CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 novembre 2013, n° 06/05658
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
No Games (SARL)
Défendeur :
Orange Caraibes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Premier et seul opérateur de téléphonie mobile autorisé à exercer, à partir du 14 juin 1996, en Guadeloupe et en Martinique, la société France Caraïbe Mobile, devenue Orange Caraïbes en 2001, filiale de la société Orange, a conclu, le 10 juin 1998, avec la société No Games, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés le 6 mai 1996 et exerçant sous l'enseigne Cyber Coms, d'une part, un contrat d'agent commercial exclusif comportant une clause de non concurrence, d'autre part, un contrat de distribution d'équipements GSM, à titre non exclusif, ainsi que les contrats accessoires Kit Card Orange Caraïbes et Actecate. Le 7 décembre 2000, un second opérateur, la société Bouygues Telecom Caraïbes a débuté son activité sur le marché antillais de la téléphonie.
Par courrier du 8 août 2001, la société No Games a demandé à la société Orange Caraïbe l'autorisation de commercialiser dans ses magasins les produits et abonnements de la société Bouygues.
Par courrier du 30 août 2001, la société Orange Caraïbe a donné son accord à la société No Games sous condition que "le niveau de vos ventes en produits Orange devra être maintenu à un niveau sensiblement équivalent à celui d'aujourd'hui".
Par courrier du 26 septembre 2001, la société No Games a confirmé sa "volonté de ne pas opérer en contravention de vos droits et intérêts", précisé "Par ailleurs, nous avons bien noté que votre autorisation était subordonnée au respect de : niveau de ventes actuelles" et a attiré l'attention de la société Orange Caraïbe "sur le fait que le maintien de ce niveau des ventes reste largement tributaire de vos propres actions".
Par courrier du 7 mars 2003, estimant que la société No Games n'avait pas respecté ses engagements, la société Orange Caraïbes a résilié pour fautes graves les contrats liant les deux sociétés.
Par acte du 29 décembre 2003, la société No Games a saisi le Tribunal de commerce de Paris de demandes indemnitaires dirigées contre la société Orange Caraïbes.
Le 19 décembre 2005, la société Orange Caraïbes a déposé plainte contre X avec constitution de partie civile auprès du Tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre pour escroquerie, faux et usage de faux du fait d'activations frauduleuses de lignes GSM Orange.
Par jugement du 10 janvier 2006, le Tribunal de commerce a :
- débouté la société No Games de toutes ses demandes,
- débouté la société Orange Caraïbes de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné la société No Games à payer à la société Orange Caraïbes la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société No Games aux dépens.
Le 24 mars 2006, la société No Games a interjeté appel du jugement.
Par ordonnance du 25 mars 2009, le conseiller de la mise en état a ordonné un sursis à statuer en raison de l'instance pénale en cours.
Par jugement du 23 avril 2013, le Tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre a relaxé M. Olivier N., gérant de la société No Games, et M. Jimmy T., directeur commercial de cette société, des chefs de la prévention, en retenant que "les faux reprochés ont été commis par plusieurs salariés de la société No Games , qui les ont reconnus" et déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société Orange Caraïbes aux motifs qu'elle ne justifiait pas de son préjudice.
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 27 juillet 2013, par lesquelles la société No Games demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en tout point pour erreur manifeste d'appréciation, violation caractérisée de la loi sauf en ce qu'il a débouté la société Orange Caraïbe de sa demande de dommages et intérêts.
Statuant de nouveau,
- de constater que l'énoncé des motifs du jugement définitif de relaxe prononcé par le Tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre le 23 avril 2013 établit l'absence de faute reprochée par Orange Caraïbe à No Games dans le cadre de la rupture du partenariat commercial,
- de dire, par conséquent, que ce motif du jugement pénal a autorité de la chose jugée au civil, et s'impose à la juridiction de céans,
- d'en tirer toutes les conséquences de droit et de fait et notamment dire et juger que la faute grave fondée sur l'accusation d'activations massives et frauduleuses dénoncées et "justifiant à elle seule", selon Orange Caraïbe, la rupture des contrats commerciaux avec No Games est inexistante, rendant la résiliation des relations commerciales brutales et non fondée,
- de dire et juger que les autres motifs invoqués par Orange Caraïbe à l'appui de sa résiliation du partenariat commercial la liant à No Games sont soit non établis, soit la conséquence de l'exécution fautive de ses obligations contractuelles rendant les ruptures contractuelles survenues brutalement entachées d'abus de droit ;
- de condamner la société Orange Caraïbe à payer à la société No Games les sommes suivantes, avec intérêt de droit au jour de l'assignation de première instance :
* au titre du contrat d'agent commercial (article 13) :
- 830 694 euro à titre d'indemnité légale de fin de contrat,
- 103 837 euro à titre d'indemnité compensatrice des trois mois de préavis du contrat d'agent commercial,
* au titre du contrat de distributeur d'équipement et des contrats accessoires (kit card) :
- 387 008 euro au titre des gains manqués et pertes de chance de la société No Games,
- 34 612 euro à titre de l'indemnité de préavis contractuelle,
- de condamner la société Orange Caraïbe à régler à la société No Games la somme de 50 000 euro en raison de sa dénonciation téméraire en application de l'article 1382 du Code civil,
- de condamner la société Orange Caraïbe à verser à la société No Games la somme de 25.000 euro sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile ,
- d'ordonner la publication, aux frais avancés de la société Orange Caraïbe, de la décision à intervenir dans deux journaux locaux parmi les plus répandus, à savoir France-Antilles et Sept Magazine, ainsi que dans deux journaux d'édition nationale au choix de la société No Games à concurrence de 10 000 euro HT par insertion, sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard à compter de la date de signification de l'arrêt,
- de condamner la société Orange Caraïbe aux dépens.
Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 10 septembre 2013, par lesquelles la société Orange Caraïbe demande à la cour :
A titre liminaire,
- de constater que No Games n'est pas investie par Orange Caraïbe d'un pouvoir de négocier les contrats d'abonnement aux services de l'opérateur auprès des clients et que sa mission consiste en tâches matérielles liées à la souscription des contrats ;
- de juger que No Games ne peut prétendre au statut d'agent commercial tel que défini à l'article 13-4 du Code de commerce,
- de requalifier le contrat conclu entre Orange Caraïbe (anciennement FTM) et No Games le 10 juin 1998 de contrat de courtage,
- de débouter en conséquence No Games de sa demande fondée sur les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce,
A titre principal,
- de prendre acte de ce que la décision pénale du Tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre du 24 avril 2013 a constaté l'établissement de faux par des salariés de No Games,
- de confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 10 janvier 2006 en ce qu'il a considéré que No Games a commis une faute grave justifiant la résiliation sans préavis ni indemnité du contrat dit ''d'agent commercial" et des contrats accessoires conclu entre les parties,
- de confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 10 janvier 2006 en ce qu'il a validé la rupture sans préavis ni indemnité du contrat de distribution d'équipements GSM conclu entre les parties,
- de débouter No Games de son appel,
A titre subsidiaire,
- de constater que les prétentions de No Games relatives à l'attribution d'indemnités ne sont pas établies ni fondées,
- de constater que No Games ne rapporte aucunement la preuve d'un préjudice commercial,
- de juger que ces circonstances font obstacle à tout droit à indemnités et réparation,
- de débouter No Games de l'ensemble de ses demandes pécuniaires,
En tout état de cause,
- de débouter No Games de sa demande de publication de l'arrêt à intervenir,
- de condamner No Games au paiement d'une somme de 60 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner No Games aux entiers dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Cela étant exposé, la cour :
Sur la demande de rejet des écritures et pièces déposées par la société Orange Caraïbe le jour de la clôture :
Considérant que le conseiller de la mise en état a fixé le 19 juin 2012 un calendrier de procédure prévoyant une date de clôture au 10 septembre 2013 et une date de plaidoiries au 2 octobre 2013 ; que le Tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre a rendu son jugement le 23 avril 2013 ;
Considérant que la société No Games a déposé ses conclusions le 24 juillet 2013 et communiqué ses pièces nouvelles devant la cour le 27 août 2013 ; que les parties ont sollicité en vain, les 9 et 10 septembre 2013, le report de l'ordonnance de clôture ; que la société Orange Caraïbe a déposé et signifié ses conclusions le 10 septembre 2013, jour de l'ordonnance de clôture ;
Considérant que par conclusions, notifiées et déposées le 13 septembre 2013, la société No Games demande à la cour de constater qu'en déposant des conclusions assorties d'éléments nouveaux, tenant notamment à la requalification du contrat d'agent commercial, le jour du prononcé de l'ordonnance de clôture, la société Orange Caraïbe a méconnu le principe du contradictoire en mettant la société No Games dans l'impossibilité de répondre à ces moyens nouveaux en temps utile, de constater que les parties avaient été avisées par avis de fixation du 19 juin 2012 que la procédure serait clôturée le 10 septembre 2013 et en conséquence, de juger que les conclusions et pièces déposées par Orange Caraïbe le jour du prononcé de l'ordonnance de clôture doivent être écartées des débats ;
Considérant que par conclusions de procédure notifiées et déposées le 16 septembre 2013 et le 17 septembre 2013, la société Orange Caraïbe demande à la cour de révoquer l'ordonnance de clôture prononcée le 10 septembre 2013, de reporter la date de clôture au 24 septembre 2013 et de maintenir les plaidoiries au 2 octobre 2013 ou de fixer un nouveau calendrier de procédure qu'il plaira à la cour, de débouter la société No Games de sa demande de rejet des écritures et des pièces notifiées par l'intimée le 10 septembre 2013 ;
Considérant qu'il apparaît que la société No Games, qui connaissait la date prévue pour la clôture a déposé ses conclusions et ses pièces durant l'été, mettant la société Orange Caraïbe dans l'impossibilité de répondre avant le mois de septembre 2013 ; que cette société, qui n'a pas obtenu de report de la date de clôture et qui n'a été mise en mesure de répondre à l'appelante qu'au début du mois de septembre 2013, a néanmoins pu déposer ses conclusions et communiquer ses pièces nouvelles le jour de l'ordonnance de clôture ;
Considérant qu'il résulte de cette chronologie que la société No Games est mal fondée à reprocher à la société intimée "un comportement contraire à la loyauté des débats" ;
Considérant que, à l'exception de la demande liminaire relative à la requalification du contrat d'agent commercial en contrat de courtage, les conclusions notifiées le 10 septembre 2013 par la société Orange Caraïbe répondent à celles de l'appelante et ne nécessitent pas de réplique, les parties ayant déjà échangé des conclusions au fond en 2008 ; que s'agissant de la demande liminaire présentée pour la première fois par la société Orange Caraïbe dans ses conclusions notifiées le 10 septembre 2013, la cour ne l'examinera qu'après avoir rouvert les débats ;
Considérant que le principe de la contradiction étant respecté, il n'y a pas lieu d'écarter des débats les conclusions et les pièces déposées le 10 septembre 2013 par la société Orange Caraïbe ;
Sur la résiliation des contrats liant les sociétés No Games et Orange Caraïbes :
Considérant que la société No Games conteste le grief de délaissement de la promotion et des ventes Orange et soutient qu'il s'agit d'une confusion entre les sociétés No Games et Inter Mobile ; que la société Orange Caraïbe a engagé sa responsabilité du fait de ses agissements fautifs, de pratique de concurrence déloyale et d'abus de position dominante commis afin de limiter les ventes de la société No Games, de la mettre en quarantaine et de rompre les relations commerciales ; que l'appelante expose également que la plainte déposée par la société Orange Caraïbe démontre sa volonté de lui nuire et avait pour but de paralyser la procédure devant la Cour d'appel durant plusieurs années en obtenant un sursis à statuer ;
Considérant que la société Orange Caraïbe fait valoir que la société No Games a commis une faute grave dans l'exécution de ses obligations contractuelles en délaissant la promotion et la vente des produits et services Orange au profit de son concurrent, qui justifie la résiliation sans préavis, ni indemnité du contrat "d'agent commercial" et des contrats accessoires ; que la procédure pénale a établi que des salariés de la société No Games ont procédé à des activations frauduleuses de lignes GSM Orange, ce qui constitue une faute grave de No Games du fait de ses préposés justifiant la résiliation du contrat de distribution d'équipements GSM ;
Considérant que la société Orange Caraïbe produit aux débats le contrat type que la société Bouygues fait signer à ses distributeurs, lequel prévoit, dans son avenant n° 1 , que le cocontractant s'engage à réserver 80 % de la surface linéaire de son rayon de téléphonie mobile aux produits Bouygues et à réaliser 80 % de ses ventes avec Bouygues ; que la société No Games critique cette pièce au motif que le contrat produit n'est ni signé, ni paraphé et verse aux débats le contrat signé entre la société Inter Mobile et Bouygues le 1er décembre 2000, ainsi que ses cinq annexes ;
Considérant cependant que le jugement dont appel mentionne que devant le juge rapporteur "le gérant de No Games a reconnu avoir signé avec Bouygues un contrat comportant obligation de consacrer 80 % de sa surface commerciale aux produits Bouygues et de réaliser 80 % de ses ventes avec Bouygues" en précisant que le contrat a été signé par la société Inter Mobile, qu'il a créée fin novembre 2000 ;
Considérant que les sociétés No Games et Inter Mobile, comme plusieurs autres sociétés, sont domiciliées à la même adresse et gérées par M. N. ou par sa mère ; que même si la société No Games produit quelques contrats de location signés par M. N. au nom de la société Inter Mobile, courant 2001 et en 2002, la gestion et l'administration de ces sociétés étaient confondues entre les mains de M. N. , qu'ainsi la capture d'écran produite par l'intimée montre que c'est la société No Games qui a déposé et qui est le mandataire de la marque M. Telephone qui est une des enseignes de la société Inter Mobile ;
Considérant que, par courrier du 30 août 2001, la société Orange Caraïbe a accepté de lever la clause d'exclusivité prévue au contrat d'agent commercial sous conditions que la commercialisation des produits Bouygues ne s'opère pas en "contravention des droits et intérêts de notre société" et que le niveau des ventes de produits Orange soit maintenu "à un niveau sensiblement équivalent à celui d'aujourd'hui"; que par courrier du 26 septembre 2001 la société No Games a accepté ces conditions ;
Considérant qu'il résulte de la publicité versée aux débats, extraite de l'hebdomadaire 97.1 du 22 août 2001, que dès cette date les magasins Cyber Coms proposaient des offres promotionnelles, valables sur plusieurs semaines, portant sur des produits et services de la société Bouygues ; que la société No Games a ainsi violé la clause d'exclusivité prévue à l'article 1er du contrat d'agent commercial, ainsi que la clause de non concurrence prévue à l'article 14 de ce même contrat ;
Considérant qu'il résulte des tableaux produits que, bien que le marché de la téléphonie était en expansion, les ventes Orange de No Games n'ont cessé de décroître à compter du second semestre 2001, soit dès que la société No Games a obtenu l'autorisation de commercialiser des produits Bouygues ; que les ventes, au cours du second semestre 2001, ont été inférieures de plus de la moitié de celles effectuées au cours du second semestre 2000, la société No Games passant en quelques mois du 1er au 14e rangs des partenaires d'Orange Caraïbe ; que les ventes ont ensuite été divisées presque par 4 au cours de l'année 2002 ;
Considérant que la société Orange Caraïbe produit un constat d'huissier établi le 28 février 2003 qui constate que dans l'un des principaux magasins Cyber Coms, situé au centre commercial Destreland à Baie-Mahault, aucune affiche ou produits Orange Caraïbe ne sont visibles dans la vitrine du magasin, où figurent des affiches publicitaires pour Bouygues Télécom et qu'à l'intérieur du magasin seule une affiche et un téléphone portable Orange Caraïbe sont exposés, qu'aucune carte de téléphone Orange Caraïbe n'est disponible, seuls les produits Bouygues étant proposés à la clientèle ; que la société No Games n'a pas respecté les engagements contractuels résultant du contrat de distribution, qui prévoit en son article 1.3 "Le distributeur pourra commercialiser d'autres produits identiques ou concurrents de ceux définis en annexe, sous réserve de prendre, dans cette hypothèse, toutes les mesures de nature à préserver les conditions d'une concurrence loyale" ;
Considérant que la société No Games soutient que les difficultés avec la société Orange Caraïbe sont la conséquence de sa demande de levée de la clause d'exclusivité, la société Orange Caraïbe n'ayant pas admis de perdre sa position dominante et que son meilleur revendeur devienne un distributeur multi-opérateur ; l'appelante expose que la chute de ses ventes Orange s'explique par les agissements fautifs de la société Orange Caraïbe qui a multiplié les livraisons incomplètes générant des ruptures de stocks, lui a imposé des quotas non prévus au contrat, l'a exclue des opérations publicitaires et commerciales, lui a imposé des prix de vente dans le but de provoquer la résiliation du contrat ;
Considérant que la société No Games verse aux débats des bons de commande adressés par télécopie, sans justification de leur expédition, dont une commande des 19, 20 et 25 septembre 2001, portant sur 200 téléphones Alcatel 302, que la société Orange Caraïbe, dans son courrier du 15 octobre 2001, conteste avoir reçu ; que les bons de livraison montrent que les commandes de la société No Games ont été honorées dans des délais rapides, même si des ruptures de stocks chez les fabricants ont entraîné des retards de livraison ;
Considérant que l'unique télécopie de la société Orange Caraïbe en date du 21 octobre 2002, faisant état d'un dépassement des "quotas qui vous sont alloués, en fonction de votre part de marché de ces derniers mois", mais acceptant toutefois d'honorer la commande, est insuffisante à rapporter la preuve que toutes les commandes passées par la société No Games étaient soumises à des quotas ou que la société Orange Caraïbe se livrait à des refus de vente, d'autant que la commande en cause était disproportionnée par rapport au niveau d'activité de la société No Games et qu'elle est intervenue à une période où la rupture des relations commerciales entre les deux sociétés avait été envisagée, puisque dans son courrier du 29 octobre 2002, la société Orange Caraïbe écrivait à la société No Games "Lors de notre rendez-vous du 3 octobre 2002, nous avons évoqué ensemble la résiliation amiable de votre contrat d'agent Orange Caraïbe" ;
Considérant que la société No Games ne produit aucun document de nature à établir qu'elle a été discriminée ; qu'il n'est pas établi qu'elle ait été soumise à un régime différent en matière de publicité, les stipulations contractuelles prévoyant que les opérations publicitaires et promotionnelles peuvent être réalisées par l'agent et qu'une partie des prestations pourra être facturée à l'opérateur après accord écrit, en conséquence la société No Games avait l'initiative de proposer des publicité ou des promotions sur les produits Orange ; que le fait qu'une invitation à une soirée organisée pour les distributeurs par la société Orange Caraïbe ait été envoyée à la société No Games le jour même de la soirée ne démontre pas que cette société et son personnel aient été exclus de toutes les opérations et manifestations commerciales ; qu'enfin la société Orange Caraïbe a produit des factures faisant apparaître que la société No Games a été associée à des offres spéciales ou à des promotions jusqu'à la fin des relations commerciales, en mars 2003 ;
Considérant que la société No Games reproche à la société Orange Caraïbe des actes de concurrence déloyale sans produire aucun document à l'appui de son affirmation ; qu'il sera observé qu'aucune disposition contractuelle n' interdisait à la société Orange Caraïbe d'accorder la distribution de ses produits et services à d'autres partenaires, même si leurs locaux étaient implantés dans une zone proche d'un magasin Cyber Coms ;
Considérant que la société No Games fait valoir que la société Orange Caraïbe a été sanctionnée en 2005 et 2009 pour abus de position dominante et expose que dans ses relations avec cet opérateur elle ne disposait pas de la liberté de fixer ses prix ; que la société Orange Caraïbe a rompu brutalement les relations commerciales établies ; que cette société a commis un abus de droit et une voie de fait, le 7 mars 2003, en débranchant la connexion informatique reliant les magasins Cyber Coms au réseau et en emportant le matériel nécessaire à l'activation des lignes et à la commercialisation des produits; qu'enfin elle a cherché à lui nuire en dénonçant une fraude massive qui n'a pas été démontrée et a déclenché une procédure pénale à des fins dilatoires ;
Considérant que le litige est relatif à l'exécution et à la rupture des contrats d'agent commercial et de distribution d'équipements GSM, ainsi que des contrats accessoires, liant les sociétés No Games et Orange Caraïbe ; que le principe du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle s'oppose à ce que les règles de la responsabilité délictuelle soient appliquées lorsque le litige concerne une faute commise dans l'exécution d'un contrat ;
Considérant que la position dominante de la société Orange Caraïbe sur le marché de la téléphonie mobile en Guadeloupe n'est pas la raison véritable de la rupture des relations commerciales avec la société No Games, laquelle ne démontre pas que la société Orange Caraïbe aurait abusé de sa position dominante dans l'exécution des relations contractuelles ;
Considérant que le jugement du Tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre du 23 avril 2013 a reconnu l'existence des faux commis par des salariés de la société No Games, visés par la plainte de la société Orange Caraïbe, mais a relaxé Messieurs N. et T. parce qu'ils ne sont pas les auteurs de ces infractions ; que la société Orange Caraïbe démontre par les attestations de clientes, par le procès-verbal de constat d'huissier des 24 et 25 juin 2004 et par le procès-verbal d'investigation du 15 janvier 2007, que l'ouverture de 138 lignes téléphoniques est intervenue sur la base d'une identité usurpée ; que ces faux ayant été commis par des salariés de la société No Games, la plainte pénale déposée par la société Orange Caraïbe n'était ni dilatoire et abusive ;
Considérant qu'il apparaît que la société No Games a contribué à l'exécution des obligations contractées par la société Inter Mobile avec la société Bouygues et a délaissé la promotion et les ventes des produits et services Orange dans ses magasins à l'enseigne Cyber Coms ; que la baisse du volume des ventes de la société No Games n'est pas la conséquence d'agissements fautifs de la société Orange Caraïbe et que certains salariés de la société No Games se sont livré à des activations frauduleuses de lignes, ce qui engage la responsabilité de la société No Games à l'égard de son cocontractant ;
Considérant que la société No Games a commis des faute grave dans l'exécution de ses obligations contractuelles ; que l'article 11.3 du contrat d'agent commercial prévoit que le contrat est résilié de plein droit en cas de faute grave à la date de survenance de la faute grave, après l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception et l'article 7 du contrat de distribution prévoit que le contrat "pourra être résilié de plein droit par l'une ou l'autre des parties en cas d'inexécution par son cocontractant de l'une quelconque de ses obligations importantes";
Considérant que conformément aux dispositions contractuelles et aux dispositions de l'article L. 134-13 du Code de commerce la société No Games sera déboutée de ses demandes en paiement d'une indemnité légale de fin de contrat et d'une indemnité compensatrice de préavis prévue au contrat d'agent commercial ;
Considérant que la société No Games sera également déboutée de sa demande au titre des gains manqués et de la perte de chance relative au contrat de distribution ; que le délai d'un mois prévu par l'article 7.1 du contrat de distribution avant que la résiliation du contrat ne devienne effective n'a pas été respecté par la société Orange Caraïbe, qui a désactivé la connexion informatique et récupérer son matériel le jour même où elle a résilié les contrats la liant à la société No Games ; qu' au vu du rapport du cabinet V. et des commissions perçues par la société No Games aux mois de janvier et février 2003, il sera alloué à l'appelante la somme de 7 500 euro au titre du préavis contractuel ; qu'il n'y a pas lieu à ordonner la publication du présent jugement ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Orange Caraïbe l'intégralité des frais et honoraires exposés par elle et non compris dans les dépens. La somme fixée de ce chef par le premier juge sera confirmée et il lui sera alloué en cause d'appel, la somme complémentaire de 5 000 euro ; que les mêmes considérations ne conduisent pas à faire droit à la demande du même chef de la société No Games ;
Par ces motifs : Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 10 janvier 2006, sauf en ses dispositions déboutant la société No Games de sa demande d'indemnité de préavis contractuel ; et statuant de nouveau dans cette limite : Condamne la société Orange Caraïbe à verser à la société No Games la somme de 7 500 euro au titre du préavis contractuel ; Condamne la société No Games à verser à la société Orange Caraïbe la somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l' article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société No Games aux dépens d'appel dont distraction conformément aux dispositions de l' article 699 du Code de procédure civile .