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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 14 novembre 2013, n° 12-11818

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Fixot

Défendeur :

Apy (SARL), Gueguen

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur

Avocats :

Mes Hatet-Sauval, Nabonne, Seguin

T. com. Evry, 3e ch, du 9 mai 2012

9 mai 2012

Faits et procédure

La société Apy, spécialisée dans la réalisation d'aires de jeux pour enfants, de mobiliers urbains et d'équipements sportifs, a fait appel à M. Fixot, agent commercial, afin de développer son activité et de conquérir de nouveaux marchés.

Le 28 août 2007, les parties ont signé un contrat d'agent commercial d'une durée déterminée d'un an reconductible deux fois, prenant effet au 1er septembre 2007.

Le 10 janvier 2011, par courrier recommandé AR, M. Fixot a reproché à la société Apy d'avoir résilié le contrat les liant sans avoir respecté le préavis de trois mois et a réclamé à ce titre une indemnité compensatrice.

Le 21 avril 2011, après plusieurs échanges de courriers entre les parties, M. Fixot a assigné la société Apy d'avoir à comparaître devant le Tribunal de commerce d'Evry.

Par jugement en date du 9 mai 2012, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce d'Evry a :

- débouté M. Fixot de sa demande de paiement de la somme de 5 628,09 euro pour non-respect du préavis,

- débouté M. Fixot de l'ensemble de ses autres demandes formées à titre principal,

- condamné la SARL Apy à payer à M. Fixot la somme de 32 911,09 euro en principal, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de signification du présent jugement,

- condamné la SARL Apy à payer à M. Fixot la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SARL Apy aux dépens.

Vu l'appel interjeté le 26 juin 2012 par M. Fixot contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 28 juin 2012 par M. Fixot, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait application de l'article L. 134-12 du Code de commerce pour condamner la société Apy à lui payer des dommages et intérêts en conséquence de la rupture du contrat d'agent commercial signé entre les parties.

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas convenablement évalué les préjudices subis par M. Fixot et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes présentées au titre du préavis, et de ses autres demandes de réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive.

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas fait une juste application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

- dire et juger qu'afin de faire application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, il sera commis un expert avec la mission d'usage afin de réunir les documents échangés entre les parties, ainsi qu'avec les clients des sociétés Apy, Ose Loisir, Euro Concept et de rechercher dans la comptabilité de la société Apy ou de ses sous-traitants ou partenaires les éléments nécessaires au calcul des commissions qui resteraient lui être dues au titre de son contrat d'agent, que ce soit pour la période antérieure à la rupture en application de l'article L. 134-6 du Code de commerce, ou sur une période postérieure en application de l'article L. 134-7 du même Code.

- condamner la société Apy à lui payer :

- 6 963,02 euro sauf à parfaire après expertise en règlement des commissions dues sur les affaires de son secteur non réglées.

- 7 500 euro à titre de préavis en application de l'article L. 134-1 du Code de commerce, sauf à parfaire après expertise.

- 60 000 euro sauf à parfaire après expertise au titre de l'article L. 134-12 du Code de commerce en paiement de l'indemnité compensatrice due par la société Apy en réparation du préjudice subi du fait de la cessation des relations contractuelles,

- 15 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive et des manœuvres dolosives de la société Apy,

- 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Y ajoutant :

- condamner la société Apy à lui payer une somme complémentaire de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en indemnisation des frais irrépétibles d'appel et aux dépens.

Sur l'indemnité au titre du préavis, M. Fixot soutient que le contrat ayant débuté le 24 avril 2007, il s'est reconduit tacitement chaque année à la même date, de sorte qu'il devait bénéficier d'un délai de préavis de trois mois. Il estime donc être créancier d'une somme correspondant aux trois mois de commissions qu'il aurait pu percevoir pendant la durée du préavis, soit 7 500 euro sur la base de commissions de 30 000 euro annuels.

Sur l'indemnité réparatrice de l'article L. 134-2, il expose qu'il n'a pas été payé de nombreuses commissions afférentes aux ventes, outre le fait que l'intimée a détourné des commissions par l'intermédiaire de son sous-traitant, et que d'autres affaires conclues après la rupture du contrat n'ont pas donné lieu à rémunération. L'appelant estime donc être bien fondé à demander la désignation d'un expert en application de l'article L. 134-6 ou L. 134-7 du Code de commerce ou subsidiairement, au cas où la cour refuserait toute mesure d'instruction, il lui demande de tirer toutes les conséquences de l'attitude d'obstruction de la société Apy et de la condamner à lui payer une somme de 60 000 euro au titre de cette résistance abusive.

Sur l'indemnité due au titre de la rupture abusive, il demande réparation à hauteur de 15 000 euro au titre du préjudice qu'il considère comme étant distinct de celui réclamé au titre de l'article L. 134-12. Il soutient que ce préjudice consiste en des manœuvres dolosives de la société Apy qui l'a mis dans une situation financière et morale catastrophique.

Vu l'ordonnance sur incident rendue le 5 septembre 2013 par le magistrat de la mise en état qui a déclaré irrecevables les conclusions et pièces signifiées et communiquées à cette date tardive par la société Apy.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Motifs

Sur l'indemnité due au titre du préavis

Considérant que l'article L. 134-11 du Code de commerce dispose que "Un contrat qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en contrat à durée indéterminée (...)

La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année et les années suivantes" ;

Que ces dispositions sont d'ordre public et s'appliquent, que peu importe que les parties aient convenu d'une durée de préavis moindre ; que le contrat de M. Fixot ayant pris effet le 1er septembre 2007 et ayant cessé le 31 août 2010, il est fondé à demander l'application d'un préavis de trois mois ; qu'au regard de ses commissions perçues, son préjudice au titre de ce préavis sera fixé à la somme de 7 500 euro.

Sur l'indemnité réparatrice

Considérant que M. Fixot fait valoir que le tribunal n'a retenu qu'une somme de 32 911,09 euro ce qui correspond aux commissions qui lui ont été payées pour les années 2009 et 2010 alors qu'il invoquait des commissions non réglées sur deux affaires, des commissions sur des ventes et le fait que la société Apy avait détourné des commissions par l'intermédiaire d'un sous-traitant ce qui aurait généré un montant de commissions qu'il chiffrait à la somme de 24 667 euro, chiffre auquel il convenait encore d'ajouter celui au titre des affaires conclues après la rupture du contrat ; qu'il demande que soit organisée une mesure d'expertise ou qu'à défaut son indemnité soit évaluée à la somme de 60 000 euro ;

Considérant que les premiers juges avaient estimé que M. Fixot ne rapportait aucune preuve tangible de ses allégations à l'appui de ses autres demandes ;

Considérant qu'il soutient qu'il était fondé à obtenir des rémunérations sur deux affaires non réglées à savoir :

- le marché avec la ville de Saint Laurent Nouan : qu'il indique que ce marché a fait l'objet d'une procédure d'appel d'offres qui a été remportée par la société Ose Loisir en partenariat avec une société installatrice ; qu'il ne saurait donc demander une indemnité au titre de celui-ci ;

- le marché de la communauté de communes de Beauce de Janville ; que par lettre recommandée reçue le 24 septembre 2009 par la société Apy, il a écrit "Comment se fait-il que je sois obligé de te rappeler le 6 septembre pour me faire régler la commission de Janville alors que tu devais me remettre le règlement fin juillet" ce qui démontre qu'il ne contestait pas le montant de la commission qu'il avait à l'évidence facturée et dont il attendait le paiement ;

Considérant qu'il fait état de marchés qui ont été attribués à des entreprises sous-traitantes de la société Apy, reconnaissant qu'un certain nombre ont fait l'objet d'appels d'offres ainsi les marchés des villes de Chartres et de Luce ; que, s'il fait état de l'inertie de son mandant, il reconnaît de fait qu'aucun marché n'a été passé avec la société Apy pouvant lui ouvrir droit à commissions ;

Qu'il ne conteste pas avoir reçu les décomptes de ses commissions, faisant valoir que ceux-ci n'étaient pas établis de manière satisfaisante ; que, toutefois il produit des courriels par lesquels il demande à la société Apy des éléments tels que factures et n'allègue pas que ceux-ci sont restés sans réponse; qu'en tout état de cause il a pu établir ses factures ;

Que, s'il fait état d'affaires conclues après la rupture de son contrat sur le territoire qui était le sien, il ne démontre pas que ceux-ci seraient dus à son activité ;

Que, d'ailleurs, par lettre recommandée reçue le 24 septembre 2009 par la société Apy, M. Fixot lui a écrit " Depuis le chantier de Vernoullet initié fin 2009, je n'ai de cesse que de demander à toi et à Franck un rendez-vous pour clarifier de nombreux points sans succès " ; que dans ce courrier M. Fixot fait état de l'intervention de M. Chauvin indiquant " Peux-tu me préciser la fonction de M. Chauvin... Peux-tu faire en sorte qu'il se présente, ainsi que toutes autres personnes, sur mon secteur et à mes clients après que je lui en ai donné l'accord et au moins après m'en avoir averti. Peux-tu faire en sorte que les chantiers réalisés par vos sous-traitants soient plus soignés... Peux-tu me régler le solde du chantier de Lucé, 2009. Peux-tu me régler la commission sur les pièces détachées du chantier du Puizet en 2009"; que ce courrier démontre qu'il connaissait parfaitement les affaires sous traitées et que la société Apy ne lui en a rien dissimulé celles-ci ;

Qu'il produit dans ses pièces les devis qu'il a fait signer au titre des travaux, les états de facture et de commissions qui lui ont été transmis par la société Apy et qui lui ont permis d'établir sa propre facturation ; qu'en conséquence il n'apporte aucun élément démontrant qu'il n'aurait pas été rempli de ses droits à information de la part de son mandant sur les affaires dans lesquelles il était intervenu et qui étaient de nature à lui ouvrir droit à commission.

Considérant qu'une mesure d'expertise ne saurait être organisée afin de pallier la défaillance d'une partie dans l'apport des preuves qui lui incombe ;

Considérant qu'il y a lieu de débouter M. Fixot de sa demande d'expertise et de sa demande de réformation de la décision entreprise sur le montant de l'indemnité qui lui a été allouée.

Sur l'indemnité au titre de la rupture abusive

Considérant que M. Fixot ajoute avoir subi un préjudice du fait des manœuvres dolosives de la société Apy, affirmant que celles-ci l'ont mis dans une situation financière et morale catastrophique.

Considérant que, s'il prétend que la société Apy l'aurait spolié en détournant des affaires relevant de son territoire par l'entremise de sous-traitants, il ne fait la démonstration d'aucune manœuvre et il ne saurait déduire celle-ci de l'existence de relations de sous-traitance ayant pour objet de traiter des chantiers relevant de son territoire ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande à ce titre.

Sur les commissions non réglées

Considérant que si M. Fixot fait état d'un montant de commissions non réglées de 963,02 euro, il ne justifie d'aucune facture de ce montant, ni d'un solde de facture ; qu'il y a lieu de le débouter de cette demande.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation des dépens en condamnant la société Apy à verser 2 000 euro à M. Fixot sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que M. Fixot a dû engager, en cause d'appel, des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. Fixot de sa demande au titre du préavis, Et statuant à nouveau, dit que le préavis dû à M. Fixot est de trois mois, condamne la société Apy à lui payer la somme de 7 500 euro au titre de ce préavis, rejette toute autre demande plus ample ou contraire, condamne la société Apy à payer à M. Fixot la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la société Apy aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.