CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 novembre 2013, n° 12-10268
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Du Pareil Au Même (Sté)
Défendeur :
Mauras (ès qual.), Margaux (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Cheviller, Zafrani, Bettan, Boyenval
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société Banc exerce son activité dans la vente de chaussures pour enfants sous l'enseigne Petits Petons. Elle anime sous cette enseigne un réseau de magasins en franchise.
Le 21 mai 2007, la société Banc a signé avec la société Margaux, créée à cette occasion, un contrat de vente en dépôt consignation, permettant à la société Margaux de vendre sous son nom et sous l'enseigne Petits Petons mais pour le compte de la société Banc qui le lui confiait en dépôt, un stock de chaussures pour enfants dans un magasin situé <adresse>. Le contrat avait une durée de 7 années, renouvelable par tacite reconduction. La société Margaux s'est acquittée du droit d'entrée de 9 000 euro HT et d'un dépôt de garantie de 3 049 euro. Aux termes de ce contrat, elle devait verser sur un compte bancaire ouvert par la société Banc la totalité du chiffre d'affaires réalisé dans le magasin et bénéficiait d'une commission égale à 40 % HT de ce chiffre d'affaires HT.
Après la réalisation de travaux d'aménagement du local, le magasin était ouvert en août 2007.
La société Banc adressait les 4 octobre et 12 décembre 2007 des mises en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception à la société Margaux lui rappelant les conditions financières du contrat.
Elle la mettait en demeure de payer le solde de commissions sur ventes du mois de novembre 2007 par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 janvier 2008.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 30 janvier 2008, la société Banc a constaté la résiliation du contrat.
Par exploit en date du 6 mars 2008, la société Banc a assigné la société Margaux devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamner à lui verser diverses sommes au titre des factures et commissions sur vente et au titre du préjudice causé du fait de la rupture anticipée.
La société Margaux a été placée selon jugement du Tribunal de commerce de Nantes du 18 juin 2008 en redressement judiciaire et Maître Mauras a été désigné mandataire judiciaire. Elle a été placée en liquidation judiciaire selon jugement du 11 décembre 2008 et Maître Mauras a été désigné mandataire liquidateur.
La société Banc a déclaré sa créance au passif de la procédure de la société Margaux pour un montant de 71 147, 48 euros à titre chirographaire. Le juge-commissaire a selon ordonnance du 11 décembre 2009 constaté qu'une instance était en cours devant la cour d'appel de Paris en ce qui concernait cette créance.
Par jugement prononcé le 24 septembre 2009, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :
- prononcé la nullité du contrat de vente en dépôt consignation du 21 mai 2007 aux torts de la société Banc " Petits Petons " :
- condamné la SARL Banc " Petits Petons " à rembourser à la SARL Margaux la somme de 35 864,82 euro TTC ;
- condamné la SARL Banc " Petits Petons " à payer à la SARL Margaux la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le 6 juin 2012, la société Du Pareil Au Même a interjeté appel du jugement.
Par conclusions signifiées le 22 juillet 2013, la société Du Pareil Au Même qui vient aux droits de la société Banc " Petits Petons " demande à la cour de :
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce du Paris du 24 septembre 2009 en ce qu'il a :
- débouté la société Banc de l'ensemble de ses demandes,
- prononcé la nullité du contrat de vente en dépôt consignation du 21 mai 2007 aux torts de la société Banc,
- condamné la société Banc à payer à la société Margaux la somme 35 864,82 euros TTC,
- condamné la société Banc à payer à la société Margaux la somme 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce du Paris du 24 septembre 2009 sur les autres points ;
Statuant à nouveau :
- dire le contrat de vente en dépôt consignation valide et résilié de plein droit par la société Banc sans préavis et sans formalité préalable en application de l'article 18.1 et 18.2.3 dudit contrat ;
En conséquence :
- ordonner l'inscription au passif de la société Margaux d'une créance de 11.147,48 euros due au titre des factures et des commissions sur vente ;
- ordonner l'inscription au passif de la société Margaux d'une créance de 30 000 euros au titre de l'article 18-1 du contrat ;
- ordonner l'inscription au passif de la société Margaux d'une créance de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Margaux, prise en la personne de son liquidateur, au paiement de la somme de 15 000 euros au titre du préjudice causé du fait de la rupture anticipée.
La société DPAM soutient que le contrat la liant à la société Margaux est valable. Elle estime démontrer que la société Banc a eu pour seul intérêt d'étendre son réseau et de développer son activité sur toute la France et qu'en aucun cas, elle a eu l'intention de tromper ses affiliés en omettant certaines informations sur le réseau " Petits Petons ". La société DPAM ajoute que la société Banc a transmis à la société Margaux un document d'information pré-contractuelle conforme à l'article L. 330-3 du Code de commerce et a toujours contracté avec ses affiliés à des conditions contractuelles justes et légales.
La société DPAM soutient qu'en ne reversant pas l'intégralité de son chiffre d'affaires à la société Banc, la société Margaux n'a pas respecté ses obligations contractuelles, que la résiliation anticipée et de plein droit du contrat est imputable exclusivement à la société Margaux ; qu'il lui est du la somme totale de 11 147,48 euros au titre de factures ou de commissions de vente et ce, conformément au grand livre partiel de la comptabilité de la société Banc ainsi que la somme de 30 000 euros du fait de la rupture anticipée du contrat.
La société DPAM prétend avoir subi un préjudice en raison notamment des redevances et des ventes perdues et de la perte d'image inhérente à la fermeture d'une enseigne et demande réparation de son préjudice à hauteur de 15 000 euros.
La société DPAM estime enfin que la société Banc a fait preuve d'assistance à l'égard de la société Margaux en lui accordant des délais de paiement et en continuant de lui fournir les marchandises.
Par conclusions signifiées le 11 juillet 2013, la société Mauras-Jouin en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Margaux demande à la cour de :
A titre principal, infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris comme suit :
- dire et juger que la société Du Pareil Au Même a gravement manqué à l'obligation de délivrance loyale et de bonne foi du document d'informations précontractuelles ;
- dire et juger que la société Du Pareil Au Même a gravement manqué à l'exécution loyale et de bonne foi du contrat ;
- dire et juger que la société Du Pareil Au Même a violé son obligation d'assistance dans le cadre du contrat ;
- dire et juger que la société Du Pareil Au Même a violé son obligation d'approvisionnement en termes de qualité et de quantité ;
- dire et juger que la société Du Pareil Au Même a rompu le contrat d'exclusivité sans délai raisonnable de préavis, de manière brutale et abusive ;
- dire et juger que la société Du Pareil Au Même doit réparer l'intégralité des préjudices commerciaux consécutifs à ses fautes et notamment ceux nés de la rupture anticipée du contrat ;
En conséquence,
- prononcer la résiliation du contrat de dépôt vente en consignation aux torts exclusifs de la société Du Pareil Au Même ;
- condamner la société Du Pareil Au Même, venant aux droits de la société Banc, à verser la somme de 35 864,82 euro de dommages et intérêts, à la société Margaux, représentée par la SCP Mauras-Jouin, es qualités ;
- ordonner en conséquence la déconsignation de la somme de 40 864,42 euro de la Caisse des Dépôts et Consignations, au profit de la SCP Mauras-Jouin, es qualités à savoir 35 864,82 euro + 5 000 euro au titre des frais irrépétibles de première instance ;
- condamner la société Du Pareil Au Même à payer une indemnité de 30 000 euro au titre des dommages et intérêts, à la SCP Mauras-Jouin, es qualités pour les graves manquements à l'exécution loyale et de bonne foi du contrat ;
- condamner la société Du Pareil Au Même à payer une indemnité de 64 907,52 euros au titre des dommages et intérêts, à la SCP Mauras-Jouin, es qualités compte tenu du préjudice d'exploitation et de manque à gagner de la société Margaux, pour rupture abusive et brutale du contrat d'exclusivité ;
- condamner la société Du pareil Au Même à payer une indemnité de 5.385,65 euros au titre du remboursement des sommes dont est redevable la SCP Mauras-Jouin, es qualités à la suite du contentieux prud'homal engagée et remporté par la salariée, Manuela Thomas ;
- débouter la société Du Pareil Au Même de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Du Pareil Au Même à verser à la SCP Mauras-Jouin, es qualités un montant de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel, outre le montant de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile obtenu en première instance ;
A titre subsidiaire, confirmer partiellement le jugement du Tribunal de Commerce de Paris dans les dispositions suivantes :
- " prononce la nullité du contrat de vente en dépôt consignation du 21 mai 2007, aux torts de la société Banc " Petits Petons " :
- condamne la SARL Banc " Petits Petons " à rembourser à la SARL Margaux la somme de 35 864,82 euro TTC ;
- condamne la SARL Banc " Petits Petons " à payer à la SARL Margaux la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonne l'exécution provisoire. "
- dire et juger que ces dispositions du jugement seront confirmées à l'encontre de la société Du Pareil Au Même, venant aux droits de la société Banc et en faveur de la SCP Mauras-Jouin, es qualités ;
Y ajoutant,
- ordonner la déconsignation de la somme de 40 864,42 euro de la Caisse des Dépôts et Consignations au profit de la SCP Mauras-Jouin, es qualités, à savoir 35 864,82 euro + 5 000 euro au titre des frais irrépétibles de première instance ;
- dire et juger que la société Du Pareil Au Même a rompu la relation contractuelle existante sans délai raisonnable de préavis, de manière brutale et abusive ;
- dire et juger que la société Du Pareil Au Même doit réparer l'intégralité des préjudices commerciaux consécutifs à ses fautes et notamment ceux nés de la rupture de la relation contractuelle qui a existé ;
- condamner la société Du Pareil Au Même, venant aux droits de la société Banc, à payer une indemnité de 64 907,52 euros, à titre des dommages et intérêts, à la SCP Mauras-Jouin, es qualités compte tenu du préjudice d'exploitation et de manque à gagner de la société Margaux, occasionné par la rupture brutale et abusive de la relation contractuelle qui a existé ;
- condamner la société Du Pareil Au Même à payer une indemnité de 5 385,65 euros au titre du remboursement des sommes dont a été redevable la SCP Mauras-Jouin, es qualités, à la suite du contentieux prud'homal de la société Margaux, pour la mise en place d'un faux document d'informations précontractuelles ;
- débouter la société Du Pareil Au Même de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Du Pareil Au Même à verser à la SCP Mauras-Jouin, es qualités un montant de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel, outre le montant de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile obtenu en première instance.
Maître Mauras es qualités considère qu'en tant qu'affiliée, la société Margaux n'était qu'un intermédiaire transparent à la vente des marchandises et que sa propre dénomination sociale était totalement effacée par le nom de l'enseigne et de la marque du fournisseur. Il demande ainsi à ce que lui soit versée es qualités une indemnité pour rupture du contrat qui pourra être évaluée à deux années du chiffre d'affaires.
Il expose que la société Banc a commis cinq fautes au cours de la phase pré-contractuelle, par le biais de manœuvres déloyales ( fausse date sur le DIP, précipitation dans la signature du document, annexe relative aux conditions financières non paraphée, DIP très sommaire et carencé, date du 13 avril 2007 fausse), que la société Margaux n'a pu prendre connaissance à l'avance des documents. Il soutient également que la société Banc a dissimulé volontairement des informations essentielles à la société Margaux sur son réseau de franchise notamment dans le Grand Ouest, que la société Banc a dissimulé volontairement des concurrents essentiels dans son étude de marché et de la concurrence locale sur Nantes, les comptes annuels sur les deux derniers exercices, la nature et le montant des dépenses en investissements spécifiques que la société Margaux devait engager avant de commencer à exploiter le magasin ; que ces diverses dissimulations n'ont pas permis à la société Margaux de se déterminer en toute connaissance de cause, de sorte que la nullité du contrat conclu entre les parties est encourue.
Il fait valoir que le taux de marge de 60 % de la société Banc, qui est prohibitif caractérise des pratiques commerciales déloyales et que son système de facturation est illicite.
Par ailleurs, Maître Mauras es qualités estime que la société Banc a manqué à son obligation contractuelle d'assistance à son égard.
Il soutient que la société Margaux ne lui doit rien.
Compte tenu des fautes commises par la société Banc et de celles nées de la rupture anticipée du contrat, Maitre Mauras es qualités se dit bien fondé à demander l'indemnisation de l'intégralité des préjudices commerciaux, ceux qui sont liés aux investissements spécifiques de la société Margaux, ceux qui résultent de la rupture brutale du contrat, ceux qui sont liés aux manœuvres déloyales de la société Banc.
SUR CE :
Sur la nullité du contrat :
Considérant que Maître Mauras es qualités invoque les manœuvres dolosives, le défaut d'information précontractuelle complète et sincère qui ont eu pour effet de vicier le consentement de la société Margaux ;
Considérant que selon l'article L. 330-3 du Code de commerce ( alinéa 1) " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité est tenue préalablement à la signature de tout contrat dans l'intérêt commun des deux parties de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ", que ce texte précise en son dernier alinéa que le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat...;
Considérant qu'il est soutenu que le document d'information précontractuelle n'a pas été remis avant la signature et que la société Banc a tenté de faire croire que ce document avait été remis au moins 20 jours avant la signature du contrat alors qu'il n'en est rien ;
Considérant que contrat et document d'information précontractuelle sont versés aux débats par les deux parties ; qu'il apparaît que le document " accusé de réception et engagement de confidentialité " du 13 avril 2007 est daté de la main de Madame Martel et signé par elle et qu'elle reconnaît dans ce document avoir reçu en qualité de " candidat affilié " et avoir pris pleine et entière connaissance d '" un exemplaire du document d'information précontractuelle Petits Petons dont le contenu est conforme à la loi Doubin et dont un second exemplaire signé et paraphé du franchisé est remis au franchiseur "; que l'examen de l'exemplaire du contrat signé par Madame Martel et produit par elle est renseigné de la main du commercial alors que l'exemplaire du contrat signé par Madame Martel et produit par la société Banc est manifestement rempli et paraphé par Madame Martel et qu'il en va de même du document d'information précontractuelle, qu'il apparaît que cette pratique des parties ne permet à Madame Martel de soutenir, en tirant une argumentation de la couleur de l'encre, de son impossibilité matérielle de se trouver à Paris à la date du 13 avril 2007, que la date se trouvant sur le document d'information précontractuelle ne serait pas exacte ; qu'en outre, dans un mail adressé à la société Banc le 8 mai 2007, Madame Martel posait des questions très précises sur le contrat, sa durée, la redevance d'exploitation, les charges fixes d'une boutique, le stock... et que Monsieur de la Villéon y répondait le 9 mai, lui demandant de " lire les documents " de sorte qu'il apparaît que Madame Martel avait en sa possession des " documents " à cette date ; qu'en revanche, et sans qu'une contestation sérieuse puisse être élevée sur ce point, certains éléments de l'annexe 4 au DIP " état du marché local et perspectives de développement " paraphées par Madame Martel ont été remis à l'intéressée le 21 mai 2007, qu'ils concernent les données de population de la métropole nantaise, avec étude des revenus, emploi, évolution de la population, catégories socioprofessionnelles et sont établis sur des feuilles tirées du site internet de l'Insee le 21 mai 2007 ; qu'il apparaît toutefois que ces données font double emploi avec des données insérées plus haut dans la même annexe 4 de sorte que ne peut être invoqué un grief tiré d'une remise le jour de la signature du contrat ; qu'il apparaît que les manœuvres frauduleuses imputées à la société Banc en ce qui concerne la date à laquelle le DIP lui a été remis ne sont pas établies ; qu'il reste à la société Margaux de faire la preuve qu'elle n'a pas disposé d'un délai d'une durée suffisante, au moins telle que la prévoit la loi, pour être pleinement informée du projet qu'elle entendait poursuivre de sorte que son consentement a été surpris ; que sur ce point, elle se borne à affirmer sans justifier de quoi que ce soit ;
Considérant qu'il est soutenu que la société Banc a dissimulé à la société Margaux un certain nombre d'éléments ;
Considérant que l'article R. 330-1 du Code de commerce précise le contenu du document qui doit être remis ; que le document doit " présenter le réseau d'exploitants "'et indiquer " le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant la délivrance du document " et préciser " si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé " (article R 330-3 5°) ; que la société Banc présente les étapes de la croissance du réseau, qu'elle donne la liste des magasins du réseau, leurs coordonnées avec la nature des contrats ; que tout particulièrement, elle fait état du rachat en janvier 2007 du contrat de franchise du magasin de Caen ; que s'il apparaît que des entreprises du Grand Ouest ( Lorient, Saint-Brieuc, Caen) ont cessé leurs relations contractuelles avec la société Banc au cours de l'année précédant la remise du document, rien ne permet de dire qu'il s'agissait de contrats de même nature que celui que Madame Martel envisageait de signer avec la société Banc et que par ailleurs il apparaît que dans le même temps, d'autres magasins ont été ouverts dans le secteur du Grand Ouest ; que selon l'article L. 330-3 du Code de commerce, le document dont le contenu est fixé par décret précise ... " l'état et les perspectives de développement du marché concerné " et que selon l'art. R. 330-3 du Code de commerce, il doit être donné " une présentation de l'état général et local du marché " ; que la société Banc a indiqué : " Dans le petit cercle des chausseurs d'enfants exclusives, nous trouvons à Nantes plusieurs magasins en centre-ville. En dehors de ces magasins, les généralistes vendent de temps en temps quelques chaussures pour les jeunes. Les magasins de vêtements pour enfants ne distribuent que très peu de chaussures pour enfants. Enfin, en périphérie des discounters généralistes réalisent une partie de leur chiffre dans ce secteur d'activité " ; que la société Banc fournit ensuite la liste des chausseurs d'enfants " purs " ; qu'enfin, la société Banc fait état des perspectives de développement ; qu'elle a ainsi satisfait ses obligations ; que la société Margaux ne peut soutenir que la société Banc a dissimulé volontairement l'existence de ses concurrents en relevant qu'elle n'a pas mentionné, il est vrai, le magasin Cyrillus, mais il apparaît que celui-ci a pour activité principale la vente de vêtements d'enfants ; que l'article R. 330-3 du Code de commerce précise " Doivent être annexés les comptes annuels des deux derniers exercices... " ; que la société Banc a donné dans les documents d'information précontractuelle les comptes annuels pour les exercices 2004 et 2005 ; que la société Banc avait précisé qu'elle produirait le bilan de l'exercice comptable 2006 en avril 2007 mais elle ne l'a pas fait en exposant, de manière plausible, qu'elle n'en disposait pas lors de la signature du contrat ; que l'article R. 330-3 indique enfin que " le document précise la nature ou le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commercer l'exploitation " ; que la société Banc a indiqué en pages 20, 21 et 22 quelles étaient les dépenses d'investissements " spécifiques " que la candidate devait engager et précisé que les coûts de travaux d'aménagement et de mobiliers HT étaient d'environ 850 euros HT du m2 ;
Considérant que la société Margaux ne peut véritablement se plaindre que la société Banc lui a volontairement dissimulé certains éléments, qu'elle n'a pas été en possession de renseignements " sincères " ;
Considérant en effet que la société Margaux ne justifie pas que la présence du magasin Cyrillus, généraliste non spécialisé dans la vente de la chaussures d'enfant, que la fermeture de quelques magasins dont on ne connaît la nature du contrat qui les liait à la société Banc à l'exception du magasin lorientais, l'absence des comptes annuels pour l'exercice 2006 que la société Banc n'a pu produire si en définitive ils n'étaient pas établis à la date de la signature du contrat, divers éléments dont la société Margaux n'a jamais fait état sinon au cours de la procédure de paiement engagée contre elle par la société Banc, ont vicié son consentement et l'ont déterminée à signer le contrat et qu'elle n'aurait pas contracté si ces éléments avaient été connus d'elle ;
Considérant que la nullité du contrat ne doit pas être prononcée, que le jugement sera infirmé ;
Sur la violation par la société Banc de ses obligations lors de l'exécution du contrat :
Considérant qu'il est reproché à la société Banc de ne pas avoir respecté l'obligation essentielle d'assistance lors du choix de l'emplacement du magasin, lors de l'exécution du contrat, lors de livraison des collections, qu'elle soutient qu'aucune assistance technique et à la gestion commerciale ne lui a été fournie ; que la société Margaux expose encore que les " collections sur Nantes étaient soit livrées très en retard, hors saison, et avec des articles manquants, soit jamais livrées du fait de la rupture des stocks ", contrairement aux dispositions de l'article 5.3 et de l'article 5.1 du contrat selon lequel la société Banc devait " fournir des collections de produits et approvisionner l'affilié dans l'intégralité des articles de la collection " ;
Considérant toutefois que les mails échangés entre Madame Martel et Monsieur de La Villéon les 8 et 9 mai 2007 établissent bien que la société Banc a aidé Madame Martel dans le choix de l'emplacement du magasin, [...] ; que les correspondances échangées par les parties démontrent qu'elles se rencontraient et discutaient ; que la société Margaux s'est plainte une seule fois par mail du 20 novembre 2007 d'une absence de suivi dans la marchandise, des délais de livraison, des problèmes de " réassorts " ; que toutefois, elle ne considérait pas les difficultés rencontrées dépassant ce qui est admissible puisqu'elle envisageait " à condition d'être sure à 200 % du système ", d'ouvrir un magasin à Vannes ; qu'elle ne s'est jamais plainte de l'assistance technique, de la gestion commerciale ;
Considérant que les violations par la société Banc de ses obligations ne sont pas établies ;
Sur la résiliation du contrat :
Considérant que selon l'article 18 " résiliation anticipée " du contrat de vente en dépôt consignation précise :
18.1 : " 'Il est expressément convenu qu'en cas d'inexécution par l'affilié de l'une quelconque des obligations mises à sa charge par le présent contrat, ledit contrat sera résilié de plein droit, si bon semble à Banc, un mois après l'envoi d'une mise ne demeure d'exécuter signifiée à l'affilié par lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet, ceci sans préjudice du droit de Banc de demander paiement par l'affilié de tous dommages-intérêts et réparation du préjudice par lui subi au titre notamment des redevances et ventes perdues, et de la perte d'image inhérente à la fermeture de l'enseigne ",
- article 18.2 ; " Banc pourra également considérer que le présent contrat sera résilié de plein droit, sans formalité aucune et sans préavis, dans les hypothèses suivantes :
- art 18.2.3 : " Au cas où Banc aurait déjà mis l'affilié deux fois en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, d'exécuter les dispositions du présent contrat en matière de paiement et qu'il se produirait un nouveau défaut ou simple retard de paiement " ;
Considérant que l'annexe 6 " conditions financières et commissionnement de l'affilié " stipulait 1) que l'affilié s'engageait à reverser quotidiennement à Banc le chiffre d'affaires réalisé dans son magasin. A cet effet, les versements des recettes journalières de l'affilié seront effectués une fois par semaine le lundi matin sur un compte bancaire ouvert par Banc à cet effet et communiqué à l'affilié. , 2) que Banc verserait à l'affilié une commission égale à 40 % hors taxe du chiffre d'affaire hors taxe encaissé mensuellement par l'affilié.... ;
Considérant que toutefois par courrier du 22 juin 2007, la société Banc faisait savoir à ses " partenaires " que le système d'encaissement de règlement de commissions était modifié " suite à notre conservation ", que les partenaires devaient faire parvenir avant le 8 de chaque mois leur facture de commission du chiffre d'affaire du mois précédent suivant un modèle fourni, que sur cette facture, le partenaire déduisait sous la forme " acompte encaissé " les remises espèces et chèques déposés sur le second compte entreprise, et que le solde de la commission serait établi sous 72 heures, que Banc précisait que pour toute réception de chiffre d'affaire ultérieurement au 8, le paiement serait sur le mois suivant ;
Considérant que la société Margaux conteste le taux de commission, selon elle, abusif, et le système d'" autofacturation ", selon elle, illicite ; qu'il apparaît toutefois, comme le démontre la société Banc que le taux de commission des affiliés est un taux moyen en matière de prêt-à-porter enfant et femme ( 35 à 40 % avec des variantes selon les positionnements des enseignes et des obligations des partenaires) et s'explique par le statut de l'affilié qui, étant simple dépositaire de la marchandise, n'assume aucun risque d'invendus et aucun frais de transport de la marchandise ; qu'au surplus, l'autofacturation est permise par la loi ;
Considérant que, pour les reproches adressés par la société Banc à la société Margaux et justifiant selon elle la résiliation du contrat, que les éléments du dossier permettent d'établir :
- que par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 octobre 2007, la société Banc rappelait à la société Margaux l'annexe 6 relative aux conditions financières, et lui reprochait " d'encaisser la totalité des recettes sans reversements hebdomadaires ", lui rappelait qu'elle devait transmettre une autorisation de prélèvement à sa banque, lui en donner copie, que la société Margaux ne fournissait pas de réponse,
- que la société Banc lui adressait un second courrier recommandé avec accusé de réception le 12 décembre 2007, lui rappelant le précédent courrier, les termes de l'annexe 6, le courrier du 22 juin 2007, indiquait qu'à compter de janvier 2008, elle effectuerait chaque semaine un prélèvement mensuel correspondant à 60 % de son chiffre d'affaire et à réception de la facture de commissions, soit avant le 8 du mois suivant, une régularisation serait effectuée en tenant compte des prélèvements effectués et des frais éventuels,
- que la société Banc recevait un décompte des commissions de novembre 2007 établi par la société Margaux d'un montant de 2653, 80 euros ainsi qu'un chèque d'un montant de 653,80 Euros,
- que la société Banc lui demandait par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 janvier 2008 de payer le solde de commissions sur vente de 2000 euros sous délai de huit jours,
- que la société Margaux lui adressait une lettre recommandée avec accusé de réception le 17 janvier pour faire part de son désaccord sur l'affichage des périodes de solde, puis une autre lettre le 24 janvier la mettant de demeure de respecter l'article 10 livraison, se " réservant le droit... d'appliquer l'article 8 du contrat à savoir la résolution du contrat ",
- que par courrier du 30 janvier 2008, la société Banc dénonçait les manquements de la société Margaux qui n'avait pas respecté les conditions financières contractuelles et précisait appliquer immédiatement l'article 18.2.3 du contrat signé le 21 mai 2007, qu'elle invoquait également le fait que la société Margaux n'avait jamais adressé l'autorisation de prélèvement, qu'elle avait violé son obligation de confidentialité, qu'elle n'avait pas payé ce qui était dû au titre des commissions du mois de décembre 2007 ni celles du mois de janvier 2008, qu'elle devait une somme de 1143, 94 euros au titre d'accessoires ;
Considérant qu'il apparaît que l'affiliée doit déclarer son chiffre d'affaires et calculer le montant de la commission devant lui revenir, conservant le chiffre d'affaire total encaissé par le magasin jusqu'à ce que la société Banc prélève les commissions qui lui sont dues contractuellement, et ce, tous les mois ; qu'il apparaît que la société Margaux n'a pas agi de la sorte puisqu'elle a elle-même versé par chèque partie des commissions dues à Banc pour le mois de novembre 2007, et qu'elle n'a pas versé les commissions de décembre 2007 ; que les deux mises en demeure des 4 octobre et 12 décembre 2007 adressées par la société Banc d'"exécuter les dispositions du présent contrat en matière de paiement " sont restées vaines et qu'il s'est produit un retard de paiement, les commissions de décembre 2007 n'étant pas versées, étant précisé que rien ne permet de dire que la société Margaux avait demandé à la société Banc un délai de paiement pour celles-ci ;
Considérant que la résiliation est intervenue selon les termes du contrat, qu'elle n'a pas de caractère abusif ni brutal ;
Sur les demandes en paiement (fixation de créances) :
a) au titre de l'exécution du contrat :
commissions (11 542, 62 Euros) :
Considérant que la société Banc demande le paiement des commissions des mois de décembre 2007 (2 311,92 Euros), de janvier 2008 (8 285,70 Euros), de février 2008 (945 Euros), que la société Margaux qui estime que la somme demandée correspond à des erreurs d'imputation sur d'autres affiliés, soutient ne rien devoir, s'étant acquittée de ce qu'elle devait, par des règlements intervenus sur place entre les parties (1 539,08 euros et 769,54 Euros) ;
Considérant que la société Margaux produit une facture n° 5 du 7 janvier 2008, selon laquelle la commission due à Banc pour le mois de décembre 2007 s'élève à la somme de 2 308,62 euros TTC et que cette facture porte la mention en bas de ce que la somme de 1539, 08 a " été réglée en main propre à Monsieur Marel " le 7 février 2008, que cette mention est signée par Monsieur Marel, représentant de la société Banc ; qu'ultérieurement, un paiement complémentaire est intervenu de 769, 54 euros le 12 février 2008 entre les mains du même représentant de la société Banc qui l'a reconnu, qu'il s'ensuit que la société Banc ne peut prétendre à quoi que ce soit au titre des commissions du mois de décembre 2007 ;
Considérant en revanche qu'aucune pièce n'est versée aux débats permettant de connaître le chiffre d'affaires de la société Margaux en janvier et février 2008 à partir duquel peut être calculé le montant des commissions dues à la société Banc, alors que celle-ci fait état de sommes précises qui lui seraient dues, et alors que la société Margaux conteste devoir quoi que ce soit ; que sans renverser la charge de la preuve, il apparaît que la société Banc qui avait manifestement à sa disposition pour le calcul de ces sommes ces éléments que lui avait transmis la société Margaux, ne les a pas versés aux débats, se bornant à produit un extrait peu explicite du grand livre partiel établi le 27 février 2007 du compte 468021 au compte 467021 ; que faute de justifier du montant de sa créance, elle sera déboutée de sa demande ;
Facture du 13 novembre 2007 de 1 143,94 euros :
Considérant que cette facture produite par Banc correspond à une fourniture de matériel par la société Banc à la société Margaux destiné à l'usage du magasin et à la publicité du produit ; que selon les termes de l'article 8.2 du contrat, ce matériel est facturé à l'affilié ; que si la société Margaux soutient ne jamais avoir reçu la facture concernant ce matériel, elle ne soutient pas ne pas avoir reçu le matériel et ne pas connaître les termes de l'article 8.2 du contrat ; qu'elle sera condamnée au paiement de cette somme ;
b) au titre de la résiliation du contrat : article 18 du contrat :
Considérant que selon l'art 18.1, ... " Nous précisons que Banc à l'occasion de la signature du contrat entend confier à l'affilié la représentation exclusive sur une zone géographique précise de l'enseigne Petits Petons et s'interdit de ce fait toute implantation autre que celle conférée par le contrat pendant sept ans. De ce fait, toute rupture et ce, pour quelque motif que ce soit du contrat avant sa date d'échéance par l'affilié entraînera le paiement d'une indemnité forfaitaire d'un montant de 30 000 euros " ;
Considérant que la société Banc demande le paiement de cette somme, ce que conteste la société Margaux pour qui la société Banc est à l'origine de la rupture du contrat ;
Considérant que selon l'article 18.1, les parties ont évalué forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnerait lieu la rupture du contrat avant son terme du fait de l'affilié en raison notamment de l'inexécution de ses obligations ; qu'il s'agit d'une clause pénale ; qu'en contestant devoir une quelconque somme à ce titre, la société Margaux en demande implicitement la réduction ; qu'en l'espèce, compte tenu de l'économie du contrat, du montant des redevances dues mensuellement à la société Banc, il apparaît que l'indemnité contractuellement prévue est manifestement excessive et doit être réduite à la somme de 5 000 euros ;
Au titre du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée :
Considérant que la société Banc invoque des investissements en matériel et en personnel qu'elle a du faire pour accompagner la société Margaux lors de l'installation de son magasin et indique que la disparition soudaine de l'enseigne Petits Petons après quelques mois d'exploitation a porté atteinte à son image ;
Considérant toutefois que ces divers préjudices sont allégués et que la preuve de leur existence n'en est pas faite par la société Banc ; que celle-ci sera déboutée de sa demande ;
Considérant enfin qu'il n'y a pas lieu à indemnité pour frais irrépétibles ;
Par ces motifs : LA COUR : Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau : Déboute la société Margaux de sa demande de nullité du contrat, et de résiliation du contrat en raison des manquements de la société Banc, Dit que le contrat a été résilié de plein droit dans les termes de l'article 18. (18. 1 et 18.2.3), Déboute la société Margaux de ses diverses demandes, Fixe les créances de la société Banc au passif de la procédure collective de la société Margaux aux sommes de 1 143,94 euros et de 5 000 Euros, Déboute la société Banc du surplus de ses demandes, Dit n'y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles, Condamne la société Margaux aux dépens.
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