CA Versailles, 13e ch., 12 décembre 2013, n° 13-02208
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Dratwa
Défendeur :
Champagne Montaudon (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Belaval
Conseillers :
Mmes Beauvois, Vaissette
Avocats :
Mes Jullien, Grignon Dumoulin, Minault, Carnoye
Le 11 octobre 2005, la société Champagne Montaudon a confié à M. Rémi Dratwa, un mandat d'agence commerciale aux fins d'assurer le suivi commercial et le développement de la marque Montaudon sur le secteur des centres Leclerc de la région parisienne des centrales Scadif et Scapnor, et des magasins Auchan de la région parisienne livrés par l'entrepôt de Trappes, moyennant une rémunération de 3 % sur les chiffres d'affaires HT HD trois fois net, payable au trimestre, outre des prestations de services rémunérées à hauteur de 2 % sur les chiffres d'affaires HT HD trois fois net, payable au trimestre.
Le 20 janvier 2006 a été conclu un premier avenant prévoyant qu'en cas de référencement de la marque Montaudon par la centrale Système U en 2006, une rémunération à hauteur de 2 % du CA HTHD 3 fois net, payable au trimestre serait versée à M. Dratwa.
Le 5 octobre 2006, un second avenant a ajouté au secteur de M. Dratwa, les enseignes Carrefour, Monoprix et Cora ainsi qu'Atac en Ile-de-France et Champagne, Leclerc de la région Champagne de la centrale Scapest, Géant et Casino ainsi qu'Hyper et Super U en Ile-de-France, et a prévu qu'en contrepartie, M. Dratwa s'engageait à structurer son agence de façon à être en mesure de visiter l'ensemble de la clientèle confiée, en faisant référence aux collaborateurs de celui-ci.
Le 10 octobre 2006, M. Dratwa a repris le secteur des départements de l'Aube et de la Marne initialement confiés à M. Satti, à compter du 1er octobre 2006, moyennant le paiement à ce dernier d'une indemnité forfaitaire de 1 800 euros.
Le 18 juin 2007, la société Champagne Montaudon a informé par lettre recommandée avec accusé de réception M. Dratwa qu'elle reprenait, à compter du 1er juillet 2007, les enseignes confiées par avenant du 5 octobre 2006, en raison du manquement à son obligation de structure organisée, sans remise en cause du surplus de leurs accords.
Le 2 juillet 2007, M. Dratwa a vainement contesté cette décision et, appuyé le 16 octobre 2007 par un courrier de l'association professionnelle des agents commerciaux de France - APAC, a mis en demeure le 11 février 2008 la société Champagne Montaudon de l'indemniser du préjudice entraîné par le retrait de la clientèle visée à cet avenant ou de la lui restituer.
Par acte d'huissier de justice en date du 25 avril 2008, M. Dratwa a assigné devant le Tribunal de grande instance de Nanterre la société Champagne Montaudon, notamment en résiliation judiciaire du contrat d'agence commerciale et en paiement des sommes de 123 197 euros à titre d'indemnité de cessation de contrat et de 15 399,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
Par jugement rendu le 17 septembre 2010, le tribunal de grande instance a sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- prononcé la résiliation de l'avenant du 5 octobre 2006, aux torts et griefs de la société Champagne Montaudon,
- condamné la société Champagne Montaudon à payer à M. Dratwa la somme de 8 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2008,
- enjoint à la société Champagne Montaudon de lui fournir les éléments d'information comptable lui permettant de facturer ses commissions sur la clientèle confiée par avenant du 5 octobre 2006, au titre de la période du 1er juillet 2007 à ce jour, dans le mois de la signification de la décision,
- ordonné la capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'article 1154 du Code civil à compter du 7 mai 2008,
- condamné la société Champagne Montaudon à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par arrêt en date du 6 octobre 2011, la cour d'appel de Versailles a confirmé la décision déférée sauf sur le prononcé de la résiliation judiciaire de l'avenant du 5 octobre 2006 et statuant à nouveau sur ce point, a déclaré fautive la résiliation de cet avenant le 18 juin 2007 à l'initiative de la société Champagne Montaudon, rejeté le surplus des demandes, y ajoutant, dit que les éléments d'information comptable communiqués par la société Champagne Montaudon à M. Dratwa porteront sur les ventes par enseigne et avec le détail des points de vente, condamné M. Dratwa aux dépens et à payer à la société Champagne Montaudon la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur le pourvoi formé par M. Dratwa, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, par arrêt du 4 décembre 2012, au visa de l'article 455 du Code de procédure civile, a cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a débouté M. Dratwa de sa demande de résiliation du contrat d'agent commercial du 11 octobre 2005 aux torts de la société Champagne Montaudon, l'arrêt rendu le 6 octobre 2011 et remis en conséquence sur ce point, la cause et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant ledit arrêt, et les a renvoyées devant la Cour d'appel de Versailles autrement composée.
Entre-temps, par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 février 2012, la société Champagne Montaudon a résilié le contrat d'agent commercial de M. Dratwa pour faute grave lui reprochant de ne pas exécuter ses obligations et notamment de ne pas assurer la promotion de la société Champagne Montaudon auprès des centrales Scadif et Scpanor.
M. Dratwa a saisi la cour de renvoi par déclaration du 20 mars 2013.
Par dernières conclusions signifiées le 25 septembre 2013, M. Dratwa demande à la cour de le dire recevable en ses demandes en paiement d'indemnités de rupture du contrat d'agent commercial et de paiement de commissions arriérées à l'encontre de la société Champagne Montaudon, dire que la résiliation du contrat d'agent commercial le liant à la société Champagne Montaudon est exclusivement imputable à cette dernière, sans qu'aucune faute ne puisse être reprochée à l'appelant et en conséquence de :
- condamner la société Champagne Montaudon à lui payer les sommes de :
139 742 euro au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial,
17 467,74 euro majorés de la TVA au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
ces sommes dues au titre de la rupture avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2012,
3 000 euro majorés de la TVA en règlement du budget pour la centrale Système U sur l'année 2008 en application de l'avenant du 20 janvier 2006,
2 507,34 euro majorés de la TVA au titre du rattrapage des commissions du 4e trimestre 2009 sur l'enseigne Leclerc pour le Champagne Lamotte,
19 384 euro majorés de la TVA au titre du rattrapage des commissions du 4e trimestre 2010 sur l'enseigne Auchan,
ces trois sommes avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et l'ensemble de ces condamnations avec capitalisation des intérêts,
10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonner à la société Champagne Montaudon de communiquer sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard à compter du mois de la décision à intervenir, les éléments d'information comptable permettant à M. Dratwa de vérifier ses commissions sur les magasins de l'enseigne Atac situés sur la région Ile-de-France abusivement retirées sur la période du 1er avril au 30 juin 2007, en ce compris les statistiques par magasins, avec le détail des points de vente sur le secteur de l'Ile-de-de-France ;
- débouter la société Champagne Montaudon de toutes ses demandes ;
- condamner la société Champagne Montaudon aux dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 23 septembre 2013, la société Champagne Montaudon demande à la cour de :
- déclarer M. Dratwa irrecevables en ses demandes ;
- subsidiairement, de le débouter de toutes ses demandes ;
- à titre infiniment subsidiaire, de constater que le montant d'une éventuelle indemnité ne saurait en toute hypothèse excéder 24 174 euro ;
- condamner M. Dratwa à lui payer 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner M. Dratwa aux dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
DISCUSSION :
Sur la résiliation judiciaire du contrat d'agence commerciale du 11 octobre 2005 et la recevabilité des demandes de M. Dratwa au titre de la résiliation du contrat
M. Dratwa demande à la cour de constater que la société Champagne Montaudon n'a pas exécuté les termes des condamnations prononcées à son encontre par le Tribunal de grande instance de Nanterre du 17 septembre 2010 et confirmées par l'arrêt du 6 octobre 2011, de dire que cette inexécution est fautive et rend la société Champagne Montaudon responsable de la rupture du contrat d'agent commercial, que ses demandes en paiement sont recevables et que la résiliation du contrat d'agent est exclusivement imputable à cette dernière, sans qu'aucune faute ne soit établie contre lui.
Analysant la portée de la cassation intervenue, il soutient que la société Champagne Montaudon ayant pris l'initiative de lui notifier la résiliation de son contrat d'agence commerciale par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 février 2012, sa demande de résiliation judiciaire devient sans objet mais qu'en revanche, la cour devra se prononcer sur l'imputabilité de la résiliation et statuer sur les demandes de paiement de commissions et d'indemnités qu'il a formées à la suite de la résiliation de son contrat par la société Champagne Montaudon.
Il ajoute que la portée de la cassation intervenue l'autorise à invoquer l'ensemble des manquements de la société Champagne Montaudon y compris ceux tenant à l'inexécution des décisions de justice se rapportant à l'avenant du 5 octobre 2006.
Il oppose à la société Champagne Montaudon que sa demande tendant à voir statuer sur l'imputabilité de la résiliation est recevable sur le fondement de l'article 564 du Code de procédure civile en raison de l'évolution du litige que constitue cette résiliation du 28 octobre 2012.
M. Dratwa détaille dans ses écritures les fautes commises par la société Champagne Montaudon dont il soutient donc qu'elles rendent imputables à celle-ci la résiliation. Répondant à la société Champagne Montaudon, il fait valoir l'unicité du contrat d'agent commercial et de la rémunération qui lui est associée, estimant que les modalités de rémunération des différentes missions confiées n'entament pas cette unicité.
Constatant que la société Champagne Montaudon a pris l'initiative de rompre le contrat d'agence, il ajoute qu'il appartient à celle-ci de démontrer la faute grave que son agent commercial aurait commis pour s'exonérer du paiement des indemnités et soutient qu'en l'espèce, aucune faute grave n'est établie.
De son côté, la société Champagne Montaudon rappelant qu'il a été mis fin au contrat d'agent commercial pour faute grave à son initiative le 28 octobre 2012 soutient que dès lors que le contrat est rompu, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation telle qu'initialement formée par M. Dratwa qui est devenue sans objet, que le juge n'a plus à se prononcer ni sur la résiliation judiciaire ni sur l'imputabilité de celle-ci.
Elle soutient que M. Dratwa ne peut invoquer l'inexécution des condamnations prononcées à son encontre alors qu'il a été définitivement jugé que la résiliation de l'avenant du 5 octobre 2006 était sans emport sur la résiliation du contrat d'agent commercial du 11 octobre 2005 et qu'en outre, cette inexécution ne constitue pas une faute contractuelle, qu'en suite de la résiliation du contrat intervenue le 28 octobre 2012, l'examen des fautes n'a plus lieu d'être.
La société Champagne Montaudon ajoute que s'il devait y avoir un débat devant le juge ce serait sur le bien-fondé des motifs de la rupture prononcée le 28 février 2012 ; or ce débat ne peut avoir lieu devant la cour de renvoi laquelle n'est saisie que des demandes initiales de M. Dratwa.
Elle conteste que le débat sur le bien-fondé de la résiliation qu'elle a prononcée corresponde à une évolution du litige. Elle soutient qu'il s'agit d'un nouveau litige qui n'entre pas dans le champ de compétence de la cour de renvoi, que la contestation du bien-fondé de la rupture constituerait une demande nouvelle et irrecevable à hauteur d'appel qui la priverait du double degré de juridiction. Elle sollicite donc de voir dire irrecevables les demandes de M. Dratwa.
Enfin, elle discute et conteste chacune des fautes invoquées par M. Dratwa à son encontre.
Sur ce :
Il résulte des termes du jugement du Tribunal de grande instance de Nanterre du 17 septembre 2010, de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 6 octobre 2011 et de l'arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2012 que ne sont atteintes par la cassation partielle que les dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles relatives à la demande de résiliation judiciaire du contrat d'agence commerciale du 11 octobre 2005.
M. Dratwa a saisi le 25 avril 2008 le Tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat d'agence commerciale en date du 11 octobre 2005 qui le liait à la société Champagne Montaudon mais la demande en justice tendant à obtenir la résiliation d'un contrat n'emporte pas à elle seule la rupture de ce contrat.
Par ailleurs, il résulte de l'article L. 134-11 du Code de commerce que, lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin moyennant un préavis, le cas échéant sans préavis lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave ou de la survenance d'un cas de force majeure.
En l'espèce, la société Champagne Montaudon a mis fin au contrat d'agence commerciale à durée indéterminée qui la liait à M. Dratwa par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 février 2012.
L'acte qui constitue par lui-même et dès son accomplissement une rupture du contrat rend nécessairement sans objet une demande antérieure de résiliation judiciaire tendant à la même fin.
Ainsi et comme le soutient à juste titre la société Champagne Montaudon et comme le reconnaît lui-même M. Dratwa, la résiliation unilatérale du contrat d'agence commerciale à l'initiative de la société Champagne Montaudon notifiée à M. Dratwa par courrier du 28 octobre 2012, constitue un acte juridique qui rend sans objet l'examen de la demande de résiliation judiciaire de ce contrat initialement formée par M. Dratwa, la cour ne pouvant prononcer la résiliation judiciaire d'un contrat déjà résilié.
Il n'y a donc plus à statuer sur la demande de résiliation judiciaire du contrat.
Il sera également relevé comme le soutient à juste titre la société Champagne Montaudon qu'en conséquence, le débat sur les fautes qu'elle aurait commises et qui selon M. Dratwa auraient justifié la résiliation judiciaire du contrat d'agence aux torts de celle-ci n'a plus lieu d'être et est devenu sans emport sur la solution du litige et que le seul débat devant le juge ne peut plus porter que sur la rupture prononcée par la société Champagne Montaudon le 28 février 2012 et sur le bien-fondé de ses motifs, et en particulier de l'existence ou non d'une faute grave imputable à M. Dratwa seule susceptible de le priver des indemnités légales dues en cas de cessation du contrat.
La société Champagne Montaudon prétend cependant que ce débat ne pourrait avoir lieu devant la cour de renvoi car les demandes de M. Dratwa seraient irrecevables.
Conformément à l'article 564 du Code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. En application de l'article 565 du Code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
La résiliation unilatérale du contrat d'agent commercial à l'initiative de la société Champagne Montaudon est un fait nouveau survenu postérieurement au jugement qui justifie la recevabilité de la demande nouvelle de M. Dratwa devant cette cour tendant à voir dire que cette résiliation du 28 octobre 2012 imputable à la société Champagne Montaudon est intervenue sans qu'il ait commis de faute.
A considérer même que cette résiliation unilatérale par la société Champagne Montaudon ne constituerait pas un fait nouveau au sens de l'article 564, alors, les demandes de M. Dratwa seraient également recevables au regard de l'article 565 du Code de procédure civile puisque même si leur fondement juridique est distinct de celui de l'action initiale, elles tendent aux mêmes fins, et ce même si leurs conséquences ne sont pas exactement identiques, à savoir la condamnation de la société Champagne Montaudon au paiement des indemnités dues à l'agent commercial à raison de la cessation de son contrat, que celle-ci intervienne par l'effet de la résiliation judiciaire prononcée ou par l'effet de la résiliation notifiée par la société Champagne Montaudon.
Contrairement à ce que prétend donc la société Champagne Montaudon, sont donc recevables devant la cour de renvoi les demandes de M. Dratwa tendant à voir statuer sur les conséquences de la résiliation du 28 octobre 2012 à l'initiative de la société Champagne Montaudon.
S'agissant des demandes en paiement de divers autres arriérés de commission, elles sont recevables comme constituant l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes initiales en paiement. Elles avaient déjà été sollicitées devant la cour d'appel qui a statué avant l'arrêt de cassation mais il n'y avait pas été répondu.
Sur la résiliation du contrat d'agent commercial en date du 28 octobre 2012
A titre liminaire dans ses écritures sur ce point, la société Champagne Montaudon indique que si la cour estimait devoir aborder le bien-fondé de la rupture pour faute grave du contrat d'agent, alors elle renverrait la présente affaire en mettant les parties en demeure de conclure sur ce sujet.
Cependant, la question du bien-fondé de cette rupture est dans le débat depuis les premières écritures de M. Dratwa devant la cour de renvoi et la société Champagne Montaudon a d'ailleurs dès ses premières conclusions d'intimée du 23 août 2013 conclu subsidiairement sur ce point. Les conclusions démontrent que les parties ont échangé contradictoirement sur cette demande subsidiaire et ont pu faire valoir leurs moyens respectifs ; rien ne justifie de les mettre en demeure de conclure. Cette demande ne figure pas au demeurant dans le dispositif des dernières conclusions de la société Champagne Montaudon.
Sur le fond, M. Dratwa fait valoir que la société Champagne Montaudon ayant pris l'initiative de rompre le contrat d'agence, il appartient à celle-ci, pour s'exonérer du paiement des indemnités légales dues à l'agent commercial de démontrer la faute grave qu'il aurait commise. M. Dratwa soutient qu'il n'a pas commis les fautes qui lui sont reprochées, à savoir de ne pas avoir adressé les relevés de prix pour les centres Leclerc et d'avoir négligé les centrales Scadif et Scapnor en s'abstenant d'intervenir. Il ajoute que l'allégation de déloyauté pendant la durée de la relation contractuelle ne repose sur aucune pièce et qu'au surplus n'ayant pas été évoquée dans la lettre de rupture, elle ne peut être invoquée.
La société Champagne Montaudon réplique que M. Dratwa a gravement manqué à ses obligations, qu'il s'est abstenu de toute prospection, que les volumes se sont écroulés pour aboutir à son déréférencement, ce qui démontre que M. Dratwa a délaissé totalement ces centrales, qu'en réalité, M. Dratwa avait une bonne raison de faire déréférencer le Champagne Montaudon car il avait fait référencer un champagne concurrent.
Sur ce :
Dans la lettre du 28 février 2012, la société Champagne Montaudon a invoqué deux manquements à l'encontre de M. Dratwa, à savoir d'une part de n'avoir procédé à aucun relevé de prix concernant les centres Leclerc de la région parisienne dépendant des centrales Scadif et Scapnor et d'autre part, d'avoir totalement négligé les centrales Scadif et Scapnor en s'abstenant totalement d'y intervenir, c'est-à-dire alors même que M. Dratwa était informé des négociations nationales de la marque avec les centres Leclerc, de s'être abstenu de développer les produits de la société Champagne Montaudon et d'en assurer le suivi.
La société Champagne Montaudon faisait observer que dans le même temps, M. Dratwa procédait bien aux relevés de prix concernant les magasins Auchan, considérant ainsi l'omission concernant les centres Leclerc comme manifestement volontaire.
La société Champagne Montaudon a estimé compte tenu de la gravité du comportement reproché devoir rompre le contrat à compter du 1er mars 2012 sans préavis.
M. Dratwa a contesté ces motifs invoqués par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mars 2012.
Il appartient à la société Champagne Montaudon d'apporter la preuve des manquements graves reprochés.
Or, après avoir observé que certains des tableaux produits par la société Champagne Montaudon sont quasiment illisibles et d'autres peu explicites, il faut constater qu'en tout cas, ils sont insuffisants à établir que les baisses des volumes commercialisés auprès des centrales Scadif et Scapnor seraient imputables à un délaissement par M. Dratwa de ses activités auprès de ces dernières et à une carence ou une négligence grave dans la prospection et le suivi de la clientèle de ces centrales. La société Champagne Montaudon reconnaît d'ailleurs dans ses écritures que cette période était difficile pour les ventes de champagne.
En outre, les tableaux communiqués en pièces 30 et 31 correspondent aux seules années 2008 et 2009 pour ces centrales. Force est dès lors de constater que la société Champagne Montaudon n'a pas elle-même considéré que la baisse des volumes de même que le déréférencement de la marque en 2009, qu'elle attribue à l'absence de prospection par M. Dratwa de sa clientèle, constituaient des fautes d'une gravité telle qu'elles portaient atteinte à la finalité du mandant d'intérêt commun et rendaient impossible le maintien du lien contractuel puisqu'elle n'a résilié le contrat que trois années plus tard en 2012 et au surplus sans apporter aucun élément pertinent relatif à la période intermédiaire.
Les relevés de prix que devait effectuer M. Dratwa entraient en effet dans les services figurant au contrat. A retenir que M. Dratwa n'aurait pas exécuté ces relevés de prix auprès des centrales en cause, ces manquements ponctuels qui ne portent pas atteinte à la mission essentielle de l'agent commercial de maintenir et développer la marque et à la prospection commerciale ne sont pas de nature à eux seuls à constituer une faute grave ; au demeurant, la société Champagne Montaudon ne justifie pas avoir réclamé ces relevés à M. Dratwa et encore moins lui en avoir préalablement fait le reproche et l'avoir mis en demeure d'exécuter cette prestation antérieurement à la lettre de résiliation. Elle ne caractérise pas en quoi la circonstance que M. Dratwa procédait bien aux relevés de prix concernant les magasins Auchan, rendrait plus grave l'omission relative aux centres Leclerc.
S'agissant du référencement d'un champagne concurrent que la société Champagne Montaudon a invoqué pour la première fois dans un courrier du 13 juillet 2012, M. Dratwa ne l'a pas réellement contesté dans sa réponse au courrier mais a fait valoir qu'il était postérieur à la cessation du contrat.
En effet, aucune preuve n'est apportée de ce que le référencement allégué serait intervenu avant le 1er mars 2012. Or, si le contrat d'agence commerciale interdit à M. Dratwa la représentation d'une autre carte de champagne, cette interdiction prend fin à la date de résiliation du contrat et la société Champagne Montaudon ne justifie d'aucune violation d'une clause de non-concurrence ni d'aucun manquement à une obligation de loyauté de ce chef.
La société Champagne Montaudon manque donc à établir l'existence d'une faute grave imputable à M. Dratwa le privant des indemnités de rupture.
Sur les demandes en paiement
- l'indemnité de cessation du contrat d'agent
De ce chef, M. Dratwa sollicite la somme de 139 742 euro en faisant valoir que le calcul de l'indemnité doit être fait sur l'ensemble des rémunérations perçues sans distinction selon leur nature, sur la moyenne du double de la dernière année complète d'activité comme il en est l'usage professionnel.
La société Champagne Montaudon conteste ce chiffre en faisant valoir que doivent être exclus des sommes prises en compte dans l'assiette des rémunérations la totalité des commissions qui lui étaient versées en tant qu'apporteur d'affaires Super U et au titre du contrat de prestation de services rémunéré à hauteur de 2 % chacun, qu'en définitive, le total des commissions sur les trois exercices de 2009 à 2011 s'élève à 36 626 euro, soit une indemnité qui ne saurait dépasser 24 174 euro.
Sur ce :
L'indemnité de cessation du contrat due à l'agent commercial a pour objet de réparer le préjudice qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon leur nature.
En conséquence, toutes les sommes payées à M. Dratwa en exécution du contrat du 11 octobre 2005 entrent dans l'assiette de calcul de l'indemnité de l'article L. 134-12, en ce compris les commissions versées en tant qu'apporteur d'affaires Super U et au titre des prestations de services entrant dans sa mission.
Compte tenu des variations des commissions perçues d'une année sur l'autre, il y a lieu pour évaluer justement l'indemnité due à M. Dratwa de déterminer une moyenne pertinente sur les trois dernières années pleines soit de 2009 à 2011 inclus.
Au vu des pièces produites, de l'ensemble des sommes perçues par M. Dratwa, conformément aux montants des commissions établis par la société Champagne Montaudon et aux factures émises par M. Dratwa qui lui ont été payées sur cette période, la moyenne annuelle s'établit sur la base de ces chiffres à la somme de 51 842 euro.
Compte tenu de la durée du contrat d'agent commercial, le préjudice subi par M. Dratwa du fait de la cessation de ce contrat sera entièrement réparé par une indemnité égale à 103 683 euro.
- le préavis
En application des articles L. 134-11 du Code de commerce, M. Dratwa peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis de trois mois qui sera chiffrée à la somme de 12 960,50 euro.
S'agissant non pas d'une condamnation au paiement des commissions dues pendant la période de préavis mais d'une indemnité réparant le préjudice subi du fait que M. Dratwa a été privé par la société Champagne Montaudon d'une période de préavis, il n'y a pas lieu de prévoir que cette indemnité sera majorée de la TVA.
Ces indemnités porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en paiement faite par M. Dratwa dans sa lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mars 2012 valant notification de ses droits conformément à l'article L. 134-12 du Code de commerce et mise en demeure.
- sur les autres demandes en paiement
M. Dratwa sollicite le paiement de diverses autres sommes au titre de l'application de l'avenant du 20 janvier 2006 en ce qui concerne le règlement d'une facture de 3 000 euro pour la centrale Super U, de rattrapage de commissions pour le 4e trimestre 2009 sur l'enseigne Leclerc pour le champagne Lamotte à hauteur de 2 507,34 euro et du 4ème trimestre 2010 sur l'enseigne Auchan à concurrence de 19 834 euro, ces montants majorés de la TVA.
S'agissant de la somme de 3 000 euro HT, elle correspond à une facture de ce montant émise par M. Dratwa le 16 avril 2008 ayant pour objet la " participation aux frais de réception de la centrale Système U selon votre accord du 20 janvier 2006 ".
Il est en effet prévu par l'avenant du 20 janvier 2006 relatif au référencement de la marque Montaudon auprès de la centrale Système U un budget de 3 000 euro par an pendant trois ans pour " RP + bouteilles cadeaux ".
Or, la société Champagne Montaudon a refusé la prise en charge de cette facture de l'année 2008 correspondant à ce budget au motif que M. Yann Lefebvre ne faisait plus partie de la commission d'achats. Cependant, l'attribution d'un budget annuel de 3 000 euro n'était pas soumis à la condition du maintien dans la commission d'achats de M. Lefebvre même si M. Dratwa entretenait avec ce dernier de bonnes relations qui lui avaient fait espérer de pouvoir obtenir le référencement de la marque Montaudon par la centrale Système U.
Cette somme est donc due par la société Champagne Montaudon en application de l'avenant du 20 janvier 2006 et elle est sans rapport avec l'avenant du 5 octobre 2006 et sa résiliation.
Il y a lieu de la condamner au paiement de cette somme de 3 000 euro HT majorée de la TVA.
En revanche, M. Dratwa sera débouté des demandes de rattrapage de commissions qui ne sont pas justifiées au vu des pièces produites alors qu'il a émis des factures pour les montants figurant sur les relevés de commissions et a été payé intégralement de ses factures.
Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil.
Sur la demande de communication de pièces
M. Dratwa demande à la cour d'ordonner à la société Champagne Montaudon de communiquer sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard à compter du mois de la décision à intervenir, les éléments d'information comptable lui permettant de vérifier ses commissions sur les magasins de l'enseigne Atac situés sur la région Ile-de-France abusivement retirées sur la période du 1er avril au 30 juin 2007, en ce compris les statistiques par magasins, avec le détail des points de vente sur le secteur de l'Ile-de-de-France.
Cependant, sur ce point, il y a lieu de relever que la société Atac fait partie des enseignes qui sont incluses dans l'avenant du 5 octobre 2006.
Il est sans incidence à cet égard comme en atteste la pièce 22 invoquée par M. Dratwa dans ses conclusions que la société Champagne Montaudon ait confirmé à celui-ci que les magasins de l'enseigne Atac en région parisienne lui étaient confiés dès le 1er juillet 2006, et ce par un courriel du 11 juillet 2006.
En effet, les magasins de l'enseigne Atac en Ile-de-France figurent dans le secteur inclus dans le périmètre de l'avenant du 5 octobre 2006 qui a pour date d'effet le 1er juillet 2006 et dans ces conditions, M. Dratwa n'est pas fondé à soutenir que le manquement allégué selon lequel la société Champagne Montaudon ne l'aurait pas commissionné sur la période du 1er avril au 30 juin 2007 pour les magasins Atac serait détachable du retrait du secteur faisant l'objet de l'avenant du 5 octobre 2006.
Comme le soutient donc la société Champagne Montaudon, la demande de M. Dratwa de ce chef se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée aux dispositions du jugement du 17 septembre 2010 et de l'arrêt du 6 octobre 2011 qui ne sont pas atteints par la cassation et excède les limites de la saisine de la cour de renvoi ; partant, elle est irrecevable.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Les dépens seront à la charge de la société Champagne Montaudon qui succombe.
L'équité commande de condamner la société Champagne Montaudon à payer à M. Dratwa une indemnité de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, dans la limite de la cassation prononcée par l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 4 décembre 2012, pourvoi n° 11-28.224, Vu la notification par la société Champagne Montaudon faite à M. Rémi Dratwa par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 octobre 2012 de la résiliation du contrat d'agence commerciale du 11 octobre 2005, Infirme le jugement du 17 septembre 2010 en ce qu'il a débouté M. Dratwa de ses demandes de résiliation judiciaire et en paiement des indemnités afférentes à la cessation du contrat d'agence commerciale du 11 octobre 2005. Statuant à nouveau et y ajoutant, Dit qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire de M. Rémi Dratwa qui est devenue sans objet. Déclare M. Dratwa recevable en ses demandes tendant à voir statuer sur les conséquences de la résiliation du 28 octobre 2012 à l'initiative de la société Champagne Montaudon. Dit que la société Champagne Montaudon n'établit pas l'existence d'une faute grave de nature à priver M. Rémi Dratwa des indemnités de préavis et de cessation du contrat d'agence commerciale. Condamne la société Champagne Montaudon à payer à M. Rémi Dratwa les sommes suivantes : 103 683 euro au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial, 12 960,50 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2012, 3 000 euro majorée de la TVA en application de l'avenant du 20 janvier 2006. Ordonne la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 du Code civil dès lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière. Déboute M. Dratwa du surplus de ses demandes en paiement. Déclare irrecevable sa demande de communication d'éléments d'information comptable concernant les commissions sur les magasins Atac sur la période du 1er avril au 30 juin 2007. Condamne la société Champagne Montaudon aux dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Condamne la société Champagne Montaudon à payer à M. Rémi Dratwa une indemnité de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. La déboute de sa demande au même titre. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.