CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 6 décembre 2013, n° 12-17382
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
La Redoute (SA)
Défendeur :
Minelli (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mmes Nerot, Renard
Avocats :
Mes Teytaud, Bertrand, Herman, Pfirsc
La société Minelli immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Marseille le 17 mars 1998 a pour objet l'achat et la vente de chaussures et d'articles chaussants, bonneterie et maroquinerie.
Elle revendique des droits d'auteur ainsi que des droits sur un modèle communautaire non enregistré sur des sandales à brides multiples créé au début de l'année 2009 pour la collection Printemps-été 2009, décliné en velours sous la référence F93503 VEL puis en cuir sous la référence F93 503, et commercialisé à compter du mois d'août 2009.
Ayant constaté lors de la saison automne-hiver 2010-2011 la vente par la société La Redoute, sur son site Internet accessible à l'adresse www.laredoute.fr, d'un modèle de chaussures reproduisant les caractéristiques du modèle F93 503, la société Minelli, après avoir fait établir les 21 octobre et 2 novembre 2010 un constat d'huissier sur Internet, a fait procéder le 26 novembre 2010 à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société La Redoute situés à Roubaix avant d'assigner cette dernière selon acte d'huissier en date du 24 décembre 2010 devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d'auteur ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement contradictoire en date du 12 juin 2012 (RG 10-18149), assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :
- déclaré la société Minelli recevable à agir en contrefaçon au titre de ses droits d'auteurs sur les chaussures référencées F93503 VEL et F93 503,
- déclaré la société Minelli recevable à agir pour atteinte à ses droits sur le modèle communautaire non enregistré que constituent les chaussures F93503 VEL et F93 503,
- dit qu'en fabriquant et en commercialisant les modèles référencés 4970314, 4970012, 4341856 et 4341880 sous la dénomination "La Redoute création", la société La Redoute a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur et de modèle communautaire non enregistré au préjudice de la société Minelli,
- débouté la société Minelli de sa demande en concurrence déloyale à l'encontre de la société La Redoute,
- interdit à la société La Redoute la poursuite de la fabrication et de la commercialisation des modèles référencés 4970314, 4970012, 4341856 et 4341880 et/ou de tout autre modèle constituant la contrefaçon de celui de la société Minelli, sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter de la signification du jugement, l'astreinte courant pendant une période de 6 mois,
- condamné la société La Redoute à verser à la société Minelli la somme de 45 000 euro au titre du préjudice lié à la contrefaçon de droits d'auteur et de modèle communautaire non enregistré,
- autoriser la publication du jugement sur le site Internet accessible à l'adresse www.laredoute.fr selon les modalités prévues par la décision,
- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,
- débouté la société Minelli de sa demande de publication judiciaire dans la presse et de sa demande d'information,
- débouté la société La Redoute de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société La Redoute à verser à la société Minelli la somme de 7 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le remboursement des frais de
saisie-contrefaçon,
- condamné la société La Redoute aux entiers dépens.
Par jugement en date du 11 octobre 2012 (RG 12-8478), le même tribunal a rectifié le jugement du 12 juin 2012 et a condamné la société La Redoute à verser à la société Minelli la somme de 98 724 euro au titre du préjudice lié à la contrefaçon de droits d'auteur et de modèle communautaire non enregistré.
La société La Redoute a formé appel de ces décisions par déclarations au greffe des 27 septembre et 19 décembre 2012 et la société Minelli par déclaration au greffe en date du 31 octobre 2012.
Les procédures ont été jointes par ordonnances du conseiller de la mise en état du 17 janvier 2013.
Par dernières conclusions signifiées le 7 octobre 2013, la société La Redoute demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société Minelli recevable à agir en contrefaçon du modèle revendiqué et jugé qu'en fabriquant et en commercialisant les modèles référencés 4970314, 4970012, 4341856 et 4341880 sous la dénomination "La Redoute création", la société La Redoute a commis des actes de contrefaçon de modèle communautaire non enregistré au préjudice de la société Minelli,
- dire et juger qu'elle démontre que la combinaison des éléments caractéristique du modèle revendiqué a été conçue à partir d'éléments du fonds commun de la chaussure, et en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que ce modèle était protégeable au titre du droit d'auteur et contrefait,
- constater que le modèle litigieux a été proposé à la Redoute au mois de février 2010 et qu'au mois de mars celle-ci a commandé ce modèle après avoir exigé sa modification,
- en conséquence, dire et juger que le modèle litigieux ne peut être la reproduction illicite du modèle de Minelli n'a été commercialisé publiquement en France que le mois suivant, à savoir au mois d'avril 2010 (sic),
- en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le modèle de La Redoute constituait la contrefaçon du modèle Minelli,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Minelli de son action et de l'ensemble de ses demandes formulées au titre de la concurrence déloyale,
à titre subsidiaire,
- infirmer le jugement, tel que modifié par le jugement rectificatif du 11 octobre 2012, en ce qu'il a alloué à la société Minelli 78 724 euro au titre de son gain manqué et 20 000 euro au titre de sa perte subie et limiter à un maximum de 25 000 euro le montant total de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon,
- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné des mesures de publications judiciaires, reconventionnellement,
- condamner la société Minelli à lui payer la somme de 15 000 euro à au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux frais et dépens de première instance et d'appel, dont recouvrement direct par son conseil.
Par dernières écritures signifiées le 9 octobre 2013, la société Minelli entend voir :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire,
en conséquence,
- ordonner à la société La Redoute de communiquer, sous astreinte de 500 euro par jour de retard, une attestation de son commissaire aux comptes détaillant le nombre d'articles litigieux achetés et/ou fabriqués, vendus et le chiffre d'affaires ainsi réalisé par la défenderesse, notamment sur l'ensemble des références 497 0012, 497 0314, 434 1856 et 434 1880, et ce sur l'ensemble du territoire communautaire, et de désigner un expert afin de déterminer son entier préjudice,
- condamner la société La Redoute à lui verser les sommes provisionnelles suivantes :
* 225 421,40 euro au titre du préjudice lié à la contrefaçon de droits d'auteur et de modèle communautaire non enregistré, sauf à parfaire,
* 50 000 euro au titre du préjudice lié aux actes de concurrence déloyale et parasitaire, sauf à parfaire,
- ordonner la publication :
* de l'arrêt à intervenir, en entier ou par extrait, dans cinq journaux, revues ou magazines de son choix et aux frais avancés de la société défenderesse (intimée), à concurrence de 5 000 euro hors taxes par insertion, du message qu'elle reproduit dans ses écritures, sur la page d'accueil du site Internet accessible à l'adresse www.laredoute.fr, pendant une durée de 15 jours, dans un bandeau d'une largueur supérieure à 5 cm et d'une longueur supérieure à 10 cm, et ce sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard à compter du 15ème jour après la signification du jugement (sic) à intervenir,
- réserver au Tribunal de grande instance de Paris la liquidation des astreintes,
- débouter la société La Redoute de ses demandes reconventionnelles,
- la condamner aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de son conseil,
- condamner la société La Redoute à lui payer la somme complémentaire de 14 060,60 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 octobre 2013.
MOTIFS DE La DÉCISION
Sur la titularité des droits d'auteur
Considérant que la société Minelli, revendiquant la présomption de titularité de droits d'auteur reconnue à la personne morale qui exploite l'œuvre sous son nom, se prévaut de droits sur un modèle des sandales à brides multiples créé au début de l'année 2009 pour la collection Printemps-été 2009, décliné en velours sous la référence F93503 VEL puis en cuir sous la référence F93 503, et commercialisé à compter du mois d'août 2009 ;
Considérant que la société La Redoute, appelante, poursuit l'infirmation du jugement du 12 juin 2012 sur ce point en ce qu'il a déclaré la société Minelli recevable à agir en contrefaçon au titre des droits d'auteurs sur les chaussures référencées F93503 VEL et F93 503, et fait valoir que la société Minelli, ne peut en raison de l'insuffisance des documents produits, notamment de l'absence de documents et de croquis qui établissent que ce modèle a bien été réalisé par des salariés ou des prestataires de services, et qui ne justifie pas pour le modèle qu'elle revendique, acheté à un fabricant brésilien, d'instructions techniques précises adressées à celui-ci, être présumée titulaire de droits exclusifs sur ce modèle ;
Considérant, ceci exposé, qu'il est constant que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une œuvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite œuvre les droits patrimoniaux de l'auteur ;
Que pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d'identifier précisément l'œuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; qu'il lui incombe également d'établir que les caractéristiques de l'œuvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ;
Qu'enfin, si les actes d'exploitation propres à justifier l'application de cette présomption s'avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l'auteur ;
Qu'en l'espèce, la société Minelli verse aux débats :
- une attestation devant notaire de son fabricant brésilien la société GVD international Trading, ainsi que sa traduction en français, qui indique que le modèles F93503 a été fabriqué par elle en suivant les instructions artistiques de la société Minelli, au mois d'avril 2009 pour la version velours dont la référence est F93 503 VEL et au mois d'octobre 2009 pour la version cuir dont la référence est F93503, l'original de l'attestation comportant une reproduction de ces modèles ainsi que leurs référence,
- des extraits en copies de son catalogue interne pour la collection femme automne-hiver 2009- 2010 qui comporte à la rubrique 15 une reproduction du modèle référencé F93 503 VEL,
- des factures du fabricant brésilien GVD faisant état de livraisons du modèle F93 503 VEL à compter du 7 juillet 2009,
- des factures à ses clients des modèles F93 503 VEL et F93 503 datés des 5-11- 2009, 20-07-2010 et 31-08- 2010,
- un état des ventes des modèles F93 503 VEL et F93 503 depuis août 2009 pour le premier et avril 2010 pour le second, certifié par son directeur financier et dont la concordance avec les données internes de la société en lien avec la comptabilité analytique a été attestée par son commissaire aux comptes le 25 juillet 2011,
- des extraits de parutions de presse, en copies, mais dont l'authenticité n'est pas contestée, présentant le modèle F93503 sous le nom de la société Minelli à compter du mois de septembre 2009 ;
Que ces éléments précis et concordants, qui permettent d'identifier les chaussures revendiquées, de déterminer leurs caractéristiques et d'établir la date de leur première commercialisation et qui ne sont contredits par aucun élément contraire, suffisent à établir une présomption de titularité des droits d'auteur au profit de la société Minelli ;
Que le jugement qui a déclaré cette dernière recevable a agir à ce titre doit donc être confirmé ;
Sur le caractère protégeable des chaussures revendiquées
* au titre du droit d'auteur
Considérant que les dispositions de l'article L. 112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle protègent par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ;
Que selon l'article L. 112-2, 14° du même Code, sont considérées notamment comme œuvres de l'esprit les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure ;
Considérant en l'espèce que le modèle de chaussures revendiqué se caractérise selon l'intimée comme suit :
- la tige est formée de 6 paires de brides en U symétriquement opposées, lesquelles se rejoignent sur l'axe central du coup du pied, au-dessus des orteils jusqu'en haut de la cheville, la forme spécifique en U des brides donnant l'impression que ces dernières se referment en bénitier sur le pied ; chaque bride est composée d'une bande de cuir ou de velours cousue sur une bande plus large de matière synthétique de couleur métal brillant produisant ainsi un effet de miroir métallique (métal specchio),
- le premier couple de brides symétriques se situe juste au-dessus des orteils, laissant ainsi ces derniers libres,
- le talon de 9 cm (hauteur arrière) légèrement biaisé est de forme conique, enrobé de la même matière (cuir ou velours) et de même couleur que la tige,
- un empiècement apparent à l'arrière du talon, de même matière (cuir ou velours) et de même couleur que la tige, comporte une fermeture par glissière verticale du bas du talon jusqu'en haut de la cheville ;
Que pour en contester l'originalité, la société La Redoute soutient que les sandales revendiquées ne seraient pas une création, le principe des brides et leur forme en U étant ancien et couramment utilisé en matière de chaussures ;
Qu'elle ajoute que de nombreuses spartiates à talon sont apparues sur le marché en cours de la saison printemps-été 2009, antérieurement au modèle revendiqué et que tous ces modèles, y compris d'autres vendus par la société intimée 'partagent de nombreux points communs avec le modèle Minelli dont ils se distinguent cependant par un ou deux points de détails qui leur confèrent une configuration distincte (sic) ;
Considérant toutefois, étant précisé que la notion d'antériorité est indifférente en droit d'auteur, que les pièces versées aux débats par la société La Redoute montrent des chaussures, qui lorsqu'elles sont datées ou antérieures au mois d'août 2009, et même si elles appartiennent à un genre de sandales à brides, ne reprennent pas l'ensemble des caractéristiques du modèle Minelli et notamment la forme en U des brides et leur effet étiré, la juxtaposition de l'extrémité des brides et leur confection particulière en forme de bénitier et par alternance de matières avec une bande de velours ou de cuir cousue sur une bande plus large de couleur métal brillant produisant un effet de miroir métallique, ce que finalement reconnaît la société La Redoute dans ses dernières écritures ;
Qu'au contraire, l'originalité des chaussures revendiquées réside dans le choix de proportion et de formes et la combinaison d'éléments selon un agencement particulier, qui confèrent à l'ensemble sa physionomie propre et traduit un parti pris esthétique reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur ;
Considérant que le modèle de chaussures référencé F93503 VEL et F93503 doit donc bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur instaurée par le Livre I du Code de la Propriété Intellectuelle ;
* au titre des dessins et modèles non enregistrés
Considérant qu'aux termes de l'article 1er-2 du Règlement du Conseil n° 6-2002 du 12 décembre 2001, un dessin ou modèle communautaire est protégé :
a) en qualité de dessin ou modèle communautaire non enregistré, s'il est divulgué au public selon les modalités prévues par le règlement ;
Que l'article 4-1.du même Règlement dispose que la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel ;
Que par ailleurs, l'article 11-1 prévoit qu'un dessin ou modèle qui remplit les conditions énoncées dans la section 1 est protégé en qualité de dessin et modèle communautaire non enregistré pendant une période de 3 ans à compter de la date à laquelle le dessin ou modèle a été divulgué au public pour la première fois au sein de la Communauté, et l'article 11-2 précise qu'un dessin ou un modèle est réputé avoir été divulgué au public au sein de la Communauté s'il a été publié, exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière de telle sorte que dans la pratique normale des affaires, ces faits pouvaient être raisonnablement connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté ;
Or en l'espèce, la société La Redoute ne conteste ni la nouveauté ni le caractère propre ou individuel du modèle communautaire non enregistré, lequel a été divulgué pour la première fois dans la Communauté en août 2009 pour le modèle en velours, date de la première commercialisation par la société Minelli, étant précisé que le modèle en cuir, commercialisé quant à lui en avril 2010 n'en est qu'une déclinaison ;
Que la société Minelli bénéficie donc également de la protection prévue par de l'article 1er -2. a) du Règlement du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires ;
Sur la contrefaçon
Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, "toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en va de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque" ;
Que selon l'article 10 alinéa 1 du règlement (CE) n° 6-2002 du 12 décembre 2001 précité la protection conférée par le dessin et modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente ;
Que l'article 19-2 du Règlement ajoute que le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère cependant à son titulaire le droit d'interdire les actes visés au paragraphe que si l'utilisation contestée résulte d'une copie du dessin ou modèle protégé (...) ;
Qu'en l'espèce, il résulte tant du procès-verbal de constat dressé sur le site Internet exploité par la société La Redoute accessible à l'adresse www.laredoute.fr les 21 octobre et 2 novembre 2010 que de l'examen visuel des chaussures en cause, que la société La Redoute commercialise des chaussures qui reproduisent, dans une combinaison identique, l'ensemble des caractéristiques du modèle Minelli ci-dessus décrit, la différence relevée par l'appelante, tenant à l'ajout, par son fournisseur et à sa demande expresse, d'une bande en cuir entre les six brides passepoilées n'affectant pas l'impression d'ensemble qui s'en dégage ;
Que la contrefaçon de droits d'auteur est donc caractérisée ;
Considérant en revanche que les chaussures incriminées ne constituent pas la copie du modèle communautaire non enregistré au sens de l'article 19 du Règlement précité de par l'ajout de cette bande de cuir ou de velours ;
Que l'action en contrefaçon de dessin et modèle communautaire non enregistré ne peut en conséquence prospérer et le jugement sera infirmé sur ce point ;
Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
Considérant que la reproduction servile du modèle revendiqué, au demeurant non établie, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale distinct des actes déjà incriminés au titre de la contrefaçon, pas plus que la vente de chaussures en couleurs bleue et noire particulièrement banales dans le domaine considéré ou la vente à un prix inférieur dans un contexte de liberté du commerce ;
Que l'engagement d'investissements faits par la société Minelli pour la promotion des chaussures en cause peut tout au plus être pris en compte pour l'évaluation du préjudice de cette dernière mais n'est pas constitutif en lui-même d'acte de concurrence déloyale ou de parasitisme ;
Qu'en revanche le fait de vendre des chaussures sous la dénomination "La Redoute création" et donc de laisser croire au consommateur que celles-ci peuvent bénéficier d'une protection à titre de création et qu'elles sont la propriété de celle qui les commercialise sous son nom, est effectivement constitutif à l'encontre de la société Minelli, qui seule peut revendiquer des droits de propriété intellectuelle sur le modèle en cause, d'une faute au sens de l'article 1382 du Code civil ;
Que la concurrence déloyale est caractérisée de ce chef, eu égard à la confusion ainsi créée quant à l'identité du titulaire des droits d'auteur ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement en qu'il sera fait droit à une mesure d'interdiction sous astreinte ;
Considérant qu'il résulte des documents comptables obtenus lors des opérations de saisie-contrefaçon effectuées le 26 novembre 2010 au siège de la société La Redoute, dont la teneur est contestée sans que toutefois aucune pièce du dossier ne vienne les contredire, que celle-ci a passé commande auprès de la société chinoise Shenzhen Yuanshunjia Industrial Co Ltd de 1704 paires de chaussures contrefaisantes, sous la référence "Lady's Microfibre Shoes", au prix unitaire de 8,95 dollars, et qu'elle les a ensuite commercialisées sous la dénomination "sandales multi brides à talon" références 4970012, 497 0314, 434 1856 et 434 1880 sur Internet et sur catalogues au prix unitaire public de 39,90 euro ;
Que son directeur comptable a néanmoins attesté le 24 janvier 2012 que la société La Redoute avait vendu en France "tout canal confondu" 1.073 paires de chaussures référencées 4970012 et 4970314 au prix de vente moyen de 25,13 euro pour un total de 26 966 euro et détenait un stock de 34 paires ;
Que la société Minelli justifie quant à elle avoir commercialisé un total de 3.797 paires de chaussures référencées F 93503 VEL et F 93503 du mois d'août 2009 au mois de juin 2011pour lesquels elle a exposé des dépenses publicitaires et promotionnelles, et qui ont été vendus au prix unitaire moyen de 89,22 euro TTC avec une marge de 60,82 euro ;
Qu'il y a lieu en considération de ces éléments d'allouer à la société Minelli la somme de 45 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon commis à son encontre et celle de 10 000 euro en réparation des actes de concurrence déloyale qu'elle a en outre subis, ce sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande de communication de pièces supplémentaires ;
Considérant enfin qu'il convient d'ordonner, à titre de dommages-intérêts complémentaires, la publication du dispositif du présent arrêt selon les modalités qui seront précisées au dispositif de la présente décision ;
Sur les autres demandes
Considérant qu'il y a lieu de condamner la société La Redoute, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ainsi qu'au remboursement des frais de saisie-contrefaçon ;
Qu'en outre, elle doit être condamnée à verser à la société Minelli, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 14 000 euro ;
Par ces motifs : Confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 12 juin 2012 et rectifié par jugement du 11 octobre 2012 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit qu'en fabriquant et en commercialisant les modèles référencés 4970314, 4970012, 4341856 et 4341880 sous la dénomination "La Redoute création", la société La Redoute a commis des actes de contrefaçon de modèle communautaire non enregistré au préjudice de la société Minelli, a condamné la société La Redoute à verser à la société Minelli la somme de 98 724 euro au titre du préjudice lié à la contrefaçon de droits d'auteur et de modèle communautaire non enregistré et a débouté la société Minelli de ses demandes au titre de la concurrence déloyale. Statuant à nouveau, Dit qu'en fabriquant et en commercialisant les modèles référencés 4970314, 4970012, 4341856 et 4341880 sous la dénomination "La Redoute création", la société La Redoute a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de la société Minelli. Condamne la société La Redoute à verser à la société Minelli la somme de 45 000 euro au titre du préjudice lié à la contrefaçon de droits d'auteur. Dit qu'en commercialisant les chaussures objet du litige sous la dénomination 'La Redoute création" la société La Redoute a en outre commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Minelli. Condamne la société La Redoute à verser à la société Minelli la somme de 10 000 euro au titre du préjudice lié à la concurrence déloyale. Ordonne la publication sur la page d'accueil du site Internet accessible à l'adresse www.laredoute.fr, pendant une durée de 15 jours, dans un bandeau d'une largueur supérieure à 5 cm et d'une longueur supérieure à 10 cm, et ce sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard à compter du 15ème jour après la signification du présent arrêt, du message suivant : "Par arrêt en date du 6 décembre 2013 de la Cour d'appel de Paris, la société La Redoute a été condamnée à verser 55 000 euro à la société Minelli en raison d'actes de contrefaçon d'un modèle de sandales à brides multiples créé par la société Minelli, ainsi que d'actes de concurrence déloyale". Condamne la société La Redoute à verser à la société Minelli la somme de 14 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société La Redoute à rembourser à la société Minelli le coût des opérations de saisie-contrefaçon du 26 novembre 2010. Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. Condamne la société La Redoute aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.