CA Lyon, 3e ch. A, 7 novembre 2013, n° 12-03363
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Nature et Confort (SARL)
Défendeur :
Les fermetures rhodaniennes (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tournier
Conseillers :
M. Bardoux, Mme Homs
Avocats :
SCP Laffly & Associés, Selarl Cabinet Draï, SCP Athos-Colomb Favre Avocats Associés
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SARL Nature et Confort, dite ensuite SNC, exerce l'activité de distributeur exclusif national des produits Solatube (puits de lumière tubulaires).
La SARL Les Fermetures rhodaniennes, dite ensuite société LFR, a une activité de distribution, auprès de professionnels, de toutes sortes de fermetures (menuiseries aluminium, PVC et bois, portes de garage et d'entrées, volets...) et au-devant depuis 2007 d'un contrat de distribution pour le territoire français de produits de type de lumière tubulaire manufacturés par la société italienne Srl Solarspot International.
Par acte en date du 29 juin 2010, la SNC a fait assigner la société LFR aux fins de voir dire et juger que cette dernière a commis des actes de concurrence déloyale et de publicité comparative illicite, aux fins de les faire cesser et d'obtenir indemnisation du préjudice en résultant.
Par jugement en date du 11 avril 2012, auquel il est expressément fait référence pour plus de précisions sur les faits prétentions et moyens des parties, le tribunal de commerce saisi a statué ainsi :
"Dit que l'action engagée à l'encontre de la société Les Fermetures rhodaniennes est mal dirigée, Dit que la société Nature et Confort n'aura qu'à mieux se pourvoir, Rejette toutes les autres demandes des parties comme non fondées, Décide de ne pas accorder d'indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne chacune des deux parties à payer la moitié des dépens de la présente instance".
Par déclaration reçue le 2 mai 2013, la SNC a relevé appel de ce jugement.
Dans le dernier état de ses conclusions (récapitulatives) déposées le 27 mai 2013, la SNC demande à la cour de :
- recevoir la société Nature et Confort en son appel et la dire bien fondée,
- infirmer le jugement entrepris et en conséquence,
- dire et juger que les actes commis par la société Les Fermetures rhodaniennes constituent une concurrence déloyale à l'encontre de la société Nature et Confort,
- ordonner à la société Les Fermetures rhodaniennes de cesser tout acte de concurrence déloyale à l'encontre de la société Nature et Confort et des produits Solatube distribués de manière exclusive par cette dernière sur le territoire français,
- ordonner en conséquence à la société Les Fermetures rhodaniennes de cesser toute utilisation, directement ou indirectement par le biais de ses distributeurs régionaux, physiquement lors des salons ou autres modes de promotion publicitaire, ou par le biais du site Internet http://www.solarspot-lfr.com/ des publicités comparatives et dénigrantes au préjudice des produits Solatube distribués par la société Nature et Confort, et ce, sous astreinte définitive et non comminatoire de 2 000 euro par infraction constatée, à compter de la signification de la décision à intervenir,
- ordonner plus généralement à la société "Les Fermetures rhodaniennes" de cesser toute publicité comparative ou dénigrante à l'égard des produits Solatube distribués de manière exclusive par la société Nature et Confort,
- interdire à la société "Les Fermetures rhodaniennes" toute utilisation et toute référence, directe et indirecte, aux avis techniques CSBT des produits Solatube n°6/08-1768 et n°6/10-1836,
- dire et juger que la cour d'appel restera compétente pour connaître de la liquidation éventuelle des astreintes qu'il aura ordonnées,
- condamner la société "Les Fermetures rhodaniennes" à payer à la société Nature et Confort, la somme de 126 000 euro a titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice commercial, financier et moral subi à raison de cette concurrence déloyale exercée sur le territoire français dont elle a l'exclusivité,
- condamner la société "Les Fermetures rhodaniennes" à payer à la société Nature et Confort, la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
Excipant des termes des articles 1382 et 1383 du Code civil, elle estime que la société LFR par l'intermédiaire de son site Internet, en sa qualité de distributeur exclusif de la société Solarspot, de plaquettes publicitaires et de présences dans les salons en France a commis des actes de dénigrement, en laissant notamment entendre sur une plaquette publicitaire que la comparaison réalisée émane du CSTB et en présentant le produit qu'elle distribue sous un jour favorable et celui concurrent sous un jour défavorable.
Elle reproche à la société LFR d'avoir affirmé dans une autre plaquette publicitaire que seul le produit qu'elle distribuait avait obtenu l'avis technique du CSTB.
Elle s'oppose à l'analyse faite par les premiers juges qui ont retenu que la responsabilité devait être recherchée du côté du fabricant du matériel, la société LFR ayant bien procédé à la diffusion de ces messages publicitaires déloyaux et dénigrants, notamment par l'intermédiaire de son site Internet.
Elle détaille les éléments du préjudice dont elle sollicite réparation.
Dans le dernier état de ses écritures (récapitulatives) déposées le 13 mai 2013, la société LFR conclut à la confirmation totale et à la condamnation de la SNC à lui verser la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, comme aux entiers dépens et à titre subsidiaire de :
- dire et juger que les actes de dénigrement allégués ne sont pas établis,
- débouter la société Nature et Confort de l'ensemble de ses demandes, fins ou conclusions,
- condamner la société Nature et Confort à lui verser la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, comme aux entiers dépens.
Soulignant que les demandes présentées par la SNC en première instance dans son assignation visaient uniquement "la société Solarspot International Srl", elle maintient qu'elles sont toujours mal dirigées, car d'une part le site Internet visé par elle appartient à la société Solarproject devenue Solarspot, qui n'est pas dans la cause, à la suite d'une cession.
Concernant la diffusion sur les salons stigmatisée par l'appelante, elle soutient que la société SNC ne démontre pas que sur ceux où elle était personnellement présente, elle a effectivement procédé à la diffusion des publicités qu'elle dénonce.
A titre subsidiaire, elle conteste les déloyautés et dénigrement imputés par la SNC, l'avis du CSTB constituant une certification attestant seule de la conformité des produits examinés, et alors même que les produits Solatube ne peuvent être identifiés sur le comparatif réalisé sur une autre plaquette.
Elle ajoute que les autres éléments de comparaison ne sont pas dénigrants.
Faisant état qu'en tout état de cause les documents litigieux ont cessé d'être distribués depuis avril 2011, elle fait valoir que le préjudice invoqué par la SNC n'est nullement établi notamment au niveau de la baisse du chiffre d'affaire qu'elle invoque. Elle souligne que l'assignation n'a été délivrée par ses soins qu'un an et demi après les constats d'huissier qu'elle avait fait réaliser.
Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées et ci-dessus visées.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que les parties n'ont pas discuté de la recevabilité de l'appel devant le conseiller de la mise en état, ni devant la cour ;
Sur la concurrence déloyale
Attendu que la SNC poursuit son adversaire sous le signe des articles 1382 et 1383 du Code civil supposant qu'elle démontre que la société LFR a fait montre d'un comportement exorbitant d'une concurrence habituelle et loyale, et notamment d'un dénigrement caractérisé de ses produits ;
Attendu qu'elle se doit également de faire la preuve d'un préjudice directement lié à cette concurrence exorbitante des usages habituels entre commerçants rivaux ;
Que, devant les premiers juges comme devant la cour, la SNC stigmatise des publicités comparatives ou non, par le biais de plaquettes publicitaires et d'un site Internet, et doit également établir que la société LFR en a été le concepteur ou le diffuseur, et pour le site lui-même qu'elle en est ou a été le responsable éditorial ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la société LFR n'est, notamment, que le distributeur des produits de la Srl Solarspot International, société de droit italien fabriquant des produits directement concurrents avec ceux distribués par la SNC ;
Attendu que s'agissant de la plaquette publicitaire objet du constat d'huissier du 3 novembre 2009, il ressort des constatations de cet officier ministériel que la Srl Solarspot International était exposante au même salon Batimat que la SNC et qu'elle en assurait elle-même la diffusion, alors que ce constat ne démontre nullement que la société LFR y ait participé ;
Que la seule lecture de cette plaquette suffit à caractériser que la société LFR n'y est présentée que comme le distributeur des produits italiens, sans qu'aucune présomption ne puisse en résulter sur sa présence sur les salons ou sur la diffusion par ses soins de cette plaquette ;
Attendu que la SNC n'a d'ailleurs pas contesté que cette société italienne soit l'éditeur et en l'espèce le diffuseur de cette publicité de ses produits, alors que son argumentation sur l'absence de mention sur ses plaquettes de son distributeur français ne manque pas d'étonner ("Si la société Solarspot s'était réellement réservée ce salon Batimat pour sa clientèle directe, elle n'aurait pas utilisé des brochures mentionnant comme contact la société LFR"), le but de toute entreprise étant de commercialiser au mieux ses produits... ;
Attendu que l'article L. 121-12 du Code de la consommation dont excipe la société LFR prévoit sans équivoque que peut être uniquement inquiété "l'annonceur pour le compte duquel la publicité est diffusée" ;
Attendu que la SNC ne rapporte nullement la preuve de ce que la société LFR ait diffusé la plaquette ainsi stigmatisée sur les salons dont elle se prévaut, ne faisant que procéder par présomption concernant ceux dont elle établit la présence de son adversaire ;
Attendu que s'agissant de l'autre plaquette publicitaire, constituée d'un fichier PDF présent sur le site http://www.solarspot-lfr.com/, il convient d'examiner l'éventuelle responsabilité de la société LFR en qualité de responsable éditorial de ce site Internet ;
Attendu, en effet, que s'agissant d'une diffusion, seul l'éditeur du site est responsable tant du contenu que de sa mise à disposition des internautes ;
Attendu que le constat d'huissier dressé le 19 décembre 2008, faisant état du site litigieux et son propriétaire d'alors (la société LFR) est en tout état de cause antérieur aux événements mis en avant par la société LFR, s'agissant de la cession du nom de domaine à la société italienne, le 9 avril 2010, ou même du contrat la liant avec la Srl Solarspot International, daté selon elle du 1er janvier 2010 ;
Que la société LFR ne conteste pas avoir enregistré elle-même ce nom de domaine et dès lors en avoir été le responsable éditorial au moins jusqu'à cette cession au fabricant ;
Attendu que les procès-verbaux antérieurs à cette date du 9 avril 2010 doivent dès lors être examinés pour déterminer les publicités alors diffusées par la société LFR sur son site Internet ;
Que seuls ces documents peuvent être de nature à caractériser une éventuelle responsabilité de la société LFR ;
Attendu que dans le constat du 19 décembre 2008, seule la mention présente sur une "Documentation Commerciale Petit Format" (Fichier PDF) libellée ainsi "Le seul tube de lumière qui a reçu l'Avis Technique par les soins du CSTB" est stigmatisée, les autres mentions relevées concernant un autre site Internet, qui ne concerne pas la société LFR (Genebat) comme par ailleurs le constat du 22 décembre 2008 ;
Attendu que les copies d'écran produites en pièces 7 et 8 non contestées par la société LFR, ne concernent cette dernière, comme responsable éditorial, que pour celle réalisée le 29 décembre 2009, la mention susvisée étant également mise en avant ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que les produits litigieux de la Srl Solarspot International aient fait l'objet d'un tel avis du CSTB dès le 14 juin 2007, alors que la SNC établit qu'un avis a été délivré à son profit le 22 septembre 2008 ;
Attendu qu'il est constant que l'emphase contenue dans une publicité vantant les qualités d'un produit n'est pas susceptible de caractériser une quelconque déloyauté, alors qu'en l'espèce si l'affirmation contenue dans cette plaquette s'avère fausse, il appartient à la SNC de démontrer qu'elle se trouve à la source d'un préjudice commercial, au niveau de son image, mais surtout de ses résultats financiers, en faisant état notamment d'une variation de son taux de pénétration du marché ;
Attendu que la seule pièce comptable qu'elle verse aux débats (sa pièce 35) est notoirement insuffisante à établir un quelconque impact de ce message publicitaire stigmatisé, en l'absence de toute précision concrète sur le pourcentage d'activité généré par le produit alors considéré comme dénigré, et sur l'évolution comparative des chiffres d'affaire de chacun d'entre eux, année par année ;
Attendu qu'en l'état de cette carence, la SNC devait être déboutée de sa demande indemnitaire, en l'absence de démonstration d'une effective concurrence déloyale ;
Attendu qu'il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a considéré que l'action de la SNC était mal dirigée dans sa totalité, mais de la confirmer dans son principe sur le débouté total prononcé des prétentions de la SNC ;
Attendu que s'agissant des demandes tendant à mettre fin à une telle activité considérée comme déloyale, l'absence de toute preuve de diffusion maintenue par la société LFR de quelconques publicités comparatives et dénigrantes, qui n'a plus la qualité de responsable éditorial du site Internet, doit conduire à leur débouté, car elles devaient être dirigées contre ce dernier, la Srl Solarspot International dont elle avait d'ailleurs invoqué les agissements directs en saisissant les premiers juges ;
Attendu, d'ailleurs et au surplus, que la SNC elle-même pour soutenir, de manière vaine, l'existence de son préjudice, fait état de la cessation dès avril 2011 de ces publicités ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Attendu qu'en l'état de ce qu'a été caractérisée à l'encontre de la société LFR la diffusion d'une plaquette publicitaire contenant à tout le moins des informations inexactes sur ses concurrents, l'action engagée par la SNC ne saurait être considérée comme ayant dégénéré en abus ;
Qu'une confirmation doit être prononcée sur ce point ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Attendu que la SNC succombe totalement en première instance et en appel, et doit en supporter les dépens, ceux de première instance comme l'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile refusée par les premiers juges devant être confirmés ;
Que les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Attendu que l'équité commande de décharger la société LFR des frais irrépétibles engagés dans cet appel et de condamner la SNC à lui verser une indemnité de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Par ces motifs : LA COUR, Vu les conclusions récapitulatives déposées par les parties, Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a : Dit que l'action engagée à l'encontre de la société Les Fermetures rhodaniennes est mal dirigée, Dit que la société Nature et Confort n'aura qu'à mieux se pourvoir, et statuant à nouveau sur les demandes présentées par la SARL Nature et Confort : Déboute la SARL Nature et Confort de toutes ses demandes, fins ou conclusions, Condamne la SARL Nature et Confort à verser à la SARL Les Fermetures rhodaniennes une indemnité de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des frais irrépétibles d'appel, Condamne la SARL Nature et Confort aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.