CA Metz, ch. com., 7 novembre 2013, n° 10/02740
METZ
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Malabre, Mandon (ès qual), Bo Rivage (SARL)
Défendeur :
Bitburger Braugruppe GmbH (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Staechele
Conseillers :
Mme Soulard, Mme Knaff
Avocats :
Mes Zachayus, Ducasse, Faravari
Expose du litige
Par acte sous-seing privé du 25 avril 2005, la SARL Bitburger Braugruppe GmbH a conclu avec la SARL Bo Rivage, laquelle exploitait un fonds de commerce de débit de boissons à (...), une convention de fourniture de bière aux termes de laquelle :
la SARL Bo Rivage a pris l'engagement de s'approvisionner, d'une manière exclusive et permanente, pendant sept années entières et consécutives à compter du 1er mars 2005 jusqu'au 21 février 2012 de bières Bitburger Pils, à raison d'au moins 100 hl de bière par an, à peine d'encourir la résiliation du contrat et le paiement d'indemnités d'inexécution ;
la SARL Bitburger Braugruppe GmbH lui a accordé un prêt de 100 000 euro au taux de 4 % l'an garanti par l'engagement de caution hypothécaire de M. Malabre, son gérant, sur un immeuble situé (...), prêt remboursable en 72 mensualités de 1 564,52 euro chacune.
Cette convention comporte les mentions suivantes :
"Si le client n'a pas réalisé une quantité totale de 700 hl de bière en fûts, bouteilles et autres conditionnements, soit un minimum annuel de 100 hl, la brasserie pourra résilier le contrat Le client accepte expressément les prix des bières énumérées à l'article II pratiqués actuellement par le distributeur et désigné par la brasserie dont il confirme avoir pris connaissance En cas de variation du prix au niveau de la production ou auprès du distributeur ou pour quelque motif que ce soit, les parties conviennent, à défaut d'accord entre elles sur les prix des produits, de s'en remettre à l'avis d'un expert qui sera désigné par le président de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz à la requête de la partie la plus diligente".
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 juin 2007, la SARL Bitburger Braugruppe GmbH a résilié ce contrat, motif pris de l'inexécution de cette convention par la SARL Bo Rivage.
Par jugement du 16 avril 2008, la SARL Bo Rivage a été placée en redressement judiciaire puis, par un second jugement du 18 juin 2008, en liquidation judiciaire. La SARL Bitburger Braugruppe GmbH a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire le 27 mai 2008 pour un montant de 69 521,16 euro, outre les intérêts au taux conventionnel de 4 % et la clause pénale de 6 552,90 euro.
Par actes des 22 et 23 octobre 2007, la SARL Bo Rivage et M. Malabre ont fait assigner la SARL Bitburger Braugruppe GmbH et la société brasserie "France Boissons Bordeaux" devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz en demandant à cette juridiction de :
dire et juger nulle et de nul effet, la convention de fourniture de bière que la SARL Bitburger Braugruppe GmbH lui a fait souscrire, par application des dispositions de l'article 1591 du Code civil ;
juger qu'en application des articles 1217 et 1218 du même Code, cette nullité s'étend aux obligations indivisibles contenues dans l'acte, constituées par le prêt consenti par le brasseur d'une somme de 100 000 euro et par les sûretés consenties à titre accessoire de la garantie de ce prêt, soit le nantissement du fonds de commerce de la SARL Bo Rivage et le cautionnement hypothécaire fourni par M. Malabre ;
de dire en conséquence nulle et de nul effet l'inscription d'hypothèque prise de ce chef sur l'immeuble dont M. Malabre est propriétaire ;
d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir et de condamner les sociétés défenderesses à lui verser une somme de 5 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
Parallèlement, par acte du 30 octobre 2007, la SARL Bitburger Braugruppe GmbH a fait assigner la SARL Bo Rivage et M. Malabre devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz en demandant à cette juridiction de condamner solidairement la SARL Bo Rivage et M. Malabre à lui payer :
la somme de 69 521,61 euro avec intérêts au taux conventionnel de 4 % à compter du 1er juillet 2007 et, subsidiairement les intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2007 ;
une pénalité de 6 552,90 euro ;
5 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ces deux instances ont été jointes et, par jugement du 13 avril 2010, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties en première instance, la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz a :
débouté la SARL Bo Rivage, représentée par son liquidateur judiciaire la SELARL Christophe Mandon, et M. Malabre de l'ensemble de leurs demandes ;
condamné M. Malabre à payer à la SARL Bitburger Braugruppe GmbH les sommes suivantes :
69 521,61 euro avec intérêts au taux conventionnel de 4 % à compter du 1er juillet 2007 ;
6 552,90 euro au titre de la clause pénale ;
fixé la créance de la SARL Bitburger Braugruppe GmbH au passif de la SARL Bo Rivage à la somme de 81 074,51 euro ;
dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
condamné la SELARL Christophe Mandon, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Bo Rivage et M. Malabre aux dépens.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré :
que le moyen pris de l'indétermination du prix doit être rejeté ; qu'il suffit en effet que le prix soit déterminable ; qu'en l'espèce, il est déterminé ou déterminable dès lors que la SARL Bo Rivage a confirmé avoir pris connaissance des prix de la bière qui devait lui être livrée et qu'en outre les parties étaient convenues du recours à un tiers désigné par le président de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz en cas de désaccord sur la variation du prix susceptible de survenir après la signature du contrat ;
que la SELARL Christophe Mandon et la SARL Bo Rivage ne démontrent pas qu'il y aurait eu une surestimation manifeste des volumes à débiter, ni que la SARL Bitburger Braugruppe GmbH a une position dominante sur le marché intérieur ; que l'engagement d'approvisionnement exclusif de boissons auprès de la SARL Bitburger Braugruppe GmbH étant indissociable du prêt de 100 000 euro consenti par celle-ci, il n'y a pas disproportion entre les obligations des parties au contrat ;
qu'il convient en conséquence de rejeter les moyens de nullité ;
que les éléments de la cause ne justifient pas une réduction de la clause pénale qui a été librement convenue entre les parties ;
qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande en principal et indemnités.
La SARL Bo Rivage a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 8 juillet 2010.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 17 décembre 2012, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, la SELARL Christophe Mandon et M. Malabre demandent à la Cour de recevoir leur appel, d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de :
dire et juger nulle de nul effet la convention conclue le 25 avril 2005 par la SARL Bo Rivage et la SARL Bitburger Braugruppe GmbH ;
dire et juger qu'en application de l' article 1217 et 1218 du Code civil , cette nullité s'étend aux obligations indivisibles contenues dans l'acte, constituées par le prêt consenti par le brasseur d'une somme de 100 000 euro et par la sûreté consentie à titre accessoire à la garantie de ce prêt, soit :
le nantissement du fonds de commerce de la SARL Bo Rivage ;
le cautionnement hypothécaire accordé par M. Malabre sur l'immeuble dont il est propriétaire (...) ;
d'ordonner la mainlevée de l'inscription d'hypothèque prise au bénéfice de la SARL Bitburger Braugruppe GmbH au préjudice de M. Malabre sur l'immeuble susvisé ;
de débouter la SARL Bitburger Braugruppe GmbH de l'ensemble de ses demandes ;
subsidiairement, de réduire à une somme symbolique le montant de la clause pénale réclamée par la SARL Bitburger Braugruppe GmbH ;
de condamner celle-ci à payer à la SELARL Christophe Mandon et à M. Malabre une indemnité de 5 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL Bitburger Braugruppe GmbH conclut en réponse, dans ses dernières écritures déposées le 6 décembre 2012, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé de ses moyens et prétentions, en demandant à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
déclarer irrecevable la demande d'annulation du contrat en présence d'un commencement d'exécution ;
déclarer irrecevable, subsidiairement mal fondée, la demande nouvelle de mainlevée de l'hypothèque ;
condamner les appelants solidairement aux frais et aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à lui payer la somme de 5 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Motifs
Sur la recevabilité de l'appel
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée. Les pièces du dossier ne font apparaître aucune fin de non-recevoir susceptible d'être relevée d'office. L'appel sera donc déclaré recevable.
L'appel n'est pas limité.
Sur la validité du contrat
Sur la recevabilité de la demande d'annulation du contrat
La SARL Bitburger Braugruppe GmbH fait valoir que la demande d'annulation n'est pas recevable, dès lors que la convention de fourniture a reçu un commencement d'exécution et que le prêt a commencé à être remboursé.
La SARL Bo Rivage lui objecte que, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation " la règle selon laquelle l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté ne s'applique qu'à compter de l'expiration du délai de prescription de l'action ". Dans le cas d'espèce, les actes introductifs d'instance sont intervenus deux ans et six mois après l'établissement de la convention litigieuse, de sorte que le délai de prescription n'est pas expiré et que par suite la demande en nullité est recevable.
Le commencement d'exécution du contrat ne prive pas la partie qui y a intérêt de pouvoir, dans le délai d'action, opposer l'exception de nullité. Il convient donc de déclarer recevable l'exception de nullité opposée par les appelants.
II. Sur les moyens de nullité
sur le moyen pris de l'indétermination du prix
Invoquant l'article 1591 du Code civil , les appelants font valoir que la mention figurant à l'article 5 du contrat selon laquelle "le client accepte expressément le prix des bières énumérées à l'article II pratiqués actuellement par le distributeur et désignés par la brasserie dont il confirme avoir pris connaissance" constitue une clause de style qui ne saurait suppléer l'indication du prix dans l'acte.
La SARL Bitburger Braugruppe GmbH pour sa part, estime :
que selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, les contrats de distribution, ne sont pas nuls si le prix n'est pas expressément prévu dans le contrat lui-même ;
que le contrat de bière constitue un contrat de distribution, un contrat cadre qui n'est pas analysé comme un contrat de vente ;
qu'un tel contrat n'est pas nul et que les dispositions des articles 1591 et suivants et 1129 suivants du Code civil ne s'appliquent pas.
C'est par de justes motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, que le premier juge a statué comme il l'a fait sur ce point. La cour adoptera ses motifs pour écarter cette exception de nullité.
L'article 1592 du Code civil qui prévoit que le prix peut être laissé à l'arbitrage d'un tiers n'implique pas que la matière du contrat rende impossible la connaissance du prix par sa mention de l'acte à la signature. Au demeurant, dans le cas d'espèce le recours à l'arbitrage d'un tiers n'est prévu qu'en cas de modification des prix initialement convenus.
Sur le moyen pris de l'illicéité de l'objet de la stipulation du prêt
Les appelants font valoir qu'aux termes de l'article L. 511-5 du Code Monétaire et Financier "il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel" ; que la sanction de la méconnaissance de ce texte est la nullité absolue.
Selon eux, dans le cas d'espèce, la SARL Bitburger Braugruppe GmbH a directement prêté à la SARL Bo Rivage une somme de 100 000 euro remboursable en 72 mensualités, avec stipulation contractuelle d'intérêts au taux de 4 % l'an. Cette opération s'analyse en une stipulation de crédit et non comme une simple avance, dès lors que le crédit est remboursé indépendamment de la fourniture de bière.
La SARL Bitburger Braugruppe GmbH au contraire, estime que cette convention a un objet licite et que l'opération ne tombe pas sous le coup de la prohibition édictée par l'article L511-5 du Code monétaire et financier. Il rappelle que l'article L511-7 du même Code couvre de façon large les crédits consentis par un fournisseur à sa clientèle, même s'ils sont stipulés remboursables avec intérêt ou s'ils ne sont pas directement liés au règlement de ventes déterminées telles que les prêts consentis pour l'installation d'un équipement d'un détaillant en contrepartie d'un accord d'approvisionnement.
L'article 511-7 du Code Monétaire et Financier, prévoit que :
"I. -Les interdictions définies à l'article L. 511-5 ne font pas obstacle à ce qu'une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse :
Dans l'exercice de son activité professionnelle consentir à ses contractants des délais ou avances de paiement ;"
En vertu de ce texte, doit être considéré comme licite, dans l'activité commerciale ordinaire du distributeur, le prêt consenti comme en l'espèce, par un brasseur créancier et destiné à l'acquisition du fonds de commerce exploité par la société débitrice principale, en contrepartie de l'accord d'approvisionnement exclusif dont il est le complément indissociable.
Il s'ensuit que ce moyen de nullité n'a pas plus de fondement que le précédent.
Sur le moyen pris de l'absence de cause
Les appelants rappellent les dispositions des articles L. 420-2 et L. 420-3 du Code de commerce et soutiennent que méconnaît ces textes le contrat d'achat exclusif de boissons dit "contrat de bière" qui prévoit une clause d'exclusivité d'achat, licite dans son principe, mais qui impose à la SARL Bo Rivage un engagement de fourniture portant sur des quantités minimales, indépendamment de ses besoins réels et caractérise, de la part du brasseur, un abus d'état de dépendance économique qui s'analyse en un défaut de cause résultant de la disproportion entre les engagements pesant sur le fournisseur et ceux pesant sur le débitant.
Ils affirment que c'est la raison pour laquelle la SARL Bo Rivage n'est pas parvenue à écouler la quantité de 100 hl par an prévue au contrat et ajoutent, que cette obligation, disproportionnée par rapport à ses possibilités, est de surcroît lourdement sanctionnée par des dommages et intérêts.
Selon elle, la SARL Bitburger Braugruppe GmbH ne peut soutenir qu'elle n'a "ni sur le marché français, ni sur le marché européen une position dominante" alors qu'elle existe depuis 1817, jouit d'une renommée mondiale et constitue l'une des brasseries les plus importantes d'Allemagne et d'Europe.
Ils estiment :
que les engagements souscrits par la SARL Bo Rivage sont sans commune mesure avec ceux contractés par la SARL Bitburger Braugruppe GmbH ;
que le prêt consenti à des conditions de taux qui, en une période où le taux d'inflation est extrêmement faible, lui assurent une rémunération normale, outre le remboursement du capital, garanti par la caution hypothécaire donnée par M. Malabre, sur un immeuble dont il n'a pas contesté que sa valeur est très supérieure au montant total du capital et des intérêts, ne constitue pas un avantage pour la SARL Bo Rivage, en l'absence de tout risque pour le prêteur ;
que ces conditions drastiques permettent au brasseur de mettre en œuvre quand il le souhaite une résiliation unilatérale des contrats pour "non-atteinte de l'objectif" avec une indemnité forfaitaire de 10 euro hors taxes par hectolitre de bière restant à livrer conformément au contrat ;
que cet arsenal de sanctions lui permet de tirer profit de la faiblesse de la SARL Bo Rivage en lui imposant une situation financière totalement déséquilibrée, qui ajoute des sommes considérables au prix de la bière effectivement débitée par son cocontractant ;
que le tribunal n'a pas répondu à ce moyen, se bornant à affirmer que dès lors que l'engagement d'approvisionnement exclusif de boissons auprès de la SARL Bo Rivage était indissociable du prêt de 100 000 euro consentis par cette dernière, il n'y a pas disproportion entre les obligations des parties au contrat, ignorant ainsi l'ensemble de la situation créée par le contrat lui-même au préjudice de la SARL Bo Rivage ;
que, lorsqu'il existe une disproportion si manifeste entre les obligations des parties à un même contrat, la jurisprudence en déduit que le contrat est dépourvu de cause ;
que la jurisprudence de la Cour de Cassation, confirme le moyen pris de l'absence de cause dès lors que "le brasseur ne démontre pas avoir pris un risque réel" et que l'engagement pris par lui était dérisoire.
La SARL Bitburger Braugruppe GmbH quant à elle, réplique :
qu'elle n'a, ni sur le marché français, ni sur le marché européen une position dominante, qu'elle ne fait pas partie des grands brasseurs mondiaux ; qu'en conséquence l'article L. 420-2 du Code de commerce n'est pas applicable ;
que la jurisprudence, invoquée pour démontrer l'absence de cause sur le fondement de l'article 1131 du Code civil n'est pas applicable ; qu'elle concernait un cas d'espèce où les obligations à la charge du brasseur étaient réellement dérisoires ;
que tel n'est pas le cas en l'espèce où elle a consenti un prêt d'un montant de 100 000 euro, avec un taux d'intérêt faible ; que la quantité de bière à débiter était proportionnelle au montant du prêt ;
qu'en tout état de cause M. Malabre devra être condamné à régler pour le moins le solde du prêt en sa qualité de caution.
C'est encore par des motifs pertinents que les premiers juges, ont retenu :
que les appelants ne démontrent en rien qu'il y aurait eu une surestimation manifeste des volumes à débiter ;
ni que la SARL Bitburger Braugruppe GmbH avait une position dominante sur le marché intérieur ;
que l'engagement d'approvisionnement exclusif de boissons auprès de la SARL Bitburger Braugruppe GmbH était indissociable du prêt de 100 000 euro consenti par celle-ci ;
que dans ces conditions, il n'y avait pas de disproportion entre les obligations des parties au contrat.
S'il convient de protéger les cocontractants des brasseurs des clauses abusives que peuvent comporter les contrats qui peuvent leur être proposés, il appartient également au débitant, avant de s'engager, de mesurer la quantité de boissons qu'ils sont en mesure de débiter. Ils ne peuvent s'abriter, pour se prémunir des conséquences d'engagements imprudents, ni derrière la réputation de leur fournisseur, ni derrière les garanties auxquelles celui-ci subordonne l'aide qu'il leur fournit.
Dans ces conditions, les appelants ne peuvent valablement soutenir ni que la SARL Bitburger Braugruppe GmbH a abusé d'une position dominante pour imposer à la SARL Bitburger Braugruppe GmbH de contracter des engagements dépourvus de cause, ni que le contrat qu'ils ont signé étaient dépourvus de cause pour eux.
Sur la demande dirigée contre M. Malabre
Le moyen pris de la nullité du contrat de bière étant rejeté, celui pris de la nullité de l'engagement de la caution se trouve privé de fondement également.
Sur les montants en principal
Le montant de la somme restant à rembourser sur le prêt n'est pas discuté. Il sera en conséquence retenu.
Il y a lieu, en conséquence, de fixer la créance au passif de la SARL Bo Rivage à concurrence de 60 521,61 euro, outre les intérêts conventionnels de 4 % à compter du 1er juillet 2007 et au taux légal à compter de la date de résiliation, soit du 30 juin 2007.
Sur l'application de la clause pénale
Les appelants soutiennent en premier lieu que la nullité du contrat de bière entraîne celle de la clause pénale qui s'y trouvait insérée.
Dès lors que cette convention n'est pas annulée, ce moyen n'a aucun fondement.
Subsidiairement, ils sollicitent la réduction de la clause pénale, par application des dispositions de l'article 1153 du Code civil , en affirmant qu'elle a un caractère manifestement excessif.
La SARL Bitburger Braugruppe GmbH résiste à cette demande en faisant valoir :
que cette clause est prévue pour compenser la perte subie du fait de l'inexécution totale ou partielle par son cocontractant de l'obligation de débiter de la bière, conformément aux dispositions de l'article 1231 du Code civil ;
que, selon la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, le juge est lié par le contenu de cette clause lorsque, comme en l'espèce, les parties ont expressément prévu les conséquences d'une inexécution partielle et stipulé que la peine varierait en fonction du degré d'inexécution ; que dans ces conditions, le montant de la clause pénale ne peut être réduite ;
que par ailleurs, conformément à une jurisprudence constante relative à l'application de l'article 1152 du Code civil , le juge peut réduire l'indemnité, "sans toutefois pouvoir allouer une somme inférieure au montant du dommage subi" ; que seul ce critère peut caractériser l'excès ;
que dans le cas d'espèce, elle a accordé un prêt à des conditions avantageuses quant à son taux ou en raison du fait qu'elle le lui a accordé alors que sa banque ne lui aurait pas accordé, lui permettant ainsi de faire face à tous les investissements prévus ; que la contrepartie de cet avantage est la vente exclusive de la bière de la brasserie ; que le prêt accordé est proportionnel à la bière à débiter ; que c'est par le biais de la bière écoulée qu'elle pouvait récupérer l'avantage qu'elle avait accordé à la SARL Bo Rivage ; que si celle-ci n'écoulait pas la quantité de bière convenue, l'équilibre économique du contrat était rompu et qu'il ne pourrait être rétabli que par le biais de l'indemnité réparant le préjudice né de l'inexécution ;
qu'elle a pris en compte un manque à gagner de 20 euro par hectolitre non écoulé ; qu'un hectolitre de bière représente 400 "demis de bière" ; qu'en été 2008, le prix du demi de bière était en moyenne en France de 2,50 euro ; que l'indemnité pour inexécution qu'elle réclame représente cinq centimes par demi de bière non écoulé ; que si l'on part du principe que le débitant a une marge de 50 %, il achète le demi à 1,25 euro au distributeur ; que dans ces conditions, les cinq centimes ne sont en aucun cas supérieurs à la marge du manque-à-gagner du brasseur ;
que dans ces conditions, la réduction de l'indemnité pour inexécution n'est pas justifiée.
C'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la preuve du caractère excessif de la clause pénale n'était pas rapportée.
En cause d'appel la SARL Bo Rivage et M. Malabre ne démontrent pas davantage le caractère excessif de cette clause pénale qui est proportionnelle mais non supérieure au manque-à-gagner de la SARL Bitburger Braugruppe GmbH.
Il convient en définitive de confirmer purement et simplement la décision des premiers juges.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
Aucune considération d'équité ne justifie que les appelants soient dispensés de l'indemnité que l'article 700 du Code de procédure civile met à la charge de la partie qui succombe. Elle sera évaluée à la somme de 3 000 euro.
Ils seront en outre condamnés aux dépens d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, statuant en dernier ressort, publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit l'appel, régulier en la forme ; Le dit mal fondé et confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Condamne la SARL Bo Rivage et M. Malabre à payer à la SARL Bitburger Braugruppe GmbH une indemnité de 3000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile , pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; Condamne la SARL Bo Rivage et M. Malabre aux dépens.