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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 novembre 2013, n° 11-22439

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Flor da Moda Confeccoes (SA)

Défendeur :

George

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cochiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes de la Taille, Benettar

T. com. Cambrai, du 20 juin 2000

20 juin 2000

La société de droit portugais Flor da Moda Confeccoes et M. Bernard George ont conclu, le 9 juin 1994, un contrat d'agent commercial exclusif aux termes duquel M. George est chargé de la représentation des produits de la société Flor da Moda Confeccoes sur le territoire français.

Par courrier du 2 juin 1998, la société Flor da Moda Confeccoes a résilié ce contrat en reprochant des fautes graves à M. George dans le cadre de l'accomplissement de son mandat.

Par acte du 16 mars 1999, M. George a assigné la société Flor da Moda Confeccoes devant le Tribunal de commerce de Cambrai en paiement des sommes de 368 872 F à titre d'arriérés de commissions et de 2 446 915 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat.

Par jugement du 20 juin 2000, le tribunal de commerce a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Flor da Moda Confeccoes et s'est déclaré compétent pour connaître de la demande formée par M. George qu'il dit recevable et partiellement bien fondée,

- dit imputable à la société Flor da Moda Confeccoes et abusive, la résiliation du contrat de prestations de services la liant à M. George,

- l'a condamnée à verser à M. George la somme de 1 589 170 F à titre d'indemnité compensatoire,

- débouté M. George de sa demande de paiement d'arriérés de commissions,

- débouté la société Flor da Moda Confeccoes de sa demande de paiement de sommes prétendument perçues indûment par M. George ainsi que de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial,

- condamné la société Flor da Moda Confeccoes au paiement de la somme de 4 000 F TTC sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 17 novembre 2000, la société Flor Da Moda a interjeté appel contre le jugement.

Par arrêt du 19 décembre 2002, la Cour d'appel de Douai s'est déclarée incompétente pour statuer sur les demandes de M. George et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, aux motifs que l'obligation de paiement d'une indemnité compensatrice de fin de contrat prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce est une obligation autonome qui doit s'exécuter au Portugal, que l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles attribue compétence aux juridictions portugaises et que la demande au titre des commissions impayées, qui est accessoire, relève également de la compétence des juridictions portugaises.

M. George a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par un arrêt en date du 14 mars 2006, la première Chambre civile de la Cour de cassation a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions, au visa des articles 4 du Code de procédure civile et 5-1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifiée, en reprochant à la cour d'appel d'une part, d'avoir méconnu l'objet du litige dès lors qu'elle était saisie par M. George de deux demandes, l'une autonome et l'autre fondée sur la violation d'une obligation contractuelle, et, d'autre part, d'avoir violé l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifiée, dès lors que l'obligation servant de base à la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat était de nature à déterminer la compétence de la juridiction saisie.

La Cour de cassation a renvoyé les parties devant la Cour d'appel de Douai, autrement composée.

Par un arrêt en date du 14 février 2008, la Cour d'appel de Douai a :

- confirmé le jugement en ce qu'il a retenu sa compétence sur le fondement de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles modifiée,

- confirmé le jugement en ce qu'il a jugé la rupture par le mandant abusive, en ce qu'il a débouté le mandant de ses demandes de répétition de l'indu et de dommages et intérêts,

- l'a réformé sur le quantum, le débouté du paiement d'arriérés de commissions et sur les frais irrépétibles,

- condamné la société Flor da Moda Confeccoes à payer à M. George les sommes de :

* 432 250 euro avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 1999,

* 10 000 euro au titre d'atteinte à l'image,

* 46 628,72 euro au titre du préavis (3 mois) ;

- ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la demande du 23 mai 2007,

- condamné la société Flor da Moda Confeccoes à payer à M. George la somme de 31 698,64 euro au titre des commissions perdues,

- condamné la société Flor da Moda Confeccoes à payer à M. George la somme de 10 000 euro au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'aux dépens.

La société Flor da Moda Confeccoes a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt du 28 septembre 2011, la première Chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'appel rendu le 14 février 2008, mais seulement en ce qu'il s'est reconnu compétent pour statuer sur la demande en paiement de l'indemnité de fin de contrat visée à l'article L. 134-12 du Code de commerce et a condamné la société Flor da Moda Confeccoes à payer à M. George, à ce titre et au titre du caractère abusif de la rupture, une indemnité globale de 432 250 euro avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 1999. La cause et les parties ont été renvoyées devant la Cour d'appel de Paris.

Le 29 novembre 2011 la société Flor da Moda Confeccoes a saisi la Cour d'appel de Paris.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 29 février 2012, par lesquelles la société Flor da Moda Confeccoes demande à la cour de :

Au visa de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et des articles 12 et 96 du Code de procédure civile,

- juger qu'en sollicitant en première instance la condamnation de la société Flor Da Moda à lui verser la somme de 2 446 915 F (373 029,79 euros) à titre de dommages et intérêts, M. George entendait obtenir le paiement de l'indemnité compensatoire due à l'agent commercial en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce,

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré territorialement compétent pour statuer sur une telle demande et a condamné la société Flor da Moda Confeccoes à payer à M. George la somme de 242 267,40 euro ainsi qu'à une indemnité au titre de l'article 700 Code de procédure civile et aux dépens,

- renvoyer M. George à mieux se pourvoir,

- condamner M. George à payer à la société Flor da Moda Confeccoes la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Flor da Moda Confeccoes soutient que par sa demande en paiement d'une somme de 2 446 915 F, soit 373 029,79 euro, à titre de dommages-intérêts formée devant le Tribunal de commerce de Cambrai, puis devant la Cour d'appel de Douai à titre d'indemnité compensatrice au titre de l'article L. 134-12 du Code de commerce, M. George sollicitait en réalité le paiement de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce. Que l'action en paiement de cette indemnité de fin de contrat aurait dû être portée devant le tribunal du lieu du domicile du défendeur en raison du caractère quérable de cette dette en application de l'article 1247 du Code civil, soit le Tribunal de commerce de Barcelos, où la société Flor da Moda Confeccoes a son siège social.

M. George n'a pas constitué avocat, la déclaration de saisine et les conclusions de la société Flor da Moda Confeccoes lui ont été signifiées le 9 mars 2012.

Cela étant exposé, LA COUR :

Considérant que selon l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifiée "Le défendeur domicilié sur le territoire d'un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant :

1) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée (...)";

Considérant que M. George a sollicité devant le Tribunal de commerce de Cambrai l'attribution d'une somme de 2 446 915 F (373 029 euro) à titre de dommages-intérêts en raison de la rupture abusive de son contrat ; que devant la Cour d'appel de Douai il a maintenu sa demande, invoquant les dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce et sollicitant une somme de 432 250,75 euro à titre d'indemnité compensatrice en réparation de son préjudice financier résultant de la rupture abusive du contrat d'agent commercial ;

Considérant que par sa demande d'un montant de 373 029 euro, portée à 432 250,75 euro devant la Cour d'appel de Douai, M. George sollicite le paiement de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce, qui a pour but de compenser la perte de rémunération de l'agent commercial ; que cette indemnité, qui est due indépendamment du caractère licite ou non de la rupture, est une obligation autonome devant s'exécuter au domicile du débiteur en application de l'article 1247 du Code civil lorsque, comme en l'espèce, la loi française est applicable ; qu'en conséquence, la juridiction compétente pour en connaître est celle du domicile du défendeur, en l'espèce, la société Flor da Moda Confeccoes ;

Considérant que le siège social de la société Flor da Moda Confeccoes est situé à Barcelos au Portugal ; qu'en conséquence, la demande en paiement d'une indemnité de fin de contrat formée par M. George relève de la compétence de la juridiction portugaise ;

Par ces motifs : Infirme le jugement rendu le 20 juin 2000 par le Tribunal de commerce de Cambrai en ce qu'il s'est déclaré territorialement compétent pour statuer sur la demande en paiement formée par M. George à titre de dommages-intérêts en raison de la rupture abusive de son contrat ; et statuant à nouveau, dans cette limite : Dit que l'indemnité sollicitée par M. George à titre de dommages-intérêts en raison de la rupture abusive de son contrat correspond à l'indemnité de fin de contrat due à l'agent commercial en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce ; Renvoie M. Bernard George à mieux se pourvoir ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. Bernard George aux dépens.