CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 12 décembre 2013, n° 11-18274
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Securitas France (SARL)
Défendeur :
Obligis, Sécurité Protection Ouest (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur
Avocats :
Mes Galland, Boulte, Lallement, Guele
FAITS ET PROCÉDURE
La société Securitas France (ci-après, Securitas), qui exerce dans le domaine de la sécurité privée, a signé un contrat de sous-traitance avec la société CGS le 1er août 2006.
M. Obligis qui occupait un poste de directeur de clientèle à l'agence de Tours de la société Securitas a, après avoir été licencié, créé la société Securité Protection Ouest (ci-après, SPO) dont il était gérant associé.
Par jugement du Tribunal de commerce de Blois du 1er février 2008, la société SPO a été autorisée à reprendre le fonds de commerce de la société CGS qui avait fait l'objet d''une procédure de redressement judiciaire.
Aux termes d'un contrat de cession publié le 15 avril 2008, la société SPO a racheté le fonds de commerce de la société CGS.
Confrontée à des pertes de clientèle, la société Securitas a obtenu une ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Paris le 16 juillet 2008 l'autorisant à faire procéder à un constat dans les locaux de la société SPO.
C'est dans ces circonstances, et suite au constat effectué le 4 septembre 2008, que la société Securitas a fait assigner la société SPO devant le Tribunal de commerce de Paris.
M. Obligis est ensuite intervenu volontairement dans la procédure.
Par jugement en date du 27 septembre 2011, le Tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Securitas et la société SPO de leurs demandes principales ou reconventionnelles,
- condamné la société Securitas à payer à la société SPO la somme de 3 500 en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, la déboutant pour le surplus,
- condamné la société Securitas aux dépens
Vu l'appel interjeté le 12 octobre 2011 par la société Securitas contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées le 1er octobre 2013 par lesquelles la société Securitas
demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 27 septembre 2011 en toutes ses dispositions
Et, statuant à nouveau :
- déclarer la société Securitas tant recevable que bien fondée en son appel.
- constater que le contrat de sous-traitance du 1er août 2006 respecte l'article L. 442-6 du Code de commerce.
- constater qu'en démarchant et/ou en détournant la clientèle de la société Securitas, la société SPO venant aux droits de la société CGS, a violé l'article 14-1 du contrat de sous-traitance et qu'elle engage ainsi sa responsabilité contractuelle.
- en conséquence, faire littéralement application de la clause pénale indemnitaire prévue dans le contrat de sous-traitance et condamner la société SPO à payer à la société Securitas la somme de 706 614,20 en réparation de ce premier chef de préjudice.
- constater que la société SPO s'est aussi rendue coupable de concurrence parasitaire en reprenant, de manière identique ou quasi-identique, des passages entiers des conditions générales, des contrats, et des autres documents commerciaux de la société Securitas pour les recopier dans ses propres contrats, et ce afin d'en profiter sans consentir aucun effort financier, intellectuel ou promotionnel.
- condamner en conséquence la société SPO à payer à la société Securitas la somme de 100 000 en réparation de ce deuxième chef de préjudice.
- condamner, dans tous les cas, la société SPO à payer la somme de 20 000 à la société Securitas en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamner la société SPO aux entiers dépens,
- ordonner la publication, par extraits, de l'arrêt à intervenir dans deux journaux ou magazines, au choix de Securitas, aux frais de la société SPO, dans la limite de 3 000 par insertion.
- débouter la société SPO et M. Obligis de leurs demandes reconventionnelles.
La société Securitas expose que la question du transfert à la société SPO du contrat de sous-traitance conclu entre CSG et elle, ne prête plus à débat, dans la mesure où ce point a été jugé et définitivement tranché par le Tribunal de commerce de Paris, puis par la cour d'appel de céans.
Elle fait valoir que l'article 14-1 du contrat comporte une obligation de loyauté et de non-concurrence souscrite par l'entreprise prestataire et sous-traitante, lui interdisant tout démarchage, ainsi que la fourniture de tous services de sécurité à ses clients. Elle considère que cette obligation ne constituait pas une entrave à la liberté d'exercice de l'activité commerciale de la société SPO.
Elle affirme que l'article 6-3 du contrat de sous-traitance ne prévoyait pas que la société SPO bénéficie d'une exclusivité sur son périmètre d'activité, et par conséquent que celle-ci était parfaitement libre de travailler pour le compte de plusieurs autres sociétés de sécurité donneuses d'ordre, très nombreuses en France.
Elle expose que, si, pour sa part, elle pouvait retirer un client existant dans le portefeuille confié à la société SPO dans différentes situations, les interventions qui lui étaient confiées, n'étaient ni ponctuelles, ni de courte durée et que celle-ci a, au contraire, très largement profité du volume d'affaires qu'elle lui a apporté à l'occasion de leurs relations contractuelles.
Elle affirme que l'obligation de non-concurrence constitue l'accessoire indispensable du contrat de sous-traitance, et qu'en l'espèce, contrairement à ce qu'à retenu le tribunal, elle était proportionnée à l'objet du contrat et ne privait aucunement SPO du droit et de la possibilité de développer son propre portefeuille de clients.
Elle soutient que l'article L. 442-6-I-2 du Code de commerce est inapplicable dans la mesure où, d'une part, la société SPO n'est ni le distributeur, ni le fournisseur de la société SPO et où, d'autre part, si ce texte était applicable au cas d'espèce, il ne donne lieu à sanction que dans l'hypothèse d'une disproportion manifeste entre les droits et obligations des parties ce qui n'est pas du tout le cas.
Elle soutient que la société SPO s'est rendue coupable de faits de concurrence parasitaire à son préjudice, notamment par la reproduction servile, sans aucune autorisation et sans la moindre contrepartie financière de ses conditions générales de vente.
Elle estime qu'il y a lieu d'appliquer la clause pénale contractuelle sans qu'elle ait à démontrer un quelconque préjudice, l'indemnisation étant due à l'arrivée des événements pour lesquels elle est prévue et que celle-ci doit se cumuler avec l'indemnisation au titre de la faute délictuelle commise au titre des actes de parasitisme dont s'est rendue coupable l'intimée.
Vu les dernières conclusions signifiées le 8 mars 2013 par lesquelles la société SPO et M. Obligis demandent à la cour de :
A titre principal :
- déclarer la société Securitas irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter ;
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Securitas de l'ensemble de ses demandes ;
- déclarer la société SPO recevable et bien fondée en son appel incident ;
- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a jugé que la société SPO et M. Obligis ne rapportaient pas la preuve du caractère abusif de la procédure engagée par Securitas et du préjudice subi du fait de la communication d'un protocole confidentiel ;
- condamner la société Securitas à payer à la société SPO la somme de 20 000 pour procédure abusive
- condamner la société Securitas à payer à M. Obligis la somme de 15 000 pour violation de la clause de confidentialité contenue dans l'accord transactionnel conclu avec Securitas,
A titre subsidiaire :
si, par extraordinaire, la cour infirmait le jugement de 1re instance et condamnait la société SPO à verser des sommes sur le fondement de la clause de non-concurrence figurant dans le contrat conclu entre CGS et Securitas, la cour devrait confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a dit que Securitas avait engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2 du Code de commerce, et condamner cette dernière à indemniser le préjudice subi de ce fait par la société SPO à hauteur du montant des condamnations mises à sa charge.
En tout état de cause :
- condamner la société Securitas à payer la somme de 6 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Securitas aux entiers dépens.
Sur l'appel principal, la société SPO expose que le prétendu transfert tacite du contrat de sous-traitance conclu entre Securitas et CGS peut toujours faire l'objet de débats en application des dispositions des articles 1119 et 1165 du Code civil, et de la jurisprudence. Elle affirme que le contrat conclu intuitu personnae n'a pu être transféré dans la mesure où elle n'a pas repris la personnalité morale de CGS, qui a été dissoute et liquidée, et qu'elle n'a jamais signé aucun document faisant référence au contrat invoqué.
Sur la clause de non-concurrence, elle fait valoir que celle-ci, conclue entre les sociétés CGS et Securitas, ne lui est pas opposable et que de plus elle est disproportionnée par rapport à l'objet du contrat, qu'elle n'est limitée ni dans le temps, ni dans l'espace, et totalement contraire à la liberté du commerce. Elle insiste notamment sur le fait que la société Securitas ne l'a fait intervenir que très ponctuellement, et sur une zone géographique ne correspondant pas à celle jointe en annexe 1 du contrat de sous-traitance de la société CGS.
Sur l'application de l'article L. 442-6 alinéa 2 du Code de commerce, elle soutient que ce texte s'applique à n'importe quel type d'obligation et de contrat, et ne régit pas seulement les relations commerciales entre fabricants et distributeurs.
Elle expose que le Tribunal de commerce de Paris a considéré que la société Securitas l'avait soumise à des obligations telles qu'elles créaient un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, et ajoute aux motivations retenues par le tribunal l'argument selon lequel de lourdes pénalités étaient prévues à son encontre en cas de non-respect de ses obligations contractuelles, alors qu'il n'y avait aucune pénalité dans le cas où la société Securitas ne respecterait pas les siennes.
Elle indique que les deux salariés prétendument débauchés n'étaient pas liés par des clauses de non-concurrence et que le nombre de salariés ayant rejoint SPO est extrêmement faible en considération de la position de leader de la société Securitas sur le parasitisme allégué ;
Sur le parasitisme allégué en ce qui concerne la rédaction des conditions générales de vente, elle oppose que le texte n'est pas protégé au titre de la propriété intellectuelle, et que s'il existe des similitudes entre les deux textes, elles sont inévitables du fait de la similitude des prestations.
Elle soutient que la société Securitas ne démontre nullement que les clients, qu'elle a perdus et pour lesquels elle demande à être dédommagée, étaient des clients confiés à la société SPO en sous-traitance, et que si par extraordinaire la cour infirmait la décision de première instance, elle ne pourrait qu'user de son pouvoir de réduire la clause pénale, considérant que la société SPO a été constituée en février 2008, qu'elle a repris un fonds de commerce en redressement judiciaire, et ne saurait supporter la charge de telles sommes sans conséquence pour sa pérennité.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur le transfert à la société SPO du contrat de sous-traitance conclu entre la société Securitas et la société CGS
Considérant que la société SPO soutient qu'elle n'a pas poursuivi le contrat de sous-traitance conclu entre la société Securitas et la société CGS ;
Considérant que la société Securitas fait valoir que ce point a été jugé par le tribunal de commerce dans une décision du 27 novembre 2009, puis par un arrêt de la cour de céans du 2 juin 2011, qui a retenu que la société SPO a poursuivi avec la société Securitas l'exécution des relations contractuelles qu'elle avait avec la société CGS dans les mêmes conditions que celles figurant au contrat du 1er août 2006 et que la société SPO "a ainsi manifesté de façon non équivoque sa volonté d'accepter sans réserve la cession dudit contrat" ;
Considérant que le jugement du 27 novembre 2009 a seulement statué sur la compétence; qu'en toutes hypothèses, ces décisions statuant sur un litige autre que celui de l'espèce ne sauraient lier la cour ;
Considérant que la société SPO expose qu'elle n'a pas repris la personnalité morale de la société CGS, qui a été dissoute et liquidée, et qu'elle n'a signé aucun document faisant référence au contrat invoqué, lequel n'a pas été visé par l'acte de cession ;
Considérant que l'acte de cession du fonds de commerce de la société GBH visait les contrats cédés au titre desquels ne figurait pas le contrat de sous-traitance avec la société Securitas ;
Qu'il résulte des pièces produites que la société Securitas a fait intervenir la société SPO sur une zone géographique ne correspondant pas à la zone géographique convenue avec la société CGS notamment à Chabris, Vendôme et Romorantin ;
Que la société SPO conteste avoir détenu une liste de clients donnés en sous-traitance à la société CGS et indique n'être intervenue que deux fois pour des clients sous-traités par la société Securitas à la société CGS et n'avoir à ce titre dégagé qu'une marge de 15 % soit 885 , alors même que l'article 6-3 du contrat de sous-traitance conclu avec la société CGS stipulait que "Nonobstant l'absence d'exclusivité Securitas fera en sorte de maintenir dans le portefeuille confié au prestataire les clients Securitas pour lesquels elle lui aura fait établir un dossier d'intervention" ;
Qu'elle fait valoir que la société Securitas n'a évoqué ce contrat de sous-traitance avec la société CGS qu'en février 2012 soit quatre ans après pour une prétendue mise à jour ;
Considérant que la société Securitas ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait remis à la société SPO la liste des clients qu'elle avait sous-traités à la société CGS, ni que la société SPO aurait poursuivi les contrats passés par la société CGS ;
Sur la clause de non-concurrence
Considérant que la société SPO ne conteste pas avoir entretenu des relations de sous-traitance avec la société Securitas, ni qu'elle était soumise dans le cadre de cette relation contractuelle à une clause de non-concurrence telle que figurant dans le contrat-type que la société Securitas concluait avec chacun de ses sous-traitants, ni qu'aux termes de celle-ci il était interdit pour le prestataire du réseau Securitas d'effectuer des démarches actives ou passives auprès de la clientèle Securitas, en général, dans le territoire convenu, et hors celui-ci ;
Considérant que la société Securitas fait valoir que cette clause, qui interdit à ses sous-traitants de démarcher ses propres clients, figure dans ses contrats de sous-traitance et qu'elle est justifiée dans un marché fortement concurrentiel ;
Considérant que la société Securitas soutient que la société SPO a violé son engagement contractuel de loyauté en détournant des clients ;
Considérant que la société SPO affirme que la clause de non-concurrence est manifestement disproportionnée par rapport à l'objet du contrat, dans la mesure où elle vise à interdire au contractant toutes démarches commerciales vers des clients Securitas, quels qu'ils soient et où qu'ils se trouvent, ce qui lui interdit d'exercer son activité ;
Que l'article 14-1 stipule "Le prestataire, intervenant dans le cadre du réseau Securitas s'engage à ne pas effectuer de démarche active et/ou passive auprès de la clientèle de Securitas afin de l'amener directement ou indirectement à rompre ses relations avec Securitas" ;
Considérant que cette clause ne présente pas un caractère général, en ce qu'elle interdit seulement au prestataire de proposer directement ou indirectement quelque prestation que ce soit en matière de sécurité aux clients de Securitas au cours de l'exécution du contrat de sous-traitance et qui amènerait ceux-ci à rompre leurs relations avec la société Securitas; qu'il demeure dès lors libre de sous-traiter avec d'autres entreprises ou de prospecter une clientèle autre que celle de la société Sécuritas, voire de prospecter celle de la clientèle Securitas, dès lors que les prestations offertes n'induiraient pas une rupture des relations entre ce client et la société Securitas ;
Que cette clause est également limitée dans le temps, dans la mesure où le contrat de sous-traitance précise que l'obligation de non-concurrence demeurera en vigueur pendant une période de deux ans à compter de la cessation d'activité du présent contrat et que le prestataire s'interdit pendant cette période de démarcher directement ou indirectement les clients de Securitas qu'il aura en portefeuille d'intervention en cours d'exécution du contrat ;
Considérant que la société Securitas fait état du détournement de quatre clients à savoir CDM Lavoisier, Espace Auto, Warsemann Automobile et Igea ; qu'elle expose qu'ont été saisis le journal des ventes de la société SPO, qui permet de retracer les factures, qui leur ont été adressées et les contrats, qui ont été signés en juillet, août et septembre 2008 ; qu'elle fournit des attestations de son directeur des services comptables faisant état de la facturation pour les quatre clients précités au cours de la période du 1er août 2007 au 31 juillet 2008 pour trois d'entre eux et de celle du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008 pour la société Lavoisier ; qu'elle ne produit que deux factures qu'elle a adressées à la société Espace Auto à Blois pour un montant de 1 850 au titre de prestations réalisées du 1er au 30 juin 2008, cette société lui ayant notifié qu'elle n'entendait pas renouveler le contrat à son échéance soit le 27 août 2008 ;
Considérant que, s'il n'est pas contesté que la société SPO est intervenue chez les clients suivants, CDM Lavoisier, Espace Auto, Warsemann Automobile et Igea qui étaient des clients de la société Securitas situés sur son secteur ; qu'en revanche, il n'est pas démontré que les prestations réalisées par la société SPO sont les mêmes que celles effectuées par la société Securitas, et que l'intervention de la société SPO ne pouvait qu'amener la rupture avec la société Securitas dès lors que la société Securitas ne produit qu'un état de facturation.
Considérant, en conséquence, que la preuve n'est pas rapportée d'une violation de la clause de non-concurrence par la société SPO.
Sur l'existence d'un déséquilibre allégué par la société SPO
Considérant que la société SPO fait valoir que les obligations à la charge du sous-traitant qui font l'objet des clauses des articles 4, 5, 7, 9, 12, 14 et 15 du contrat, qui prévoient des obligations lourdes assorties de pénalités, sont déséquilibrées, dans la mesure où la société Securitas n'est soumise qu'à deux obligations, prévues à l'article 8 de celui-ci, lui faisant obligation de communiquer au prestataire les informations portées à sa connaissance par son client et d'informer le prestataire de toute modification ayant un lien direct avec sa prestation, sans qu'il soit prévu de sanction en cas d'inexécution ;
Qu'elle expose que son préjudice résulterait des éventuelles condamnations liées à la clause de non-concurrence et des frais de la procédure ;
Considérant que la société Securitas conteste l'application des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce qui a vocation à encadrer les relations entre fournisseurs et distributeurs et l'existence même d'un déséquilibre dans sa relation avec son sous-traitant;
Considérant que l'article L. 442-6 dispose :
"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers:
2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties" ;
Considérant que ces dispositions concernent toute relation commerciale instaurée à l'occasion d'un partenariat ce qui est le cas d'une relation de sous-traitance ;
Considérant que la société Securitas assume les risques dans les opérations de sous-traitance, de sorte qu'il est légitime pour elle de s'assurer du sérieux et du professionnalisme de son sous-traitant ; que l'article 4 impose au sous-traitant de requérir une autorisation préfectorale, d'être immatriculé au registre du commerce, de respecter le droit du travail, d'assurer une permanence opérationnelle en continu, de porter des vêtements professionnels comportant l'identification de l'entreprise du prestataire ; que la société SPO ne démontre pas que ces obligations seraient de nature à créer un déséquilibre significatif, ni un lien de subordination du sous-traitant, celles-ci s'inscrivant dans la nécessité pour le sous-traitant de respecter des dispositions réglementaires et de s'identifier extérieurement lors de la réalisation de sa mission ;
Que l'article 5 a pour objet la liste des documents devant être remis à la signature du contrat ; qu'il n'induit aucun déséquilibre ;
Que l'article 7 expose les modalités de prise en compte par le prestataire d'un site client de la société Securitas, la prise en charge et la gestion des clés, la prise en compte des modifications affectant le site, le client ou les consignes de sécurité, les demandes d'intervention, les modalités d'intervention, la clôture de l'intervention et le compte rendu, les mesures de sauvegarde, les réclamations du client sur intervention ; que cet article décrit de façon précise et minutieuse les modalités d'exécution des prestations par le client; que s'il stipule une obligation de moyen renforcé et impose une obligation d'information de la société Securitas en cas d'intervention, ces dispositions qui ne font que préciser les conditions d'intervention du sous-traitant ne créent pas pour autant un lien de subordination de celui-ci vis-à-vis de la société Securitas ;
Que l'article 9 a trait aux conditions financières du contrat et comporte le principe d'une réparation sous forme d'un avoir en cas d'inexécution ou de mauvaise exécution de la prestation confiée au sous-traitant ; qu'une telle disposition qui ne saurait être réduite à la simple prise en compte d'une réclamation du client mais repose sur un manquement effectif du sous-traitant à ses obligations est habituelle dans un contrat de sous-traitance et ne traduit aucun déséquilibre ;
Que l'article 12 est relatif aux conditions de résiliation ; que s'il prévoit une résiliation anticipée par la société Securitas en cas de faute du prestataire, il n'exclut pas pour autant une résiliation anticipée par le prestataire ;
Que l'article 14, qui a pour objet "loyauté/non-concurrence" prévoit une pénalité minimum calculée sur la base de dix fois le chiffre d'affaires annuel de la société Securitas avec la clientèle relevant du secteur du prestataire, sans préjudice de dommages et intérêts et une résiliation de plein droit et immédiate du contrat ; que les obligations de loyauté et de non-concurrence sont essentielles dans les rapports entre une entreprise et ses sous-traitants ; qu'il est en conséquence légitime de prévoir des pénalités importantes en cas de non-respect de celles-ci ;
Que si l'article 15 distingue, d'une part, une obligation de moyen renforcée quant à l'intervention et à son délai de réalisation, d'autre part, une obligation de résultat quant à l'organisation interne de son entreprise, notamment quant à la mise en œuvre des procédures visées au présent contrat, cette distinction ne crée pas pour autant de déséquilibre, chacune des obligations ayant été ciblée dans son objectif ;
Qu'il résulte de ces éléments que la société SPO ne fait pas la démonstration d'un déséquilibre résultant des obligations mises à sa charge quand bien même elles seraient en nombre plus importantes que celles mise à la charge de la société Securitas, ce nombre et les pénalités étant justifiées par la nécessité pour la société Securitas de préciser les modalités d'exécution de la mission confiée en sous-traitance et de préserver sa clientèle.
Considérant en conséquence, que la société SPO ne démontre pas l'existence d'un déséquilibre significatif entre ses obligations et celles de la société Securitas ; qu'il y a lieu de la débouter de ses demandes.
Sur le débauchage de deux salariés
Considérant que la société Securitas fait état de deux salariés qui ont rejoint la société SPO;
Que la société SPO expose que l'un, employé de l'agence Securitas de Tours souhaitait se rapprocher de son domicile qui se trouvait près de Blois et que l'autre a démissionné de la société Securitas pour des raisons personnelles ;
Considérant que la société Securitas ne démontre pas de manœuvres commises par la société SPO alors que tout salarié, qui n'est lié par aucune clause de non-concurrence, est libre de changer d'employeur ; qu'en conséquence, la preuve d'un débauchage n'est pas rapportée.
Sur la demande de la société Securitas au titre d'une prétendue concurrence parasitaire
Considérant que la société Securitas soutient que l'examen comparatif des papiers commerciaux saisis chez la société SPO et des modèles de ses offres commerciales et de ses contrats permet de constater que la société SPO a recopié parfois mot-à-mot des passages entiers de ses contrats-types ;
Considérant que les deux sociétés ont les mêmes activités ; qu'il s'ensuit nécessairement l'emploi dans leurs conditions générales de ventes de termes et d'expressions identiques ;
Que la société SPO prétend avoir fait appel à un professionnel du droit qui a procédé à une analyse des conditions générales de vente de ses contrats ;
Que la société Securitas n'invoque aucune originalité, ni aucune spécificité de ses textes; que, de plus, les sigles et noms commerciaux sont différents ;
Considérant que les conditions générales ayant trait à des prestations identiques ou similaires, il s'ensuit nécessairement l'emploi de termes ou d'expressions semblables sans pour autant caractériser un simple recopiage des contrats-types utilisés par la société Securitas, quand bien même il n'est pas démontré qu'il existe des contrats-type de la profession et que la société Securitas a ses propres contrats-types ;
Considérant que sont visées pour la société Securitas les "conditions générales de vente de Securitas surveillance par agent itinérant (Sécurité mobile)" et pour la société SPO les "conditions générales de surveillance statique ou Ronde de SPO"; que la présentation de ces conditions est donc différente ; que respectivement pour chacune des deux sociétés, cet intitulé est suivi de quatre paragraphes relatifs à l'objet général de la prestation, à sa mise en place, à l'impératif sécurité et à la conservation des clés ; que ces paragraphes comportent le rappel des dispositions législatives et réglementaires et des mentions générales et banales en matière de prestations de surveillance, qu'il n'y a pas d'imitation servile de formules qui auraient été spécifiques à la société Securitas ;
Considérant que c'est à juste titre que la société Sécuritas a été déboutée de ses demandes au titre d'actes de parasitisme allégués à l'encontre de la société SPO.
Sur l'appel incident de la société SPO
Sur la demande de M. Obligis
Considérant que M. Obligis soutient que la société Securitas a violé l'obligation de confidentialité qui figurait dans l'accord transactionnel qu'il avait signé avec elle en le divulguant à l'occasion des pièces produites à la procédure ;
Considérant que la société Securitas fait valoir qu'elle a produit cet accord afin de rappeler le parcours de M. Obligis, lorsqu'il était son salarié et sa parfaite connaissance de ses contrats-type de sous-traitance ;
Considérant que la confidentialité attachée à ce protocole concerne les tiers ; que M. Obligis en sa qualité de seul associé et gérant de la société SPO ne saurait revendiquer cette qualité dans la mesure où la société SPO est dans la cause.
Considérant que c'est à juste titre qu'il a été débouté de sa demande par les premiers juges;
Sur la demande de publication
Considérant que la société SPO ne fait pas la démonstration de ses griefs ; qu'il y a lieu de la débouter de sa demande de publication.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris, Rejette toute autre demande plus ample ou contraire, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Securitas aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.