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Décisions

Cass. com., 10 décembre 2013, n° 12-23.890

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Joly, ADL (EURL)

Défendeur :

Coff (SARL), Auvence (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Delbano

Avocat général :

M. Le Mesle

Avocats :

SCP Bénabent, Jéhannin, SCP Waquet, Farge, Hazan

T. com. Paris, 19e ch., du 4 juin 2009

4 juin 2009

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Joly a conclu avec la société Obi, devenue Auvence, un contrat de franchise pour une activité de conseil en gestion de patrimoine sous l'enseigne Coff ; que la société ADL, créée par M. Joly, s'est ensuite substituée à celui-ci ; que le 18 octobre 2007, un accord sur la résiliation du contrat de franchise a été conclu entre les parties et que le même jour, M. Joly a conclu avec la société Coff, filiale de la société Auvence, chargée de l'exploitation et du développement du réseau, un contrat de licence d'enseigne et de partenariat commercial ; que le 1er août 2008, M. Joly et la société ADL ont fait assigner les sociétés Auvence et Coff en annulation du contrat de franchise sur les fondements du dol et de l'absence de cause et subsidiairement en résiliation de ce contrat aux torts exclusifs des sociétés Coff et Auvence, en nullité du contrat de licence de marque et pour obtenir la restitution des sommes versées par le franchisé et le paiement de dommages-intérêts ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que M. Joly et la société ADL font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes en nullité du contrat de franchise pour défaut de cause et en dommages-intérêts alors, selon le moyen : 1°) que la transmission d'un savoir-faire par le franchiseur est une condition essentielle du contrat de franchise ; que ce savoir-faire doit apporter au franchisé un avantage concurrentiel ; qu'en énonçant, pour juger que le contrat de franchise n'était pas dépourvu de cause, que le franchiseur ayant transmis un "véritable savoir-faire" aux franchisés sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si les documents communiqués à ces derniers leur avaient procuré dans la pratique un réel avantage concurrentiel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil ; 2°) qu'en se bornant à affirmer purement et simplement, pour juger que la société Auvence avait transmis aux exposants un "véritable savoir-faire" et en conséquence rejeter leur demande en nullité du contrat de franchise pour défaut de cause, que les informations transmises par le franchiseur contenaient "une méthode commerciale originale", sans motiver, ne serait-ce que sommairement, en quoi pouvait consister cette originalité, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que l'extinction d'un contrat à la suite de sa résiliation amiable n'a pas pour effet de paralyser la demande en nullité de celui-ci ; qu'en retenant qu'il serait vain de demander l'annulation du contrat de franchise dès lors qu'ayant été résilié d'un commun accord, il n'existe plus, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1304 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que le franchiseur a remis aux franchisés un "manuel opératoire", qui détaille les étapes de création de la société, l'obligation de détention des cartes professionnelles, les démarches bancaires, les recommandations concernant les assurances, des conseils concernant l'aménagement du local et l'ouverture de l'agence, un second fascicule traitant de la formation du franchisé sur la "mécanique" fiscale, les placements financiers, les produits financiers, les produits immobiliers, la méthodologie de vente, les procédures de prévente avec prise d'option, réservation, l'outil logiciel "Top Invest", les procédures de post-vente, le "back office" Robien et le "back office" LMP ; qu'il relève encore la remise d'une méthode commerciale originale particulièrement détaillée de plus de pages et celle d'un logiciel contenant les procédures à suivre, résultant directement de l'expérience acquise par le réseau Coff ; qu'il déduit que par la communication aux franchisés des informations détaillées portant sur l'ensemble des produits en placement financier et immobilier, ces derniers avaient acquis un enseignement et une connaissance exhaustive et approfondie du métier de ventes de biens mobiliers ou immobiliers visant à la défiscalisation ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel qui a ainsi fait ressortir l'existence d'un avantage concurrentiel et l'originalité du savoir-faire transmis, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que, la cour d'appel n'ayant pas adopté les motifs des premiers juges, le moyen en ce qu'il se borne, en sa troisième branche, à critiquer un motif du jugement est inopérant ; d'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu que le premier moyen, pris en ses première, deuxième, cinquième et neuvième branches ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ; - Attendu que pour rejeter la demande en nullité du contrat de franchise sur le fondement du dol et de l'absence de cause et en paiement de diverses sommes, l'arrêt retient que M. Joly et la société ADL ont conclu le contrat de franchise en parfaite connaissance de cause, qu'il est indiqué dans l'annexe 1 du DIP que "l'information sur l'exercice 2005 sera fournie dès réception des bilans sociétés de l'exercice 2005" ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les bilans du franchiseur au titre des exercices 2003 et 2004 avaient bien été annexés au document d'information précontractuelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que l'annexe 4 du document d'information précontractuelle remis par la société Auvence à M. Joly et à la société ADL contenait l'état du marché local exigé par les dispositions de l'article R. 330-1 du Code de commerce ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que cette annexe, intitulée "trame d'état du marché local", n'était qu'un support vierge devant permettre aux franchisés de dresser eux-mêmes un état du marché local et ne contenait aucune information fournie par la société Auvence, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé le texte susvisé ;

Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche : - Vu les articles 1110 et 1116 du Code civil ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt qui constate que les comptes d'exploitation prévisionnels communiqués à M. Joly par la société Auvence étaient irréalistes, retient que ce dernier, ingénieur de formation, était parfaitement apte à en apprécier le caractère réaliste ou non ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi l'expérience professionnelle acquise par M. Joly, qui alléguait avoir occupé un poste d'ingénieur dans le domaine de l'industrie automobile, aurait pu lui permettre de se livrer à une telle appréciation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen : - Vu l'article 1184 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande formée par M. Joly et la société ADL en résiliation du contrat de licence d'enseigne aux torts exclusifs de la société Coff fondée sur la violation de l'obligation d'exclusivité par la commercialisation dans la zone d'exclusivité des mêmes produits que ceux proposés par le réseau Coff par le biais d'une filiale, l'arrêt retient que l'auteur de ces prétendus faits n'était plus, lors de leur réalisation, salarié de cette dernière ;

Attendu qu'en se déterminant par un tel motif, impropre à caractériser l'absence de violation de l'obligation d'exclusivité pesant sur la société Coff, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt n° RG 09-16724 rendu le 9 mai 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.