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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 5 novembre 2013, n° 12-05667

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

De Marco

Défendeur :

CTAM (SARL), JMRT (SARL), Act Blondin (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

M. Chassery, Mme Olive

Avocats :

Mes Auche, Garcia, Salies, Chaton

T. com. Montpellier, du 13 juin 2012

13 juin 2012

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties

Le 26 décembre 2008, la société CTAM a donné en location-gérance à M. De Marco pour une durée d'un an renouvelable d'année en année par tacite reconduction à défaut de prévenance par lettre recommandée avec accusé de réception trois mois à l'avance, le fonds artisanal de contrôle technique automobile qu'elle exploitait à l'enseigne Sécuritest dans la zone d'activités économiques du Mas de Garric 34140 à Mèze, moyennant une redevance mensuelle TTC de 2 939,20 euro et le versement d'un dépôt de garantie de 23 000 euro payable à hauteur de 11 500 euro à la signature de l'acte, de 3 000 euro le 1er août 2008 et de 8 500 euro le 1er février 2009 ; la société JMRT, propriétaire de l'immeuble où était exploité le fonds en question, est intervenue à cet accord pour l'agréer et préciser qu'il n'était donné à bail au locataire-gérant que "la partie droite où est installé le pont, le bureau, la salle d'attente, le local d'archives neuf".

Les relations entre parties se sont progressivement détériorées de sorte que M. De Marco mettait fin à la location-gérance par courrier du 30 octobre 2010 pour le 31 janvier 2011 ; le fonds était alors donné en location-gérance à la société Act Blondin par accord du 25 janvier 2011 avec prise d'effet au 1er février 2011.

Entre autres procédures judiciaires qui ont alors opposé la société CTAM et M. De Marco, celui-ci saisissait par assignation délivrée le 30 septembre 2011 le Tribunal de commerce de Montpellier qui, par jugement du 13 juin 2012 assorti de l'exécution provisoire, a, pour l'essentiel ordonné à M. De Marco de restituer à la société CTAM le ficher clientèle et les procès-verbaux de contrôle technique des véhicules, ordonné à la société CTAM de restituer à M. De Marco le dépôt de garantie dès la restitution du fichier clientèle et condamné M. De Marco à payer à la société Act Blondin la somme de 50 000 euro à titre de dommages intérêts en réparation de la perte d'exploitation résultant de ses actes de concurrence déloyale.

M. De Marco a relevé appel de ce jugement à l'encontre des sociétés CTAM, JMRT et Act Blondin prise en leur qualité la première de défenderesse à la procédure initiale, les deux autres d'intervenantes volontaires à ladite procédure.

M. De Marco demande à la cour :

1) à l'encontre de la société CTAM : de la condamner à lui restituer le dépôt de garantie sans condition de restitution du fichier clientèle, à lui rembourser la somme de 2 000 euro pour le dépannage et la réparation du volet roulant, à lui verser celle de 4 000 euro en réparation de son préjudice moral, de la débouter de sa demande en restitution du fichier clientèle, des procès-verbaux de contrôle technique, en paiement de la somme de 2 677,78 euro au titre des travaux de remise en état, de la déclarer irrecevable en son action pour défaut d'intérêt à agir et donc de la débouter de sa demande en paiement de la somme de 100 000 euro à titre de dommages intérêts en réparation de la perte de valeur du fond mais de la condamner à lui restituer le fichier et les procès-verbaux de contrôle technique qu'il a remis à l'huissier dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement et ce sous astreinte de 100 euro par jour de retard à compter du présent arrêt,

2) à l'encontre de la société JMRT : de la débouter de sa demande en remise des lieux en l'état notamment de sa demande en paiement de la somme de 4 404,19 euro,

3) à l'encontre de la société Act Blondin : de la déclarer irrecevable en sa demande de paiement de la somme de 100 000 euro à titre de dommages intérêts pour concurrence déloyale en raison de son défaut d'intérêt à agir,

4) de condamner les sociétés CTAM, JMRT et Act Blondin à lui verser chacune 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens qui comprendront les frais d'exécution à venir dont distraction au profit de la SCP AUCHE (conclusions du 6 septembre 2013).

Les sociétés CTAM, JMRT et Act Blondin après avoir retracé les faits et les procédures qui les ont opposées à M. De Marco réclament à la cour en ce qui concerne :

1) la société CTAM :

- de débouter M. De Marco de l'ensemble des prétentions formées à son encontre notamment de sa demande en restitution du dépôt de garantie de 23 000 euro tant qu'il n'aura pas justifié de la restitution du fichier clientèle tel qu'il se présentait le 31 janvier 2011 sur un support informatique exploitable par le logiciel du centre de contrôle technique de la société Act Blondin, en remboursement de la somme de 2 000 euro au titre de la réparation du volet roulant et de celle de 4 000 euro à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,

- de condamner M. De Marco à lui restituer la somme de 23 655,87 euro saisie sur son compte bancaire au titre de la restitution du dépôt de garantie, à lui payer la somme de 2 677,78 euro pour la remise en état du fonds, celle de 150 000 euro en réparation de la perte de valeur du fonds à la suite de ses agissements fautifs à moins que la cour ne préfère ordonner une expertise pour le chiffrer, à lui restituer sous astreinte de 800 euro par jour de retard le fichier clientèle attaché au fond donné en location-gérance, de dire que cette restitution devra se faire sur support papier et sur support informatique de type clé USB exploitable par le logiciel du centre de gestion exploité par la société Act Blondin et d'autoriser en cas d'exécution forcée l'huissier instrumentaire à procéder à l'extraction des données informatiques et à intervenir auprès de la société Génilink partenaire de Sécuritest afin qu'elle procède au transfert des données sur l'ordinateur du nouveau locataire-gérant, la société Act Blondin ;

2) la société JMRT : de condamner M. De Marco à lui verser la somme de 4 404,19 euro au titre des travaux de remise des lieux en état,

3) la société Act Blondin : de condamner M. De Marco à lui verser la somme de 300 000 euro à titre de dommages intérêts en réparation de la perte d'exploitation résultant de ses agissements fautifs à moins que la cour ne préfère ordonner une expertise pour en chiffrer le montant,

4) les sociétés CTAM et JMRT : d'ordonner la compensation entre leurs créances et celles dont M. De Marco serait éventuellement titulaire,

5) en ce qui concerne les sociétés CTAM, JMRT et Act Blondin de condamner M. De Marco à leur verser 6 000 euro à chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à s'acquitter des entiers dépens de première instance et d'appel avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de Me Salies (conclusions du 11 septembre 2013).

Sur quoi,

Attendu que l'acte sous-seing privé du 11 décembre 2007 stipulait que la société CTAM restait propriétaire du fonds donné en location-gérance qui comprenait "l'enseigne, le nom commercial, la clientèle et l'achalandage y attaché, les documents de toute nature concernant directement ou indirectement l'exploitation" ; que cet accord précisait que le preneur reconnaissait que le bailleur lui avait remis les documents relatifs au fonds qui devraient lui être restitués en fin de bail ; que la demande d'agrément présentée par M. De Marco le 11 janvier 2008 précisait que le centre de contrôle en question avait réalisé 1 471 contrôles en 2006 et 1 878 contrôles en 2007 ; que le premier juge en a donc exactement déduit que M. De Marco ne pouvait prétendre qu'il n'existait pas de fichier lors de sa prise de fonctions ; qu'il a tout aussi exactement relevé à la lecture du contrat de partenariat intervenu le 11 janvier 2008 entre M. De Marco et la société Sécuritest qu'elle n'était pas propriétaire du fichier "clients" de M. De Marco puisqu'il s'agissait d'un commerçant indépendant exerçant son activité en son nom et pour son compte à qui cette société accordait le droit d'utiliser les signes distinctifs dont elle était propriétaire, son savoir-faire et son assistance ; qu'à l'issue de la location-gérance, la clientèle doit revenir au bailleur ; que M. De Marco sera débouté de sa demande en restitution sous astreinte du fichier et des procès-verbaux de contrôle technique qu'il a remis à l'huissier dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement ;

Attendu que le 23 octobre 2012, Maître Caussil agissant à la requête des sociétés CTAM, JMRT et Act Blondin s'est rendu dans les locaux du centre de contrôle technique exploité par M. De Marco qui

- lui a remis trois caisses contenant les PV de contrôle technique correspondant au fichier "clients" à la date du 31 décembre 2010 dont l'huissier instrumentaire indique qu'en raison de leur nombre (plusieurs milliers) il n'en a pas vérifié la concordance avec les fichiers informatiques,

- a procédé à un transfert de fichiers en format PDF sur chacune des deux clés USB dont l'huissier s'était muni et lui a déclaré que ce fichier "clients" avait été préparé par sa société prestataire de services la société Genilink ;

Attendu que l'huissier s'est ensuite rendu au siège social de sa requérante où il a remis au gérant les trois caisses contenant les procès-verbaux de contrôle technique et un exemplaire de la clé USB contenant le fichier "clients" ; que le gérant lui a alors indiqué que ce fichier ne pouvait pas être directement intégré dans son système informatique ;

Attendu que la société CTAM si elle démontre avoir remis en 2008 à M. De Marco un fichier informatique de ses clients ne rapporte pas la preuve qu'elle l'est également fait sur support "papier" ; qu'elle ne saurait donc exiger que M. De Marco lui remette une version "papier" du fichier de ses clients étant précisé de surcroît que M. De Marco a remis à Maître Bringuier le 3 février 2012 "un listing de véhicules contrôlés sur 150 pages soit 6548 véhicules" ;

Attendu que s'il incombe à M. De Marco de restituer le fichier "clients", il ne lui incombe pas de faire les démarches pour rendre son fichier exploitable par le logiciel dont la société Act Blondin a équipé son centre de contrôle technique et d'en supporter le coût ; qu'en l'état M. De Marco ayant satisfait à son obligation de restituer le fichier "clients" il n'y a pas lieu d'autoriser l'huissier à procéder à l'extraction des données informatiques et à intervenir auprès de la société Génilink, partenaire de Sécuritest, afin qu'elle procède au transfert des données sur l'ordinateur du nouveau locataire gérant, la société Act Blondin ;

Attendu que l'huissier instrumentant à la requête des sociétés CTAM, JMRT et Act Blondin n'ayant pas cru devoir, lors de la remise par M. De Marco le 23 octobre 2012 des caisses contenant les procès-verbaux de contrôle technique, en vérifier le contenu, ces sociétés ne rapportent pas la preuve que M. De Marco ne se soit pas entièrement acquitté de cette obligation ;

Attendu que M. De Marco lui ayant restitué le fichier clientèle attaché au fonds donné en location-gérance ainsi que les procès-verbaux de contrôle technique des véhicules, la demande de la société CTAM en condamnation de M. De Marco à lui restituer ce fichier clientèle ainsi que ces procès-verbaux de contrôle technique sous astreinte, devient sans objet ; qu'elle sera condamnée à lui restituer sans condition le dépôt de garantie de 23 000 euro qu'il lui a versé et déboutée de sa demande en restitution de la somme de 23 655,87 euro saisie sur son compte bancaire au titre précisément de la restitution de ce dépôt de garantie ;

Attendu que le constat dressé au départ de M. De Marco le 31 janvier 2011 par Maître Gimenez fait état d'une fuite à la chasse d'eau, d'une poignée cassée sur la porte du local "archives", de trois carreaux fissurés dans la pièce "accueil", d'éclats au niveau de la serrure et de trois carreaux fissurés dans la pièce "repos", d'une poignée cassée sur la porte des WC ainsi que d'une fissure sur toute la largeur du sol et d'un panneau publicitaire cassé ; que les factures produites par les sociétés CTAM et JMRT ne justifient pas de travaux de remise en état correspondant aux constatations ci-dessus rappelées ; qu'elles seront donc déboutées de leur demande en paiement la première de la somme de 2 677,78 euro, la seconde de la somme de 4 409,19 euro ;

Attendu que le contrat de location-gérance prévoyait en sa clause relative aux lieux loués à la rubrique "entretien-réparation" que "le preneur prendra les lieux loués dans l'état où ils se trouvaient au jour de la signature du contrat et qu'il les entretiendra en bon état de réparations locatives ou de menu entretien et les rendra à sa sortie en bon état de réparation locative ; qu'il supportera toute réparation qui deviendrait nécessaire par suite, soit du défaut d'exécution des réparations locatives , soit de dégradations résultant de son fait ou de celui du personnel ou de sa clientèle" ; que M. De Marco sera donc débouté de sa demande en remboursement de la somme de 2 000 euro qu'il a exposée pour le dépannage et la réparation du volet roulant ;

Attendu que le centre de contrôle technique de la société CTAM est exploité depuis sa création au mois de janvier 2006 dans un local sis (...) ; qu'à l'expiration du contrat de location-gérance, soit le 1er février 2011, M. De Marco a créé son propre centre de contrôle technique situé (...) ; qu'en l'absence de clause de non-concurrence stipulée dans le contrat en question, rien ne lui interdisait de s'installer à proximité immédiate du fonds artisanal de la société CTAM ;

Attendu qu'en vertu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, le démarchage de la clientèle d'autrui est libre, dès lors qu'il ne s'accompagne pas d'un acte déloyal ;

Attendu que la société CTAM produit aux débats diverses pièces dont il ressort :

Pièce 7 : que M. De Marco a passé dans le bulletin de l'association Jeep Thau Nature (année 2011) l'annonce suivante "contrôle technique/sponsor du club nouveau logo : rouge et noir comme Jeep Thau Nature. Guy De Marco responsable et contrôleur du centre de Mèze, transfère son activité de contrôle technique automobile au (...), à côté de Gédimat. Nouvelle appellation Vérif/Auto ; tel 04.67.24.32.68 et 06.17.80.40.80. Le meilleur accueil sera maintenu pour les adhérents Jeep Thau Nature. Le tarif préférentiel est toujours d'actualité" ;

Pièce 15 : que M. De Marco a positionné sur le trottoir situé de l'autre côté de la rue par rapport au centre de contrôle de la CTAM face à son portail d'entrée un véhicule portant un panneau annonçant "Hérault contrôle de Marco Vérif/Auto à 20 m. après le virage" ;

Pièce 18 : que la société Hérault contrôle Vérif/Auto a établi le 26 mai 2011 un procès-verbal de contrôle technique n° 11/01/6451 portant le logo Sécuritest ;

Pièce 19 : que ce prospectus publicitaire mentionne : "votre contrôle technique à Mèze, Hérault Contrôle De Marco SARL depuis quatre ans même équipe, même sérieux, même accueil vous attendent dans leurs nouveaux locaux situés (...)" ;

Attendu que ces documents démontrent que M. De Marco cherche à persuader la clientèle que l'activité du centre de contrôle technique de la CTAM qu'il exploitait dans le cadre du contrat de location-gérance a été transféré du n° (...) vers le n°10 de la même voie où se situe son propre centre ; que ce faisant, il commet un acte de concurrence déloyale ;

Attendu que la société CTAM ne produit au débat ni le contrat de location-gérance qu'elle a signé avec la société Act Blondin ni aucun autre document de nature à établir l'existence d'un lien de causalité directe entre les actes de concurrence déloyale commis par M. De Marco et le préjudice qu'elle prétend avoir subi à savoir la perte de valeur de son fonds artisanal ; qu'une expertise ne saurait être ordonnée pour suppléer la carence en preuve d'une partie ;

Attendu que l'étude comparative du chiffre d'affaires réalisé par M. De Marco quand il exploitait au cours des années 2008, 2009 et 2010 le fonds artisanal de la société CTAM et du chiffre d'affaires réalisé par la société Act Blondin dans l'exploitation du même fonds durant les années 2011 et 2012 démontre que les actes de concurrence déloyale commis par M. De Marco ont détourné une partie de la clientèle de ce fonds ; que les documents comptables et fiscaux versés aux débats donnent à la cour des éléments de détermination suffisants pour fixer à 30 000 euro le montant des dommages intérêts accordés à la société Act Blondin pour la perte d'exploitation résultant des agissements fautifs de M. De Marco ; qu'en l'état de la suffisance de ces éléments il n'y a pas lieu d'instituer l'expertise sollicitée par la société Act Blondin ;

Attendu que M. De Marco ne rapportant pas la preuve de l'existence du préjudice moral dont il réclame réparation à hauteur de 4 000 euro sera débouté de la demande qu'il présente de ce chef ;

Attendu que les circonstances de l'espèce ne conduisent pas à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile sur la demande d'aucune des parties à la présente procédure ; que ces mêmes circonstances conduisent à décider que les dépens de première instance et d'appel seront supportés pour une moitié par M. De Marco et pour l'autre moitié par la société CTAM ;

Par ces motifs : LA COUR confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté : - M. De Marco de ses demandes en paiement des sommes de 2 000 euro pour la réparation du volet roulant et de 4 000 euro à titre de dommages intérêts pour préjudice moral, - la société CTAM de sa demande de dommages intérêts, - les sociétés CTAM et JMRT de leurs demandes en paiement des sommes respectives de 2 677,78 euro et de 4 404,19 euro réclamées au titre des frais de remise en état, le réforme pour le surplus, statuant à nouveau, déboute la société CTAM de ses demandes en restitution des fichiers clients et des procès-verbaux de contrôle des véhicules, celles-ci ayant déjà eu lieu, condamne la société CTAM à restituer à M. De Marco la somme de 23 000 euro montant du dépôt de garantie, rejette les demandes d'expertise présentées par les sociétés CTAM et Act Blondin, condamne M. De Marco à payer à la société Act Blondin la somme de 30 000 euro à titre de dommages intérêts en réparation de sa perte d'exploitation, dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile sur la demande d'aucune des parties en la cause, condamne M. De Marco et la société CTAM à supporter chacun pour moitié les dépens de première instance et d'appel.