CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 novembre 2013, n° 11-22195
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Ravdjee, Carbuperiph (SARL), Levy (ès. qual.)
Défendeur :
Delek France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Pinto, Autier, Sauteret
Par contrat du 15 février 2002, la société BP France (BP), aux droits de laquelle vient la société Delek France, a donné à la société Carbuperiph, représentée par son gérant, M. Salim Ravdjee, remplacé par Mme Nadira Kamoula épouse Ravdjee à compter du 1er septembre 2002, la location-gérance d'un fonds de commerce de station-service sur le boulevard périphérique intérieur, dans le 12e arrondissement à Paris. Le contrat, conclu pour une durée indéterminée, prévoyait un double régime juridique, d'une part, un mandat pour la distribution des carburants, d'autre part, une location-gérance pour les activités dites annexes. M. Ravdjee s'est porté caution personnelle à hauteur de 31 000 euro. La société Carbuperiph devait assurer la vente, pour le compte de la société BP, de carburants exclusivement fournis par cette société, aux prix et conditions fixées par la société BP. La société Carbuperiph, agissait en qualité de mandataire ducroire et devait restituer journellement les recettes de cette activité à la société BP, par le biais de prélèvements automatiques magnétiques (PAM), effectués directement par la société BP sur un compte bancaire dédié ouvert par la société Carbuperiph. En rémunération de cette activité la société Carbuperiph recevait une commission fixe mensuelle de 17 913 euro HT et une commission variable de 5,49 euro HT par m3. Les autres activités commerciales dites de diversification étaient assurées par le gérant à ses risques et profits. A la suite de difficultés, les parties ont conclu deux protocoles transactionnels, les 20 octobre 2003 et 19 février 2004 réglant leurs différends pour les deux exercices comptables antérieurs au 31 mars 2004. Les parties ont signés plusieurs avenants au contrat de location-gérance les 27 août 2002, 30 septembre 2003 et 23 novembre 2004. À compter du mois de juillet 2005, des difficultés sont apparues entre les parties en raison de décalages dans la restitution des recettes des ventes de carburants. Après le rejet de plusieurs PAM, la société BP a, par courrier recommandé avec avis de réception du 9 mai 2006, subordonnée la livraison de carburant à la remise d'un chèque de banque lors du réapprovisionnement. Par lettre recommandée avec avis de réception du 30 mai 2006, la société BP a mis en demeure la société Carbuperiph de régler la somme de 45 482,50 euro au titre des ventes de carburants sous peine de résiliation du contrat en application de son article 15-1. Par acte d'huissier du 15 juin 2006, la société BP invoquant la non restitution des recettes de carburants à hauteur d'une somme de 49 150,04 euro, a notifié à la société Carbuperiph la résiliation du contrat du 15 février 2002 avec obligation de restitution de la station-service le 21 juin 2006. Le 22 juin 2006, la société BP a assigné la société Carbuperiph, en référé, devant le président du Tribunal de grande instance de Paris afin d'expulsion. Par ordonnance de référé du 6 juillet 2006, l'expulsion de la société Carbuperiph a été ordonnée. Par acte du 23 juin 2006, la société Carbuperiph a assigné la société BP devant le Tribunal de commerce de Paris.
Par acte du 19 juillet 2006, la société BP a assigné la société Carbuperiph et M Ravdjee devant ce même tribunal.
La société Delek France (Delek) est venue aux droits de la société BP à compter du 1er octobre 2010.
Par jugement du 2 décembre 2011, le tribunal de commerce a :
- débouté la société Carbuperiph de l'ensemble de ses demandes,
- condamné solidairement la société Carbuperiph et M. Ravdjee, ce dernier dans la limite de 31 000 euro à payer à la société BP France la somme de 49 150,04 euro au titre des ventes de carburant, augmentée des intérêts calculés au taux légal avec anatocisme, à compter du 6 juin 2006 et celle de 29 913,33 euro au titre de l'indemnité d'occupation,
- condamné la société Carbuperiph à payer à la société Delek France, venant aux droits et obligations de la société BP France, la somme de 5 000 euro au titre de l' article 700 du Code de procédure civile,
- débouté la société Delek France, venant aux droits et obligations de la société BP France, du surplus de ses demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie,
- condamné la société Carbuperiph aux dépens.
Le 13 décembre 2011, M. Ravdjee et la société Carbuperiph ont interjeté du jugement.
Par jugement du 18 avril 2013 le Tribunal de commerce de Paris a nommé la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique Levy en qualité de liquidateur de la société Carbuperiph.
Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 10 mai 2013, par lesquelles M. Ravdjee et la société Carbuperiph demandent à la cour de :
Au visa des articles 1131, 1999 et 2000 du code Civil, L. 330-3 et L. 442-6 du Code de Commerce et 3 du préambule des AIP,
- d'infirmer le jugement et statuant à nouveau,
À titre principal,
- juger que la société BP n'a pas permis à la société Carbuperiph de renoncer à l' article 2000 du code civil en connaissance de cause,
- juger que la société BP ne peut se prévaloir d'une clause limitant sa responsabilité qui contredit la portée d'une obligation essentielle contenue à l'article 3 du préambule des AIP, qu'elle a de surcroît délibérément violé,
- juger que la société BP doit rembourser à la société Carbuperiph les pertes du mandat de la station qui ont pour origine un fait dont elle a conservé la maîtrise,
- juger que la société BP a rompu le contrat à tort,
En conséquence,
- condamner la société BP à verser à la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique Levy, ès-qualités de liquidateur de la société Carbuperiph, la somme de 202 131 euro, à parfaire, au titre des pertes du mandat,
- ordonner le remboursement par la société BP de la caution espèce de 20 000 euro,
- condamner la société BP à verser à la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique Levy, ès-qualités de liquidateur de la société Carbuperiph, la somme de 150 000 euro à titre de dommages et intérêts en raison de la rupture abusive des relations contractuelles,
- ordonner à la société BP de calculer les primes de fin de contrat et d'apurer les comptes,
- débouter la société BP de l'ensemble de ses demandes,
À titre subsidiaire,
- nommer tel expert qu'il lui plaira aux frais avancés par la société BP avec la mission de:
* chiffrer le montant des pertes afférentes à la seule activité de distribution des carburants,
* déterminer l'origine de ces pertes notamment au regard de la faiblesse des commissions versées par la société BP.
* établir les comptes entre les parties notamment en vérifiant le calcul des primes de fin de contrats,
En tout état de cause,
- ordonner la restitution à M. Ravdjee de la somme de 20 000 euro détenue par la société BP,
- condamner à la société BP à verser à la SELAFA MJA en la personne de Me Frédérique Levy, ès-qualités de liquidateur de la société Carbuperiph, la somme de 15 000 euro au titre de l' article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction conformément à l' article 699 du Code de procédure civile .
- condamner à la société BP à verser à M. Ravdjee la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal avec capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil à compter de la demande.
Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 13 mai 2013, par lesquelles la société Delek France demande à la cour de :
- constater que la société Carbuperiph est débitrice de PAM restés impayés à l'encontre de la société Delek France ainsi que des recettes résultant de la vente d'une partie du stock outil de carburants,
- constater que M. Ravdjee est caution de la société Carbuperiph et qu'il s'est engagé par un acte de commerce à honorer les dettes du débiteur principal dans la limite de 31 000 euro,
En conséquence,
- fixer la créance de la société BP France, aux droits de laquelle vient Delek France, à l'encontre de la société Carbuperiph à la somme de 49 150,04 euro au titre des ventes de carburants encaissées pour le compte de Delek France mais non restituées à Delek France sous astreinte et augmentée des intérêts légaux avec anatocisme à compter du 6 juin 2006, date de mise en demeure,
- fixer la créance de la société BP France, aux droits de laquelle vient Delek France, à l'encontre de la société Carbuperiph à la somme de 29 974,38 euro correspondant à une partie du stock outil de carburants, sous astreinte et augmentée des intérêts légaux avec anatocisme à compter de l'assignation,
- fixer la créance de la société BP France, aux droits de laquelle vient Delek France, à l'encontre de la société Carbuperiph aux sommes de 1 190,64 euro, 909 10 euro et 215,28 euro, sous astreinte et augmentée des intérêts légaux avec anatocisme à compter de l'assignation,
- fixer la créance de BP France, aux droits de laquelle vient Delek France, à l'encontre de la société Carbuperiph au titre de son occupation sans droit ni titre de la station-service au (...), à la somme de 25 916,33 euro, outre la somme de 10 000 euro à titre de dommages intérêts, sous astreinte et augmentée des intérêts légaux avec anatocisme à compter de l'assignation,
- en déduire le montant de la caution espèce de 20 000 euro,
- condamner solidairement et à hauteur de 31 000 euro M. Ravdjee au titre des créances fixées à l'encontre de la société Carbuperiph,
- ordonner le paiement de ces sommes sous astreintes de 1 500 euro par jour de retard,
Sur les demandes de la société Carbuperiph :
- juger que la société Carbuperiph ne saurait venir contre son propre fait et se contredire au détriment de Delek France sur le fondement de l'adage "nul ne peut se contredire au détriment d'autrui" et n'est pas fondée à critiquer aujourd'hui la validité du contrat qu'elle a reconnu comme valide en 2003 et 2004 aux termes de deux protocoles transactionnels,
- déclarer en conséquence la SELAFA MJA et M. Ravdjee irrecevable de ce chef,
Subsidiairement,
- juger que la société BP France, aux droits de laquelle vient Delek France, a régulièrement appliqué la loi Doubin et que la SELAFA MJA et M. Ravdjee ne rapportent pas la moindre preuve que son consentement aurait été vicié,
- débouter la SELAFA MJA et M. Ravdjee de toute demande qu'ils pourraient former au titre d'une prétendue violation de la loi Doubin,
- juger que la société Carbuperiph a valablement renoncé aux articles 1999 et 2000 du code civil, lesquels ne sont pas d'ordre public,
- juger que la SELAFA MJA et M. Ravdjee n'affirment pas et démontrent encore moins que la société Carbuperiph aurait été victime d'une quelconque discrimination par rapport à d'autres membres du réseau quant à la fixation du prix,
- juger que la SELAFA MJA et M. Ravdjee n'affirment pas non plus et démontrent encore moins que les prix fixées par la société BP France, aux droits de laquelle vient Delek France, seraient anormalement supérieurs aux prix de marché,
- juger que les AIP me mettent nullement à la charge de la compagnie pétrolière une obligation de combler les pertes d'exploitation éventuelles du pompiste,
- juger qu'aux termes des AIP, la compagnie pétrolière s'engage simplement à examiner à tout moment la situation d'un pompiste qui estimerait ne pas dégager un résultat d'exploitation positif. Ce qui a été fait, en l'espèce, en novembre 2005,
- juger que la renonciation à l'article 2000 n'est pas en contradiction avec les AIP,
- juger qu'en tout état de cause, la société Carbuperiph a commis des fautes de gestion qui font obstacle à toute indemnisation,
- débouter la SELAFA MJA et M Ravdjee de l'ensemble de leurs demandes,
Très subsidiairement,
- juger que les transactions signées par la société Carbuperiph interdisent de prétendent à la mise en charge par la société BP France de quelque perte que ce soit pour la période du 21 février 2002 (date de prise d'effet du contrat) au 31 mars 2004,
- juger que, pour la période non transigée, à savoir du 1er avril 2004 au 21 juin 2006, la mission d'un expert devra être la suivante :
* dire si la politique de prix à la pompe pratiquée par la société BP France, aux droits de laquelle vient Delek France, pour la station exploitée par la société Carbuperiph était ou non, discriminante pour cette dernière, et dans l'affirmative, si cette discrimination n'était pas justifiée,
* dire à son avis, la station-service de la société Carbuperiph a été, ou non, mise dans l'impossibilité de concurrencer les stations environnantes,
* donner son avis sur le niveau des stocks,
* dire si les éventuelles pertes d'exploitation ont pour seule origine la politique de prix à la pompe,
En tout état de cause,
- condamner solidairement la SELAFA MJA en la personne de Me Frédérique Levy, ès qualité de liquidateur de la société Carbuperiph et M. Ravdjee au paiement de la somme de 15 000 euro au titre de l' article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
Sur les pertes de l'exploitation :
Considérant que M. Ravdjee et la société Carbuperiph soutiennent que M. et Mme Ravdjee-Kamoula n'avaient aucune expérience dans la gestion de station-service, que les huit mois d'exploitation de la station-service de Puteaux ne leur permettait pas d'apprécier la viabilité des conditions économiques proposées par la société BP ; que ce n'est qu'en exploitant la station-service sis à Paris qu'ils ont découvert qu'avec un loyer annuel de 61 284 euro HT et des commissions mensuelles de 17 913 euro, pour la partie fixe et de 0,006 centimes d'euro par litre, pour la commission variable, ils ne pouvaient pas couvrir les charges engendrées par la vente des carburants contractuellement imposée 24 heures sur 24, toute l'année ;
Considérant que les appelants exposent que les conditions contractuelles proposées par la société BP étaient dès l'origine inéquitables et ne permettraient pas à la société Carbuperiph d'équilibrer ses résultats ; qu'ils reprochent à la société BP d'avoir violé l'obligation prescrite par l'article L. 330-3 du Code de commerce en ne remettant pas à Mme Kamoula de document d'information précontractuelle, ce qui l'aurait privée d'informations essentielles et l'empêchée de prendre la mesure des engagements découlant du contrat ;
Considérant que M. Ravdjee et la société Carbuperiph font valoir qu'il y a lieu à apurement des comptes entre les parties ; que la société BP doit en application des articles 1999 et 2000 du code civil rembourser à la société Carbuperiph les pertes du mandat, les commissions qui lui ont été allouées par la société BP pour couvrir les charges d'exploitation liées à la vente du carburant s'étant révélées insuffisantes ; que les primes de fin de contrat et la reprise des stocks sont également dues à la société Carbuperiph ; que de plus, l'engagement de caution de M. Ravdjee était disproportionné au regard de ses revenus et dépourvu de cause ;
Considérant que les appelants soutiennent que la société BP a rompu les relations contractuelles pour un motif fallacieux, puisque le rejet des prélèvements serait imputable à la société BP qui aurait délibérément augmenté la cadence des prélèvements sur le compte de la société Carbuperiph avant que cette dernière ait eu le temps matériel nécessaire à la reconstitution de la provision correspondant aux ventes quotidiennes, et sans avoir préalablement procéder à l'étude du cas de la société Carbuperiph, comme prévu par l'article 3 du Protocole d' accord interprofessionnel du 12 janvier 1994 (AIP) ;
Considérant que la société Delek expose que la résiliation du contrat de location-gérance est justifiée en application des dispositions de l'article 15 du contrat; que la société Carbuperiph ne pouvait exercer un droit de rétention sur la somme de 49 150,04 euro correspondant aux recettes des ventes de carburants car cette créance n'est pas certaine, liquide, exigible, et que cette rétention des recettes de carburants, propriété exclusive de la société Delek, caractérise le délit d'abus de confiance ;
Considérant que la société Delek soutient que la société Carbuperiph est également débitrice des recettes attachées à la vente d'une partie du stock outil, soit la somme de 29 974,38 euro, ainsi que de trois autres créances (lubrifiant : 1 190,64 euro, cadeaux : 909,10 euro, assurance : 215,28 euro), comme cela ressort de la situation de compte ; que la société Carbuperiph, qui a occupé de manière illicite durant 17 jours la station-service, lui causant une perte de chiffre d'affaires de l'ordre de 201 628,84 euro, lui est également redevable à ce titre d'une indemnité contractuelle de 25 916,33 euro ;
Considérant que la société Delek répond que le contrat de location-gérance est valable, que les demandes des appelants relatives à la formation et à la validité du contrat sont irrecevables, un plaideur ne pouvant se contredire au détriment de son adversaire, dès lors que dans les protocoles transactionnels signés en 2003 et en 2004 la société Carbuperiph a reconnu la validité du contrat ; que la loi Doubin a été respectée et que les appelants ne démontrent pas le contraire, ni l'existence d'un vice du consentement ; que la renonciation au bénéfice de l' article 2000 du code civil est licite dans la mesure où les résultats dégagés par l'exploitation de la station-service sont liés à la façon dont le locataire-gérant gère et exploite le fonds ;
Considérant que la société intimée conteste que l'exploitation de la station-service était structurellement déficitaire et fait valoir que les pertes de la société Carbuperiph sont soudainement apparues après 4 années d'activité, qu'elles sont passées de 8 792 euro en 2005 à 93 635 euro en 2006 ; que rien ne justifiait un placement de 30 000 euro de valeurs mobilières, si la société faisait des pertes ; que les appelants n'établissent pas un abus dans la fixation des prix à la pompe, ni avoir été victimes d'une discrimination par rapport à d'autres membres du réseau ;
Considérant que la société Delek expose que les dispositions de l'article 3 de l'AIP ne mettent pas à la charge de la société BP l'obligation de combler les pertes d'exploitation du pompiste ; que la société Carbuperiph a commis des fautes de gestion à l'origine des pertes subies qui l'empêchent de solliciter une indemnisation ;
Considérant que le contrat de gérance signé le 15 février 2002 entre la société BP et la société Carbuperiph stipule notamment en son article 3 "Cadre juridique" que :
(...) les rapports entre les parties seront de convention expresse, régis par : (...)
- les dispositions du "Protocole relatif à l'exploitation en location-gérance d'un fonds de commerce de station-service de société pétrolière (Accord interprofessionnel du 12 janvier 1994 (...)
- les articles 1984 et suivants du code civil, à l'exception des articles 1999 et 2000 pour la partie carburants.
Le gérant reconnaît avoir reçu au moins trois semaines avant la signature des présentes une formation à la gérance d'une station-service ainsi que les informations nécessaires et pièces contractuelles relatives au contrat de gérance lui permettant en connaissance de cause de se déterminer et/ou de poursuivre les conditions d'exploitation de la station-service, objet des présentes";
Considérant que le paragraphe 3 du préambule de l'AIP stipule que "La société (pétrolière) s'engage à étudier à tout moment le cas de toute station qui pourrait lui être soumis par l'exploitant qui estimerait ne pas dégager un tel résultat (annuel d'exploitation positif)" ; que cette stipulation met seulement à la charge de la société BP l'obligation d'étudier, à la demande de l'exploitant, la situation de la station-service qui ne dégage pas un résultat annuel d'exploitation positif ; qu'il apparaît que la société BP a exécuté son obligation, puisque la situation de la société Carbuperiph a donné lieu à la signature d'un protocole transactionnel en 2003 et en 2004, que Mme Kamoula justifie avoir fait une demande en 2005 à la suite de laquelle une réunion, qui n'a pas aboutie, s'est tenue entre les partie au mois de novembre 2005 ; qu'il n'est justifié d'aucune demande ultérieure émanant de l'exploitant ;
Considérant que dans les deux protocoles transactionnels signés des 20 octobre 2003 et 19 février 2004 entre les parties, il a été prévu que "les parties reconnaissent, par la présente transaction, la validité du contrat sus-visé en toutes ses dispositions, notamment les prix" ; que cependant en application des dispositions de l'article 2048 du code civil "les transactions se referment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu" ; que la renonciation de la société Carbuperiph à contester la validité de la convention de location-gérance ne concerne que les exercices comptables allant jusqu'au 31 mars 2004 ;
Considérant que si, en signant le contrat de location-gérance, M. Ravdjee a reconnu avoir reçu les informations pré-contractuelles nécessaires à l'exploitation du fonds, cependant, M. Ravdjee et son épouse, ne sont ni des juristes, ni des professionnels avertis, même s'ils ont pris en location-gérance huit mois auparavant une station-service BP située à Puteaux ; que les stipulation du contrat excluant l'application des articles 1999 et 2000 du code civil, qui ne reproduisent pas le texte des articles et n'attirent pas l'attention de l'exploitant sur l'importance de ces stipulations, qui opèrent une amputation substantielle de ses droits, ne sont pas suffisamment claires pour qu'il soit établi que la société Carbuperiph ait accepté en toute connaissance de cause de renoncer à se prévaloir des dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil ;
Considérant qu'au surplus, même lorsque le mandataire a valablement renoncé aux dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil, les pertes qui ont pour origine un élément d'exploitation dont la maîtrise a été conservée par le mandant ne peuvent être conventionnellement mises à la charge du mandataire ; qu'il en est ainsi lorsque le mandataire ne dispose d'aucune latitude dans la détermination des prix de vente des produits qu'il vend au nom et pour le compte de son mandant, ni dans les modalités de reversement de ce prix ;
Considérant qu'en application de l'article 3 du contrat de location-gérance la société Carbuperiph n'était soumise au régime du mandat que pour l'activité carburants, qui représentait jusqu'à 94 % de l'activité de la station-service ; qu'en application du contrat la société BP fixait les prix de vente des carburants, les modalités de reversement de ce prix ainsi que les horaires d'ouverture et les conditions d'exploitation de la station-service ; qu'il en résulte que la société BP avait conservé la maitrise de l'exploitation portant sur la vente des carburants ; qu'en conséquence la société BP, en sa qualité de mandataire, doit indemniser la société Carbuperiph des pertes essuyées par elle à l'occasion de sa gestion qui ne résultent pas d'une imprudence de sa part ;
Considérant que les documents comptables produits aux débats par la société Carbuperiph font apparaître des pertes liées à l'activité carburants ; qu'il y a lieu de chiffrer précisément le montant de ces pertes pour les exercices postérieurs au 31 mars 2004, les exercices précédents ayant fait l'objet d'une transaction, de dire si l'activité de la société Carbuperiph était déficitaire et depuis quand, de déterminer la cause des pertes, l'exploitant invoquant l'insuffisance des commissions et le mode de reversement du prix des carburants alors que la société Delek invoque des fautes de gestion du mandataire ; qu'il apparaît nécessaire d'ordonner avant dire droit une expertise ;
Sur les autres demandes des appelants :
Considérant que les appelants soutiennent que la société BP a rompu de manière abusive et brutale le contrat de location-gérance et sollicite l'attribution de dommages et intérêts de ce chef ; que la société BP répond qu'elle était fondée à rompre le contrat sur le fondement de l'article 15 du contrat en raison du non reversement d'une somme de 49 150,04 euro correspondant aux ventes de carburants encaissées par la société Carbuperiph ;
Considérant que la société BP ne pouvait valablement rompre le contrat que si la rétention de cette somme par l'exploitant était injustifiée ; qu'en revanche si la rétention des recettes carburants était justifiée par une faute de la société BP, si par exemple la politique tarifaire du mandant était à l'origine du résultat déficitaire de l'exploitation ou les conditions des prélèvements à l'origine du non reversement des recettes, la rupture serait injustifiée ; qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur ces demandes dans l'attente des conclusions du rapport d'expertise ;
Considérant que les appelants sollicitent le versement de la prime de fin de contrat prévue à l'article 5.3 de l'AIP ; que cependant cet article subordonne le versement de cette prime à la condition que "les obligations du contrat aient été respectée" par l'exploitant ; qu'il convient de surseoir à statuer sur le principe de l'attribution de cette prime et sur son montant éventuel dans l'attente des conclusions du rapport d'expertise ;
Considérant que les appelants sollicitent également la reprise des stocks prévue par l'article 4.1 de l'AIP ; qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur cette demande dans l'attente des conclusions du rapport d'expertise ;
Sur les demandes de la société Delek :
Considérant que la société Delek justifie que la société Carbuperiph est débitrice d'une somme de 49 150,04 euro au titre des ventes de carburants non restituées ; que les appelants, qui ne démontrent pas avoir réglé cette somme, font valoir que la société BP devait procéder à un apurement des comptes ; que la société Delek justifie que les appelants sont débiteurs de la somme de 49 150,04 euro, qui devra être prise en compte pour établir les comptes entre les parties ;
Considérant que l'intimée sollicite le paiement d'une somme de 29 974,38 euro au titre d'une partie du stock outil de carburant, ainsi que les sommes de 1 190,64 euro au titre des lubrifiants, 909,10 euro au titre des cadeaux, 215,28 euro au titre de l'assurance ; que ces créances ne sont justifiées que par la situation de compte produite par l'intimée ; qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur ces demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;
Considérant que la société Delek sollicite les sommes de 25 916, 33 euro et de 10 000 euro au titre de l'occupation de la station-service ; qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur ces demandes jusqu'à ce qu'il soit statué sur la responsabilité de la rupture du contrat de location-gérance ;
Sur la caution :
Considérant que les appelants exposent que la caution donnée par M. Ravdjee était disproportionnée au regard de sa situation financière, puisqu'il était au chômage ainsi que son épouse avant de signer le contrat de location-gérance et avait deux enfants à charge, que le cautionnement était également sans cause, puisque M. Ravdjee est devenu salarié de la société Carbuperiph, et qu'il était nul puisqu'il n'a pas été donné en connaissance de cause ;
Considérant que la société intimée considère que M. Ravdjee, qui s'est porté caution en qualité de gérant associé de la société Carbuperiph, qu'il a lui-même créé, doit être considérée comme une caution avertie, et doit être condamné au paiement d'une partie des dettes du débiteur principal, à hauteur de 31 000 euro ; que les dispositions de l' article L. 341- 4 du Code de la consommation ne sont pas applicables aux cautionnements antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003 ;
Considérant qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur la demande relative au cautionnement jusqu'à ce qu'il soit statué, postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, sur l'existence et le montant de la dette ;
Par ces motifs : Infirme le jugement ; et statuant de nouveau dans cette limite : Fixe la créance de la société Delek France, venant aux droits de la société BP France, au passif de la procédure collective de la société Carbuperiph à la somme de 49 150,04 euro au titre des ventes de carburants augmentée des intérêts aux taux légal avec anatocisme à compter du 6 juin 2006 ; Avant dire droit sur l'origine des pertes du mandat ainsi que sur les comptes entre les parties : Ordonne une expertise, Désigne en qualité d'expert M. Alain Auvray, demeurant (...) Tél : 01.44.95.16.40, Fax : 01.42.89.10.96, Enjoint aux parties de remettre à l'expert judiciaire tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission, Dit qu'à défaut l'expert pourra déposer son rapport en l'état, Donne à l'expert la mission suivante, compte tenu des motifs de la présente décision: - dire si l'exploitation de la station-service donnée en location-gérance à la société Carbuperiph était déficitaire, dans l'affirmative, dire depuis quand, - dire s'il existait des pertes d'exploitation sur l'activité, sous mandat, de distribution de carburants, dans l'affirmatif : - chiffrer le montant de ces pertes pour la période du 1er avril 2004 au 21 juin 2006, - déterminer les causes et l'origine de ces pertes durant cette même période, - déterminer le montant des commissions nécessaires pour garantir un résultat d'exploitation positif sur la période du 1er avril 2004 au 21 juin 2006, - donner son avis sur le niveau des stocks, - vérifier le montant de la prime de fin de contrat éventuellement due à la société Carbuperiph ; - faire le compte entre les parties en portant au crédit de la société Delek France la somme de 49 150,04 euro au titre des ventes de carburant non restituées, Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Code de procédure civile, Dit que la société Delek France devra consigner au Régisseur d'avances et de recettes de la Cour d'appel de Paris - (...) - avant le 16 décembre 2013, la somme de 2 000 euro à valoir sur les honoraires de l'expert, Dit que l'expert déposera son rapport définitif au secrétariat de la mise en état et en enverra un exemplaire à l'avocat de chacune des parties dans les cinq mois de sa saisine et avant le 16 mai 2014, délai de rigueur, sauf prorogation expresse accordée par le magistrat chargé du contrôle des expertises, Dit que l'affaire sera appelée à l'audience de procédure du mardi 14 janvier 2014 à 13 heures, pour vérification des diligences ; Sursoit à statuer, jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire, sur les demandes relatives à la rupture du contrat de location-gérance par la société BP, au versement de la prime de fin de contrat prévue à l'article 5.3 de l'AIP, à la reprise des stocks prévue par l'article 4.1 de l'AIP, au versement d'indemnités au titre de l'occupation de la station-service, au paiement d'une partie du stock outil de carburant, des lubrifiants, des cadeaux et de l'assurance, à la caution et à l' article 700 du Code de procédure civile ; Réserve les dépens.