CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 4 décembre 2013, n° 11-21632
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Connexion (SA)
Défendeur :
L'Ampli (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Olivier, Le Fustec, Fisselier, Guery
Vu le jugement du 29 novembre 2011, dans lequel le Tribunal de commerce de Paris a débouté la société Connexion de toutes ses demandes et la société L'Ampli en ses demandes avant-dire droit, condamné la société Connexion, sous le régime de l'exécution provisoire, à verser à la société L'Ampli les sommes de 162 481,23 euros au titre des rémunérations reçues au titre de son activité de centrale de référencement, ces rémunérations ayant été perçues pour le compte de L'Ampli dans le cadre du mandat visé par le contrat de franchise, 39 053,65 euros au titre du solde des ristournes, 24 760,08 euros au titre des dividendes dus, 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et enfin 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel du 2 décembre 2011 de la société Connexion et ses conclusions du 13 septembre 2013, dans lesquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société L'Ampli de sa demande de communication avant-dire droit de pièces comptables, de l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau, débouter la société L'Ampli de ses demandes, en conséquence, ordonner la restitution des 241 294,96 euros versés par Connexion en exécution de la décision de première instance dans les huit jours de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, la suppression ou la banalisation par la société L'Ampli de tous signes distinctifs du réseau Connexion présents à l'intérieur et à l'extérieur de son magasin, condamner la société L'Ampli à payer à la société Connexion la somme de 516 000 euros correspondant aux pénalités de retard dues en application de l'article 17 alinéa 2 du contrat de franchise, réduite du montant de 63 813,73 euros correspondant au solde des ristournes et dividendes dû à la société L'Ampli par la société Connexion, soit un solde de 452 186,27 euros, constater que le montant de 63 813,73 euros dû par la société Connexion au titre des ristournes revenant à la société L'Ampli a fait l'objet d'une compensation avec les pénalités de retard dues par la société L'Ampli conformément à l'article 10.3 du contrat de franchise et enfin condamner la société L'Ampli à lui payer les sommes de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du Code civil au titre de sa résistance abusive et de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 17 mai 2013 de la société L'Ampli, dans lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, en ce qu'il a débouté la société L'Ampli de sa demande de communication de pièces, et, ce faisant, avant-dire droit, condamner la société Connexion à verser aux débats toutes pièces comptables nécessaires à l'établissement des remises, ristournes, et dividendes restant dus à la société L'Ampli, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, pour le surplus, le confirmer, et ce faisant, condamner la société Connexion à lui régler les sommes de 162 481,23 euros au titre des rémunérations reçues au titre de son activité de centrale de référencement, 39 053,65 euros au titre des ristournes, 24 760,08 euros au titre des dividendes, pour le surplus des sommes réclamées par la société l'Ampli, faire droit à ses demandes, et ce faisant infirmer le jugement entrepris, et y ajoutant, condamner la société Connexion à régler à la société L'Ampli les sommes de 44 606,61 euros au titre des ristournes, 9 972,81 euros au titre des dividendes et enfin les sommes de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, subsidiairement, si par extraordinaire il était fait droit à la demande reconventionnelle de la société Connexion sur la clause pénale, constater le caractère excessif d'une telle clause, en toute hypothèse, débouter la société Connexion de l'ensemble de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
SUR CE,
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
La société Connexion est une centrale d'achats de produits d'électroménager et d'électronique grand public distribués à travers un réseau de franchisés.
La société L'Ampli a conclu le 10 octobre 2002 un contrat de franchise à l'enseigne Connexion d'une durée de 5 ans prenant fin le 31 octobre 2007. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 30 avril 2007, la société L'Ampli a notifié la résiliation de son contrat, à titre conservatoire, dans l'attente de l'examen d'un nouveau contrat. Par courrier du 19 octobre 2007, la société Connexion a pris acte de la cessation des relations contractuelles et a rappelé au franchisé l'obligation de déposer l'enseigne et de supprimer tous éléments de nature à l'identifier, sous peine d'astreintes, au visa de l'article 17 du contrat de franchise. Aucun nouveau contrat n'ayant été conclu, les relations contractuelles ont cessé le 1er novembre 2007.
La société Connexion a mandaté un huissier aux fins de constater le non-respect de ces obligations par la société L'Ampli. L'huissier a constaté, le 9 novembre 2007, que l'enseigne avait été déposée à l'extérieur du magasin, et sur les véhicules de la société, dans les rayonnages et sur les documents commerciaux mais a noté, à l'intérieur du magasin, la présence de "huit colonnes grises carrées comportant en partie supérieure sur chaque côté un prisme triangulaire rouge (l'un de symboles de Connexion) avec à l'intérieur un éclairage halogène". Par courrier reçu le 13 novembre 2007, la société L'Ampli s'engageait à refaire ses trois magasins dans le délai de trois mois pour le 9 février 2008. Mandaté par ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce, Maître Rodet, huissier de justice, a constaté que les appliques en prisme triangulaire avaient disparu à l'intérieur du magasin, mais que subsistaient les supports triangulaires.
Par assignation délivrée à personne habilitée le 3 juillet 2009, la société L'Ampli a assigné la société Connexion devant le Tribunal de commerce de Paris en alléguant qu'elle n'avait pas obtenu de la société Connexion le paiement des ristournes et autres avantages commerciaux qu'elle devait lui rétrocéder, celle-ci prétendant d'une part que les avantages commerciaux lui revenaient à elle seule en vertu de prestations effectuées pour les fournisseurs, et d'autre part que les ristournes étaient plus que compensées par les pénalités de retard dues par l'ancien franchisé, pour non mise en conformité de son magasin.
Le tribunal a fait droit aux demandes du franchisé, estimant que les avantages commerciaux avaient été perçus au nom des franchisés par la société Connexion et a débouté le franchiseur de ses demandes de pénalités pour non-conformité du magasin, celui-ci ne comportant plus de signes distinctifs de l'enseigne Connexion.
Sur l'obligation de mise en conformité du magasin
Considérant que la société Connexion conteste le bien-fondé du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de pénalités au titre de la mise en conformité du magasin de son ex-franchisé, relevant qu'en dépit du rappel de ses obligations contractuelles dans plusieurs mises en demeure, la société L'Ampli s'est abstenue de modifier l'agencement de son magasin, alors qu'il était convenu contractuellement entre les parties qu'il incombait aux franchisés sortants, à la cessation du contrat, d'effectuer la modification des locaux ;
Considérant que la société L'Ampli soutient que la société Connexion n'apporte pas la preuve d'un quelconque manquement commis par elle, après la rupture du contrat de franchise ;
Considérant que l'huissier mandaté le 9 novembre 2007 a constaté la dépose de toutes les enseignes à l'extérieur du magasin, sur chacun des véhicules de la société, et la disparition de la signalétique Connexion dans les rayonnages, étiquetages et divers documents commerciaux ; qu'il résulte du second constat d'huissier que les prismes triangulaires rouges ont été retirés, la société L'Ampli exploitant dorénavant l'enseigne Digital ; que ce constat ne fait plus état d'une non-conformité dommageable, aucun élément d'identification de Connexion ne figurant plus dans l'enceinte du magasin ; que cependant, malgré l'engagement de refaire le mobilier dans un délai de trois mois, par courrier du 13 novembre 2007, aucun changement n'a été constaté dans ce délai ; que la persistance de ces meubles dans le magasin constitue la violation des articles 8-9 et 17 du contrat ; qu'il ressort des planches photographiques versées aux débats que le point de vente peut être distingué de son ancien statut de franchisé Connexion, nonobstant la présence de ces meubles ; que compte tenu de ces éléments, ce manquement ne sera sanctionné que par l'allocation d'une somme de 300 euros au titre des pénalités de retard pour non-conformité du point de vente et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;
Sur la demande en paiement des ristournes et autres avantages commerciaux
Considérant que la société Connexion conteste le bien-fondé du jugement en ce qu'il l'a condamnée au versement, à la société L'Ampli, de l'intégralité de sa rémunération au titre de ses activités de centrale ainsi qu'au paiement des ristournes et des dividendes ; qu'elle n'est pas tenue au paiement de la somme de 162 481,23 euros dans la mesure où cette somme correspond à la rémunération des services qu'elle a rendus aux fournisseurs en sa qualité de centrale de référencement et n'a dès lors pas vocation à être versée aux franchisés du réseau ; que, de même, si elle ne conteste pas le solde des ristournes et dividendes qu'elle doit à l'ancien franchisé, elle fait valoir que ce solde est compensé par les pénalités de retard dues à la société Connexion pour défaut de mise en conformité de son magasin ;
Considérant que la société L'Ampli fait valoir que le jugement entrepris a fait une juste application tant des dispositions du Code civil relatives au mandat et à la reddition des comptes, que des dispositions du contrat de franchise souscrit entre les parties, en jugeant que lui était due l'intégralité des sommes demandées ;
Considérant que les sommes de 39 053,65 euros et 24 760,08 euros, dont le quantum n'est pas contesté, sont dues à la société L'Ampli ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Connexion à lui payer ces sommes ;
Considérant que, selon les dispositions de l'article 7.3 du contrat de franchise, "le franchisé donne mandat au franchiseur de négocier et d'encaisser auprès des fournisseurs les ristournes, bonus et autres avantages commerciaux ou financiers qu'il négociera de façon centralisée pour l'ensemble du réseau, et définir les modalités de versement aux franchisés" ; que "l'accord de services et prestations commerciales" versé aux débats est étranger aux relations entre le franchiseur et ses franchisés, rémunère des prestations du franchiseur et ne correspond pas à la perception de sommes que celui-ci aurait reçu mandat de négocier et de percevoir pour le compte des franchisés ; que la société L'Ampli n'est donc pas fondée à solliciter le paiement de la somme de 162 481,23 euros, perçue à ce titre par la société Connexion, et le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;
Sur la demande de production de pièces
Considérant que cette demande n'a pas lieu d'être, les éléments figurant au dossier fondant les demandes de la société intimée ;
Sur la résistance abusive
Considérant qu'aucun dommage distinct du retard ne peut résulter, pour la société L'Ampli, du défaut de paiement, par la société Connexion, des sommes qui lui étaient dues ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point ; qu'aucun dommage ne résulte davantage de l'appel exercé par la société Connexion ; que ses demandes pour résistance abusive, tant en premier ressort qu'en appel seront donc rejetées ;
Sur les demandes de la société L'Ampli
Considérant que la société L'Ampli sera déboutée du surplus de ses demandes, faute d'apporter la preuve de ses créances de 44 606,61 euros et 9 972,81 euros ;
Sur les demandes de la société Connexion
Considérant qu'elle ne démontre pas l'abus de droit de la société L'Ampli et sera déboutée de sa demande pour procédure abusive ;
Par ces motifs : infirme le jugement entrepris, sauf sur la condamnation de la société Connexion à payer à la société L'Ampli les sommes de 39 053,65 euros et 24 760,08 euros au titre des ristournes et dividendes, qui sera confirmée, et, statuant à nouveau, déboute la société L'Ampli de sa demande de paiement des sommes de 162 481,23 euros au titre des prestations de service et de 10 000 euros pour procédure abusive, condamne la société L'Ampli à payer à la société Connexion la somme de 300 euros, au titre des pénalités de retard, déboute la société L'Ampli de ses demandes complémentaires au titre des sommes de 44 606,61 euros et 9 972,81 euros pour des ristournes et dividendes complémentaires, et pour procédure abusive, déboute la société Connexion de sa demande pour procédure abusive, condamne la société L'Ampli aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.