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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 décembre 2013, n° 11-10266

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Atrium Travels Voyages (SARL), Pierrel (ès qual.)

Défendeur :

Comité Interentreprises de la Bourse

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Grappotte-Benetreau, Zerdoun, Bernabe, Levin

TGI Paris, 4e ch. sect. 1, du 21 sept. 2…

21 septembre 2009

Vu le jugement du 21 septembre 2009, par lequel le Tribunal de grande instance de Paris a condamné le Comité Interentreprises de la Bourse à payer à la société Atrium Travel Voyages, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, la somme de 60 000 euros, et recevant la demande reconventionnelle de celle-ci, a condamné la société Atrium Travel Voyages à lui payer la somme de 136 395 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2009 et celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 30 mai 2011 par la société Atrium Travels Voyages, aux droits de laquelle vient la Selarl MJA, ès qualités de liquidateur de la société Atrium ;

Vu les conclusions de la Selafa MJA, prise en la personne de Maître Jean-Claude Pierrel, ès-qualités, demandant à la cour de la dire recevable et bien fondée en son intervention volontaire, constater que le Comité Interentreprises de la Bourse a rompu abusivement et brutalement ses relations avec la société Atrium Travels Voyages, que ces agissements sont constitutifs d'une faute, en conséquence, infirmer le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société Atrium Travels Voyages, constaté que la résiliation par le Comité Interentreprises de la Bourse des contrats de voyage conclus pour la saison Hiver/Printemps 2007-2008 était intervenue avec un préavis insuffisant et dit que son attitude à ce titre avait causé un préjudice à la société Atrium Travels Voyages, et, statuant à nouveau, condamner le Comité Interentreprises de la Bourse à payer à la Selafa MJA, ès-qualités, la somme de 550 511,12 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par la société Atrium Travels Voyages, outre intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2008, date de l'assignation introductive, et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, débouter le Comité Interentreprises de la Bourse de toutes ses demandes, et le condamner à payer à la Selafa MJA, ès-qualités, la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du Comité Interentreprises de la Bourse dans lesquelles celui-ci demande à la cour de débouter la société Atrium Travel Voyages de l'ensemble de ses demandes, l'action étant fondée sur le cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, constater qu'elle a failli à ses obligations à l'égard du Comité Interentreprises de la Bourse et fixer sa créance au passif de cette société à la somme de 136 395 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2009, avec capitalisation des intérêts, ainsi que celle de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts et enfin celle de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Atrium Travels Voyages, agence de voyages, a débuté son exploitation en janvier 2001 et employait, outre son gérant, trois salariés.

Le Comité Interentreprises de la Bourse (ci-après CIE de la Bourse), intervenant en qualité de mandataire représentant de l'ensemble du personnel de ses sociétés adhérentes, propose des voyages à ses adhérents dans le cadre de son mandat d'intermédiaire.

Les programmes de voyages proposés par le CIE de la Bourse sont arrêtés dans le cadre d'appels à la concurrence qu'il organise pour chaque saison auprès de prestataires préalablement référencés. Ceux-ci sont sélectionnés par les membres de la sélection vacances, par destination géographique.

A la suite d'un premier voyage organisé par elle, le CIE de la Bourse a décidé de référencer la société Atrium Travels Voyages parmi ses prestataires pour l'organisation et la vente des voyages proposés à ses adhérents.

Compte tenu de son référencement, la société Atrium Travels Voyages a participé à des appels d'offres organisés par le CIE de la Bourse à compter de la saison Hiver/Printemps 2005-2006. Puis, à compter de cette saison, les relations engagées entre la société Atrium Travels Voyages et le CIE de la Bourse se sont poursuivies et développées de façon régulière.

En novembre 2007, le CIE de la Bourse a fait état auprès de la société Atrium Travels Voyages de réclamations émanant de ses adhérents, concernant un voyage réalisé en octobre 2007 pour 40 personnes à destination des Etats-Unis.

Au cours d'une réunion, qui s'est tenue le 27 novembre 2007 dans les locaux du CIE de la Bourse, les parties se sont réunies pour parler de ce dysfonctionnement.

Le CIE de la Bourse cessait de commander des voyages auprès de la société Atrium Travels Voyages pour la saison Eté/Automne 2008. La société Atrium Travels Voyages a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 janvier 2008, contesté les agissements du CIE de la Bourse consistant, selon elle, à rompre brutalement et sans préavis leurs relations commerciales, qui se poursuivaient de façon continue depuis près de trois ans.

Par acte en date du 2 mai 2008, la société Atrium Travels Voyages a assigné le CIE de la Bourse devant le Tribunal de grande instance de Paris afin de voir constater la rupture brutale et sans préavis de leurs relations commerciales à l'initiative de ce dernier et obtenir l'entière réparation du préjudice que cette rupture lui avait causé.

C'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement dont appel, qui a estimé que la rupture des relations contractuelles étaient due à la mauvaise exécution de ses prestations par la société Atrium Travels Voyages, mais a estimé le préavis insuffisant, pour ce qui concerne les voyages de la saison hiver 2007-2008 et a alloué à la société Atrium Travels Voyages la somme de 60 000 euros à ce titre. Il a d'autre part, condamné la société Atrium Travels Voyages à payer au CIE de la Bourse la somme de 136 395 euros, au titre d'acomptes versés pour des voyages annulés.

La société Atrium Travels Voyages a cessé toute activité à compter de juillet 2008, puis a sollicité l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. Par jugement du 1er juin 2010, le Tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Atrium Travels Voyages et a nommé la Selafa MJA, en la personne de Maître Jean-Claude Pierrel, en qualité de liquidateur.

Le CIE de la Bourse a déclaré sa créance au passif de la société Atrium Travels Voyages, par courrier du 21 juin 2010, pour un montant en principal de 136 395 euros, avec intérêts, de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour frais irrépétibles de première instance, de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts et enfin celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile dans l'instance d'appel.

Sur la rupture brutale

Considérant que la société Atrium Travels Voyages soulève le caractère brutal de la rupture intervenue et demande à être indemnisée à hauteur des créances déclarées à son passif, estimant que sa cessation définitive d'activité serait due aux agissements fautifs du CIE de la Bourse ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 442-6-I-5° : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) " ;

Considérant que les parties s'opposent sur le caractère stable de leurs relations commerciales, l'intimée exposant que le mode de sélection de ses partenaires, par appel à la concurrence, ne permet pas de qualifier les relations commerciales entre les parties de " stables et établies " ;

Considérant que le CIE de la Bourse démontre que la sélection des agences de voyage est effectuée chaque année, pour chaque saison et chaque destination, sur une liste de prestataires référencés ; que la société appelante ne conteste pas cet état de fait ; que la circonstance qu'elle ait été choisie régulièrement pendant trois années et ait donc emporté de façon répétée les mises en concurrence, ainsi qu'elle le prétend, ne permet pas d'en déduire l'absence d'aléas, précisément inhérents à toute mise en concurrence régulière ; que le recours à une mise en concurrence avant toute commande prive les relations commerciales de toute permanence garantie et les place dans une situation de précarité certaine ; que la société appelante ne rapporte pas la preuve que la commune intention des parties était d'inscrire leurs relations dans la durée, nonobstant l'existence de ces nombreuses mises en concurrence ; qu'elle ne peut attester de l'existence d'aucun contrat-cadre ou marchés pluriannuels justifiant de la continuité des affaires entre les deux parties ; qu'au surplus certains voyages pour lesquels la société appelante avait été sélectionnée pouvaient être annulés, faute de participants suffisants ; qu'ainsi la perte des marchés du CIE de la Bourse ne constitue pas une rupture brutale de relations commerciales établies, celles-ci étant entâchées d'une certaine imprévisibilité, de nature à leur enlever tout caractère de relations " établies " ; que cette demande sera donc rejetée ;

Sur la rupture des relations entre les parties

Considérant que la société appelante soutient que le CIE a fait preuve d'un comportement fautif, en lui faisant espérer, lors de la réunion du 26 novembre 2007, le maintien de leurs relations commerciales ;

Considérant que la cessation des relations commerciales est consécutive à plusieurs réclamations adressées par les adhérents au CIE ; que ces réclamations sont dues à des manquements dans l'exécution de certaines des prestations de l'agence de voyage qui se sont échelonnés de mars 2007 à janvier 2008, ainsi que l'ont à juste titre relevé les Premiers Juges, aux termes d'une motivation que la cour fait sienne ; que, notamment le circuit Ouest Américain du 5 au 17 octobre 2007 n'a pas été exécuté selon les prévisions ; que l'agence a refusé de finaliser le voyage en République Dominicaine confirmé et fixé en février 2008 au motif que le CIE ne lui versait pas des avances suffisantes ; que le CIE a dû acheter lui-même les billets d'avion pour assurer ce voyage ;

Considérant que le contrat-type conclu entre le CIE et l'agence de voyage organise les conditions d'annulation, de pré-réservation ou de voyages ; que ces pré-réservations sont accompagnées du règlement d'un acompte payé par le CIE, sur la base d'un nombre de participants minimum ; que l'annulation de pré-réservations avant la date fixée par le contrat-type entraîne le remboursement de l'acompte sans frais au CIE ; qu'une annulation effectuée plus de 90 jours avant sa date ne donne lieu à aucune pénalité ; que si les annulations interviennent après cette date butoir, des pénalités sont appliquées au CIE ;

Considérant, en l'espèce, que les annulations des voyage sont intervenues dans les formes et selon les délais prévus par le contrat-type ; qu'en effet, les pré-réservations annulées concernant la saison été-hiver 2008 ont été faites avant toute date butoir contractuelle ; que s'agissant des voyages confirmés du premier semestre 2008, le CIE a appliqué les pénalités contractuelles ;

Considérant que s'il résulte de deux attestations versées aux débats de MM. G. Calka et A. Larget, membres de la société Atrium Travel Voyages, que le CIE se serait engagé lors de la réunion du 27 novembre, auprès du voyagiste, pour maintenir les commandes de la saison été/automne, le CIE a envoyé le 26 novembre 2007 un courrier dépourvu de toute ambiguïté à Atrium Travel Voyages, lui faisant part de sa volonté d'annuler plusieurs séjours de cette saison ; qu'ainsi, aucun engagement ferme ne liait le CIE sur ce point et la société Atrium Travel Voyages ne démontre pas sa mauvaise foi ;

Considérant qu'aucun préavis, distinct des conditions d'annulation, n'avait à être respecté par le CIE ; que la société Atrium Travel Voyages ne démontre pas que ces conditions n'auraient pas été respectées ; que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné le CIE de la Bourse à payer à la société Atrium Travel Voyages la somme de 60 000 euros pour préavis insuffisant concernant les voyages de la saison hiver 2007-2008 ;

Sur la demande reconventionnelle du CIE Interentreprises de la Bourse

Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Atrium Travel Voyages à payer au CIE Interentreprises de la Bourse la somme de 136 395 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2009, l'absence de paiement de ces sommes n'étant pas utilement contestée par la société Atrium Travel Voyages; que toutefois, compte tenu de la procédure de liquidation judiciaire, cette somme sera inscrite au passif de la société Atrium Travel Voyages;

Sur la demande du CIE Interentreprises de la Bourse pour procédure abusive et défaillances du voyagiste

Considérant que le CIE de la Bourse ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct du retard dans le paiement de la somme de 136 395 euros, aucun abus du droit d'ester en justice n'étant par ailleurs établi à la charge de la société Atrium Travel Voyages; que le jugement déféré 5 sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;

Par ces motifs : - Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné le Comité Interentreprises de la Bourse à payer à la société Atrium Travel Voyages la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts, et en ce qu'il a condamné la société Atrium Travel Voyages à payer la somme de 136 395 euros au Comité Interentreprises de la Bourse, - L'infirme sur ces points, Et, statuant à nouveau, - Fixe à la somme de 136 395 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2009, la créance du Comité Interentreprises de la Bourse au passif de la société Atrium Travel Voyages, - Déboute la Selafa MJA, prise en la personne de Maître Jean-Claude Pierrel, ès qualités de liquidateur de la société Atrium Travel Voyages, de ses demandes, - Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective de la société Atrium Travel Voyages, - Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.