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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 4 décembre 2013, n° 11-06233

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Digit (SAS)

Défendeur :

Sewosy (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vallens

Conseillers :

Mmes Schneider, Roubertou

Avocats :

Mes Crovisier, Laktis, Boucon, Anstett

TGI Strasbourg, du 8 nov. 2011

8 novembre 2011

La SARL Digit a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation de dispositifs de verrouillage pour le bâtiment.

Elle a conçu un dispositif de verrouillage consistant en un profilé tubulaire destiné à se fixer sur une porte et comportant une serrure électromagnétique.

Ce dispositif a fait l'objet d'un dépôt de brevet français le 19 novembre 2002 puis d'un dépôt de brevet européen le 10 octobre 2003, désignant notamment la France.

Ce brevet concerne un dispositif de verrouillage de porte au moyen d'une ventouse électromagnétique, laquelle se compose d'un électroaimant et d'une contreplaque métallique.

L'état descriptif du brevet indique que le problème rencontré est celui de la fixation de la contrefaçon qui doit être montée flottante, et que l'état de la technique antérieur au brevet consistait à "fixer la contreplaque par l'entremise d'une liaison à silentbloc sur la partie médiane d'une pièce intermédiaire en forme d'étrier, fixée dans le profilé au droit de l'ouverture de passage de la contrefaçon par une vis frontale ou une vis vérin prenant appui contre la face interne du profilé opposée à ladite ouverture".

Ce procédé était décrit comme coûteux, délicat à réaliser et par ailleurs les vis vérin tendaient à déformer la face visible du profilé.

L'invention remédie à ces inconvénients puisque le profilé "présente une aile intermédiaire sur laquelle est fixée la contreplaque ou la ventouse".

Les revendications objet de la protection du brevet sont ainsi définies :

"1. Profilé tubulaire destiné à recevoir l'une des parties d'une ventouse électromagnétique, caractérisé en ce qu'il présente une aile interne s'étendant parallèlement à la face du profilé comportant l'ouverture usuelle dans laquelle est logée la partie correspondante de la ventouse.

2. Profilé selon la revendication 1, caractérisé en ce que la partie médiane de l'aile est plus épaisse que ses parties latérales pour permettre la fixation de la contreplaque au moyen d'une vis".

Par courrier du 28 juin 2005, la société Digit a fait grief à la société Sewosy de commercialiser un profilé tubulaire dénommé Cpreg reproduisant plusieurs caractéristiques couvertes par son brevet.

Plusieurs courriers ont été échangés entre M. Vander Heym, conseil en propriété industriel de la société Digit et le conseil de la société Sewosy.

La société Digit a requis et obtenu par ordonnance du 3 février 2009 l'autorisation de pratiquer une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Sewosy.

Cette saisie a été réalisée le 12 février 2009 par Me Westermann huissier de justice à Haguenau.

Le 19 mars 2009, la SARL Digit a fait assigner la SAS Sewosy devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg en contrefaçon et en concurrence déloyale.

Elle demandait que la SAS Sewosy soit déclarée coupable de contrefaçon des revendications n° 1 et 2 de son brevet européen, de concurrence déloyale, qu'il lui soit fait interdiction sous astreinte de 1 500 euro par infraction constatée de fabriquer, détenir vendre et commercialiser des profilés similaires à ceux faisant l'objet du procès-verbal de saisie-contrefaçon, et qu'elle soit condamnée à communiquer toute information pour déterminer l'origine des réseaux de distribution, les noms et adresses des fournisseurs et distributeurs et tous documents susceptibles de déterminer les quantités de produits commandés, livrés et vendus.

Elle demandait une somme de 200 000 euro à valoir sur ses préjudices, la publication de la condamnation sur la page d'accueil de son site Internet et au besoin dans 5 revues ou périodiques.

La SAS Sewosy soulevait la nullité de la saisie-contrefaçon en reprochant à l'huissier d'avoir repris mot pour mot la description faite par le conseil en propriété industriel puisqu'il s'était substitué M. Vander Heym conseiller en propriété industrielle pour procéder à la description des objets saisis.

Elle demandait la restitution des pièces saisies sous astreinte et le rejet des demandes, en considérant que le produit qu'elle commercialisait ne présentait pas "d'aile interne" et que par ailleurs, elle n'avait pas commis d'acte de concurrence déloyale.

Elle formait une demande reconventionnelle en annulation des revendications 1 et 2 du brevet européen pour défaut de nouveauté et d'activité inventive (en citant d'autres produits antérieurs) et en paiement d'une somme de 50 000 euro de dommages et intérêts pour les proposé dénigrants qu'elle avait propagés constituant une concurrence déloyale.

Par jugement du 8 novembre 2011, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a prononcé la nullité de la partie descriptive du procès-verbal de saisie-contrefaçon, a débouté la SARL Digit de ses demandes, a ordonné la restitution des pièces saisies, et a débouté la SAS Sewosy de ses demandes reconventionnelles.

Le tribunal a considéré :

- que si l'ordonnance désignant l'huissier de justice autorisait celui-ci à se faire assister par un homme de l'art pour le démontage ou la description, elle ne lui permettait pas de déléguer ses pouvoirs, or la description donnée par l'huissier de justice est mot pour mot celle de M. Vander Heym y compris lorsqu'il procède à une interprétation de ce qu'il constate,

- que s'agissant de la saisie réelle et des photographies prises, qu'il n'y avait aucune raison d'annuler, le tribunal a considéré que dans le profilé Sewosy il n'y avait pas "d'aile interne s'étendant parallèlement à la face du profilé comportent l'ouverture usuelle dans laquelle est logée la partie correspondante de la ventouse", mais seulement deux rebords issus du filage se faisant vis-à-vis, et qu'ainsi le bandeau commercialisé par la SAS Sewosy ne constituait pas une contrefaçon de la revendication n° 1 du brevet et donc pas non plus de la revendication n° 2 qui en était dépendante,

- que s'agissant de la contrefaçon par équivalence, le tribunal a relevé que la SARL Digit pour échapper à diverses antériorités avait limité la portée de son brevet à "un profilé présentant une aile intégrée lors du filage" ; par conséquent elle ne pouvait élargir le domaine de protection de ses droits à d'autres effets techniques ; que le procédé de la SAS Sewosy consiste à fixer une structure intermédiaire constituée de 2 plaques métalliques enserrant les rebords internes opposés contre lesquels ils sont maintenus à l'aide de vis, et que les moyens mis en œuvre ne sont pas équivalents à ceux que la SARL Digit a brevetés,

- que sur l'imitation alléguée de ses bandeaux "de mêmes dimensions, comportant un cache-vis et moins chers que les siens" le tribunal a estimé que la SARL Digit n'avait pas le monopole des dimensions des bandeaux chacune proposant des dimensions usuelles mais différentes toutes dictées par les dimensions des ouvertures de portes,

- que les catalogues étaient différents dans leur présentation des produits, et que de nombreux autres produits concurrents comportaient également des fixations et vis non apparentes ou des stries, pour des raisons soit esthétiques soit techniques,

- que le fait de vendre moins cher ne constituait pas en soi un acte de concurrence déloyale,

- que dans ces conditions il n'y avait pas lieu d'examiner les demandes subsidiaires tendant à l'annulation par voie d'exception des revendications 1 et 2 du brevet,

- que les propos dénigrants allégués par la SAS Sewosy n'étaient pas suffisamment démontrés par les attestations de sa directrice commerciale et de l'un de ses commerciaux.

La SARL Digit a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Vu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile,

Vu les conclusions de l'appelante la SAS Digit, reçues au greffe le 12 juillet 2012 tendant à l'infirmation du jugement déféré, et statuant à nouveau, à voir :

Déclarer la société Sewosy mal fondée en toutes ses demandes reconventionnelles, moyens et prétentions. L'en débouter.

Dire et juger la société Digit recevable et bien fondée en son appel.

Y faisant droit,

Déclarer la société Sewosy coupable de contrefaçon des revendications 1 et 2 du brevet européen n° 1.563.151 par application de l'article L. 613-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

déclarer la société Sewosy coupable de concurrence déloyale par application des articles 10 bis de la Convention d'Union de Paris, 1382 et 1383 du Code civil ;

Faire interdiction à la société Sewosy d'importer, fabriquer, faire fabriquer, offrir en vente, détenir en vente, vendre, et plus généralement, commercialiser des profilés reproduisant les caractéristiques couvertes par les revendications 1 et 2 du brevet n° 1.563.151, et plus particulièrement des profilés conformes à ceux faisant l'objet du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 12 février 2009 et ce sous astreinte de 1 500 euro par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;

Condamner la société Sewosy à réparer l'entier préjudice subi par le breveté du fait de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ;

Ordonner, par application de l'article L. 615-5-2, à la société Sewosy de communiquer tous documents ou informations détenus par elle afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des bandeaux Cpreg 1 argués de contrefaçon, et notamment les noms et adresses des fournisseurs et distributeurs des bandeaux argués de contrefaçon et tous documents susceptibles d'établir les quantités de produits commandés, livrés et vendus, et leur prix.

Condamner la société Sewosy à payer une indemnité provisionnelle de 200 000 euro à valoir sur le préjudice résultant de la contrefaçon de brevet et de la concurrence déloyale ;

Ordonner la publication du dispositif du présent arrêt sur la page d'accueil du site Internet www.sewosy.com en lettres d'imprimerie standard, de taille 12, dans les 8 jours de sa signification et pendant un délai de 15 jours, sous astreinte provisoire de 500 euro par jour de retard et par jour manquent ;

Ordonner en outre, au besoin, à titre de complément de dommages et intérêts, la publication de la décision à intervenir dans 5 revues ou périodiques au choix de la société Digit et aux frais de la société Sewosy dans la limite de 6 000 HT par insertion ;

Déclarer la société Sewosy mal fondée en son appel incident et l'en débouter,

Condamner la société Sewosy à payer à la société Digit la somme de 15 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile;

La condamner aux entiers frais et dépens qui comprendront les frais de saisie-contrefaçon et de constat, et d'appel principal et incident.

Vu les conclusions de l'intimée la SAS Sewosy, reçues au greffe le 29 octobre 2013 tendant à voir :

Sur l'appel principal :

Déclarer la société Digit mal fondée en son appel,

L'en Débouter ainsi que de l'ensemble de ses fins, moyens et conclusions,

A tout le moins,

Confirmer qu'aucun acte de contrefaçon n'a été commis par la société Sewosy,

Dire et Juger qu'aucun acte de concurrence déloyale fondé sur des faits différents de ceux allégués au titre de la contrefaçon de brevet n'a été commis par la société Sewosy,

En conséquence,

Confirmer le jugement entrepris sous réserve de l'appel incident,

Condamner la société Digit aux entiers frais et dépens et d'appel, y compris à payer à la société Sewosy une somme de 35 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la première instance et de l'appel.

Sur l'appel incident :

Déclarer la société Sewosy recevable en son appel incident,

L'y Dire bien fondée,

En conséquence,

Infirmer le jugement entrepris en tant qu'il a :

- limité la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon dressée le 12 février 2009 par Me Rodolphe Westermann, Huissier de Justice associé à Haguenau, à la partie descriptive du procès-verbal de saisie-contrefaçon,

- débouté la SAS Sewosy de sa demande reconventionnelle,

- fait masse des dépens, à l'exception de ceux relatifs à la procédure préalable de saisie-contrefaçon et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Et statuant à nouveau de ces chefs,

Ecarter des débats l'annexe 23 produite par la société Digit.

Dire et Juger que la procédure de saisie-contrefaçon, ainsi que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 12 février 2009, sont nuls en leur totalité.

Dire et Juger que les actions en contrefaçon, en concurrence déloyale au titre de l'article 10 bis de la Convention d'Union de Paris ainsi que des demandes d'interdiction, de provision, de publication, fondées sur le brevet européen Digit n° 1.563.151 sont dépourvues de fondement.

A titre subsidiaire,

Prononcer la nullité des revendications 1 et 2 du brevet européen Digit n° 1.563.151 en ce qui concerne la France, pour défaut de nouveauté ou pour défaut d'activité inventive.

En conséquence,

Annuler dans leur totalité la procédure de saisie-contrefaçon diligentée le 12 février 2009 au siège de la société Sewosy, et le procès-verbal de saisie-contrefaçon.

Confirmer la restitution de toutes les pièces remises et saisies lors des opérations, y compris les photographies, sous astreinte de 200 euro par jour, par document et par pièce, à compter de la signification de la décision à intervenir, y compris les pièces déposées au greffe.

Dire et Juger que la société Digit s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale par dénigrement à l'égard de la société Sewosy,

La Condamner à payer à la société Sewosy une somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil,

Dire et Juger que montant portera intérêt au taux légal du jour de la demande jusqu'au jour du paiement,

Ordonner la capitalisation des intérêts et Dire qu'ils porteront intérêts aux même taux dès qu'ils seront dus pour une année entière

Condamner la société Digit aux entiers dépens de première instance et de l'appel incident.

Sous toutes réserves.

Vu les pièces de la procédure,

I Sur la validite de la saisie-contrefaçon

A. Moyens des parties

Attendu que la société Digit critique le jugement déféré en ce qu'il a annulé la partie descriptive du procès-verbal de saisie, alors que rien n'interdit à l'huissier de reproduire les constatations effectuées par un conseil en propriété industrielle dès lors qu'il prend soin de distinguer ses constatations de celles du conseil en propriété industrielle ;

Qu'elle considère que tout au plus l'on peut envisager de retirer du procès-verbal les déclarations litigieuses mais en maintenant ses autres constatations et descriptions ainsi que les photographies et documents qui ont été expressément autorisés par l'ordonnance, de sorte que la saisie réelle resterait valable, en toute hypothèse ;

Attendu que la société Sewosy réplique que M. Vander Heym s'est substitué à l'huissier pour procéder à l'ouverture des emballages, au démontage des profilés, et à la description des caractéristiques du profilé ;

Que si le procès-verbal indique à plusieurs reprises "je constate", il n'a fait que reproduire les déclarations de l'homme de l'art ;

Qu'elle estime que les opérations de saisie-contrefaçon doivent être annulées en totalité, la nullité de la partie descriptive de la partie descriptive viciant nécessairement les opérations subséquentes ;

B. MOTIFS

Attendu que l'ordonnance rendue le 3 février 2009 par le délégataire du Président a autorisé la société Digit à faire procéder par tout huissier de justice à la description détaillée du dispositif ainsi qu'à la saisie réelle de 2 échantillons de chaque dispositif, en autorisant l'huissier "à se faire assister notamment pour l'aider dans sa description d'un homme de l'art et notamment de M. Vander Heym dont il enregistrera les explications en prenant soin de les distinguer de ses propres constatations" ;

Attendu qu'il résulte du procès-verbal de Me Westermann du 12 février 2009 que l'huissier de justice a reproduit la description du dispositif donnée par M. Vander Heym débutant par "Nous sommes en présence d'un profilé tubulaire (...)"puis a reproduit mot pour mot les termes de cette description, en indiquant "je constate que nous sommes en présence d'un profilé tubulaire (...)" ;

Que si l'huissier de justice était autorisé à déléguer les opérations de déballage des échantillons et de démontage du dispositif, en revanche il ne pouvait ainsi déléguer ses pouvoirs de constatations à M. Vander Heym conseiller en propriété industrielle de la société Digit ;

Que l'absence de tout esprit critique et de constatation personnelle de l'huissier est particulièrement évidente lorsqu'il indique (reproduisant en cela la description de l'homme de l'art) : "ces deux rebords forment une aile médiane" (...) "qui s'étend parallèlement à la face plane du profilé" ;

Que cette indication ne résulte pas manifestement de la photographie n° 1 qui montre que seuls sont visibles les deux rebords de part et d'autre du dispositif ;

Que l'huissier a ainsi procédé, non pas à une description du dispositif mais à une interprétation, en tenant pour acquis que ces rebords "forment une aile" et en se reportant ainsi à la revendication n° 1 protégée ;

Attendu que dans ces conditions le tribunal a, à juste titre prononcé l'annulation de la partie descriptive du procès-verbal, sans toutefois annuler la saisie réelle ou les photographies, l'huissier ayant en cela officié dans le cadre strict de la mission qui lui était confiée ;

II Sur la contrefaçon alléguée

A - Moyens des parties

Attendu que la société Digit reproche au jugement déféré d'avoir considéré que le dispositif commercialisé par la société Sewosy ne comportait pas d'aile interne, alors que le profilé Sewosy comporte deux rebords constituant des amorces d'aile se faisant vis-à-vis, séparés par une ouverture dans laquelle sont fixées deux plaques enserrant les deux rebords, et que l'une des plaques en forme de T comporte une partie centrale plus épaisse s'insérant dans l'ouverture ;

Qu'elle soutient que ces deux plaques sont ainsi solidarisées avec le profilé et constituent l'aile interne, objet de la revendication 1, et que la partie médiane de l'élément formant l'aile interne étant plus épaisse reproduit les moyens de la revendication 2 ;

Attendu que la société Digit estime que pour le moins la société Sewosy a contrefait par équivalence les revendications 1 et 2 de son brevet ;

Qu'elle considère que l'allégation de la société Sewosy procède d'une confusion entre le moyen de l'invention consistant dans l'aile interne du profilé et sa fonction qui est de reporter sur l'une ou sur les deux parois latérales des contraintes exercées lorsque la contreplaque est en contact avec l'électroaimant de telle sorte que ces contraintes ne s'appliquent pas sur la paroi apparente du profilé ;

Qu'elle affirme que la société Sewosy a réalisé l'aile interne sous une autre forme en reconstituant le moyen de l'invention, les amorces d'aile interne servant de support à la fixation de la contre plaque, ce qui constitue une contrefaçon par équivalence ;

Attendu que la société Sewosy réplique que la portée du brevet de la société Digit ne se rapporte qu'à un profilé présentant une aile intégrée lors du filage, alors que son profilé ne comprend pas d'aile interne, mais comporte deux rebords interne qui coopèrent avec une structure intermédiaire rapportée composée de deux morts de serrage ;

Qu'elle considère que la contrefaçon par équivalence ne peut être réalisée qu'à la condition que le brevet couvre valablement la fonction, et que les objets prétendument équivalents exercent la même fonction en vue d'un résultat de même nature ou de même degré ;

Qu'elle relève que l'objectif premier de l'aile "Digit" est de former une surface support pour éviter la fixation de toute pièce intermédiaire et que la fonction de report sur les parois latérales n'apparaît que comme un résultat secondaire qui n'existe d'ailleurs pas dans toutes les variantes du profilé Digit ;

Qu'elle soutient que la fonction du profilé Digit ne peut être que celle de la surface support directement prête à l'emploi, et qu'ainsi le profilé Sewosy qui ne comporte pas d'aile intégrée mais un surface support reconstituée et rapportée après la réalisation du profilé ne reproduit pas la fonction de surface de support ;

Qu'elle ajoute que le profilé Sewosy ne reproduit pas davantage la fonction de report des contraintes sur les parois latérales ;

B. Motifs

Attendu qu'il résulte des dispositifs de l'article L. 613-2 du Code la propriété industrielle que l'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par la revendication qui peut être interprétée par la description et les dessins ;

Attendu que la revendication 1. porte sur "un profilé tubulaire (...) caractérisé en ce qu'il présente une aile interne (...)" et la revendication 2 sur un "profilé selon la revendication 1 caractérisé en ce que la partie méchaine de l'aile est plus épaisse que ses parties latérales (...)" ;

Que la description et les dessins figurant au brevet montrent que cette aile interne est intégrée dans le filage ;

Que le profilé Sewosy ne comporte pas d'aile interne intégrée, mais comporte deux rebords internes en vis-à-vis, et de manière amovible, une structure intermédiaire avec deux mors de serrage ;

Qu'il doit en être conclu que le profilé Sewosy ne constitue pas une contrefaçon de toute pièce de la revendication n° 1 ;

Qu'il ne réalise pas d'avantage une contrefaçon de la revendication 2 qui ne fait qu'ajouter une caractéristique à la première revendication dont elle dépend ;

Attendu qu'au regard de la théorie des équivalents dégagée par la jurisprudence, sont équivalents deux moyens qui bien qu'étant de forme différente exercent la même fonction en vue de résultats semblables ou similaires ;

Attendu qu'en l'espèce de la société Digit a revendiqué un moyen particulier de remplir une fonction qui était connue au regard des antériorités ;

Que parmi les antériorités citées dans le cadre de la procédure, l'antériorité Estable concerne un profilé tubulaire destiné à recevoir un électroaimant, présentant un support en équerre s'étendant parallèlement à la face du profilé comportant l'ouverture dans laquelle est logé l'électroaimant ;

Que certes la forme en équerre de ce support différé notablement de l'aile interne du procédé Digit ;

Que pour autant la société Digit, pour se démarquer des antériorités, a pris l'option de protéger le moyen dans sa forme nouvelle caractérisée "en ce qu'il présente une aile interne s'étendant parallèlement à la face profilé comportant l'ouverture" ;

Que ce moyen répondait au problème technique de fixation de la contreplaque "flottante", qui en l'état antérieur de la technique représentait un procédé coûteux et délicat à réaliser notamment du fait de l'interposition de différents éléments ;

Que le profilé de l'invention destinée à remédier à cet inconvénient portait précisément sur cette "aile interne" intégrée lors du filage, dont l'effet technique premier était de former une surface support directement prête à l'emploi dans le profilé ;

Que le dispositif mis en œuvre par la société Sewosy consiste à fixer une structure intermédiaire sur les rebords latéraux internes contre lesquels ils sont maintenus par deux vis ;

Qu'ainsi la société Sewosy a adopté une forme nouvelle du même moyen remplissant la même fonction, mais que dans la mesure où la société Digit n'a revendiqué qu'un seul moyen pour remplir la fonction, elle ne peut étendre la protection du brevet à une autre forme que celle revendiquée ;

Que le jugement déféré doit être confirmé en que qu'il a dit et jugé que le procédé de la société Sewosy ne constituait pas une contrefaçon de l'invention de la société Digit ;

III Sur la concurrence déloyale reprochée à la SAS Sewosy

A. Moyens des parties

Attendu que la société Digit reproche à la société Sewosy d'avoir indiqué en avril 2008 sur son catalogue en ligne que son bandeau était protégé par un brevet alors qu'elle n'était titulaire que d'une demande de dépôt français, le brevet n'ayant été délivré que le 26 décembre 2008 ;

Qu'elle a également fait état dans son catalogue d'un brevet PCT alors qu'elle n'est titulaire que d'un brevet français et n'a fait disparaître cette mention qu'un an plus tard ;

Qu'elle considère que de tels actes constituent une publicité trompeuse relevant des dispositions de l'article 1382 du Code civil, et qui ont nécessairement causé un préjudice ;

Qu'elle fait grief de la société Sewosy de commercialiser des bandeaux dans les mêmes dimensions que les siens, d'adopter dans son catalogue la même présentation que celle de ses produits, de copier son cache-vis, le tout pour se placer dans son sillage, et de surcroît de vendre ses produits à un prix inférieur ;

Attendu que société Sewosy réplique que les dimensions des bandeaux sont standards et dictées par la dimension des ouvertures de portes, que la présentation de son catalogue est totalement différente, que la présence de striés sur les bandeaux permet une meilleure préhension et que tous les systèmes concurrents se caractérisent par une absence de vis et de fixation apparente ;

Qu'elle fait valoir qu'un niveau de prix bas ne constitue pas un acte fautif et que de manière générale il n'est pas justifié d'agissements parasitaires ou déloyaux et encore moins d'un préjudice commercial ;

Qu'elle soutient n'avoir commis aucun acte de publicité trompeuse, dont le préjudice ne pourrait le cas échéant, être invoqué que par les consommateurs ;

Qu'elle explique que son site au mois d'avril 2008 indiquait que ses bandeaux étaient conformes au brevet PCT-FR 2006-05262, que cette mention se référait à sa demande de brevet français mise à disposition du public le 13 octobre 2006 et à sa demande de brevet internationale, et n'était pas fausse ;

Qu'elle estime que la société Digit n'a subi aucun préjudice comme l'a retenu le tribunal, et qu'au surplus cette mention a été supprimée dès le 18 mars 2009 ;

B. Motifs

Attendu que la société Digit ne démontre pas en quoi la présentation du catalogue Sewosy créerait un quelconque risque de confusion avec les produits Digit ;

Que les dimensions des bandeaux, n'apparaissent pas identiques dans les catalogues Digit (dimensions 300, 400 et 300 mm) et Sewosy (dimensions 2 500, 600 et 400 mm) et sont dépendants des dimensions d'ouverture des portes ;

Que la présence de stries ou de vis non apparentes est usuelle pour des motifs esthétiques ou techniques et ne caractérise ni les bandeaux Digit ni les bandeaux Sewosy ;

Que la pratique par la société Sewosy d'un tarif inférieur à celui de la société Digit ne constitue en rien un acte de concurrence déloyale ;

Que pris isolément ou envisagés de manière globale, les différents actes reprochés ne sont pas constitutifs d'agissements parasitaires ni d'actes de concurrence déloyale ;

Attendu qu'il résulte du procès-verbal de constat du 10 avril 2008 que le catalogue Sewosy fait mention au regard des bandeaux Cpreg "dispositif de pose breveté" et "brevet n° PCT-FR 2006-050262" ;

Que cette mention était trompeuse, puisqu'à cette date, la société Sewosy n'était pas titulaire d'un brevet français qui n'a été obtenu que le 26 décembre 2008, et que la demande de brevet européen a été retirée ;

Que cette mention, laissant croire que, la société Sewosy était titulaire d'un brevet français voire européen pour le bandeau Cpreg, était erronée et de nature à induire le consommateur en erreur, et donc de créer en faveur de la société Sewosy un avantage injustifié, ce qui est constitutif d'une faute ;

Que cette publicité trompeuse, à laquelle, la société Sewosy a mis fin dès après l'assignation, a nécessairement causé un préjudice à la société Digit qui en considération de la durée des agissements fautifs doit être chiffrée à 5 000 euro ;

Que le jugement déféré doit être infirmé sur ce point ;

IV Sur les actes de dénigrement reprochés par la SAS Sewosy

Attendu que la société Sewosy fait grief à la société Digit d'avoir propagé dans sa clientèle des propos dénigrants à son égard pour la dissuader d'acquérir des bandeaux Cpreg, et en veut pour preuve les attestations de deux salariés de la société ;

Attendu cependant que les attestations des salariés de la société Sewosy M. Schottel et Mme Marbach ne font que rapporter les dires de clients faisant état des déclarations de représentants de la société Digit, ce qui ne constitue qu'un témoignage indirect, et qu'au surplus les faits rapportés ne constituent pas réellement des actes de dénigrement mais des faits inexacts, en ce qu'ils faisaient état en décembre 2008 d'une procédure en contrefaçon qui n'a été initiée par la société Digit que le 19 mars 2009 ;

Que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point ;

V Sur la demande de nullité des revendications du brevet Digit

Attendu que cette demande de la société Sewosy n'a été formulée qu'à titre subsidiaire, en défense à la demande principale de la société Digit visant à sanctionner des actes de contrefaçon ;

Que la cour n'ayant pas retenu la contrefaçon, il n'y a pas lieu de statuer sur ce chef de demande ;

VI Sur la demande visant à écarter la pièce 23 produite par la SAS Digit

Attendu que la société Sewosy demande que soit écartée des débats la pièce 23 de la société Digit incluant quatre planches de copies de dessins réalisées par elle, pour comparer les bandeaux Digit et Sewosy ;

Que rien ne justifie que les pièces soient écartées des débats, les parties s'étant expliquées sur l'origine et la portée de ces dessins réalisés par la société Digit ;

Que ce chef de demande doit être rejeté ;

VII Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Attendu qu'il y a lieu de dire et juger que chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel;

Attendu qu'il n'y a lieu en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Déclare les appels recevables, Au fond Dit l'appel principal partiellement fondé, Rejette l'appel incident, Infirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Digit fondée sur la concurrence déloyale, Et statuant à nouveau, Condamne la société Sewosy à payer à la société Digit la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts, Confirme le jugement déféré pour le surplus, Déboute la société Sewosy de sa demande visant à écarter la pièce n° 23 de la société Digit, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel.