CJUE, 1re ch., 19 décembre 2013, n° C-209/12
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Walter Endress
Défendeur :
Allianz Lebensversicherungs AG,
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tizzano
Juges :
MM. Barthet, Berger (rapporteur)
Avocat général :
Mme Sharpston
Avocats :
Mes Kummer, Grote, Schaaf, Henze, Kemper, Braun, Wojcik
Arrêt
1) La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 15, paragraphe 1, premier alinéa, de la deuxième directive 90/619/CEE du Conseil, du 8 novembre 1990, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe sur la vie, fixant les dispositions destinées à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services et modifiant la directive 79/267/CEE (JO L. 330, p.50), telle que modifiée par la directive 92/96/CEE du Conseil, du 10 novembre 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe sur la vie, et modifiant les directives 79/267/CEE et 90/619/CEE (troisième directive assurance vie) (JO L. 360, p.1, ci-après la "deuxième directive assurance vie"), lu en combinaison avec l'article 31, paragraphe 1, de la troisième directive assurance vie.
2) Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant M.Endress à Allianz Lebensversicherungs AG (ci-après "Allianz"), au sujet de la renonciation, par M.Endress, à un contrat d'assurance vie conclu avec cette société.
Le cadre juridique
Le droit de l'Union
3) Les deuxième et troisième directives assurance vie ont été abrogées et remplacées par la directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 novembre 2002, concernant l'assurance directe sur la vie (JO L. 345, p.1), laquelle a ensuite été elle-même abrogée et remplacée, avec effet au 1er novembre 2012, par la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) (JO L. 335, p.1). Toutefois, compte tenu de la date à laquelle le contrat d'assurance vie faisant l'objet du litige au principal a été conclu, les dispositions des deuxième et troisième directives assurance vie demeurent pertinentes pour la solution de ce litige.
La deuxième directive assurance vie
4) Aux termes du onzième considérant de la deuxième directive assurance vie, "pour les contrats d'assurance vie, il est indiqué de donner au preneur la possibilité de renoncer au contrat dans un délai compris entre quatorze et trente jours".
5) L'article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive assurance vie prévoyait:
"Chaque État membre prescrit que le preneur d'un contrat d'assurance vie individuelle dispose d'un délai compris entre quatorze et trente jours à compter du moment à partir duquel le preneur est informé que le contrat est conclu pour renoncer aux effets de ce contrat.
[...]
Les autres effets juridiques et les conditions de la renonciation sont réglés conformément à la loi applicable au contrat, [...] notamment en ce qui concerne les modalités selon lesquelles le preneur est informé que le contrat est conclu.
[...]"
La troisième directive assurance vie
6) Le considérant 23 de la troisième directive assurance vie était libellé comme suit:
"Dans le cadre d'un marché unique de l'assurance, le consommateur aura un choix plus grand et plus diversifié de contrats; [...] afin de profiter pleinement de cette diversité et d'une concurrence accrue, il doit disposer des informations nécessaires pour choisir le contrat qui convient le mieux à ses besoins; [...] cette nécessité d'informations est d'autant plus importante que la durée des engagements peut être très longue; [...] il convient, en conséquence, de coordonner les dispositions minimales pour que le consommateur reçoive une information claire et précise sur les caractéristiques essentielles des produits qui lui sont proposés et sur les coordonnées des organismes habilités à connaître des réclamations des preneurs, assurés ou bénéficiaires du contrat [...]"
7) L'article 31, paragraphes 1 et 4, de cette directive disposait:
"1. Avant la conclusion du contrat d'assurance, au moins les informations énumérées à l'annexe II point A doivent être communiquées au preneur.
[...]
4. Les modalités d'application du présent article et de l'annexe II sont arrêtées par l'État membre concerné."
8) L'annexe II de ladite directive, intitulée "Information des preneurs", prévoyait:
"Les informations suivantes qui doivent être communiquées au preneur soit (A) avant la conclusion du contrat, soit (B) pendant la durée du contrat doivent être formulées de manière claire et précise, par écrit, et être fournies dans une langue officielle de l'État membre concerné.
[...]
A. Avant la conclusion du contrat
[...]
a.13Modalités d'exercice du droit de renonciation
[...]"
La directive 85/577/CEE
9) Aux termes du quatrième considérant de la directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO L 372, p. 31), "les contrats conclus en dehors des établissements commerciaux du commerçant se caractérisent par le fait que [...] le consommateur ne s'est, en aucune façon, préparé à ces négociations et se trouve pris au dépourvu et que, souvent, il n'est pas à même de comparer la qualité et le prix de l'offre avec d'autres offres [...]".
10) Le cinquième considérant de cette directive énonce "qu'il y a lieu d'accorder au consommateur un droit de résiliation [...] afin de lui donner la possibilité d'apprécier les obligations qui découlent du contrat".
11) L'article 5, paragraphe 1, de ladite directive prévoit:
"Le consommateur a le droit de renoncer aux effets de son engagement en adressant une notification dans un délai d'au moins sept jours à compter du moment où le consommateur a reçu l'information visée à l'article 4 et conformément aux modalités et conditions prescrites par la législation nationale. En ce qui concerne le respect du délai, il suffit que la notification soit expédiée avant l'expiration de celui-ci."
Le droit allemand
12) L'article 5a de la loi relative aux contrats d'assurance (Versicherungsvertragsgesetz, ci-après le "VVG") a été abrogé avec effet au 1er janvier 2008. Dans sa version applicable aux faits au principal, cet article prévoyait:
"1. Si l'assureur n'a pas remis, au moment de l'introduction de la demande, les conditions générales d'assurance ou une note d'information conforme aux dispositions [applicables] au preneur d'assurance, le contrat est alors réputé avoir été conclu sur le fondement de la police, des conditions générales d'assurance et des indications supplémentaires de la note d'information pertinentes aux fins de la détermination du contenu du contrat, si le preneur d'assurance n'y fait pas opposition par écrit dans un délai de quatorze jours à compter de la remise des documents. [...]
2. Le délai ne commence à courir qu'à partir du moment où le preneur d'assurance dispose de la police d'assurance et de la totalité des documents visés au paragraphe 1 et qu'il a été informé par écrit, en caractères apparents, de son droit d'opposition, du point de départ du délai et de sa durée. [...] Par dérogation à la première phrase, le droit d'opposition cesse toutefois un an après le paiement de la première prime.
[...]"
Le litige au principal et la question préjudicielle
13) Selon la décision de renvoi, M. Endress a souscrit, auprès d'Allianz, un contrat d'assurance vie prenant effet à compter du 1er décembre 1998. Il n'a reçu les conditions générales d'assurance et une note d'information qu'au moment où Allianz lui a envoyé la police d'assurance. Lorsqu'Allianz a ainsi accepté de conclure ce contrat avec M. Endress, elle n'a pas suffisamment informé ce dernier des droits qui lui étaient garantis en vertu de l'article 5a du VVG.
14) En vertu dudit contrat d'assurance vie, M. Endress devait verser une prime annuelle pendant une période de cinq ans à partir du mois de décembre 1998 et, en contrepartie, Allianz devait lui verser une rente à partir du 1er décembre 2011. Toutefois, le 1er juin 2007, M. Endress a notifié à Allianz la résiliation dudit contrat, avec effet à compter du 1er septembre 2007. Au cours de ce mois de septembre 2007, Allianz a versé à l'intéressé la valeur de rachat du même contrat d'assurance vie, laquelle était inférieure au montant total des primes d'assurance augmenté des intérêts.
15) Par une lettre du 31 mars 2008, M. Endress a exercé son droit d'"opposition" au titre de l'article 5a du VVG. Il a demandé à Allianz de lui rembourser l'intégralité des primes augmentée des intérêts, après déduction de la valeur de rachat déjà versée.
16) Le recours de M. Endress tendant au paiement par Allianz de ce montant supplémentaire a été rejeté par la juridiction de première instance. En appel, le recours introduit contre la décision rendue en première instance a également été rejeté.
17) M. Endress a alors introduit un recours en "Révision" auprès du Bundesgerichtshof. Cette juridiction considère que ce recours ne pourrait être accueilli que si l'intéressé avait conservé, nonobstant l'article 5a, paragraphe 2, quatrième phrase, du VVG, un droit d'opposition, alors qu'un laps de temps de plus d'une année s'est écoulé depuis le paiement de la première prime d'assurance. À cet égard, il serait déterminant de savoir si l'article 15, paragraphe 1, premier alinéa, de la deuxième directive assurance vie doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une limitation du délai d'exercice du droit d'opposition.
18) C'est dans ces conditions que la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
"Convient-il d'interpréter l'article 15, paragraphe 1, premier alinéa, de la deuxième directive [assurance vie], compte tenu de l'article 31, paragraphe 1, de la troisième directive assurance vie, en ce sens qu'il s'oppose à une disposition, telle que celle de l'article 5a, paragraphe 2, quatrième phrase, du VVG, dans sa version applicable aux faits au principal, qui ne reconnaît au preneur d'assurance un droit de renonciation ou d'opposition que durant un an, au plus, à compter du versement de la première prime d'assurance, même lorsque celui-ci n'a pas été informé de son droit de renonciation ou d'opposition?"
Sur la question préjudicielle
19) À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 267 TFUE, fondé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la cour, celle-ci est uniquement habilitée à se prononcer sur l'interprétation ou la validité d'un texte de l'Union, à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 14 janvier 2010, Stadt Papenburg, C-226/08, Rec. p.I-131, point 23 et jurisprudence citée). De même, il appartient exclusivement à la juridiction de renvoi d'interpréter la législation nationale (voir, notamment, arrêt du 15 janvier 2013, Krian e.a., C-416/10, non encore publié au Recueil, point 58 et jurisprudence citée).
20) Il en découle que, en ce qui concerne la présente affaire, la cour est tenue de partir de l'hypothèse, nonobstant les doutes qui ont été émis à cet égard par Allianz dans ses observations écrites ainsi que lors de l'audience, que M. Endress, ainsi qu'il résulte de la décision de renvoi, n'a pas été informé de son droit de renonciation ou, à tout le moins, ne l'a pas suffisamment été. En outre, la cour n'est pas appelée à trancher, dans le cadre de la présente affaire, la question de savoir si la réglementation nationale figurant à l'article 5a du VVG, portant sur les modalités de la conclusion d'un contrat d'assurance selon le modèle dit "de la remise de la police", dans son ensemble, était conforme aux exigences découlant des deuxième et troisième directives assurance vie.
21) L'objet de la présente affaire est donc limité au point de savoir si l'exercice du droit de renonciation prévu à l'article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive assurance vie pouvait être limité, par une disposition nationale telle que celle en cause au principal, à la période d'un an à partir de la date du paiement, par le preneur d'assurance, de la première prime en vertu du contrat d'assurance concerné, même lorsque ledit preneur n'avait pas été informé de ce droit de renonciation.
22) À cet égard, il convient de rappeler que si les deuxième et troisième directives assurance vie n'évoquaient ni l'hypothèse dans laquelle le preneur d'assurance n'était pas informé de son droit de renonciation ni, partant, l'incidence que cette absence d'information pouvait avoir sur ce droit, l'article 15, paragraphe 1, troisième alinéa, de la deuxième directive assurance vie prévoyait que "les conditions de la renonciation étaient réglé[e]s conformément à la loi [nationale] applicable au contrat".
23) Les États membres étaient donc, certes, en droit d'adopter des règles relatives aux modalités précises d'exercice du droit de renonciation, et ces modalités pouvaient comporter, par nature, certaines limitations de ce droit. Toutefois, en adoptant ces règles, les États membres étaient tenus, selon une jurisprudence constante, de veiller à ce que l'effet utile des deuxième et troisième directives assurance vie, compte tenu de l'objet de celles-ci, soit assuré (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 8 avril 1976, Royer, 48/75, Rec. p.497, point 73).
24) Or, en ce qui concerne l'objet desdites directives, il convient de rappeler que le considérant 23 de la troisième directive assurance vie faisait état de ce que, "dans le cadre d'un marché unique de l'assurance, le consommateur [aurait] un choix plus grand et plus diversifié de contrats". Selon ce considérant également, "afin de profiter pleinement de cette diversité et d'une concurrence accrue, ledit consommateur devait] disposer des informations nécessaires pour choisir le contrat qui convenait le mieux à ses besoins" (arrêt du 5 mars 2002, Axa Royale Belge, C-386/00, Rec. p.I-2209, point 28). Enfin, il était précisé audit considérant que "cette nécessité d'informations était d'autant plus importante que la durée des engagements [pouvait] être très longue".
25) En vue de la poursuite de cet objectif d'information énoncé au considérant 23 de la troisième directive assurance vie, l'article 31, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec l'annexe II, point a.13, de celle-ci, prévoyait que, "au moins," les "modalités d'exercice du droit de renonciation" devaient être communiquées au preneur d'assurance, et ce "avant la conclusion du contrat". Il résultait donc clairement tant de l'économie que du libellé des dispositions pertinentes de la troisième directive assurance vie que celle-ci visait à assurer que le preneur d'assurance reçoive une information exacte concernant, notamment, son droit de renonciation.
26) Force est, dès lors, de constater qu'une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, prévoyant l'expiration du droit du preneur d'assurance de renoncer au contrat à un moment où il n'a pas été informé de ce droit va à l'encontre de la réalisation d'un objectif essentiel poursuivi par les deuxième et troisième directives assurance vie et, partant, de l'effet utile de celles-ci.
27) Une telle conclusion ne saurait être infirmée par l'argument, avancé notamment par Allianz, selon lequel le principe de sécurité juridique pourrait imposer une disposition telle que celle en cause au principal. En effet, la cour a déjà jugé, à cet égard, que, si un consommateur n'avait pas connaissance de l'existence d'un droit de révocation, il se trouvait dans l'impossibilité de l'exercer et que, dès lors, des motifs de sécurité juridique ne pouvaient justifier une restriction de la période durant laquelle le droit de renonciation, en vertu de la directive 85/577, pouvait être exercé, dans la mesure où cela impliquait une limitation des droits expressément accordés aux consommateurs afin de les protéger contre les risques découlant du fait que les institutions de crédit avaient choisi de conclure des contrats en dehors de leurs établissements commerciaux (arrêt du 13 décembre 2001, Heininger, C-481/99, Rec. p.I-9945, points 45 et 47).
28) Si l'arrêt Heininger, précité, porte sur les dispositions, notamment, de la directive 85/577, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux, et s'il existe, ainsi que Mme l'avocat général l'a relevé au point 43 de ses conclusions, des différences significatives entre cette directive et les deuxième et troisième directives assurance vie, les considérations énoncées par la cour dans l'arrêt Heininger, précité, mentionnées au point précédent du présent arrêt sont transposables à la disposition en cause au principal. En effet, les risques liés, pour le consommateur, à la conclusion d'un contrat en dehors de l'établissement commercial de son cocontractant, d'une part, et ceux liés, pour le preneur d'assurance, à la conclusion d'un contrat d'assurance en l'absence d'une information conforme aux exigences découlant de l'article 31 de la troisième directive assurance vie, lu en combinaison avec l'annexe II de cette directive, d'autre part, sont comparables.
29 S'agissant ainsi, d'une part, de la directive 85/577, celle-ci fait état, à son quatrième considérant, notamment du fait "que, souvent, le consommateur n'est pas à même de comparer la qualité et le prix de l'offre avec d'autres offres" et, à son cinquième considérant, du fait qu'"il y a lieu d'accorder au consommateur un droit de résiliation [...], afin de lui donner la possibilité d'apprécier les obligations qui découlent du contrat". D'autre part, étant donné que les contrats d'assurance sont des produits financiers juridiquement complexes, susceptibles de différer considérablement selon l'assureur qui les offre et d'impliquer des engagements financiers importants et potentiellement d'une très longue durée, le preneur d'assurance se trouve dans une situation de faiblesse par rapport à l'assureur, laquelle situation est analogue à celle dans laquelle se trouve un consommateur dans le cadre de la conclusion d'un contrat en dehors d'un établissement commercial.
30) Partant, ainsi que l'a relevé Mme l'avocat général aux points 46 et 47 de ses conclusions, l'assureur ne saurait valablement invoquer des motifs de sécurité juridique pour remédier à une situation causée par son propre défaut de se conformer à l'exigence, découlant du droit de l'Union, de communiquer une liste définie d'informations, au nombre desquelles figurent, notamment, celles relatives au droit du preneur de renoncer au contrat (voir, par analogie, arrêt Heininger, précité, point 47).
31) Les considérations qui précèdent ne sauraient non plus être remises en cause par le fait, invoqué notamment par Allianz, que, selon la jurisprudence de la cour, le droit de révocation instauré à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 85/577 peut expirer même lorsque le consommateur a reçu une information erronée sur les modalités d'exercice de ce droit (voir arrêt du 10 avril 2008, Hamilton, C-412/06, Rec. p. I-2383, point 49). En effet, cet arrêt porte sur la conformité, avec ladite directive, d'une disposition nationale prévoyant une telle expiration un mois après l'exécution complète, par les parties contractantes, des obligations découlant d'un contrat. Or, dans la présente affaire, une telle disposition n'est pas en cause, le législateur national concerné n'ayant pas adopté une telle disposition en ce qui concerne les contrats d'assurance vie.
32) Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l'article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive assurance vie, lu en combinaison avec l'article 31 de la troisième directive assurance vie, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui ne reconnaît au preneur d'assurance un droit de renonciation que durant un an, au plus, à compter du versement de la première prime d'assurance, lorsque celui-ci n'a pas été informé de son droit de renonciation.
Sur les effets du présent arrêt dans le temps
33) Dans ses observations, Allianz a demandé à la cour, si cette dernière devait constater que les deuxième et troisième directives assurance vie font obstacle à une législation nationale telle que celle en cause au principal, de limiter les effets dans le temps de son arrêt.
34) À l'appui de cette demande, Allianz relève que cet arrêt pourrait affecter plus de 108 millions de contrats d'assurance conclus entre 1995 et 2007 et que, en vertu de ces contrats, des primes représentant une somme de 400 milliards d'euros environ auraient été versées. Allianz elle-même aurait conclu environ 9 millions de contrats de ce type durant cette période, et aurait perçu des primes pour un montant de 62 milliards d'euros environ.
35) À cet égard, il convient de rappeler, premièrement, que l'interprétation que la cour donne d'une disposition de droit de l'Union se limite à éclairer et à préciser la signification et la portée de celle-ci, telle qu'elle aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur (voir arrêt Heininger, précité, point 51 et jurisprudence citée).
36) Deuxièmement, selon une jurisprudence constante, une limitation des effets dans le temps d'un arrêt constitue une mesure exceptionnelle qui suppose qu'il existe un risque de répercussions économiques graves, dues en particulier au nombre élevé de rapports juridiques constitués de bonne foi sur la base de la réglementation considérée comme étant validement en vigueur et qu'il apparaisse que les particuliers et les autorités nationales avaient été incités à adopter un comportement non conforme au droit de l'Union en raison d'une incertitude objective et importante quant à la portée des dispositions du droit de l'Union, incertitude à laquelle avaient éventuellement contribué les comportements mêmes adoptés par d'autres États membres ou par la Commission européenne (voir, notamment, arrêt du 13 décembre 2012, Forposta et ABC Direct Contact, C-465/11, non encore publié au Recueil, point 45 et jurisprudence citée).
37) Or, en ce qui concerne, en l'espèce, les éléments susceptibles de justifier une limitation des effets dans le temps de l'arrêt de la cour, force est de constater qu'Allianz, qui n'a pas fourni de preuves à cet égard, s'est bornée à mentionner un nombre très élevé de contrats d'assurance qui auraient été conclus sous le régime dit de "remise de la police" et en vertu desquels des primes représentant, au total, une somme très élevée auraient été payées. Allianz n'a toutefois pas fourni de données concernant le nombre, seul pertinent dans la présente affaire, de contrats d'assurance pour lesquels le preneur n'a pas été informé de son droit de renonciation, et elle n'a pas davantage chiffré le risque économique lié, pour Allianz, à la possibilité, pour les preneurs concernés, de renoncer à ces contrats. Dans ces conditions, l'existence d'un risque de répercussions économiques graves n'est pas établie.
38) Par ailleurs, en ce qui concerne la condition relative à l'existence d'une "incertitude objective et importante" quant à la portée des dispositions du droit de l'Union, force est de constater que les dispositions de la troisième directive assurance vie, ainsi qu'il découle des points 22 à 31 du présent arrêt, ne laissaient aucun doute quant à l'objectif essentiel de cette directive, consistant à permettre au preneur d'assurance de renoncer à un contrat d'assurance vie s'il estime que celui-ci ne correspond pas le mieux à ses besoins, et ce en pleine connaissance de cause.
39) Une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui cantonnait l'exercice du droit de renonciation accordé au preneur d'assurance à une période d'un an à partir du paiement de la première prime, si ce preneur n'avait pas bénéficié d'une information conforme à l'article 31 de la troisième directive assurance vie, allait clairement à l'encontre de cet objectif. L'existence d'une "incertitude objective et importante" quant à la portée des dispositions de l'Union en cause ne saurait non plus, dès lors, être retenue.
40) Par conséquent, il n'y a pas lieu de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.
Sur les dépens
41) La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, LA COUR (première chambre) dit pour droit: L'article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive 90/619/CEE du Conseil, du 8 novembre 1990, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe sur la vie, fixant les dispositions destinées à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services et modifiant la directive 79/267/CEE, telle que modifiée par la directive 92/96/CEE du Conseil, du 10 novembre 1992, lu en combinaison avec l'article 31 de cette dernière directive, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui ne reconnaît au preneur d'assurance un droit de renonciation que durant un an, au plus, à compter du versement de la première prime d'assurance, lorsque celui-ci n'a pas été informé de son droit de renonciation.