rappeler que la décision est exécutoire de plein droit par provision.

Par jugement contradictoire du 13 septembre 2012, le Tribunal d'Asnières a :

- débouté M. Deroo-Blanquart de l'intégralité de ses demandes,

- condamné M. Deroo-Blanquart aux dépens de l'instance.

M. Deroo-Blanquart a relevé appel du jugement. Dans ses dernières conclusions, il formule les demandes suivantes:

* à titre liminaire,

- surseoir à statuer en l'attente de l'arrêt à intervenir de la Cour de cassation,

- en tout état de cause débouter la société Sony de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, juger que l'appel est bien la voie de recours adéquate, et déclarer en conséquence l'appel de M. Deroo-Blanquart recevable,

* au fond,

- déclarer M. Deroo-Blanquart bien fondé en son appel,

- réformer la décision en toutes ses dispositions,

- et, statuant à nouveau, juger que le matériel et les logiciels sont deux éléments distincts tant dans leur nature que dans leur régime juridique,

* à titre principal,

- vu le point 29 de l'annexe 1 et de l'article L. 122-3 du Code de la consommation,

- juger que la société Sony Europe Limited a fourni à M. Deroo-Blanquart des logiciels qu'il n'avait pas demandés et dont elle lui a exigé le paiement,

- juger qu'il s'agit d'une pratique commerciale agressive et "déloyale en toutes circonstances" au sens des dispositions précitées,

- en conséquence, déclarer cette pratique commerciale de fourniture de produits non demandés purement et simplement interdite conformément à l'article 5 alinéa 1 de la directive 2005-29-CE et L. 120-1 du Code de la consommation,

* subsidiairement,

- vu les articles 5 à 9 de la directive 2005-29-CE et L. 122-1 du Code de la consommation,

- juger que la société Sony Europe Limited a eu recours à une pratique commerciale illicite de subordination de vente qui, dans les circonstances de l'espèce est déloyale par la mise en œuvre de pratiques trompeuses et agressives,

- en conséquence, déclarer cette pratique commerciale de subordination de vente interdite conformément à l'article 5 alinéa 1 de la directive 2005-29-CE et L. 120-1 du Code de la consommation,

* en conséquence,

- juger que le droit de M. Deroo-Blanquart au remboursement des logiciels n'est subordonné à aucune condition avec toutes suites et conséquences de droit,

- condamner la société Sony Europe Limited à payer à M. Deroo-Blanquart la somme totale de 450 euro d'indemnité forfaitaire pour l'ensemble des logiciels pré-installés, se décomposant comme suit:

125 euro d'indemnité forfaitaire pour le logiciel système d'exploitation Microsoft Windows Vista,

110 euro d'indemnité forfaitaire pour le logiciel Microsoft office 2007,

55 euro d'indemnité forfaitaire pour le logiciel McAfee Internet Security suite, 150 euro d'indemnité forfaitaire pour l'ensemble des autres logiciels pré-installés,

10 euro d'indemnité forfaitaire pour les services de pré-installation des logiciels,

- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 décembre 2008 date de la mise en demeure de M. Deroo-Blanquart conformément à l'article L. 122-3 du Code de la consommation, avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil,

- condamner la société Sony Europe Limited à payer à M. Deroo-Blanquart la somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant de ses pratiques commerciales déloyales et interdites et de son préjudice moral,

* en toute hypothèse,

- débouter la société Sony Europe Limited de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner à payer à M. Deroo-Blanquart la somme de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel et autoriser la SCP Debray & Chemin, avocats, à poursuivre directement contre elle le recouvrement des frais dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Sony Europe Limited, intimée, dans ses dernières conclusions, formule les demandes suivantes:

- dire et juger M. Deroo-Blanquart irrecevable en son appel, compte tenu des règles de compétence propres à la juridiction de proximité et du caractère déterminée de ses demandes de sorte que le jugement déféré a été rendu en premier et dernier ressort,

- si la cour estimait l'appel recevable,

- constater que la société Sony Europe Limited n'est pas le vendeur de M. Deroo-Blanquart de l'ordinateur portable grand public VAJO NR38E,

- en conséquence, le déclarer irrecevable à agir contre la société Sony Europe Limited pour défaut d'intérêt, sur le fondement des dispositions qui touchent à la vente à savoir L. 111-1 et L. 113-3 du Code de la consommation, 1235 du Code civil ainsi que l'article 7 de l'arrêté du 13 décembre 1987,

- dire et juger que M. Deroo-Blanquart est un consommateur particulièrement avisé et ne correspond pas au consommateur moyen de produit informatique de grande consommation et qu'en toute hypothèse la qualification de pratique commerciale déloyale ne peut être appréciée au regard des besoins spécifiques de M. Deroo-Blanquart mais doit l'être au regard du consommateur moyen normalement informé, raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels, linguistiques pour un consommateur d'ordinateur équipé de logiciel d'exploitation et d'application de type grand public,

- constater, dire et juger que la vente d'un ordinateur portable grand public équipé de différents matériels et de différents logiciels ne figure pas parmi les pratiques déloyales visées par l'Annexe 1 de la Directive 2005-29-CE et ne peut donc être qualifiée de pratique commerciale déloyale ou agressive ou trompeuse,

- dire et juger que M. Deroo-Blanquart ne démontre pas qu'il aurait été victime de la part de la société Sony Europe Limited d'une quelconque forme de contrainte impliquant une menace physique ou verbale, l'exploitation d'un malheur ou circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur dans le but d'influencer sa décision d'achat,

- dire et juger que M. Deroo-Blanquart ne démontre pas avoir payé à Sony une quelconque somme ni que Sony lui en ait réclamé une,

- dire et juger que M. Deroo-Blanquart ne démontre pas qu'il aurait été victime de la part de la société Sony Europe Limited d'une pratique commerciale agressive au sens de l'article L. 120-1 et suivants du Code de la consommation et des articles 8 et 9 de la Directive 2005-29-CE,

- dire et juger que M. Deroo-Blanquart reconnaît avoir pris le temps d'étudier le marché, les offres d'ordinateurs portables et avoir parfaitement connaissance que l'ordinateur Vaio VGN-NR38E comportait des logiciels d'exploitation et d'application,

- dire et juger que M. Deroo-Blanquart ne démontre pas qu'il aurait été victime de la part de la société Sony Europe Limited d'une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 120-1 et suivants du Code de la consommation et des articles 6 et 7 de la Directive 2005-29-CE,

- dire et juger que M. Deroo-Blanquart ne démontre pas un manquement de la société Sony Europe Limited aux exigences de la diligence professionnelle,

- dire et juger que M. Deroo-Blanquart ne démontre pas une altération substantielle de son comportement économique,

- en conséquence, dire et juger que M. Deroo-Blanquart ne démontre pas qu'il aurait été victime de la part de la société Sony Europe Limited d'une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L. 120-1 et suivants du Code de la consommation et de l'article 5 de la Directive 2005-29-CE,

- dire et juger que M. Deroo-Blanquart ne démontre pas qu'il aurait conclu un contrat avec la société Sony Europe Limited et qu'il ne peut donc invoquer à son encontre les dispositions relatives aux clauses abusives et qu'en tout état de cause, il ne peut, par ce biais, ni remettre en cause l'objet du contrat ni son prix,

- en conséquence, rejeter l'ensemble de ses demandes et prétentions,

A titre subsidiaire,

- dans l'hypothèse où la cour s'interrogerait sur la compatibilité de l'article 7 de l'arrêté du 3 décembre 1987 avec les dispositions de la Directive PCD, il est demandé à la cour de bien vouloir surseoir à statuer dans ce dossier et de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l'Union européenne: "La Directive 2005-29- CE du 11 mai 2005 s'oppose-t-elle à une disposition nationale telle celle de l'article 7 de l'arrêté français du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix et qui impose une définition unique de l'information des consommateurs en cas de vente par lot, et exclut par conséquent toute autre forme ou modalité d'information du consommateur sans effectuer une appréciation in concreto du caractère trompeur ou non de l'information délivrée au consommateur ?"

- constater que la demande de remboursement de M. Deroo-Blanquart est totalement arbitraire et sans commune mesure avec ses prétentions initiales et calculée de manière forfaitaire,

- constater que la demande de dommages-intérêts de M. Deroo-Blanquart ne repose sur aucun préjudice personnel direct et actuel mais qu'il s'agit d'une demande de pure circonstance et purement arbitraire,

- en conséquence, rejeter l'ensemble de ses demandes et prétentions,

En tout état de cause, condamner M. Deroo-Blanquart à payer à la société Sony Europe Limited la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

I Sur le sursis à statuer sollicité

La cour ne constate aucune cause interne à la procédure dont elle est saisie nécessitant un quelconque sursis à statuer, le fait qu'une décision doive intervenir dans une espèce similaire devant une quelconque juridiction ne constituant en rien un motif de sursis à statuer.

II Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes de l'article L. 231-3 du Code de l'organisation judiciaire, la juridiction de proximité connaît, en matière civile, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4 000 euros. Elle connaît des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros.

Selon l'article R. 231-3, la juridiction de proximité connaît des actions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 231-3 en dernier ressort. Elle connaît des demandes mentionnées au deuxième alinéa du même article à charge d'appel.

Aux termes de l'article 40 du Code de procédure civile, le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf disposition contraire, susceptible d'appel.

La société Sony Europe Limited soutient que l'action de M. Deroo-Blanquart n'est pas susceptible d'appel. M. Deroo-Blanquart fait valoir que son action est une demande indéterminée qui a pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euro au sens de l'article R. 231-3.

Il ne suffit pas qu'une action tende à l'allocation d'une somme chiffrée pour qu'elle soit considérée comme indéterminée. Une action engagée en vue de faire juger l'illicéité d'une pratique commerciale constitue en soi une demande indéterminée, quel que soit le montant des dommages-intérêts réclamés. L'appel formulé par M. Deroo-Blanquart est donc recevable.

III Sur les arguments de parties

Décision du tribunal

Le tribunal avait indiqué qu'une pratique commerciale était déloyale si elle était contraire aux exigences de la diligence professionnelle et si elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique par rapport au produit du consommateur moyen auquel elle s'adresse. Il avait relevé que M. Deroo-Blanquart était un consommateur particulièrement avisé, connaisseur du marché et un fervent défenseur du logiciel libre et qu'il avait acheté en toute connaissance de cause. Il estimait qu'il n'était pas démontré que son comportement économique ait été altéré puisqu'il possédait les informations sur la valeur de l'ordinateur: il avait reçu la fiche technique de l'appareil et notamment les spécificités de logiciels dont il était muni. Passionné d'informatique, il était en mesure de comparer le prix avec d'autres propositions notamment en s'équipant d'un ordinateur nu et n'avait pas indiqué qu'il souhaitait acquérir un ordinateur sans logiciel. Le tribunal avait relevé que M. Deroo-Blanquart n'avait subi aucune contrainte pouvant altérer son jugement et avait donc conclu en l'espèce que la pratique de la société Sony Europe Limited n'était pas déloyale.

Argumentation de M. Deroo-Blanquart

M. Deroo-Blanquart procède d'abord à une analyse de la réglementation européenne et française puis à un rappel de la jurisprudence. Il soutient que le matériel fourni par Sony et les logiciels pré-installés sont deux produits distincts notamment quant à leur statut juridique, la fourniture d'un logiciel étant une prestation de service qui ne confère qu'un droit d'usage à l'encontre du matériel qui fait l'objet d'un droit de propriété. Il en déduit que la société Sony ne pouvait le contraindre à renoncer à l'achat du matériel au seul motif qu'elle refusait de lui rembourser seulement les logiciels, alors qu'ils ne constituent que des options non obligatoires. M. Deroo-Blanquart en déduit également que la société Sony était tenue à un affichage distinct pour chacun des produits qu'elle vendait par lot. M. Deroo-Blanquart explique qu'il a choisi la marque Sony compte tenu de sa notoriété et de ses qualités et parce que le modèle Vaio VGN-NR38E correspondait à ses besoins.

Pour l'appelant, le jugement a mal interprété la Directive car la pratique commerciale de produits non demandés fait partie de la liste des pratiques interdites déloyales "en toutes circonstances", le juge n'ayant pas à apprécier les circonstances de la cause pour en prononcer l'interdiction et notamment sans qu'il faille rechercher si M. Deroo-Blanquart est ou non un consommateur averti.

M. Deroo-Blanquart reconnaît qu'il savait que le matériel acheté était fourni avec des logiciels mais il soutient qu'il n'allait pas renoncer à l'achat d'un ordinateur au prétexte que Sony ne le fabrique, comme tous ses autres ordinateurs, qu'avec des logiciels fournis préchargés. Il précise qu'il a écrit au fabricant pour obtenir le remboursement du logiciel mais qu'il a essuyé un refus au motif que matériel et logiciels formaient un produit unique.

M. Deroo-Blanquart soutient à titre subsidiaire que la société Sony tombe également sous le coup de l'interdiction des ventes subordonnées. Il l'accuse également de pratiques trompeuses en faisant croire que le matériel et les logiciels constitueraient un "produit unique", en n'indiquant pas qu'il s'agit de deux produits distincts, en faisant croire que celui qui ne veut pas installer et utiliser le système d'exploitation peut en obtenir le remboursement. L'appelant fait valoir que le prix du logiciel qui peut atteindre jusqu'à 30 % du prix total n'est pas indiqué alors que le prix est un élément essentiel de l'information du consommateur, l'arrêté du 3 décembre 1987 imposant d'ailleurs l'information pour chacun des éléments d'un lot. M. Deroo-Blanquart soutient que la société Sony ne peut se retrancher derrière le fait qu'elle ne serait pas le vendeur dans la mesure où elle intervient en tant que fournisseur de services du fait des logiciels qu'elle inclut dans le matériel vendu.

L'appelant affirme enfin qu'il est en présence d'une pratique agressive, la société Sony abusant de sa position économique et le contraignant à payer des logiciels qu'il n'a pas commandés.

L'appelant réfute enfin la qualification de consommateur "averti" utilisée par le tribunal et qui ne correspond pas à la définition qu'en donne la jurisprudence. Il affirme avoir une simple formation de comptable et exercer ce métier et ajoute que la qualité de consommateur averti est indifférente à la solution du litige.

Argumentation de la société Sony

La société intimée analyse tout d'abord la Directive 2005-29-CE (PCD) du 11 mai 2005. Elle soutient que cette Directive retient la notion de "consommateur moyen" qui doit être entendue, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice, comme "une personne critique, consciente et raisonnablement avisée quant à son comportement sur le marché". Elle fait valoir qu'en dehors des pratiques spécifiquement visées par l'Annexe 1 de la Directive, les pratiques commerciales doivent être considérées comme licites sauf pour la juridiction saisie à 1°) constater que la pratique dénoncée est déloyale car agressive au sens des articles 8 et 9 de la Directive PCD, 2°) constater que la pratique dénoncée est déloyale car trompeuse au sens des articles 6 et 7 de cette même Directive, 3°) constater que la pratique dénoncée est déloyale au sens de l'article 5, 1 de la Directive, c'est-à-dire si elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen auquel cette pratique s'adresse.

La société Sony analyse ensuite le droit français et son évolution, rappelant les lois des 3 janvier 2008 et du 4 août 2008 puis celle du 17 mai 2011 qui a retranscrit complètement les principes de la Directive. Sont ensuite étudiées les différents procès intervenus en la matière depuis 2010.

Dans la discussion des arguments de l'appelant, la société Sony soutient que la pratique de commercialisation d'un ordinateur portable grand public avec logiciels pré-installés doit être analysée à l'égard du consommateur moyen de ce type de produit achetant dans les enseignes de grande distribution, et que ce consommateur est particulièrement attentif aux caractéristiques du produit pour s'être renseigné un minimum à ce sujet. Elle souligne que M. Deroo-Blanquart est un consommateur particulièrement avisé.

Quant au fait de savoir s'il y a vente et prestation de service ou vente et location, la société Sony soutient que cette discussion est sans intérêt sauf à méconnaître le sens de la Directive PCD. Elle fait valoir sa liberté fondamentale de pouvoir définir l'offre qu'elle estime la plus appropriée aux consommateurs moyens de produits informatiques grand public.

S'agissant du grief de pratique commerciale agressive au sens de l'article L. 122-11 du Code de la consommation, la société Sony affirme qu'aucun des critères retenus par cet article n'est rempli en l'espèce.

V Sur les pratiques déloyales de vente de produit non demandé (vente forcée) interdite en toutes circonstances

La Directive 2005-29-CE (PCD) du 11 mai 2005 vise à établir, à l'échelon communautaire, des règles uniformes qui assurent un niveau élevé de protection des consommateurs et à clarifier certaines notions juridiques, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur, afin d'assurer la sécurité juridique. Dans son annexe 1 la Directive énumère 31 "pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances".

Le paragraphe 29 de cette annexe concerne la prohibition des fournitures non demandées, interdisant "d'exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés". Aux termes de l'article L. 122-3 du Code de la consommation, "il est interdit d'exiger le paiement immédiat ou différé de biens ou de services fournis par un professionnel (...) sans que ceux-ci aient fait l'objet d'une commande préalable du consommateur".

Le paragraphe 29 de l'annexe I de la Directive 2005-29-CE (PCD) du 11 mai 2005 et l'article L. 122-3 du Code de la consommation concernent des pratiques commerciales dans lesquelles le vendeur livre au consommateur à son insu des éléments qui ne faisaient pas partie de l'offre, dont il ignorait la présence ou qu'il aurait préalablement refusés et qu'il découvre à l'issue de son achat, la demande ou la commande devant s'apprécier au moment de l'achat. Le régime particulièrement sévère adopté par la circulaire s'explique par le comportement particulièrement déloyal du vendeur mais aussi par celui du consommateur dont la bonne foi doit avoir été totalement surprise.

M. Deroo-Blanquart ne peut soutenir qu'il n'a pas demandé les logiciels installés dans la mesure où, lors de l'achat, il n'a formulé aucune demande particulière alors qu'il savait parfaitement quels étaient les composants du matériel qu'il avait décidé d'acheter. Les indications fournies au consommateur par les catalogues tels que celui de la Fnac indiquent avec précision quels sont les composants du produit vendu et notamment les logiciels pré-installés. M. Deroo-Blanquart, quelle que soit sa compétence en matière d'informatique, en tant que consommateur moyen au sens de la Directive, a donc pu lire, s'agissant de cet ordinateur VGN-NR38E : "Système d'exploitation, Visate éd. Familiale Premium, Logiciels pour le traitement de l'image, de la gravure, de la bureautique, Adobe Reader 81, Divx Player et Converter, suite de logiciels Vaio". En se rendant au magasin Conforama le 27 décembre 2008, M. Deroo-Blanquart a demandé à acheter un ensemble ordinateur-logiciels. A moins de priver de sens des termes pourtant parfaitement clairs, il n'est pas possible de considérer que la société Sony - ou la société commercialisant ses produits qui n'est pas en cause - ait exigé un paiement pour un produit, en l'occurrence des logiciels, que M. Deroo-Blanquart, n'avait pas demandé.

La vente incriminée ne constitue donc pas une vente de produit non demandé prévue par le paragraphe 29 de l'annexe I de la Directive 2005-29-CE (PCD) et ne s'inscrit donc dans aucun des cas visés dans cet annexe. Elle ne tombe pas davantage sous le coup de l'article L. 122-3 du Code de la consommation.

VI Sur la pratique commerciale déloyale de subordination de vente (dite vente liée ou subordonnée ou conjointe)

En dehors de ces cas limitativement prévus par son annexe 1 et qui concernent les pratiques commerciales déloyales en toutes circonstances, la Directive 2005-29-CE (PCD) du 11 mai 2005 prévoit un certain nombre de pratiques commerciales qu'il convient d'apprécier au cas par cas. La Directive indique, dans son article 5.2, ce qu'est une pratique commerciale déloyale. Celle-ci est caractérisée si elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et si elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu'elle touche ou auquel elle s'adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu'une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.

La Directive définit les différentes notions employées dans son article 2. Par "consommateur", il est entendu "toute personne physique qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale". Elle précise qu'est considéré comme consommateur moyen celui qui est "normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels, linguistiques". Par "diligence professionnelle" il est entendu "le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d'activité". Et enfin, par "altération substantielle du comportement économique des consommateurs", il est entendu "l'utilisation d'une pratique commerciale compromettant sensiblement l'aptitude du consommateur à rendre une décision en connaissance de cause et l'amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement".

Aux termes de l'article 120-1 du Code de la consommation, les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.

Sont considérées comme déloyales selon la Directive et le Code de la consommation, les ventes subordonnées à condition qu'elles constituent une pratique commerciale déloyale. Ainsi l'article 122-1 de ce code "interdit (...) de subordonner la vente d'un produit (...) à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service (...) dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l'article 120-1." Sont également prohibées en tant que pratiques déloyales, les pratiques commerciales trompeuses ou agressives qui seront examinées ultérieurement.

Constitue donc une vente prohibée la vente liée - non prohibée en tant que telle - si elle correspond à la définition d'une pratique déloyale comme le souligne l'article 122-1 du Code de la consommation et comme il résulte de la Directive 2005-29-CE (PCD) du 11 mai 2005. En l'espèce, M. Deroo-Blanquart savait donc parfaitement, pour avoir préalablement étudié le produit en question et l'état du marché, qu'il allait, en se rendant au magasin Conforama et en acquérant ce produit Sony, acheter un ordinateur vendu avec certains logiciels pré-installés. Il apparaît que, comme tout autre consommateur, M. Deroo-Blanquart pouvait exercer son choix en s'adressant à d'autres fabricants et en achetant un autre matériel d'une autre marque vendu sans logiciels ou associé à d'autres logiciels, le marché offrant une variété d'ordinateurs et de logiciels dont la combinaison permettait d'assurer la liberté de son choix. L'intéressé avance l'argument, sans le prouver, que la société Sony dont il vante les performances, vendait un produit particulièrement adapté à ses souhaits et ses besoins mais dont rien n'indique qu'il était supérieur à des produits vendus pas des concurrents. La vente pratiquée par la société Sony n'altérait donc pas substantiellement le comportement économique de M. Deroo-Blanquart, dans la mesure où ce dernier restait libre de décider d'acheter sur le marché auprès d'un autre fabricant, un autre produit, différemment composé et utilisant d'autres logiciels et qu'il pouvait se faire rembourser l'appareil acquis s'il s'apercevait qu'en définitive il ne correspond pas à ce qu'il souhaitait.

Il ne peut être reproché à la société Sony de ne pas vendre séparément l'ordinateur nu et les logiciels dans la mesure où son analyse du marché l'a conduite en toute bonne foi à présenter une gamme de produits qu'elle estime correspondre à une part de la demande de la clientèle préférant un produit pré-installé d'utilisation immédiate à une vente séparée et un assemblage jugé délicat voire indésirable pour le consommateur moyen, part de marché occupée par d'autres concurrents. Sa décision de vendre "clés en main" un produit composite avec une configuration "prêt à l'emploi" répond aux attentes d'une grande partie des consommateurs souhaitant disposer d'un produit unique et à la configuration d'un marché assurant une variété d'offres suffisantes. La pratique dénoncée n'est donc pas contraire aux exigences de la diligence professionnelle.

VII Sur l'accusation de pratique commerciale agressive

Selon l'article 8 de la directive 2005-29-CE (PCD) du 11 mai 2005, une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d'altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d'une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l'égard d'un produit, et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'l n'aurait pas prise autrement.

Aux termes de l'article L. 122-11 du Code de la consommation:

"I Une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l'usage d'une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l'entourent : 1° Elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d'un consommateur ; 2° Elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d'un consommateur ; 3° Elle entrave l'exercice des droits contractuels d'un consommateur.

II.- Afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée, les éléments suivants sont pris en considération : 1° Le moment et l'endroit où la pratique est mise en 'œuvre, sa nature et sa persistance ; 2° Le recours à la menace physique ou verbale ; 3° L'exploitation, en connaissance de cause, par le professionnel, de tout malheur ou circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit ; 4° Tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ; 5° Toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible."

Constitue une pratique commerciale agressive une vente à l'occasion de laquelle sont utilisées des méthodes telles qu'évoquées dans l'article 122-11 ou les articles 8 et 9 de la directive, du type contrainte, menace, harcèlement, toutes circonstances qui ne procèdent pas de l'économie du contrat mais d'une circonstance extérieure à la convention de vente et traduisent toutes une pression significative exercée sur le consommateur.

Sous peine de dénaturer le texte de loi, ne peut donc constituer une pratique commerciale agressive le fait de mettre en vente dans une grande surface telle que Conforama un matériel informatique sur lequel sont fournies des indications précises permettant un achat suffisamment éclairé pour un consommateur moyen et qui ne fait l'objet de la part du vendeur d'aucun harcèlement, d'aucune contrainte, d'aucune menace alors surtout que le client, en l'espèce M. Deroo-Blanquart, est venu sur place de son propre chef après avoir mûrement réfléchi à sa démarche.

VIII Sur l'accusation de pratique commerciale trompeuse

Aux termes de l'article 7 de la directive 2005-29-CE (PCD) du 11 mai 2005, "une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.

Une pratique commerciale est également considérée comme une omission trompeuse lorsqu'un professionnel, compte tenu des aspects mentionnés au paragraphe 1, dissimule une information substantielle visée audit paragraphe ou la fournit de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu'il n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l'un ou l'autre cas, le consommateur moyen est ainsi amené ou est susceptible d'être amené à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement."

Aux termes de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien... En cas de litige portant sur l'application des I et II, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté ses obligations.

Selon l'article L. 113-3 du même code, tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les conditions particulières de la vente, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'Economie, après consultation du Conseil national de la consommation.

Aux termes de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, tel qu'il résulte de la loi du 4 août 2008,

"I.- Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : 1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ; e) La portée des engagements de l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ; f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ; g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;

3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n'est pas clairement identifiable.

II.- Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte. Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes :

1° Les caractéristiques principales du bien ou du service ;

2° L'adresse et l'identité du professionnel ;

3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s'ils ne peuvent être établis à l'avance

4° Les modalités de paiement, de livraison, d'exécution et de traitement des réclamations des consommateurs, dès lors qu'elles sont différentes de celles habituellement pratiquées dans le domaine d'activité professionnelle concerné ;

5° L'existence d'un droit de rétractation, si ce dernier est prévu par la loi.

III.- Le I est applicable aux pratiques qui visent les professionnels."

Peuvent ainsi constituer des pratiques trompeuses des ventes dans lesquelles le commerçant dissimule, omet volontairement ou fournit de façon ambiguë une information substantielle tels que les caractéristiques principales du produit ou son prix ou encore le mode de calcul de son prix. Cette omission doit conduire le consommateur à prendre une décision d'achat qu'il n'aurait pas prise autrement s'il avait été correctement informé.

Il apparaît qu'en l'espèce la société Sony a fourni, par l'intermédiaire de son revendeur, des informations précises sur chacun des logiciels pré-installés. A été proposé à la vente de façon claire et non équivoque un produit unique mais composé dont l'agencement et les éléments sont suffisamment expliqués au consommateur compte tenu du cadre et du lieu de vente, ce consommateur étant informé de façon loyale des caractéristiques principales de l'appareil. Il n'apparaît pas qu'une information plus ample sur le fonctionnement et les caractéristiques des logiciels aurait pu modifier le comportement d'un consommateur moyen.

S'agissant du prix, le caractère composite du produit offert n'implique pas à la charge de la société Sony de détailler le coût de chacun de ses éléments, le consommateur moyen étant déterminé par le prix unitaire de l'objet acheté qu'il peut comparer à des produits concurrents sachant quels types de logiciels ont été pré-installés.

Le calcul du prix global entre dans sa politique commerciale propre de la société Sony. Sa volonté de ne pas en divulguer le détail au consommateur lors de l'achat ne peut constituer une manœuvre ou une tromperie susceptible d'être qualifiée de pratique déloyale.

IX Sur la portée de l'article 7 de l'arrêté du 3 décembre 1987

Aux termes de l'article 7 de l'arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix, "les produits vendus par lots doivent comporter un écriteau mentionnant le prix et la composition du lot ainsi que le prix de chaque produit composant le lot."

Constitue une vente par lot la vente de produits similaires ou non, vendus simultanément généralement sous un même conditionnement, à un prix généralement moins élevé que l'addition des produits isolés. La vente par lot ne concerne pas produit unique composé d'éléments complémentaires comme un ordinateur sur lequel ont été pré-installés des logiciels. L'arrêté du 3 décembre 1987 n'a donc pas à être appliqué en l'espèce.

Sur la demande de remboursement du logiciel et de dommages-intérêts

M. Deroo-Blanquart demande la condamnation de la société Sony à lui payer la somme de 450 euro d'indemnité forfaitaire pour l'ensemble des logiciels pré-installés ainsi que 3 000 euro à titre de dommages-intérêts.

La vente incriminée ne constituant pas une pratique déloyale, il n'y a pas lieu à faire droit à ces demandes.

XI Frais irrépétibles et dépens

M. Deroo-Blanquart ayant été débouté de ses demandes, il supportera la charge des dépens d'appel et sera condamné à payer la société Sony la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Dit n'y avoir lieu à sursis statuer, Déclare recevable l'appel de M. Deroo-Blanquart, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Dit que la vente incriminée ne constitue ni une pratique commerciale déloyale de vente forcée interdite en toutes circonstances, ni une pratique commerciale de vente liée déloyale, ni une pratique commerciale trompeuse ou agressive, Dit que l'arrêté du 3 décembre 1987 n'est pas applicable en l'espèce, Rejette les demandes d'indemnisation de l'appelant, Condamne M. Deroo-Blanquart à payer à société Sony Europe Limited la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Le condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés par les avocats dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.