Cass. soc., 17 décembre 2013, n° 12-26.938
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Sra Savac (SA)
Défendeur :
Merkulow
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Rapporteur :
M. Contamine
Avocat général :
Mme Lesueur de Givry
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Bénabent, Jéhannin
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur contredit, que M. Merkulow, engagé le 13 mai 1996 par la société Sra Savac, a démissionné le 9 décembre 2009 et a rejoint une société concurrente ; que, se prévalant de faits de concurrence déloyale et pour obtenir réparation du préjudice résultant du comportement du salarié, l'employeur a saisi, d'une part, le tribunal de grande instance puis, d'autre part, le conseil de prud'hommes ; que par jugement du 17 janvier 2012, le conseil de prud'hommes s'est dessaisi au profit du tribunal de grande instance ;
Sur le pourvoi incident du salarié qui est préalable : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il avait retenu la litispendance, alors, selon le moyen, qu'il y a litispendance toutes les fois où la demande formée en second aurait été déclarée irrecevable, en raison de l'autorité de la chose jugée, si la demande formée en premier avait déjà fait l'objet d'un jugement ; que tel est le cas lorsque l'objet de la seconde demande est entièrement compris dans celui de la première, peu important que ce dernier soit par ailleurs plus vaste ; qu'en effet, l'autorité de chose jugée attachée à la décision rendue sur la première demande s'opposerait nécessairement à ce que la seconde soit de nouveau présentée devant un juge ; qu'en une telle hypothèse, le renvoi du litige devant la première juridiction pour cause de litispendance doit donc être ordonné ; qu'en l'espèce, la société Sra Savac a tout d'abord assigné M. Merkulow devant le tribunal de grande instance de Lyon pour des faits de concurrence déloyale qui se seraient déroulés pendant le temps du contrat de travail et après la rupture de celui-ci et a sollicité que l'exposant soit en conséquence condamné à lui verser une somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'elle l'a ensuite assigné devant le Conseil de prud'hommes de Montargis pour exécution déloyale du contrat de travail, réclamant à ce titre une somme de 26 000 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'elle a ainsi porté un litige identique, concernant une éventuelle déloyauté du salarié pendant le temps du contrat de travail, devant deux juridictions différentes également compétentes ; qu'en conséquence, il appartenait au conseil de prud'hommes, saisi en second, de se dessaisir au profit du tribunal de grande instance de Lyon, saisi en premier, ce qu'il a d'ailleurs fait ; qu'en retenant cependant, pour infirmer la décision des premiers juges, qu'il n'y avait pas litispendance entre les deux demandes de la société Sra Savac concernant les faits de déloyauté reprochés à M. Merkulow au cours de l'exécution de son contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 100 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la litispendance suppose que chacune des juridictions saisies soit compétente pour connaître du litige ; que l'exception de litispendance présentée devant la juridiction prud'homale au profit du tribunal de grande instance saisi en premier ne peut être accueillie dès lors que ce tribunal n'est pas compétent pour statuer sur une demande d'indemnisation du préjudice subi par l'employeur du fait des agissements commis par un salarié pendant l'exécution de son contrat de travail, qui relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa seconde branche : - Vu l'article L. 511-1 du Code du travail et l'article 101 du Code de procédure civile ; - Attendu que le caractère exclusif et d'ordre public de la compétence d'attribution du conseil de prud'hommes interdit d'y faire échec pour cause de connexité, sauf en cas d'indivisibilité, laquelle ne peut résulter que d'une impossibilité juridique d'exécution simultanée de deux décisions qui seraient contraires ;
Attendu que pour dire qu'il y avait connexité entre les demandes qui lui étaient soumises et celles qui l'étaient parallèlement au tribunal de grande instance et confirmer la décision du conseil de prud'hommes de se dessaisir au profit du tribunal de grande instance, l'arrêt retient que l'assignation devant le tribunal de grande instance visait des faits commis pendant l'exécution du contrat de travail, qui sont les mêmes que ceux invoqués devant le conseil de prud'hommes, auquel elle en ajoute d'autres commis après la cessation de celui-ci et qu'il existe un risque de contrariété de décisions si l'une des juridictions venait à décider qu'aucun comportement déloyal avant l'expiration du contrat n 'est prouvé, et si l'autre décidait le contraire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'y avait pas impossibilité d'exécution simultanée de décisions rendues par le tribunal de grande instance et par le conseil de prud'hommes, le premier n'étant compétent que pour se prononcer sur des faits commis postérieurement à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du pourvoi principal de l'employeur : casse et annule, mais seulement en ce qu'il dit y avoir connexité, l'arrêt rendu le 27 septembre 2012, entre les parties, par la Cour d'appel d'Orléans ; Dit n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ; Rejette l'exception de connexité.