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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 27 novembre 2013, n° 12-01894

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

La Toupie toulousaine (SARL)

Défendeur :

Lafarge bétons Sud-Ouest (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cousteaux

Conseillers :

Mmes Pellarin, Salmeron

Avocats :

Mes Merle, Ruff, SCP Malet, Selarl DBC

T. com. Toulouse, du 19 mars 2012

19 mars 2012

FAITS ET PROCÉDURE

Par divers contrats, d'une durée de 4 ans renouvelables par année, conclus en 2005 et 2006, la SARL La Toupie toulousaine a loué à la SAS Lafarge bétons Sud-Ouest (LBSO) des camions malaxeurs avec chauffeurs à la SAS LBSO, le contrat-type prévoyant un minimum de rémunération garantie par an et par camion et un prix au m3 transporté. En septembre 2008, douze contrats avaient été conclus, les deux derniers n'ayant pas fait l'objet d'une rédaction.

Courant 2009, une baisse des tarifs a été acceptée par la SARL La Toupie toulousaine, la SAS LBSO représentant un peu moins de la moitié de son activité de loueur de camions malaxeurs.

En juin 2009, la SAS LBSO a résilié un premier contrat puis six autres à échéance du 31 décembre 2009.

Face à la demande de la SAS LBSO de consentir de nouvelles conditions tarifaires en raison de la persistance de l'atonie du marché, la SARL La Toupie toulousaine n'accepte d'en reconduire que 4 que la SAS LBSO dénoncera le 29 mars 2010 à échéance du 30 juin 2010.

La SAS LBSO n'ayant pas accepté de régler à la SARL La Toupie toulousaine la somme de 18 474,44 euro représentant selon elle la régularisation du chiffre d'affaires minimum contractuellement garanti et une juste indemnité pour rupture brutale des relations à l'origine du licenciement de la moitié de ses chauffeurs et de la revente en urgence de 9 de ses camions, la SARL La Toupie toulousaine a fait attraire la SAS LBSO devant la juridiction consulaire toulousaine par acte délivré le 30 septembre 2010.

- condamné La SAS LBSO à payer à la SARL La Toupie toulousaine les sommes suivantes au titre de la régularisation du minimum garanti :

+ au titre de l'exercice 2009, la somme de 25 542,18 euro HT augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

+ au titre de l'exercice 2010, la somme de 6 744,69 euro HT augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- partagé les dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La SARL La Toupie toulousaine a interjeté appel le 12 avril 2012.

La SAS LBSO a interjeté appel le 25 avril 2012.

Par ordonnance du 25 juin 2012, le magistrat chargé de la mise en état a joint les procédures.

La SARL La Toupie toulousaine a transmis ses dernières écritures par RPVA le 16 juillet 2013.

La SAS LBSO a transmis ses dernières écritures par RPVA le 2 septembre 2013.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 septembre 2013.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 1134 et 1382 du Code civil ainsi que L. 442-6 du Code de commerce, La SARL La Toupie toulousaine demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Toulouse en date du 19 mars 2012 en ce qu'il a retenu l'existence de l'obligation de la société LBSO de garantir à la société La Toupie toulousaine le minimum annuel de recettes au titre des années 2009 et 2010 et en ce qu'il a débouté la SAS LBSO de l'intégralité de ses demandes en ce compris reconventionnelles,

- infirmer ledit jugement pour le surplus, en ce qu'il a :

. d'une part condamné la SAS LBSO au paiement de sommes en application du minimum annuel garanti dont les montants sont erronés,

. d'autre part rejeté les demandes de réparation de la SARL La Toupie toulousaine pour rupture abusive des contrats les liant,

- enfin débouter la société La Toupie toulousaine de ses demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens.

Et ce statuant à nouveau :

Sur les minimums annuels garantis

Condamner la SAS LBSO à verser à la SARL La Toupie toulousaine la somme de 22 095,43 euro TTC, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 20 mai 2010, en règlement de la facture n° TTI00421 de régularisation des minimums annuels contractuellement garantis en 2009,

Condamner la société LBS0 à verser à la SARL La Toupie toulousaine la somme de 5 000 euro pour résistance abusive dans le paiement de cette facture,

Condamner la SAS LBSO à verser à la SARL La Toupie toulousaine la somme totale de 36 888 euro TTC, assortie des intérêts de retard au taux légal, en règlement des factures n° TTI100812 et TT101203 de régularisation des minimum annuels contractuellement garantis en 2010,

Condamner la société LBS0 à verser à la SARL La Toupie toulousaine la somme de 5 000 euro pour résistance abusive dans le paiement de ces deux factures,

Sur les préjudices pour rupture abusive

Condamner la SAS LBSO à verser à la SARL La Toupie toulousaine la somme de 54 000 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice résultant du manque gagner du Fait de la rupture abusive subie sans respect d'un préavis raisonnable,

Condamner la société LBSO à verser à la SARL La Toupie toulousaine la somme de 7 919,87 euro à titre de dommages et intérêts complémentaires pour la perte subie du fait des indemnités de licenciement supportées par elle consécutivement à la résiliation brutale,

Condamner la SAS LBSO à verser à la SARL La Toupie toulousaine la somme de 105 000 euro à titre de dommages et intérêts complémentaires pour la perte subie du fait du désinvestissement forcé à savoir la vente des camions non réorientés,

Condamner la société LBSD à verser à la SARL La Toupie toulousaine la somme de 10 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la SAS LBSO aux entiers dépens à passer ceux-ci par frais privilégiés de la procédure pour qu'il en soit opéré distraction.

L'appelante fait essentiellement valoir que :

- un chiffre d'affaires minimum annuel garanti au loueur était stipulé dans chaque contrat conclu,

- l'appréciation du minimum doit se faire par véhicule isolé et non par solidarité entre tous les camions,

- les relations entre les parties ont débuté en 1999, peu important que la succession des contrats et la substitution des co-contractants,

- l'unique préavis dont la SARL La Toupie toulousaine a bénéficié a été de trois mois,

- le préavis aurait dû être de 12 mois compte tenu de l'ancienneté et de l'importance des relations financières ainsi que des investissements réalisés au profit de la SAS LBSO et du temps nécessaire pour rechercher de nouveaux clients.

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 1134 et 1382 du Code civil, la SAS LBSO demande à la cour d'appel de :

Constater qu'aucune somme n'est due à la société La Toupie toulousaine au titre d'un quelconque minimum garanti,

En conséquence,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS LBSO à verser des sommes au titre du prétendu minimum garanti,

Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les autres demandes de La Toupie toulousaine,

Statuant à nouveau,

Débouter La Toupie toulousaine de l'ensemble de ses demandes an titre du minimum garanti,

Condamner La Toupie toulousaine à verser à Lafarge bétons Sud-Ouest la somme de 20 000 euro pour procédure abusive,

Condamner La Toupie toulousaine à verser à Lafarge bétons Sud-Ouest la somme de 10 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'intimée fait essentiellement valoir que :

- la SARL La Toupie toulousaine est la filiale d'un grand groupe de transport national et international, le groupe Jardel,

- selon les statistiques publiées par l'INSEE, le BTP a connu au début de l'année 2009 une baisse de plus de 50 % par trimestre,

- les relations entre les parties, la SARL La Toupie toulousaine mettant à disposition de la SAS LBSO des véhicules avec chauffeurs, s'analysent en un contrat sui generis régi par le décret 2002-566 du 17 avril 2002,

- la SARL La Toupie toulousaine a disposé d'un délai de plus de six mois pour s'adapter au retournement du marché de la construction,

- le groupe Jardel ayant réorienté vers les camions citerne son activité, elle a poussé la SAS LBSO à résilier les contrats notamment en retirant unilatéralement des camions,

- les demandes présentées au titre d'un minimum garanti ne reposent sur aucun accord entre les parties,

- entre 2005 et 2009, il n'a été procédé à aucune application du minimum garanti alors même que certains camions n'atteignaient pas ledit minimum, en raison de la solidarité stipulée entre les camions,

- la SAS LBSO a résilié les contrats en grande partie en raison des inexécutions contractuelles imputables à la SARL La Toupie toulousaine et avec un préavis écrit pour le moins suffisant,

- la SARL La Toupie toulousaine ne justifie d'aucun préjudice en lien avec la résiliation, le délai de préavis dont elle a bénéficié lui permettant de réorganiser son activité sans perte,

- la résiliation intervenue est sans lien avec les licenciements ou de la revente de camions invoqués par la SARL La Toupie toulousaine.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le 1er janvier 2005, la SARL La Toupie toulousaine et la SAS LBSO ont signé huit contrats (camions 108, 111, 172, 182, 812, 813,938 (ancien 109), 939 (ancien 112) précisant que la durée du contrat est de quatre années à compter du 1er janvier 2005 et que le montant minimum annuel garanti s'élève à 96 000 euro HT.

Deux autres contrats (camions 838 et 839), rédigés en des termes identiques sauf sur le point de départ du contrat et le montant du minimum annuel garanti, ont été signés mais non datés. Ils mentionnent une durée de 4 ans mais à compter du 1er juillet 2006 et un montant minimum de 90 000 euro.

Ces dix contrats indiquent à l'article 12 intitulé prix minimum annuel garanti que les prix applicables pour la première année figurent en annexe 7, tout en précisant au paragraphe 12.4 le montant minimum ainsi que la base de calcul.

Ils indiquent également qu'à l'issue de la durée de 4 ans, ils seront renouvelés par période d'un an et que le locataire pourra les résilier sous réserve de respecter un préavis de trois mois avant son échéance par lettre recommandée avec avis de réception.

La SARL La Toupie toulousaine n'a pas estimé utile de communiquer les dites annexes, se bornant à produire 7 pages de chaque contrat alors que la numérotation des documents fait état de 28 pages.

La SAS LBSO n'a versé aux débats que huit annexes 7 se référant aux huit premiers contrats, étant précisé que les prix s'entendaient pour l'année 2005.

Cette annexe reprend le minimum garanti annuel s'élevant à 96 000 euro pour une présence de 252 jours pour 7 000 m3 de béton, tout en mentionnant une garantie de solidarité sur les 8 camions de Toupie Toulousaine.

Deux autres camions ont été mis à disposition de la SAS LBSO sans signature d'un contrat : le 1017 à partir de septembre 2008 et le 1024 à compter de mai 2008.

Le 5 février 2009, la SAS LBSO a sollicité un rendez-vous pour le 17 février afin d'évoquer les conditions tarifaires pour l'année 2009 en raison d'un désaccord avec les conditions transmises par la SARL La Toupie toulousaine.

Le 19 février 2009, la SARL La Toupie toulousaine a adressé à la SAS LBSO une correspondance ayant en objet "tarifs 2009" faisant référence aux 12 contrats à l'année et précisant comme montant minimum garanti annuel la somme de 85 000 euro HT par véhicule isolé.

Le 4 juin 2009, la SAS LBSO a demandé le retrait du camion 1024 affecté à L'Isle en Jourdain à compter du 30 juin 2009, étant rappelé qu'il ne faisait pas l'objet d'un contrat écrit. Dans cette correspondance, la SAS LBSO précise qu'une très forte baisse d'activité la contraint à réduire le parc de camions dans les plus brefs délais.

Le 29 septembre 2009, la SAS LBSO a résilié au 31 décembre 2009 six contrats concernant les camions 108, 111, 172, 182, 812 et 813.

Le 29 mars 2010, la SAS LBSO a résilié au 30 juin 2010, quatre contrats concernant les camions 838, 839, 939 et 1017.

Dans une correspondance du 8 avril 2010, la SARL La Toupie toulousaine indique à la SAS LBSO que le 1017 n'a fait l'objet d'aucun contrat et que le 939 arrive à échéance le 31 décembre 2010 et qu'elle a donc la possibilité de le résilier à cette date avec un préavis de trois mois. Il doit être observé que selon la pièce 1 de la SARL La Toupie toulousaine contenant les huit premiers contrats signés le 1er janvier 2005, il est mentionné, de façon manuscrite, 939 (ancien 112) pour l'un d'entre eux.

Le 14 avril 2010, la SAS LBSO a résilié le contrat 939 à compter du 31 décembre 2010.

Le camion 938 n'a pas fait l'objet d'une résiliation de la part de la SAS LBSO, alors qu'il avait fait l'objet d'un contrat signé le 1er janvier 2005. C'est la SARL La Toupie toulousaine qui, par courrier du 9 février 2010, a informé la SAS LBSO du retrait de ce camion à compter du 31 mars 2010, sans provoquer de réaction de la part de cette dernière qui n'a protesté qu'à deux reprises, les 11 et 18 mars 2010, pour le retrait du camion 1017 pendant deux après-midis.

Dans une correspondance du 10 décembre 2010, la SAS LBSO informe la SARL La Toupie toulousaine de ce que les journées des camions qui tournent sur les centrales qui seront fermées durant les fêtes de fin d'année seront décomptées des minimums garantis mensuels et annuels.

Sur le minimum garanti

Le 5 février 2009, la SAS LBSO a sollicité un rendez-vous pour le 17 février afin d'évoquer les conditions tarifaires pour l'année 2009 en raison d'un désaccord avec les conditions transmises par la SARL La Toupie toulousaine.

Le 19 février 2009, la SARL La Toupie toulousaine a adressé à la SAS LBSO une correspondance ayant en objet "tarifs 2009" faisant référence aux 12 contrats à l'année et précisant comme montant minimum garanti annuel la somme de 85 000 euro HT par véhicule isolé. Cet accord visant expressément les douze camions mis à disposition de la SAS LBSO n'est nullement contesté par la SAS LBSO qui, dans ses écritures, en page 10 et 11, se réfère au minimum garanti de 85 000 euro, même pour l'année 2008, alors que ce minimum n'est applicable qu'à partir de l'année 2009.

En revanche, la SARL La Toupie toulousaine ne justifie pas de la mise en place d'un minimum mensuel garanti, la seule correspondance de la SAS LBSO du 10 décembre 2010 évoquant des minima mensuel et annuel ne suffisant pas à rapporter cette preuve.

La SARL La Toupie toulousaine sollicite la condamnation de la SAS LBSO à lui verser la somme de 22 095,43 euro TTC, soit 18 474,44 euro HT, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 20 mai 2010, en règlement de la facture n° TTI00421 de régularisation des minima annuels contractuellement garantis en 2009, outre celle de 5 000 euro pour résistance abusive dans le paiement de cette facture.

La facture concerne les camions 172, 938, 939, 1017.

Rapportés au minimum de 85 000 euro, les chiffres d'affaires pour l'année complète concernant lesdits camions font ressortir une différence de 18 474,44 euro HT, soit 22 095, 43 euro TTC. Cette somme qui sera mise à la charge de la SAS LBSO, portera intérêt au taux légal à compter du 17 juin 2010, date de réception justifiée de la mise en demeure.

En revanche, la SARL La Toupie toulousaine sera déboutée de sa demande relative à la somme de 5 000 euro, ne démontrant pas une résistance abusive de la part de la SAS LBSO compte tenu de l'évolution des modalités de calcul des minima annuels garantis.

La SARL La Toupie toulousaine sollicite la condamnation de la SAS LBSO à lui verser la somme totale de 36 888 euro TTC, assortie des intérêts de retard au taux légal, en règlement des factures n° TTl100812 et TT101203 de régularisation des minima annuels contractuellement garantis en 2010, outre la somme de 5 000 euro pour résistance abusive dans le paiement de ces deux factures.

La première facture d'un montant de 16 555,99 euro TTC concerne les camions 938 et 1017.

Mais, ces camions n'ont pas été utilisés pendant une année complète. En effet, le 938 n'a servi que pendant trois mois et le 1017 pendant quatre mois. Or, la SARL La Toupie toulousaine ne justifie pas de la mise en place d'un minimum garanti mensuel, étant relevé que dans une correspondance du 24 mars 2010, la SARL La Toupie toulousaine a transmis à la SAS LBSO une proposition de tarifs à compter du 1er mars 2010 et non du 1er janvier 2010, prévoyant un minimum garanti de perception annuelle de 90 000 euro, proposition non suivie d'acceptation dans la mesure où dans ses calculs pour le camion 939 utilisé jusqu'en décembre 2010, le minimum pris en compte a été de 85 000 euro. La SARL La Toupie toulousaine sera donc déboutée de la demande relative à la facture d'un montant de 16 555,99 euro TTC.

La seconde facture d'un montant de 20 332 euro TTC concerne le camion 939. Ce véhicule a été utilisé toute l'année 2010. Or, rapporté au minimum garanti de 85 000 euro, le chiffre d'affaires de 67 189,41 euro réalisé fait apparaître une différence de 17 810,59 euro que la SARL La Toupie toulousaine a arrondi à 17 000 euro, soit 20 332 euro TTC.

Cette somme allouée à la SARL La Toupie toulousaine portera intérêt au taux légal à compter du 30 septembre 2010, date de l'acte introductif d'instance.

En revanche, la SARL La Toupie toulousaine sera déboutée de sa demande relative à la somme de 5 000 euro, ne démontrant pas une résistance abusive de la part de la SAS LBSO compte tenu de l'évolution des modalités de calcul des minima annuels garantis.

Sur la rupture des relations

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce énonce que "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce (...)".

Cette disposition législative se réfère, non pas à des relations contractuelles, mais à une relation commerciale établie et s'applique quelle que soit la nature des relations commerciales. En effet, les termes de la loi ne permettent pas d'instaurer des réserves ou des exceptions selon tel type de marché ou de contrat. Il importe donc peu que la relation commerciale soit établie sur une succession de contrats à durée déterminée ou sur la base d'un contrat à durée indéterminée ou encore lors de la poursuite de relations commerciales alors même que le contrat qui liait les parties n'existe plus ou avait été précédemment dénoncé.

Malgré le terme extinctif du contrat à durée déterminée, l'auteur de la rupture sera contraint de respecter les règles posées par l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, si la relation commerciale qu'il entretient présente un caractère suivi, stable et habituel.

En l'espèce, la SARL La Toupie toulousaine verse aux débats des factures relatives à des locations de camions malaxeur avec chauffeur depuis 1999. Le nombre de camions mis à disposition de la SAS LBSO est allé en croissant régulièrement : un camion concerné en 1999, trois en 2000, 4 en 2001, 4 en 2002, 7 en 2003, 8 en 2004, 8 en 2005, 10 en 2006, 10 en 2007, 12 en 2008 et 12 en 2009. La publication du décret n° 2002-566 du 17 avril 2002 portant approbation du contrat-type de location d'un véhicule industriel avec conducteur pour le transport routier de marchandises est sans incidence sur l'existence et la durée des relations commerciales entre les parties.

Par ailleurs, la SARL La Toupie toulousaine a réalisé 47 % de son chiffre d'affaires avec la SAS LBSO pendant l'exercice allant du 1er janvier 2008 au 31 mars 2009 et 42 % de son chiffre d'affaires pendant l'exercice allant du 1er avril 2009 au 31 mars 2010.

Le retrait par la SARL La Toupie toulousaine d'un camion au 31 mars 2010 et le défaut de mise à disposition pendant deux après-midi d'un camion ne caractérisent pas des manquements d'une gravité telle que l'exécution des contrats devenait impossible, sept contrats ayant déjà fait l'objet de résiliation par la SAS LBSO au 31 mars 2010, et cette dernière ayant fait part en juin 2009 de son intention de réduire le parc de camions.

La durée et l'importance des relations commerciales et financières ainsi entretenues entre les parties justifie un préavis de 9 mois. Or, un camion a fait l'objet d'un préavis de près d'un mois, neuf d'un préavis de trois mois et un de huit mois et demi, soit une moyenne de trois mois, le 12e ayant été retiré par la SARL La Toupie toulousaine.

La correspondance du 4 juin 2009 par laquelle la SAS LBSO a précisé qu'une très forte baisse d'activité la contraignait à réduire le parc de camions dans les plus brefs délais, ne vaut pas préavis pour l'ensemble du parc en raison de sa généralité.

La correspondance du 8 avril 2010 par laquelle la SARL La Toupie toulousaine indique à la SAS LBSO qu'elle peut résilier le contrat concernant le camion 939 avec un préavis de trois mois ne vaut pas renonciation de sa part à invoquer la rupture abusive des relations commerciales et l'insuffisance du préavis prévu contractuellement.

Il en résulte que la SARL La Toupie toulousaine, ayant bénéficié d'un préavis de 3 mois, a droit pour son indemnisation à la somme correspondant à la marge brute sur six mois. Selon les éléments fournis par son expert-comptable, la marge brute est de 5 %. Le chiffre d'affaires réalisé avec la SAS LBSO pour les années complètes 2008 et 2009 étant de 2 137 282 euro, soit une moyenne de 1 068 911, en le divisant par deux soit 6 mois, 534 455 euro et en le multipliant par 5 %, on parvient à la somme de 26 722 euro.

La SARL La Toupie toulousaine sollicite également la condamnation de la société LBSO à lui verser la somme de 7 919,87 euro à titre de dommages et intérêts complémentaires pour la perte subie du fait des indemnités de licenciement supportées par elle consécutivement à la résiliation brutale. Elle soutient qu'elle est passée de 25 à 13 salariés en quelques mois seulement.

Cependant, l'appelante n'établit pas la réalité de ses affirmations. En effet, sur les 12 salariés licenciés, seuls 5 étaient affectés aux camions loués par la SAS LBSO, trois d'entre eux étant réembauchés à bref délai. Sur les deux restants, l'impossibilité de reclassement n'est pas établie en raison de l'appartenance de la SARL La Toupie toulousaine à un groupe de sociétés ayant le même objet.

La SARL La Toupie toulousaine sollicite aussi la condamnation de la SAS LBSO à lui verser la somme de 105 000 euro à titre de dommages et intérêts complémentaires pour la perte subie du fait du désinvestissement forcé à savoir la vente des camions non réorientés.

Cependant, les immatriculations des 7 véhicules que la SARL La Toupie toulousaine prétend avoir été obligée de céder montrent que seuls 2 étaient affectés à la SAS LBSO. De plus compte tenu de leur date d'acquisition, en 2006, la SARL La Toupie toulousaine ne fournit aucun élément sur leur amortissement. Quant aux deux camions acquis en 2008, ayant fait l'objet de contrats de crédit-bail des 22 août et 15 septembre, ils ne font pas partie de la liste des camions revendus.

Dès lors, la SARL La Toupie toulousaine sera déboutée de ses deux demandes, en l'absence de démonstration du lien de causalité entre l'inobservation d'un préavis suffisant et les deux préjudices allégués.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement seulement sur le principe de la condamnation de la SAS LBSO au paiement de la régularisation du minimum annuel garanti pour les années 2009 et 2010.

Par ailleurs, la SAS LBSO succombant sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée contre la SARL La Toupie toulousaine.

Enfin, la SAS LBSO qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs, Confirme le jugement seulement sur le principe de la condamnation de la SAS LBSO au paiement de la régularisation du minimum annuel garanti pour les années 2009 et 2010, Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés, Condamne la SAS LBSO à payer à la SARL La Toupie toulousaine la somme de 22 095,43 euro TTC qui portera intérêt au taux légal à compter du 17 juin 2010, Condamne la SAS LBSO à payer à la SARL La Toupie toulousaine la somme de 20 332 euro TTC, qui portera intérêt au taux légal à compter du 30 septembre 2010, Condamne la SAS LBSO à payer à la SARL La Toupie toulousaine la somme de 26 722 euro à titre de dommages et intérêts, Déboute la SARL La Toupie toulousaine de sa demande relative aux indemnités de licenciement, Déboute la SARL La Toupie toulousaine de sa demande relative à la vente de camions, Y ajoutant, Déboute la SAS LBSO de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la SAS LBSO de sa demande de ce chef, Condamne la SAS LBSO à payer à la SARL La Toupie toulousaine la somme de 3 000 euro sur ce fondement, Condamne la SAS LBSO aux dépens de première instance et d'appel dont distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.