Livv
Décisions

Cass. com., 13 novembre 2013, n° 12-26.439

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Pierre Coquart & associés (SAS)

Défendeur :

Etablissements Coquart (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Mandel

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, Me Bouthors

Douai, 1re ch. 2e sect., du 12 sept. 201…

12 septembre 2012

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'entreprise Coquart, créée en 1899 et à laquelle a succédé en 1970 la SA Etablissements Coquart, a pour activité tous travaux de charpente, menuiserie et en général tous travaux de construction de bâtiments ; qu'à partir de 1980, elle a été contrôlée par MM. Pierre, Guy et Alain Coquart ; que M. Pierre Coquart, qui assurait la présidence du conseil d'administration, a été révoqué le 8 décembre 2003 et a cédé l'ensemble des titres qu'il détenait ; que le 9 janvier 2004 a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés la société Pierre Coquart et associés (la société Pierre Coquart) dont M. Pierre Coquart est président du conseil de surveillance ; que cette société a déposé le 10 juin 2004 la marque semi-figurative "Pierre Coquart et associés maisons bois et charpentes" pour désigner divers produits et services en classes 19 et 37 ; que la société Etablissements Coquart, estimant que la société Pierre Coquart s'était rendue coupable à son encontre d'actes de concurrence déloyale et qu'elle portait atteinte à sa marque semi-figurative "Coquart" déposée le 14 janvier 2004, ainsi qu'à sa dénomination sociale, l'a fait assigner en paiement de dommages-intérêts, en annulation de la marque "Pierre Coquart et associés maisons bois et charpentes" et aux fins d'obtenir des mesures d'interdiction ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Pierre Coquart fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande d'annulation de la marque et de lui en avoir interdit l'usage, alors, selon le moyen : 1°) que la société Etablissements Coquart a exclusivement invoqué l'indisponibilité du nom Coquart déposé antérieurement à titre de marque pour solliciter l'annulation de la marque semi-figurative "Pierre Coquart & associés" ; que dès lors en se fondant sur le caractère frauduleux du dépôt pour annuler la marque "Pierre Coquart & associés maisons bois & charpentes", la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 2°) qu'un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité ; que pour dire que le dépôt de la marque semi figurative "Pierre Coquart & associés maisons bois & charpentes" aurait été effectué en fraude des droits antérieurs acquis par la société Etablissements Coquart, l'arrêt énonce que M. Pierre Coquart, en se prévalant de l'expérience acquise au sein de la société Etablissements Coquart, qu'il a créée et dirigée pendant près de trente-cinq ans, aurait volontairement créé une confusion entre son activité au sein de l'entreprise familiale et son activité au sein de sa nouvelle société ; qu'en se déterminant par une motivation inopérante, faute de caractériser en quoi le dépôt la marque "Pierre Coquart & associés, maisons bois & charpentes" aurait été effectué dans l'intention de priver la société Etablissements Coquart d'un signe nécessaire à sa propre activité, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société Etablissements Coquart a déposé, le 14 janvier 2004, à l'Institut national de la propriété industrielle la marque semi-figurative "Coquart" pour désigner des produits et services en classes 19 et 37 et qu'elle a adopté cette dénomination sociale en 1970 ; qu'il constate que la marque incriminée a été déposée postérieurement pour désigner les mêmes produits et services ; qu'il relève encore que la société Pierre Coquart, qui exerce à une distance proche les mêmes activités que la société Etablissements Coquart, a entretenu dans la presse une confusion avec cette dernière, quand bien même son fondateur, M. Pierre Coquart, ne pouvait ignorer que celle-ci utilisait comme dénomination sociale le nom patronymique "Coquart" ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, c'est sans méconnaître l'objet du litige et sans encourir le grief dès lors inopérant de la seconde branche, que la cour d'appel a retenu que la société Pierre Coquart avait déposé sa marque en violation des droits antérieurs acquis par la société Etablissements Coquart ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Pierre Coquart fait grief à l'arrêt de lui avoir fait interdiction d'utiliser le nom Coquart dans sa dénomination sociale ou pour tout autre usage et d'avoir dit qu'elle devrait changer sa dénomination sociale, alors, selon le moyen : 1°) que l'enregistrement d'une marque ou l'utilisation d'une dénomination sociale ne font pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme dénomination sociale lorsque cette utilisation est le fait d'un tiers de bonne foi utilisant son nom patronymique ; qu'en faisant interdiction à la société Pierre Coquart de faire usage du nom patronymique de son dirigeant dans sa propre dénomination sociale au seul motif que le dépôt de la marque semi-figurative "Pierre Coquart & associés, maisons bois & charpentes" aurait été effectué en fraude des droits antérieurs acquis par la société établissements Coquart sur la marque du même nom, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) qu' en tout état de cause, l'enregistrement d'une marque ou l'utilisation d'une dénomination sociale ne font pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme dénomination sociale lorsque cette utilisation est le fait d'un tiers de bonne foi utilisant son nom patronymique ; que la bonne foi se présume ; qu'en l'espèce faute de préciser en quoi le souhait de M. Pierre Coquart de bénéficier de la réputation qui s'attachait à son nom du fait de son travail personnel dans l'entreprise familiale, bien qu'il ait pris soin d'ajouter son prénom dans la dénomination de sa société afin d'éviter tout risque de confusion avec l'entreprise familiale, caractériserait sa mauvaise foi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 6,§ 1er de la directive 89/104 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;

Mais attendu que l'arrêt relève que M. Pierre Coquart, fondateur de la société Pierre Coquart, a été, outre dirigeant et associé, l'un des fondateurs en 1970 de la société Etablissements Coquart qui a déposé en janvier 2004 la marque "Coquart" et dont la dénomination sociale reprend le patronyme de son grand-père, créateur de l'entreprise de menuiserie en 1899 ; qu'il relève encore que, dans la presse, M. Pierre Coquart s'est attribué les mérites qui revenaient à la société Etablissements Coquart et a entretenu la confusion entre les deux sociétés en présentant la société Pierre Coquart comme ayant une expérience de 35 ans en matière de construction ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que la société Pierre Coquart a adopté de mauvaise foi une dénomination sociale employant le nom patronymique Coquart, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches : - Attendu que la société Pierre Coquard fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée pour actes de concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) que le recrutement, dans un temps rapproché, d'anciens salariés d'une entreprise concurrente ne caractérise pas, à lui seul, un comportement déloyal ; qu'en se fondant exclusivement sur l'embauche par la société Pierre Coquart de seize salariés démissionnaires des établissements Coquart sans caractériser l'existence de manœuvres déloyales de débauchage, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'en énonçant par des considérations générales insuffisamment motivées que Pierre Coquart savait que l'embauche de ces personnels pénaliserait durablement les établissements Coquart dans le secteur d'activité de la construction des maisons en bois sans vérifier de façon concrète, comme elle était invitée à le faire, si ces départs avaient entraîné une véritable désorganisation de l'entreprise et non une simple perturbation et avaient eu une incidence mesurable sur l'activité de la société Etablissements Coquart, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) qu'en retenant que la société Pierre Coquart aurait commis des actes de concurrence déloyale aux motifs supposés adoptés des premiers juges qu'elle aurait repris des contrats signés et déjà engagés par les établissements Coquart sans caractériser d'actes déloyaux de détournement de clientèle, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que, dès sa constitution, la société Pierre Coquart a embauché seize salariés de la société Etablissements Coquart qui avaient été formés par M. Pierre Coquart et avec lesquels celui-ci travaillait ; qu'il retient que tous ces salariés ayant démissionné entre le 30 décembre 2003 et le 3 février 2004, cette dernière s'est trouvée brutalement privée de ses forces vives dans le secteur de la construction des maisons en bois ; qu'il relève encore, par motifs adoptés, que la société Pierre Coquart a repris pour son compte des contrats signés et des chantiers qui avaient été engagés par la société Etablissements Coquart avant la fin de l'année 2003 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, dont il se déduit que la société Pierre Coquart a désorganisé l'activité de la société Etablissements Coquart et que cette désorganisation s'est accompagnée d'un détournement de clientèle, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la sixième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le deuxième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le quatrième moyen : - Vu l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle ; - Attendu que le juge qui prononce une mesure d'interdiction d'usage d'un nom patronymique doit en délimiter le champ d'application ;

Attendu qu'en faisant interdiction à la société Pierre Coquart de faire usage du nom Coquart dans sa dénomination sociale ou pour tout autre usage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le cinquième moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour condamner la société Pierre Coquart pour concurrence déloyale, l'arrêt retient qu'en déposant la marque semi-figurative "Pierre Coquart et associés maisons bois et charpentes", cette société a opéré une confusion dans l'esprit du public de nature à porter atteinte à son chiffre d'affaires dans la commercialisation des maisons de bois ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le seul dépôt d'une marque ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, sauf en ce qu'il a annulé l'enregistrement de la marque "Pierre Coquart et associés maisons bois et charpentes", fait interdiction à la société Pierre Coquart et associés de faire usage de cette marque et du nom "Coquart" dans sa dénomination sociale et dit que cette société devrait changer sa dénomination sociale dans un certain délai et sous astreinte, l'arrêt rendu le 12 septembre 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Douai, autrement composée.