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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 14 novembre 2013, n° 11-07568

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Accomed (SARL)

Défendeur :

Humanoptics AG (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tournier

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

Avocats :

SCP Laffly & Associés, SCP Aguiraud Nouvellet, Mes Brosemer, Fournier-Pancrazio

T. com. Villefranche-Tarare, du 8 sept. …

8 septembre 2011

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SARL Accomed a conclu le 1er janvier 2004 avec la société Humanoptics AG ayant comme principale activité le développement, la fabrication et la vente d'implants intraoculaires et de lentilles dans le domaine de la chirurgie ophtalmologique, un contrat de fourniture et de distribution exclusives sur le territoire français des produits de cette dernière société.

Des accords complémentaires ont été signés les 18 mars 2005 et en juin 2007 portant pour ce dernier sur des lentilles dites MS 612 DIFF. Les parties se sont ensuite opposées sur des commandes passées par la société Accomed concernant ces lentilles, notamment sur la conformité des systèmes d'injection.

Après une saisine infructueuse du juge des référés, la société Humanoptics a fait assigner la société Accomed devant le tribunal de commerce en condamnation pour une somme de 58 338 euro au titre des factures afférentes à ces livraisons de lentilles MS 612 DIFF.

Par jugement du 8 septembre 2011, le Tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a condamné la SARL Accomed à verser à la société Humanoptics AG la somme de 58 338 euro correspondant au solde entre les parties outre intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2007, comme une indemnité de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ordonnant la restitution des lentilles, objets du litige, à la SARL Accomed après complet paiement de la condamnation, et a rejeté toutes les autres demandes.

Par déclaration reçue le 10 novembre 2011, la SARL Accomed a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 16 octobre 2012, le conseiller de la mise en état a dit que la question de l'écart des pièces produites par la société Accomed, du fait d'une absence de simultanéité avec ses conclusions excédait ses pouvoirs et devait être tranchée, le cas échéant, par la cour et rejeté l'incident qui tendait au prononcé de la caducité de la déclaration d'appel.

Dans le dernier état de ses conclusions (récapitulatives) déposées le 27 mai 2013, la société Accomed demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- débouter purement et simplement la société Humanoptics AG de l'intégralité de ses demandes,

- condamner à titre reconventionnel la société Humanoptics AG à rembourser à la société Accomed la somme de 4 487 euro TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2008 réglé par virement bancaire à cette même date,

- condamner la société Humanoptics AG à payer à la société Accomed la somme de 88 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant du refus d'exécution par la société Humanoptics AG des modalités de paiement prévues dans le contrat de distribution du 1er janvier 2004 pour les implants standards et de la rupture brutale de leurs relations commerciales,

- condamner la société Humanoptics AG à payer à la société Accomed la somme de 1 540 euro, correspondant à l'achat des 55 implants standards qu'elle ne pourra plus vendre,

- condamner la société Humanoptics AG à payer à la société Accomed la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Humanoptics AG aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Soutenant la recevabilité de ses pièces, car aucune disposition ne sanctionne la méconnaissance de l'obligation de les produire simultanément aux écritures déposées et parce que la société Humanoptics a été pleinement à même de conclure en temps utile, elle soutient que la société Humanoptics n'est pas fondée à lui réclamer la somme de 58 338 euro.

Elle prétend que les conditions de vente de l'implant litigieux supposent que cette facturation ne peut être effectuée qu'après son implantation par le praticien, et directement au client final, la propriété de cet implant ne lui étant pas transférée avant cette intervention sur le patient.

Elle conteste toute confirmation de commande pour les 300 lentilles intraoculaires.

Elle soutient sa demande indemnitaire formée et que la rupture des relations commerciales est imputable à la société Humanoptics, les difficultés étant provenues des problèmes inhérents à l'implantation des lentilles litigieuses, nécessitant de suspendre leur commercialisation.

Elle revendique de son côté l'indemnisation de son préjudice résultant de ces difficultés ayant conduit à la fin de ces relations commerciales.

Dans le dernier état de ses écritures (récapitulatives) déposées le 6 mars 2013, la société Humanoptics demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les pièces n° 1 à 38 de la société Accomed,

- confirmer le jugement entrepris et en conséquence,

- dire et juger qu'aux termes de l'accord commercial de juin 2007 la société Accomed a acheté 300 lentilles MS 512 DIFF pour un prix unitaire de 200 euro HT,

- constater que les lentilles MS 512 DIFF ne sont pas défectueuses, et l'injecteur MicroQuip 2.8 n'est pas objet du contrat de juin 2007 et est un accessoire optionnel,

- dire et juger que la société Accomed n'a pas respecté ses obligations contractuelles,

- condamner la société Accomed à payer à la société Humanoptics la somme en principal de 58 338 euro au titre du préjudice subi par la société Humanoptics du fait de la violation du contrat et en règlement des factures restées impayées, outre les intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2007 date de la première mise en demeure,

- débouter la société Accomed de l'ensemble de ses demandes et demandes reconventionnelles,

- condamner la société Accomed à payer à la société Humanoptics la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle affirme que la société Accomed a violé ses obligations contractuelles, soutenant également que la vente était parfaite dès lors que les parties se sont entendues sur la chose et sur le prix, excipant de l'article 1583 du Code civil.

Elle prétend que la société Accomed n'a pas respecté la clause de non-retour contenue dans la convention de juin 2007.

Elle s'oppose à la demande reconventionnelle de la société Accomed au titre de la rupture des relations commerciales, car cette dernière a commis des fautes de nature à la décharger du préavis.

Elle fait état du fait les parties ont soumis leurs relations commerciales au droit allemand, dans le contrat du 1er janvier 2004, mais précise à l'audience que le litige sur la rupture de ces relations est circonscrit au second contrat, au sein duquel les parties n'ont pas désigné la loi applicable.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées et ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le sort des pièces versées aux débats par l'appelante

Attendu que la société Accomed, appelante, a fait notifier à la société Humanoptics, par signification en application de l'article 8 du règlement communautaire 1393/2007 du 13 novembre 2007 et en date du 10 février 2012, ses conclusions prévues par l'article 908 du Code de procédure civile comportant un bordereau de communication de pièces, ayant été déposées à la cour le 7 février 2012, du fait de l'absence de constitution de cette partie intimée ;

Attendu que la société Humanoptics AG a constitué avocat le 28 février 2012, et a conclu dans les délais des articles 909 et 911-2 alinéa 2 du Code de procédure civile, le 8 juin 2012, les conclusions de l'appelante lui ayant été dénoncées le 2 mars 2012, un délai de plus de trois mois, compte tenu de sa domiciliation à l'étranger, ayant été laissé à ses conseils français ainsi constitués pour y procéder ;

Attendu que si les termes de l'article 906 du Code de procédure civile prévoient une communication simultanée des conclusions et des pièces qui sont visées au bordereau de communication de pièces qui y est annexé, l'article 911 ne dispose pas expressément que la partie soit ainsi tenue de notifier à la partie non constituée autre chose que ses conclusions, comportant ce même bordereau ;

Attendu, en effet, que dans le cadre d'une procédure où la représentation est obligatoire, les pièces ne doivent être échangées qu'entre parties constituées, alors qu'il est par ailleurs constant que les assignations délivrées à une partie (article 56 du Code de procédure civile) ne doivent comporter que le bordereau de communication de pièces et non pas les pièces elles-mêmes ;

Attendu que la société Humanoptics ne peut dès lors invoquer une quelconque irrégularité de la signification ainsi réalisée en l'absence d'autres dispositions précises l'obligeant à inclure ses pièces à une telle notification ;

Attendu qu'elle invoque une violation du principe du contradictoire, principe dont il n'est nullement nécessaire de rappeler qu'il est fondateur d'un procès équitable, et, notamment, les termes de l'article 135 du Code de procédure civile qui édictent que le juge peut écarter les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile ;

Attendu qu'en dehors des rappels des principes régissant le procès équitable, la société Humanoptics ne précise pas concrètement quelle atteinte à ses droits est consécutive à cette prise de connaissance de pièces après s'être constituée;

Qu'en l'état de ce que les pièces ont été communiquées en temps utile et de l'absence de tout grief concret et de toute atteinte à ses droits à un procès équitable et au contradictoire invoqués par la société Humanoptics, il convient de rejeter cet incident de pièces formé par elle ;

Sur la demande principale formée par la société Humanoptics

Attendu, à titre liminaire, que les parties n'ont pas contesté s'opposer uniquement sur l'application d'un accord passé entre elles à une date non précisée, mais communément considérée comme correspondant au mois de juin 2007 ;

Qu'elles ne prétendent nullement avoir entendu soumettre leurs rapports et ce contrat à une loi particulière, la société Humanoptics ne s'étant prévalue d'une telle désignation que concernant le contrat initial du 1er janvier 2004 ;

Attendu qu'elles ne sont jamais opposées sur l'application de la loi française concernant leurs rapports contractuels consécutifs à cette convention de juin 2007, tant devant les premiers juges que devant cette cour ;

Attendu que la traduction faite par la société intimée de ces contrats rédigés en langue allemande n'est pas contestée ;

Attendu qu'elles ne sont pas plus contraires sur la portée immédiate de cet accord, prévoyant que "Accomed achètera 300 (trois cents) MS 612 Diff de 18-25 dpt sphériques pour un prix de 200 euro l'unité" (article 4) ;

Attendu que l'article 5 de cet accord a prévu expressément :

"Le paiement de la première commande mentionnée ci-dessus sera effectuée séparément pour chaque lentille individuelle provenant de ce stock au plus tard le 5e jour suivant par IOL individuel facturé à un client" (sic) ;

Que les termes contractuels antérieurs (article 1er) faisaient état des "clients français choisis" ;

Attendu que l'article 8 manifeste sans équivoque une clause de réserve de propriété de la société Humanoptics jusqu'au "paiement final de chaque IOL individuel et jusqu'à ce que tous les paiements aient été reçus sur le compte de HumanOptics" ;

Que l'article 13 prévoit pour sa part "Afin d'éviter des doutes, aucun des MS 612 DIFF seront livrés à Accomed. Aucun échange, aucune sanction, aucune reprise n'est possible pour quelque raison que ce soit. Accomed est pleinement responsable pour les stocks de livraison fournis à ses clients par ses soins. Les performances du produit et les caractéristiques techniques sont conformes à la spécification dans la feuille de données techniques du produit attachée. Humanoptics ne donne aucune garantie pour les résultats cliniques (sic)" ;

Attendu que les échanges de courriels (pièces 24 de la société Humanoptics) attestent sans équivoque que la société Accomed s'est engagée à commander au moins 300 exemplaires du produit, sans pour autant que les parties se soient imposées un quelconque délai, seul un objectif de 500 unités étant mis en avant par cette dernière avant la fin de l'année 2007 ;

Qu'en effet, les livraisons au praticien ne pouvaient intervenir qu'à partir du moment où les implants sont produits (un courriel du 25 juin 2007 faisant état d'un délai de livraison de quatre semaines) ;

Attendu, cependant, qu'il n'est pas contestable que les 300 produits aient été effectivement fournis et livrés à la société Accomed (cf. son courrier du 14 novembre 2007 en pièce 2) qui a alors retourné 272 exemplaires à la société Humanoptics ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1583 du Code civil la vente "est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé" ;

Attendu que l'article 5 ci-dessus rappelé ne pouvait dès lors pas stipuler autre chose que la manière dont le paiement de la commande devait être effectué, cette commande et cette livraison effective ne permettant pas à la société Accomed de se prévaloir d'une absence de transfert de propriété, ce dernier étant sans équivoque corroboré par la nécessité ayant poussé les parties à prévoir expressément une clause de réserve de propriété au profit du vendeur, qui a un caractère général et non attaché à chaque implant commandé ;

Que la société Accomed en l'état de cette clause de non-retour, non contestée, et de cette effectivité de la vente des 300 exemplaires, ne pouvait pas opérer un tel retour de 272 implants à son cocontractant ;

Attendu qu'en procédant ainsi elle a violé ses obligations contractuelles, privant la société Humanoptics de tout paiement pour les implants retournés ;

Qu'aucun des échanges entre les parties antérieurs ou postérieurs à la commande litigieuse n'a porté sur le protocole de pose desdits implants, qui aurait imposé un injecteur MicroQuip, seule la pièce 10 b de la société Accomed faisant état de la possibilité d'en utiliser un autre (courriel du 27 septembre 2006) ;

Attendu que comme les premiers juges l'ont relevé avec pertinence que les parties avaient exclu une quelconque garantie pour les résultats cliniques, alors que par ailleurs la société Accomed ne démontre pas plus que les difficultés de pose de l'implant soient imputable au choix de l'injecteur MicroQuip, ni même qu'un autre dispositif ou un autre protocole de pose ne pouvait pas lui être substitué avec pertinence ;

Attendu que les éventuelles difficultés rencontrées par la société Accomed comme les normes de sécurité dont aucune violation n'est démontrée n'étant en rien susceptibles de la dédouaner de ses obligations contractuelles, il n'est pas besoin de les examiner plus avant ;

Attendu qu'il n'est pas plus nécessaire de déterminer, en l'absence d'autres stipulations contractuelles, si les difficultés mises en avant par les praticiens étaient imputables à un protocole particulier ou à une instrumentation particulière ;

Attendu que la demande de dommages et intérêts formée par la société Humanoptics est quantifiée par la valeur marchande des implants retournés (55 600 euro), sans pour autant qu'elle justifie avoir été dans l'obligation de les conserver, ses chiffres de vente figurant dans un tableau présent en page 14 de ses dernières écritures attestant que 1487 lentilles MS 612 DIFF ont été vendues en 2008 et 1327 en 2009 ;

Attendu que le préjudice de la société Humanoptics ne pouvait dès lors, en l'état des pièces probantes qu'elle produit, être équivalent à la valeur marchande de ces produits, du fait même de son absence de restitution de ces derniers mais peut être caractérisé par la perte de gains inhérente à la moindre activité enregistrée, alors que 500 implants devaient être vendus avant la fin de l'année 2007, aux tracas provoqués par ce retour inattendu des produits et à la perte au moins transitoire du marché français, dans l'attente de trouver un nouveau distributeur ;

Que cette indemnisation, compte tenu du caractère alors au moins unique de la distribution confiée à la société Accomed peut être forfaitairement déterminée par la perte des 200 implants supplémentaires qui devaient constituer la commande totale prévue doit 40 000 euro (200 implants à 200 euro pièce) ;

Attendu que s'agissant d'un reliquat de factures pour des marchandises distinctes des implants litigieux, soit 2 738 euro, la société Accomed en conteste nullement le montant dans ses écritures ;

Que les factures réclamées par la société Humanoptics ne sont pas contestées, alors même que le montant des lentilles effectivement conservées par la société Accomed (28) doit être estimé à 5 600 euro ;

Attendu que leur total en l'état des pièces produites ne peut être fixé qu'à 10 894 euro ;

Attendu que la société Accomed établit par ses pièces des "paiements" à hauteur de 5 120,16 euro (comprenant un avoir de 642 euro) alors que son adversaire a enregistré des paiements totaux à hauteur 7 514 euro, y compris pour le paiement des implants commercialisés ;

Que le montant retenu par les premiers juges ne peut qu'être confirmé en cet état ;

Attendu que la société Humanoptics ne conteste pas que le virement mis en avant par son adversaire à hauteur de 4 487 euro ne soit pas adossé à une autre commande, mais ne revendique en fait que le prononcé d'une compensation immédiate et de plein droit avec les créances qu'elle détient, en application du jugement et de cet arrêt sur la société Accomed ;

Que ce montant doit en conséquence retenu à la charge de la société Humanoptics en réformant le jugement déféré sur ce point, sans qu'il soit besoin d'examiner l'argumentation de la société Accomed sur le fondement de l'article 1378 du Code civil, de prononcer la compensation judiciaire, sollicitée par la société intimée, de ce montant avec les dommages et intérêts ci-dessus arbitrés, laissant subsister un solde de 35 513 euro ;

Attendu qu'il convient de réformer le jugement entrepris sur une partie du montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Accomed et de condamner cette dernière à payer à la société Humanoptics la somme de 38 251 euro outre intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2007 sur la somme de 2 738 euro et à compter du jugement entrepris concernant l'indemnisation subsistante arbitrée au profit de cette société allemande ;

Attendu que la société Humanoptics n'a pas demandé en cause d'appel la confirmation du jugement concernant la restitution qui avait été ordonnée des lentilles retournées, alors qu'aucune demande n'avait d'ailleurs été formulée en ce sens devant les premiers juges ;

Sur la demande reconventionnelle formée par la société Accomed en application de l'article L. 442-6 du Code de commerce

Attendu, tout d'abord, qu'il est constant que les termes de cet article du Code de commerce ont prévu une pure responsabilité délictuelle, ne nécessitant nullement que les parties aient convenu de leur côté des modalités de la fin prématurée de leurs relations commerciales ;

Attendu, ensuite, que les parties s'opposent particulièrement sur le refus d'exécution du contrat de juin 2007 mais aussi sur les autres commandes passées par la société Accomed n'en dépendant pas, et dès lors sur la rupture de relations instaurées, sans aucune contestation, antérieurement à l'accord du 1er janvier 2004 ;

Attendu que la société Humanoptics sur interrogation de la cour au cours de l'audience a d'ailleurs expressément concédé que son argumentation basée sur la désignation de la loi allemande comme loi du contrat dans ce dernier contrat ne devait pas avoir d'impact sur le litige avec son adversaire, basé uniquement sur le comportement des parties à la suite du dernier accord de juin 2007 ;

Que cette clause guère soutenue par la société Humanoptics ne peut en tout état de cause recevoir application car les dispositions d'ordre public ci-dessous rappelés excluent toute effectivité de telles stipulations contractuelles ;

Attendu, de toute manière, que les termes du 5° de l'article L. 442-6 du Code de commerce sanctionnent ainsi le fait "de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas." ;

Attendu que pour prospérer en sa demande indemnitaire, la société Accomed doit rapporter la preuve de ce que la rupture des relations commerciales a été brutale et est imputable à son adversaire ;

Que, par ailleurs, l'auteur de la rupture a pour sa part la faculté de s'exonérer de son éventuelle responsabilité en établissant qu'elle est en fait la suite du seul comportement fautif de son cocontractant ;

Attendu que le contrat signé entre les parties le 1er janvier 2004, servant de cadre à leurs rapports en dehors des implants spécifiquement régis par celui de juin 2007 a prévu comme conditions de vente que "le distributeur payera la totalité de la commande sous 90 jours à compter de la date de la facture par virement à la banque indiquée par la société" ;

Attendu que la société Accomed reproche à son cocontractant d'avoir exigé un paiement d'avance pour les commandes passées, (courrier de confirmation de commande du 11 octobre 2007), la société Humanoptics mettant en avant les difficultés inhérentes à la commercialisation des 300 lentilles MS 612 DIFF ;

Qu'aucune correspondance, même postérieure, ne vient confirmer les termes mêmes des échanges qui ont pu se faire jour concernant cette commercialisation ;

Attendu, surtout que la société Accomed ne justifie nullement avoir répliqué à l'exigence formulée par son fournisseur, notamment pour s'en insurger ou pour prendre position de son côté sur la suite qu'elle aurait pu lui donner ;

Que sa propre initiative de retourner les 272 lentilles, malgré une clause en interdisant le retour, a manifesté une volonté non équivoque de mettre fin aux relations contractuelles normales, qui n'a pas été suivie d'une réplique autre celle du courrier du 12 décembre 2007 (pièce 13 de la société Humanoptics) tendant uniquement au paiement des 300 implants livrés ;

Attendu que la société Accomed est demeurée sans régler intégralement des commandes dont elle ne conteste ni l'utilité ni l'effectivité, ce comportement confortant tout autant son cocontractant sur son absence de volonté d'une poursuite d'une quelconque coopération contractuelle ;

Attendu que les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce supposent pour leur part la caractérisation d'un abus de position dominante que la société Accomed ne tente pas plus de démontrer et sur lequel elle n'a émis aucune réaction avant d'être attraite en justice ;

Attendu que cette absence totale d'élément concret de conviction concernant les circonstances dans lesquelles les relations contractuelles ont pris fin, et notamment le fait qu'aucun des deux cocontractants n'ait émis de quelconques mises en demeure, ou courrier invoquant cette fin immédiate, interdisent de retenir que l'une des parties en ait pris l'initiative effective, la société Accomed ayant attendu d'être assignée à la fin de l'année 2008 pour se prévaloir du texte susvisé ;

Attendu que la société Accomed, en procédant ainsi, a par nature exclu toute brutalité de la fin des relations commerciales ;

Que pour ces motifs la décision entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté cette prétention de la société Accomed ;

Sur la demande reconventionnelle formée par la société Accomed en paiement de la somme de 1 540 euro

Attendu que cette société soutient l'acquisition de 55 Implants Standard qu'elle ne pourrait plus vendre, mais ne verse aux débats aucun élément probant concernant l'existence même de la commande, sa date et sur l'éventuelle date de péremption qui interdirait de les commercialiser, étant souligné que la société Accomed soutient n'avoir bénéficié d'aucune exclusivité dans leur commercialisation ;

Que d'ailleurs des commandes passées dans les semaines précédant le retour litigieux des lentilles MS 612 DIFF, discutées dans leur paiement effectif, ne font pas l'objet de quelconques revendications similaires de la part de la société Accomed qui n'a pas plus fait parvenir à la société Humanoptics une quelconque mise en demeure ou même un courrier lui faisant part d'une éventuelle difficulté concernant la faculté de commercialiser ces 55 Implants Standards ;

Attendu qu'en l'état de cette totale carence probatoire, la confirmation s'impose sur le rejet de cette prétention reconventionnelle ;

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Attendu que compte tenu de ce que la décision entreprise est confirmée dans sa plus grande partie, la société Accomed doit supporter les dépens de l'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, alors que ceux arbitrés par les premiers juges ne sont pas à remettre en cause ;

Attendu que l'équité commande de décharger la société Humanoptics des frais irrépétibles engagés dans cet appel et de condamner la société Accomed à lui verser une indemnité de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Vu les conclusions récapitulatives déposées par les parties, Rejette l'incident de pièces formé par la société Humanoptics AG, Infirme le jugement entrepris seulement en ce qu'il a ordonné ultra petit à la restitution des lentilles par la société Humanoptics AG à la SARL Accomed, Déboute la SARL Accomed en sa demande reconventionnelle portant sur la somme de 4 487 euro TTC, et sur le montant de l'indemnisation allouée à la société Humanoptics AG au titre du retour des implants MS 612 DIFF et statuant à nouveau sur les seuls deux derniers points, Dit que la société Humanoptics AG est redevable à l'égard de la SARL Accomed d'une somme de 4 487 euro, mais ordonnant la compensation judiciaire, Condamne la SARL Accomed à payer à la société Humanoptics AG la somme de 38 251 euro outre intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2007 sur la somme de 2 738 euro et à compter du jugement entrepris sur le solde, Confirme le jugement en ses autres dispositions, Condamne la SARL Accomed à verser à la société Humanoptics AG une indemnité de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des frais irrépétibles d'appel, Condamne la SARL Accomed aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.