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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 20 décembre 2013, n° 13-04998

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Eneka (SARL), Kalifa

Défendeur :

Baud

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

Mmes Nerot, Renard

Avocats :

Mes Cohen, Alho Antunes, Sion

TGI Paris 3e ch. sect. 4, du 7 févr. 201…

7 février 2013

Monsieur Joackim Baud expose être créateur de bijoux fantaisie de luxe qu'il commercialise auprès de revendeurs sous le nom commercial Kabe et sous la marque "Icepinkim" n° 3 591 915, déposée le 29 juillet 2008.

Dans le cadre de cette activité, Monsieur Baud a notamment déposé deux modèles de bijoux auprès de l'Inpi :

- un modèle n° 08 3502 déposé le 29 juillet 2008 et publié sous le n° 829 374 à 829 381 correspondant à un bracelet commercialisé sous le nom "Malicieuses Merveilles",

- un modèle n° 09 5960 déposé le 3 décembre 2009 et publié sous le n° 855 246 à 855250 correspondant à un bracelet commercialisé sous le nom "Malicieuses Merveilles 3 Tours".

La société Eneka, dont Madame Nathalie Kalifa est la gérante, a pour activité la vente au détail de bijouterie fantaisie, qu'elle exerce sous le nom commercial "Vade Retro".

La société Eneka a, entre les mois de novembre 2008 et de juillet 2010, commercialisé les bijoux créés par Monsieur Baud.

Constatant au mois de novembre 2011 que des bracelets reproduisant les caractéristiques des modèles n° 08 3502 et n° 09 5960 étaient commercialisés par la société Eneka sous la référence "brac kim" et "col kim", et à la suite d'une saisie contrefaçon au siège de cette société pratiquée le 6 décembre 2011, Monsieur Joackim Baud a fait assigner, selon actes d'huissier en date du 5 janvier 2012, Madame Nathalie Kalifa, en tant que fabricante des bijoux argués de contrefaçon, et la société Eneka, en tant que distributrice de ceux-ci, devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de dessins et modèles, contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale.

Par jugement contradictoire en date du 7 février 2013 et assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que la société Eneka et Nathalie Kalifa ont commis des actes de contrefaçon en commercialisant des bracelets reproduisant les caractéristiques originales des modèles français enregistrés sous les n° 08 3502 et n° 09 5960 et référencés "Malicieuses Merveilles" et "Malicieuses Merveilles 3 Tours",

- fait interdiction à Nathalie Kalifa et à la société Eneka de poursuivre ces agissements sous astreinte de 500 euro par infraction constatée à compter de la signification de la décision, astreinte dont il s'est réservé la liquidation,

- condamné in solidum la société Eneka et Nathalie Kalifa à verser à Joackim Baud la somme de 15 000 euro en réparation des actes de contrefaçon, la société Eneka à la somme de 10 000 euro du fait des actes de concurrence déloyale et in solidum la société Eneka et Nathalie Kalifa aux entiers dépens de la présente procédure et à la somme de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles.

La société Eneka et Madame Kalifa ont relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 12 mars 2013.

Par dernières écritures signifiées par voie électronique le 6 novembre 2013, la société Eneka et Madame Kalifa demandent à la cour, au visa des articles L. 111-1 et suivants et L. 511-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, les articles L. 120-1 et suivants du Code de la consommation, les articles 1382 et suivants du Code civil, ainsi que l'article 1244-1 du Code civil, de :

à titre principal,

- dire et juger que les modèles n° 08 3502 (Malicieuses Merveilles) et n° 09 5960 (Malicieuses Merveilles 3 Tours) déposés par Monsieur Baud auprès de l'INPI sont frappés de nullité faute de nouveauté et d'originalité,

- dire et juger que Monsieur Baud ne peut se prévaloir d'aucun droit d'auteur sur les modèles n° 08 3502 (Malicieuses Merveilles) et n° 09 5960 (Malicieuses Merveilles 3 Tours),

- dire et juger qu'il existe des différences significatives entre les produits fabriqués Monsieur Baud et ceux fabriqués par la société Eneka ainsi que Madame Kalifa, qui empêchent toute ressemblance et confusion dans l'esprit du consommateur,

- dire et juger que la société Eneka et Madame Kalifa n'ont commis aucun acte de contrefaçon, aucune atteinte au droit d'auteur, aucun acte de concurrence déloyale, ni aucun acte de parasitisme à l'égard de Monsieur Baud,

En conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 7 février 2013 dont appel,

Et, statuant à nouveau,

- débouter Monsieur Baud de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire

- dire et juger que Monsieur Baud ne justifie pas d'aucun préjudice réel à hauteur du montant de ses demandes,

- constater que le jugement dont appel ne justifie pas du quantum des condamnations prononcées au bénéfice de Monsieur Baud,

- constater que la situation financière de la société Eneka et de Madame Kalifa ne leur permettent pas de s'acquitter du montant des condamnations prononcées,

En conséquence,

- infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 7 février 2013 dont appel,

- rapporter le montant des condamnations prononcées à de plus justes valeurs, qui ne sauraient être supérieures à la somme de 364 euro,

- octroyer à la société Eneka et Madame Kalifa les plus larges délais de paiement compte tenu de sa situation financière difficile,

En tout état de cause,

- condamner Monsieur Baud à leur payer la somme de 2 000 euro chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dont distraction au profit de leur conseil,

- condamner Monsieur Baud aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18 juillet 2013, Monsieur Joackim Baud, intimé, prie la cour, au visa des articles L. 111-1 et suivants, L. 511-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, 1382 du Code civil et L. 120-1 et suivants du Code de la consommation, de :

- confirmer le jugement du 7 février 2013 en ce qu'il a condamné in solidum la société Eneka et Madame Kalifa pour contrefaçon de modèles et la société Eneka pour concurrence déloyale,

En conséquence :

- débouter la société Eneka et Madame Nathalie Kalifa de l'ensemble de leurs demandes,

- dire et juger que Monsieur Joackim Baud a la propriété exclusive du modèle n° 08 3502 déposé le 29 juillet 2008,

- dire et juger que Monsieur Joackim Baud a la propriété exclusive du modèle n° 09 5960 déposé le 3 décembre 2009,

- dire et juger que Monsieur Joackim Baud détient des droits d'auteur sur les modèles de bracelets référencés "Malicieuses Merveilles" et "Malicieuses Merveilles Trois Tours",

- dire et juger qu'en fabriquant et en commercialisant les bracelets portant les références "brac kim" et "col kim", Madame Nathalie Kalifa et la société Eneka se sont rendues coupables de contrefaçon des modèles n° 083502 et n° 09 5960 et d'atteinte aux droits d'auteur détenus par Monsieur Joackim Baud sur ses bijoux,

- interdire à Madame Kalifa et à la société Eneka la fabrication et la commercialisation des bracelets contrefaisants, sous astreinte définitive de 500 euro par infraction constatée et 1 000 euro par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

- condamner in solidum Madame Nathalie Kalifa et la société Eneka à lui payer la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon,

- dire et juger que la société Eneka s'est rendue coupable, au préjudice de Monsieur Joackim Baud, d'actes de concurrence déloyale,

- condamner la société Eneka à payer à Monsieur Joackim Baud la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

- l'autoriser à faire procéder à la publication de l'arrêt à intervenir dans 5 journaux ou revues de son choix, ainsi que sur la première page du site Internet de la société Eneka, nom commercial Vade Retro, durant un mois, les publications devant être visibles dès l'apparition de la page d'accueil, aux frais de Madame Kalifa et de la société Eneka, le coût global des publications ne pouvant excéder la somme de 20 000 euro HT,

- condamner in solidum Madame Nathalie Kalifa et la société Eneka à lui verser la somme de 10 000 euro, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Madame Nathalie Kalifa et la société Eneka en tous les dépens, dont distraction au profit de son conseil.

Par courrier du 6 novembre 2013, adressé à la cour par voie électronique le 7 novembre 2013, Monsieur Baud a sollicité le rejet des dernières conclusions de Madame Nathalie Kalifa et de la société Eneka ainsi que de la dernière pièce communiquée constituée des comptes annuels de Monsieur Baud au 31-12-2012, ce en raison de leur tardiveté.

Les appelantes se sont opposées à cette demande par courrier du 7 novembre 2013, adressé à la cour par voie électronique le même jour.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 novembre 2013, et l'affaire plaidée le 8 novembre 2013.

Sur ce,

Sur le rejet des conclusions de Madame Nathalie Kalifa et de la société Eneka signifiées le 6 novembre 2013 et de la pièce communiquée sous le n° 21

Considérant que la cour, qui n'a pas été destinataire d'aucune conclusions aux fins de rejet des débats des dernières écritures de Madame Nathalie Kalifa et de la société Eneka ainsi que de la dernière pièce communiquée, n'est saisie d'aucune demande en ce sens de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de ce chef ;

Sur la protection des bijoux "Malicieuses Merveilles" et "Malicieuses Merveilles 3 Tours"

* au titre des dessins et modèles

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, "seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre" ;

Que selon l'article L. 511-3 du même code, "un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par les détails" ;

Que l'article L. 511-4, alinéa 1er dudit code dispose qu' "un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée" ;

Considérant qu'il a été dit que Monsieur Baud a déposé auprès de l'INPI le 29 juillet 2008 sous le n° 08 3502, publié sous les n° 829 374 et 829 375, un modèle de bracelet en argent ou vermeil avec des pierres précieuses, fines ou ornementales naturelles (représentations 1-1 et 1-2) et le 3 décembre 2009 sous le n° 09 5960, publié sous le n° 855 246 (représentation 1-1), un modèle de bracelet 3 tours en argent ou vermeil, pierres précieuses ou semi-précieuses (représentation 1-1) ;

Qu'il décrit ainsi ces modèles :

- modèle n° 08 3502 déposé le 29 juillet 2008 correspondant à un bracelet commercialisé sous le nom "Malicieuses Merveilles" :

* une chaîne à anneaux en argent ou en vermeille,

* avec en son centre la présence de pierres précieuses, fines ou ornementales naturelles en forme de boules tronquées de couleur,

* la séparation entre la chaîne et les pierres est matérialisée par une boule réalisée dans le même matériau que la chaîne,

* et sur l'une des extrémités du bracelet est apposée une pierre précieuse de la même couleur que celle présentes au centre,

- un modèle n° 855 246 déposé sous le titre n° 09 5960 du 3 décembre 2009 correspondant à un bracelet commercialisé sous le nom "Malicieuses Merveilles Trois Tours" :

* un fil de soie de couleur et une chaîne en argent ou en vermeil, tressés l'un avec l'autre,

* avec en son centre la présence de pierres précieuses ou semi-précieuses en forme de boules tronquées de couleur,

* la séparation entre la chaîne et les pierres est matérialisée par une boule réalisée dans le même matériau que la chaîne,

* sur chacune des extrémités du bracelet sont apposées deux boules, l'une dans le même matériau que la chaîne et l'autre de couleur proche à celle du fil de soie et des pierres centrales ;

Considérant que les appelantes poursuivent l'infirmation du jugement qui a reconnu la validité des deux modèles enregistrés aux motifs qu'elles ne démontraient pas l'existence d'antériorités datées destructrices de nouveauté ;

Qu'elles font à cet égard valoir en substance, pour conclure à l'absence de nouveauté et d'originalité des modèles déposés, que des modèles en tout ou partie similaires à ceux déposés, sont régulièrement commercialisés sans que Monsieur Baud n'agisse en contrefaçon contre les tiers les mettant dans le commerce et qui "seraient en mesure de lui opposer une antériorité" ; qu'elles produisent aux débats des impressions écrans desdits modèles qu'elles reconnaissent postérieures aux dépôt incriminés du fait de la date de l'assignation, et indiquent que ces antériorités (sic) dégageant une impression visuelle d'ensemble ne différant pas de celle produite par les modèles invoqués, ces derniers doivent être déclarés nuls ;

Que l'intimé expose, par motifs adoptés du tribunal, qu'en l'absence de date certaine des antériorités produites au débat, ses modèles doivent être réputés nouveaux, et donc valables, que seule compte pour apprécier la validité d'un dépôt la date dudit dépôt et non la date d'assignation, que les impressions écrans versées aux débats étant postérieures, les modèles opposés ne constituent pas des antériorités, et qu'au surplus, aucun de ces modèles ne reprend l'ensemble des caractéristiques des modèles déposés et n'est donc pas destructeur de leur nouveauté ;

Considérant ceci exposé que les appelantes versent aux débats en pièce n° 10 des copies montrant des représentations de bracelets qui, lorsqu'elles sont lisibles, ne comportent pour certaines aucune indication de provenance autre que des mentions manuscrites et pour l'ensemble d'entre elles aucune date, pas même celle de leur impression qui en tout état de cause serait certes "évidemment postérieure à l'assignation" mais en tous cas pas de nature à constituer une antériorité destructrice de nouveauté du modèle n° 08 3502 déposé le 29 juillet 2008 par Monsieur Baud ;

Que de même, la pièce n° 11 produite par les appelantes, qui donne à voir des bracelets constitués de plusieurs tours, dont la provenance est également ignorée, n'est pas datée à l'exception d'une page du magazine Grazia du 11.05.2012 qui est postérieure au dépôt par Monsieur Baud du modèle n° 855 246 effectué le 3 décembre 2009 ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit qu'à défaut d'établir que les bijoux invoqués ont été commercialisés avant le 29 juillet 2008 et avant le 3 décembre 2009, Madame Kalifa et de la société Eneka échouent à contester la nouveauté des modèles n° 08 3502 et n° 09 5960 ;

Qu'il convient de relever par ailleurs que le défaut de caractère propre desdits modèles n'est pas invoqué et d'ajouter que la notion d'originalité est étrangère au droit des dessins et modèles déposés ;

Considérant que les modèles n° 083502 et n° 095960 dont Monsieur Joackim Baud est titulaire sont donc valables et en conséquence susceptibles de protection au titre du livre V du Code de la propriété intellectuelle ;

* au titre du droit d'auteur

Considérant que les dispositions de l'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ;

Que selon l'article L. 112-2 10° du même code, sont considérées notamment comme œuvres de l'esprit les œuvres des arts appliqués ;

Qu'en l'espèce les appelantes reprennent au titre du droit d'auteur leurs arguments développées dans le cadre du débat sur les dessins et modèles, à savoir l'absence d'originalité des bijoux opposés, et se fondent également sur les deux pièces susvisées numérotées 10 et 11 ;

Que toutefois il appartient à celui qui conteste l'originalité d'une création d'établir qu'elle ne révèle pas, au regard de l'art antérieur, l'empreinte de la personnalité de son auteur, ainsi que le relève l'intimé ;

Or considérant qu'il a été dit que les deux pièces produites par les appelantes ne sont pas datées ; qu'elles sont dès lors inopérantes à détruire l'originalité des deux bijoux invoqués, laquelle réside au demeurant dans la combinaison des éléments qui les caractérisent selon des agencements particuliers, qui confèrent à l'ensemble sa physionomie propre et traduit un parti pris esthétique reflétant l'empreinte de la personnalité de leur auteur ;

Considérant que les bijoux "Malicieuses Merveilles" et "Malicieuses Merveilles 3 Tours" doivent donc bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur instaurée par le Livre I du Code de la propriété intellectuelle et le jugement sera en conséquence également confirmé de ce chef ;

Sur la contrefaçon

Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, "toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en va de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque" ;

Que selon l'article L. 513-4 du Code de la propriété intellectuelle, 'sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle' ;

Qu'aux termes de l'article L. 513-5 du même code, la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente ;

Considérant en l'espèce que la société Eneka et Madame Kalifa se prévalent d'une "appréciation" visuelle d'ensemble différente entre les modèles déposés et les bracelets qu'elles commercialisent qui résulteraient des différences existant entre les bijoux en cause, et de l'absence de "risque de confusion" pour le consommateur entre les produits ;

Que s'agissant du bijou "Malicieuses Merveilles", elles mettent essentiellement en exergue le fait que les bracelets qu'elles fabriquent et commercialisent sont en métal argenté alors que le modèle déposé est fabriqué en argent ou en vermeil, ainsi que l'absence de la plaque sur laquelle est gravée la marque de Monsieur Baud sur leurs bracelets, et s'agissant du bijou "Malicieuses Merveilles 3 Tours" font valoir que le bijou incriminé est un collier alors que le modèle déposé est un bracelet, et invoquent les différences entre les métaux, les mailles, les techniques de tressage du fil avec la chaîne, la présence d'une chaînette pour régler la longueur du bijou pour le produit des appelantes, le fait que le bracelet revendiqué se noue alors que le collier allégué de contrefaçon dispose d'un fermoir, la présence de la marque de Monsieur Baud contre une colombe à l'extrémité des bijoux, et plus généralement la différence de finition entre les bijoux ; qu'elles précisent enfin que le bracelet de Monsieur Baud ne comportait initialement pas de boule du même matériau que la chaîne afin de séparer les pierres de la chaîne tressée ;

Qu'elles reprennent au titre des droits d'auteur leurs arguments, à savoir les différences qui existeraient entre les bijoux concernés ;

Que l'intimé réplique que les deux modèles sont constitués par une chaîne à anneaux en argent ou vermeil avec en son centre la présence de pierres précieuses, fines ou ornementales naturelles en forme de boules tronquées de couleur, d'une séparation entre la chaîne et les pierres matérialisée par une boule réalisée dans le même matériau que la chaîne et l'apposition d'une pierre précieuse de la même couleur que celles présentes au centre sur l'une des extrémités du bracelet, que la différence de matériaux ne justifie pas l'absence de reprise de ces éléments caractéristiques, et que la seule absence de sa marque est inopérant ; qu'il ajoute que sont reprises les caractéristiques essentielles du modèle n° 09 5960, à savoir un fil de soie de couleur et une chaîne en argent ou vermeil, tressé l'un avec l'autre avec en son centre la présence de pierres précieuses ou semi-précieuses en forme de boules tronquées de couleur, la séparation entre la chaîne et les pierres matérialisée par une boule réalisée dans le même matériau que la chaîne et l'apposition sur chacune des extrémités du bracelet de deux boules, l'une dans le même matériau que la chaîne et l'autre de couleur proche à celle du fil de soie et des pierres centrales, que le modèle litigieux, présentant ces mêmes caractéristiques, produira donc une impression visuelle d'ensemble identique pour l'observateur averti, que les différences alléguées par les appelantes tiennent à des différences techniques et non esthétiques, résultant de la qualité inférieure des bijoux incriminés ;

Que reprenant également les mêmes arguments il conclut à la reproduction par les appelantes des caractéristiques originales des bijoux revendiqués, et en conséquence, à l'existence d'actes de contrefaçon tant de modèle déposé que de droits d'auteur ;

Considérant ceci exposé qu'il résulte de l'examen visuel des bijoux en cause achetés le 27 novembre 2011 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 6 décembre 2011, que Madame Nathalie Kalifa fabrique et la société Eneka commercialise sous le référence brac kim, un bracelet qui reproduit, dans une combinaison identique, l'ensemble des caractéristiques du modèle de bracelet Malicieuses Merveilles objet du dépôt de modèle n° 08 3502, la différence relevée par les appelantes, tenant au matériau utilisé, n'affectant pas l'impression d'ensemble qui s'en dégage, pas plus que le remplacement d'une petite plaque gravée de la marque Icepinkim dont est titulaire Monsieur Baud par une étoile ou un autre motif, cette circonstance étant au contraire de nature à éviter une condamnation pour contrefaçon de marque ;

Que la contrefaçon de droits d'auteur et du modèle n° 08 3502 est donc caractérisée et le jugement sera confirmé de ce chef ;

Que s'agissant du bracelet "Malicieuses Merveilles 3 Tours", il y a lieu de constater au vu des mêmes éléments constitués des bijoux en cause et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 6 décembre 2011, que le bijou référence col kim, fabriqué par Madame Kalifa et commercialisé par la société Eneka, est présenté à la vente comme étant un bracelet à trois tours de sorte que les appelantes ne peuvent utilement soutenir qu'il s'agirait en réalité d'un collier, et qu'il comporte un fil de couleur et une chaîne argentée, tressés l'un avec l'autre, des pierres en son centre en forme de boules tronquées de couleur et une séparation entre la chaîne et les pierres matérialisée par une boule réalisée dans le même matériau que la chaîne ;

Qu'il reproduit ainsi, dans une combinaison identique, l'ensemble des caractéristiques du modèle de bracelet Malicieuses Merveilles 3 Tours objet du dépôt de modèle n° 095960 (représentation 1-1), les différences relevées par les appelantes, tenant aux matériaux utilisés et à l'ajout d'une chaînette de rallonge, d'un fermoir et à la substitution de la petite plaque dorée, ronde et gravée par une petite colombe dorée, n'affectant pas l'impression d'ensemble qui s'en dégage ;

Que la contrefaçon de droits d'auteur et du modèle n° 09 5960 est donc caractérisée et le jugement sera également confirmé de ce chef ;

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme

Considérant que les appelantes font grief à la décision de première instance d'avoir dit que la société Eneka avait commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de Monsieur Joackim Baud, alors selon elles qu'en ayant acquis les modèles exposés auprès de ce dernier, la société Eneka était parfaitement fondée à placer les modèles qui lui restaient dans sa vitrine afin d'écouler ses stocks et à mentionner le nom de Monsieur Baud sur son site Internet ; que ces bijoux n'étaient pas exposés à côté de ceux fabriqués par la société Eneka, évitant ainsi tout risque de confusion ; que la société Eneka n'a donc pas cherché à créer une confusion dans l'esprit du consommateur et que, en tout état de cause, Monsieur Baud ne justifie d'aucun préjudice réel et ne démontre pas avoir perdu une partie de sa clientèle ;

Que l'intimé soutient au contraire que la société Eneka a utilisé les modèles authentiques qu'elle lui avait achetés comme produits d'appel pour ensuite vendre par substitution à sa clientèle les bijoux contrefaisants, et qu'elle l'a présenté jusqu'au lendemain des opérations de saisie-contrefaçon du 6 décembre 2011 comme l'un des créateurs dont elle commercialiserait les créations ;

Qu'il ajoute que la commercialisation des bijoux de Madame Kalifa s'est faite au détriment de ses propres bijoux, que la confusion recherchée et crée est aggravée par le choix des appellations brac kim et col kim en référence à la marque Icepinkim dont il est titulaire et que ce comportement manifestement déloyal ou parasitaire a visé à tirer profit de ses investissements et de sa réputation naissante ;

Considérant ceci exposé, qu'il est constant que la société Eneka a commercialisé les modèles de bijoux créés par Monsieur Joackim Baud du mois de novembre 2008 au mois de juillet 2010 et qu'elle a commercialisé, après la dernière commande, les bijoux créés par sa gérante Madame Nathalie Kalifa objets du litige et qui constituent la copie quasi-servile des bijoux de Monsieur Baud ; que la société Eneka exposait dans sa vitrine le jour de la saisie-contrefaçon soit le 6 décembre 2011, les quatre bijoux authentiques qu'elle détenait en stock au moins depuis le 22 juillet 2010 ; que les bijoux contrefaisants ont été commercialisés sous les références brac kim et col kim, au demeurant à un prix inférieurs de ceux créés par Monsieur Baud alors que selon les appelantes elles-mêmes, ils n'utilisent pas de matériaux aussi précieux, et alors que Monsieur Joackim Baud est titulaire d'une marque "Icepinkim" ;

Que ces pratiques ne procèdent pas de l'exercice de la libre concurrence mais traduisent au contraire la volonté délibérée de la société appelante d'entretenir la confusion dans l'esprit du public concerné entre les produits en cause pour tirer profit des investissements financiers et intellectuels de Monsieur Baud, et constituent dès lors des actes de concurrence déloyale et-ou de parasitisme ;

Qu'ayant pour objet de promouvoir un produit similaire à celui d'un autre fournisseur clairement identifié, de manière à inciter délibérément le consommateur à penser que le produit provient de ce fournisseur alors que tel n'est pas le cas, elles constituent en outre une pratique trompeuse au sens de l'article L. 121-1-1 13 du Code de la Consommation ;

Que dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Eneka et au préjudice de Monsieur Baud ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que les appelantes poursuivent l'infirmation du jugement qui les a condamnées au paiement de la somme de 15 000 euro au titre de la contrefaçon et de la somme de 10 000 euro au titre de la concurrence déloyale en faisant valoir que la société Eneka n'a vendu que six bijoux argués de contrefaçon dont trois seulement à de véritables clients, les trois autres ayant été achetés par l'attaché de presse de Monsieur Baud et par l'huissier de justice lors des opérations de saisie-contrefaçon et que son chiffre d'affaires s'est élevé à seulement 364 euro ; qu'elles sollicitent à titre subsidiaire la réduction des condamnations prononcées à leur égard par le tribunal aux motifs que les montants retenus sont manifestement excessifs au regard de leur activité commerciale et de leur bonne foi et qu'ils ne sont nullement justifiés par l'intimé ; qu'elles invoquent enfin les dispositions de l'article 1244-1 du Code civil pour solliciter de la cour des délais de paiement étalés sur 24 mois compte tenu des difficultés financières rencontrées par la société Eneka et du fait que les revenus de Mme Kalifa sont liés à l'activité générée par cette société ;

Considérant que l'intimé fait valoir quant à lui et à juste titre que la situation financière d'une partie n'est pas un élément d'appréciation de l'évaluation du préjudice subi par la victime d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et s'oppose également à la demande en délais de paiement eu égard au montant des salaires versés à Madame Kalifa par la société Eneka ;

Considérant ceci exposé que les atteintes portées aux droits d'auteur de Monsieur Joackim Baud et à ses droits sur les modèles déposés enregistrés sous les n° 08 3502 et n° 09 5960 sont justement réparées par l'octroi de la somme de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon commis ;

Que les actes de concurrence déloyale et de parasitisme seront quant à eux justement réparés par l'octroi de la somme de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que le préjudice de Monsieur Baud étant intégralement réparé par les dommages-intérêts alloués, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication de la présente décision qui est en outre sollicitée ;

Qu'enfin les condamnations prononcées excluent la bonne foi invoquée par les appelantes qui seront dès lors déboutées de leurs demande de délais de paiement, étant précisé en tout état de cause qu'elles ont déjà bénéficié, de fait, de larges délais ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'il y a lieu de condamner Madame Kalifa et la société Eneka, parties perdantes, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. ;

Qu'en outre, elle doivent être condamnées à verser à Monsieur Baud, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 8 000 euro ;

Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 février 2013 par le Tribunal de grande instance de Paris. Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. Déboute la société Eneka et Nathalie Kalifa de leurs demandes de délais de paiement. Condamne in solidum la société Eneka et Nathalie Kalifa à payer à Monsieur Joackim Baud la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne in solidum la société Eneka et Nathalie Kalifa aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.