Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 novembre 2013, n° 11-21733

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Connexion (SA)

Défendeur :

Gomis (ès. qual.), Albertville Expansion (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Nicoletis, Luc

Avocats :

Mes Olivier, Le Fustec

T. com. Paris, 15e ch., du 29 nov. 2011

29 novembre 2011

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Connexion est une centrale d'achats de produits d'électroménager et d'électronique grand public distribués à travers un réseau de franchisés. La société Albertville Expansion a souscrit le premier avril 2003 un contrat de franchise à l'enseigne Connexion d'une durée de 5 ans ayant commencé le 1er novembre 2002 et prenant fin le 31 octobre 2007. Le contrat de franchise était rompu à compter du premier novembre 2007. La société Connexion a rappelé par un courrier du 19 octobre 2007 à la société Albertville Expansion ses obligations à la suite de la rupture du contrat, notamment pour les déposes d'enseignes et modification de l'aménagement des points de vente. Estimant que ces obligations n'ont pas été respectées, la société Connexion a demandé l'application de pénalités contractuelles. La société Albertville Expansion a demandé quant à elle à la société Connexion le paiement de ristournes et autres avantages commerciaux. Par assignation délivrée à personne habilitée le 3 juillet 2009, la société Albertville Expansion a assigné la société Connexion devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamner à payer diverses sommes au titre de sommes impayées sur les ristournes et dividendes. La société Albertville Expansion a été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Thonon-les-Bains du 11 octobre 2011. Maître Luc Gomis est mandataire liquidateur.

La société Connexion a déclaré le 23 novembre 2011 une créance de pénalités pour suppression des signes distinctifs pour un montant de 380 000 euro, ainsi qu'une créance de dommages-intérêts pour résistance abusive de 10 000 euro.

Par jugement prononcé le 29 novembre 2011, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Connexion en toutes ses demandes,

- débouté la société Albertville Expansion en ses demandes avant dire droit,

- condamné la société Connexion à verser à la société Albertville Expansion les sommes suivantes :

- 14 427,58 euro au titre des sommes reçues au titre de l'activité de centrale de référencement, ces rémunérations revenant de plein droit au franchisé,

- 23 432,48 euro au titre du solde des ristournes dues, déboutant pour le surplus,

- 13 932,72 euro au titre des dividendes dus, déboutant pour le surplus,

- condamné la société Connexion à verser à la société Albertville Expansion la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné la société Connexion à verser à la société Alberville Expansion la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du CPC,

- débouté les parties des demandes plus amples et contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement avec constitution par la société Albertville Expansion à hauteur de la somme de 25 000 euro d'une garantie chez une banque établie en France en vue de couvrir partiellement l'exigibilité et le remboursement éventuel des condamnations, outre les intérêts pouvant avoir couru sur ces sommes.

La société Connexion a interjeté appel le 5 décembre 2011 du jugement du 29 novembre 2011. Par conclusions signifiées le 2 mars 2012, la société Connexion demande à la cour de :

confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 29 novembre 2011 en ce qu'il a débouté la société Albertville Expansion en liquidation judiciaire représentée par la Selarl Luc Gomis, de sa demande de communication avant-dire de pièces comptables ;

infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 29 novembre 2011 en ses autres dispositions ;

condamner la société Albertville Expansion en liquidation judiciaire représentée par la Selarl Luc Gomis, à verser à la société Connexion la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Connexion considère qu'elle n'a pas à communiquer à la partie adverse toute pièce comptable qui serait de nature à justifier les décomptes que cette dernière a elle-même établis et versés au débat, qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve. Elle sollicite ainsi la confirmation du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 29 novembre 2011 sur ce point.

La société Connexion reproche en revanche au tribunal de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de pénalités de retard du fait du défaut de suppression des signes distinctifs de son réseau au sein du point de vente de la société Albertville Expansion, de l'avoir condamnée au versement à son ex-franchisé de sa rémunération et donc du travail réalisé en qualité de centrale d'achat alors qu'aucun fondement juridique ne le permet et de l'avoir condamnée au paiement de ristournes et dividendes alors que ces sommes sont compensées par les pénalités de retard.

Sur la demande en paiement de pénalités de retard, elle fait valoir que la société Albertville Expansion a violé l'article 17 du contrat de franchise en ne modifiant pas son magasin six mois après l'échéance du contrat, qui est resté agencé selon les prescriptions de Connexion.

La société Connexion a assigné la Selarl Luc Gomis en sa qualité de liquidateur de la société Albertville Expansion devant la Cour d'appel de Paris par acte du 28 mars 2012 ; la Selarl Luc Gomis, ès qualités n'a pas constitué avocat.

Sur ce :

1) Sur la production de pièces :

Considérant que la société Albertville Expansion représentée par son liquidateur Luc Gomis n'a formé aucune demande devant la cour, alors qu'elle a été déboutée de sa demande ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

2) Sur les demandes de la société Connexion :

Considérant que la société Connexion demande dans le dispositif de ses écritures "l'infirmation du jugement en ses autres dispositions", que le jugement l'avait condamnée à payer diverses sommes à la société Albertville Expansion et déboutée de sa demande de paiement de pénalités ; que si elle ne demande pas dans le dispositif de ses conclusions la condamnation de la société Albertville Expansion à lui payer des sommes d'argent au titre de ces pénalités, il n'en demeure pas moins que sa demande d'infirmation du jugement repose sur le fait qu'elle estime qu'une compensation doit avoir lieu entre les sommes très importantes que lui doit la société Albertville Expansion et celles qu'elle reconnaît lui devoir, et ce, en vertu des termes du contrat qui prévoit une telle compensation ;

a) débouté de la société Albertville en ses demandes de ristournes, commissions et autres :

- Sur la somme de 14 427,58 euro :

Considérant que Connexion soutient que la somme de 14 427,58 euro correspond à la rémunération des services qu'elle a rendus aux fournisseurs en sa qualité de centrale de référencement dans le cadre de contrats de services qu'elle a signés avec ceux-ci et précise qu'elle n'a pas obtenu ces montants en sa qualité de mandataire des franchisés ; que Connexion a certes, dans une décision de "gestion unilatérale", décidé de verser 50 % de la rémunération ainsi perçue à ses franchisés mais qu'elle n'y était pas tenue par les termes du contrat de franchise ; que les franchisés sont des tiers aux accords qu'elle a pu passer avec les fournisseurs à ce sujet et qu'ils ne peuvent lui réclamer quoi que ce soit à ce titre ;

Considérant que le contrat de franchise précise en son article 7 que le franchisé s'engage à acheter les produits auprès des fournisseurs ou centrales agréés par le franchiseur ou auprès du franchiseur lui-même : que, selon l'article 3 du contrat, le franchisé donne mandat au franchiseur de négocier et d'encaisser auprès des fournisseurs les ristournes, bonus ou autres avantages commerciaux ou financiers qu'il négociera de façon centralisée pour l'ensemble du réseau et de définir les modalités de versement aux franchisés ;

Considérant en l'espèce que la société Connexion a conclu avec les fournisseurs des contrats de services et prestations commerciales ; qu'elle verse aux débats le contrat d'accord de services et prestations commerciales" signé par la société Toshiba Systemes en février 2006 et par la société "Groupe Référence" qui agit pour le compte de ses sociétés affiliées parmi lesquelles se trouve la société Connexion ; que ce contrat a pour objet de "formaliser les conditions dans lesquelles les sociétés affiliées et/ou leurs distributeurs ont accepté de faire bénéficier le fournisseur des services "pouvant faciliter leurs relations commerciales avec les distributeurs, qu'ainsi, la société "groupe Référence" procède à des "études statistiques et prospectives" et les affiliées acceptent de "faire bénéficier le fournisseur du résultat de ces études", centralise les informations techniques et commerciales communiquées par le fournisseur sur ces produits, aide au lancement des nouveaux produits, autorise une "communication institutionnelle", suit les performances de vente et de positionnement sur marché des produits du fournisseur, associe le fournisseur à la conception des outils marketing et des actions promotionnelles, que la société "Groupe Référence" peut lui proposer des prestations exceptionnelles, que la société "Groupe Référence" est rémunérée pour les prestations "ordinaires" par une somme équivalente à 3 % du chiffre d'affaires du fournisseur sur la période ;

Considérant que ce contrat a un objet différent de ceux que le franchisé a donné mandat au franchiseur de négocier avec les fournisseurs pour obtenir des ristournes, des bonus ou des avantages commerciaux, quand bien même ce contrat de "services et prestations commerciales" est manifestement un préalable à la vente par le fournisseur de ses produits par les franchisés et à l'obtention postérieure, par les franchisés, d'avantages consentis par le fournisseur ;

Considérant que la société Albertville Expansion n'est ainsi pas fondée à solliciter quoi que ce soit à ce titre ;

Considérant par ailleurs qu'elle ne démontre pas l'existence d'un usage entre les parties sur ce point lequel ne saurait résulter, en l'espèce, des quelques versements à son bénéfice auxquels la société Connexion a pu procéder ;

Considérant que la société Albertville Expansion doit être déboutée de sa demande ;

- Sur le reversement d'un solde de ristournes collectées par Connexion :

Considérant que le tribunal a condamné la société Connexion au paiement de la somme de 23 432,48 euro au titre de ristournes ; que la société Connexion accepte, dans ses écritures, le versement de la somme de 9 499,76 euro au titre d'un solde de ristournes mais rejette la demande relative au paiement de la somme de 7 105 euro au motif que selon elle, il s'agit d'une erreur et d'une demande qui fait double emploi avec celle concernant la somme de 9 499,76 euro ;

Considérant que la société Albertville Expansion ne l'explique par aucun moyen, ne justifie par aucune pièce l'intégralité de la demande qu'elle forme à ce titre ; que la demande de la société Connexion sera accueillie sur ce point pour 9 499,76 euro ;

- Sur les dividendes :

Considérant que la société Connexion reconnaît que la somme de 13 932,72 euro est due au titre de ceux-ci sur les exercices 2006, 2007 et 2008, que le montant de la condamnation prononcée par le premier juge est ainsi justifié ;

b) sur la demande en paiement de pénalités faite par la société Connexion :

Considérant que Connexion estime justifier que la société Albertville Expansion a continué au-delà de la rupture du contrat de franchise à maintenir les caractéristiques de Connexion dans son magasin sous l'enseigne de Digital, que selon les termes de l'article 17 du contrat de franchise, il appartient au franchisé de faire les modifications dans ses locaux de la structure, des installations, des agencements et de la décoration du point de vente, et que des astreintes de 1 000 euro par jour de retard sont encourues, sans préjudice des autres dommages-intérêts ; qu'elle rappelle les termes de l'article 10.3 du contrat de franchise, qui donnent au franchiseur en cas de cessation du contrat une autorisation de procéder à la compensation de toute somme que devrait le franchisé au franchiseur avec celles qui seraient dues à quelque titre que ce soit par le franchiseur, que les sommes soient ou non exigibles ;

Considérant que le contrat a été rompu le premier novembre 2007 ; que la société Connexion verse aux débats un procès-verbal établi par Maître Finance huissier de justice les 9 et 10 novembre 2007 selon lequel il est constaté que la société Albertville Expansion a retiré les enseignes extérieures "Connexion" et occulté les panneaux situés sur le toit du magasin avec un film plastique noir, que le mobilier n'est pas changé mais que le nouveau mobilier est en cours d'élaboration, que l'huissier se connectant sur le site Internet n'a constaté l'existence d'aucun magasin Connexion sur Albertville, que les constatations faites par l'huissier sont en tous points identiques à celles que font Maître Hanifi et Maître Féry huissiers de justice par deux procès-verbaux distincts le 9 novembre 2007 ;

Considérant que la société Connexion n'a versé aux débats aucun autre procès-verbal établi ultérieurement ;

Considérant que la demande de la société Connexion doit être appréciée au regard du manquement de la société Albertville Expansion, que le défaut de respect des termes de l'article 17 du contrat par celle-ci a été constaté dix jours après la rupture du contrat et concernait les meubles et l'agencement du magasin ; que ce manquement sera sanctionné par l'allocation d'une somme de 300 euro ;

Considérant que la compensation entre les sommes dues par la société Connexion à la société Albertville Expansion et par la société Albertville Expansion à la société Connexion à hauteur de la plus faible des sommes dues sera constatée.

Par ces motifs : LA COUR : Infirmant le jugement sur le quantum des sommes dues par la société Connexion à la société Albertville Expansion, sur les pénalités demandées par la société Connexion, Condamne la société Connexion à verser à la Selarl Luc Gomis es qualités, la somme de 9 476,99 euro au titre des ristournes, celle de 13 932,72 euro au titre des dividendes, Déboute la Selarl Luc Gomis du surplus de ses demandes, Fixe la créance de la société Connexion au titre des pénalités dues par la société Albertville Expansion à la somme de 300 euro. Constate la compensation entre les sommes dues par la société Connexion à la société Albertville Expansion et par la société Albertville Expansion à la société Connexion à hauteur de la somme de 300 euro, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Fait masse des dépens et condamne les parties à en supporter la moitié chacune.