ADLC, 9 juillet 2012, n° 12-A-15
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Avis
Rendu à la Cour d'appel de Paris concernant des litiges opposant les sociétés Carrefour Proximité France et CSF à la société Établissements Ségurel
L'Autorité de la concurrence (section II),
Vu les lettres, enregistrées le 28 novembre 2011 sous les numéros 11/0085 AJ et 11/0086 AJ, par lesquelles la Cour d'appel de Paris a sollicité l'avis de l'Autorité de la concurrence, en application de l'article L. 462-3 du Code de commerce, sur le caractère de pratique anticoncurrentielle au regard des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce de stipulations contenues dans deux contrats de franchise mis en œuvre dans le secteur de la distribution d'alimentation générale de proximité ; Vu le livre IV du Code de commerce ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par les sociétés Carrefour Proximité France, CSF et Établissements Ségurel ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint et les représentants des sociétés Carrefour Proximité France, CSF et Établissements Ségurel entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 13 juin 2012 ;
Est d'avis de répondre dans le sens des observations qui suivent :
I. Constatations
A. LES DEMANDES D'AVIS
1. Par deux lettres du 24 novembre 2011, enregistrées le 28 novembre 2011 sous les numéros 11/0085 AJ et 11/0086 AJ, la Cour d'appel de Paris a décidé de consulter l'Autorité de la concurrence, en application de l'article L. 462-3 du Code de commerce, sur le caractère de pratique anticoncurrentielle au regard des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce de stipulations insérées dans deux contrats de franchise mis en œuvre dans le secteur de la distribution d'alimentation générale de proximité (1).
2. Les deux demandes d'avis introduites par la Cour d'appel de Paris interviennent dans le cadre de litiges opposant les sociétés Carrefour Proximité France et CSF, qui appartiennent au groupe Carrefour (ci-après, ensemble, Carrefour) et venant aux droits de la société Prodim, filiale du groupe Promodès avec lequel Carrefour a fusionné en 2000, à l'encontre de la société Établissements Ségurel (ci-après, Ségurel).
3. Par ses recours portés devant le Tribunal de commerce de Paris puis, à la suite de leur rejet, devant la Cour d'appel de Paris, Carrefour entend faire reconnaître la responsabilité de Ségurel au titre de sa tierce-complicité dans la violation, par les sociétés Supercham et G&A Distribution, deux anciens franchisés, de la clause dite " de non-réaffiliation " insérée dans leur contrat de franchise conclu avec Prodim, respectivement en 1991 et 1994.
4. Devant la Cour d'appel de Paris, Ségurel a mis en cause la licéité de cette clause au regard des règles de la concurrence issues des dispositions du droit national et du droit de l'Union européenne.
5. Dans ces conditions, en premier lieu, par un arrêt du 16 novembre 2011 et avant dire droit, la Cour d'appel de Paris a décidé de consulter l'Autorité de la concurrence. Cette demande d'avis, enregistrée à l'Autorité sous le numéro 11/0085 AJ, est rédigée comme suit :
" [La Cour d'appel] invite l'Autorité de la concurrence à donner son avis sur le caractère de pratique anticoncurrentielle au regard des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce de la stipulation insérée à l'article 8.2 du contrat dénommé 'accord de franchise Shopi' conclu le 18 juillet 1991 entre la société Prodim et la société Supercham aux termes de laquelle le franchisé s'oblige 'à ne pas utiliser directement ou indirectement, personnellement ou par personne interposée, en Société ou autrement durant une période de 3 ans à compter de la date de résiliation du présent contrat une enseigne de renommée nationale ou régionale déposée ou non et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à ces enseignes (marques propres) ceci dans un rayon de 5 km du magasin Shopi faisant l'objet du présent accord' ".
6. En second lieu, par un arrêt du 28 septembre 2011 et avant dire droit, la Cour d'appel de Paris a décidé de consulter l'Autorité de la concurrence. Cette demande d'avis, enregistrée à l'Autorité sous le numéro 11/0086 AJ, est rédigée comme suit :
" [La cour d'appel] invite l'Autorité de la concurrence à donner son avis sur caractère de pratique anticoncurrentielle au regard des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code du commerce de la stipulation insérée à l'article 6 du contrat dénommé accord de franchise en date du 2 février 1994 conclu entre la société Prodim et la société G&A Distribution aux termes de laquelle 'le franchisé s'oblige à ne pas utiliser directement ou indirectement, personnellement ou par personne interposée, en société ou autrement, durant une période de un an à compter de la date de résiliation du présent contrat, une enseigne de renommée nationale ou régionale déposée ou non et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à ces enseignes (marques propres), ceci dans un rayon de cinq kilomètres du magasin Shopi faisant l'objet du présent accord' ".
B. LES PARTIES AU PRINCIPAL ET LE SECTEUR D'ACTIVITÉ CONCERNÉ
1. LES PARTIES AUX LITIGES AU PRINCIPAL
a) Le groupe Carrefour et ses filiales Carrefour Proximité France et CSF
Le groupe Carrefour
7. Ainsi qu'il est rappelé dans la décision n° 11-D-20, le groupe Carrefour est issu de la société Carrefour supermarchés créée en 1959 par les familles Fournier et Badin-Defforey. Sa holding, la société Carrefour SA, est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance (2).
8. Jusqu'à la récente opération de scission concernant Dia (enseignes de maxi-discompte ; en France, les enseignes Ed et Dia), le groupe Carrefour exploitait tous les formats de distribution à dominante alimentaire au travers de plusieurs enseignes, dont le nombre et la diversité se sont accrus depuis la fusion avec le groupe Promodès, le 30 mars 2000. En France, le groupe compte des hypermarchés, des supermarchés, des magasins de proximité et des magasins de libre-service de gros dédiés aux professionnels (" cash and carry "). Il a également récemment développé une activité de vente par Internet, en livraison à domicile et en " drive ".
La branche Proximité du groupe Carrefour
9. Carrefour Proximité France (3) est une filiale du groupe Carrefour chargée du réseau de magasins de proximité sous enseignes de Carrefour. Parmi les enseignes exploitées, quatre sont des enseignes dites " historiques " car précédemment exploitées par Promodès (Shopi, 8 à huit, Proxi) ou par Comptoirs modernes (Marché Plus), deux entités qui ont depuis fusionné au sein de Carrefour. En outre, quatre enseignes ont été créées dans le cadre du programme dit " de convergence " des enseignes Shopi, Marché Plus et 8 à huit vers les enseignes Carrefour Contact, Carrefour City, Carrefour Express et Carrefour Montagne.
10. Les supérettes sous enseigne Carrefour Contact, 8 à Huit et Shopi sont généralement implantées en milieu rural ou dans de petites agglomérations. Leur offre est principalement composée de produits alimentaires et non-alimentaires pour le quotidien (4).
11. Parmi ces produits, Carrefour met à la disposition de son réseau des produits commercialisés sous ses propres marques (ci-après " marques de distributeur " ou " MDD "). À l'époque des faits, Promodès proposait la marque Grand Jury, dédiée à l'activité de proximité et à l'activité " cash and carry ", ainsi que la marque de premier prix (5) " Numéro 1 ".
12. Selon Carrefour, en 1996, la part des MDD dans le chiffre d'affaires était très probablement aux environs de 30 % (6).
13. Carrefour Proximité France exerce encore une activité de négoce et de livraison en direction de magasins opérant sans enseigne (par exemple, des magasins qui ont une activité saisonnière). Cette activité, désormais reportée sur son enseigne " cash and carry " Promocash, représente actuellement 2 % de son activité et en représentait probablement 5 % à l'époque des faits. (7)
14. CSF est également une filiale du groupe Carrefour. CSF est franchiseur et exploitant du réseau de supermarchés sous enseigne Carrefour Market. Elle est également en charge de l'approvisionnement (" supply chain ") de tous les magasins du groupe Carrefour, dont les magasins de proximité et à l'exception des hyper-marchés. En France, depuis le 1er février 2008, CSF a confié l'activité d'approvisionnement à CSF France, autre filiale de Carrefour.
Le groupe Promodès
15. Racheté par le groupe Carrefour, en 2000, le groupe Promodès était, via sa filiale Prodim, le franchiseur des deux magasins en cause dans la présente procédure. L'avis 00-A-06 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès précisait que " la société Promodès exploite en France, ses magasins sous les enseignes Continent pour les hypermarchés, Champion, Provencia, Shopi, Codec, 8 à huit et Score pour les supermarchés, Corsaire et Proxi pour les magasins de proximité. Elle est également présente dans la distribution aux professionnels avec les enseignes de 'payer-prendre' : Promocash, Puntocash, Prodirest (1er fournisseur de la restauration hors foyer), Prodim, Logidis, Prodis boisson, pour le commerce de gros et le négoce. En 1998, un tiers des hypermarchés, quatre cinquièmes des supermarchés et la totalité des commerces de proximité étaient exploités en franchise. En 1998, la société Promodès a réalisé un chiffre d'affaires TTC sous enseignes (c'est-à-dire y compris les magasins franchisés) de 111,5 milliards de francs, répartis selon les formats de magasins, de la manière suivante : 44 milliards de francs pour les hypermarchés, 40 milliards de francs, pour les supermarchés et 14,5 milliards de francs pour le commerce de proximité. " (8)
b) Les Établissement Ségurel
16. Constituée en 1929, Ségurel (9) est une centrale d'approvisionnement intervenant dans la distribution alimentaire. En 2011, la société a réalisé un chiffre d'affaires de 204 millions d'euros.
17. Dans le cadre de son activité, Ségurel approvisionne des épiceries et des supérettes, voire des petits supermarchés, d'une surface comprise entre 80 m² et environ 600/700 m², sur un territoire qui recouvre les régions Île-de-France, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Picardie, Centre, Pays-de-la-Loire et Nord-Pas-de-Calais.
18. À l'époque des faits, Ségurel proposait à ses clients deux enseignes Coccinelle (10) et Coccimarket, détenues par la société Francap, centrale d'achat (11) à laquelle Ségurel est affiliée (12).
19. L'approvisionnement des magasins s'effectue sur la base de commandes passées par ceux-ci auprès de Ségurel, sans qu'il s'inscrive cependant dans le temps sur la base d'une relation contractuelle établie, comme un contrat de franchise, un contrat d'approvisionnement ou un contrat de licence d'enseigne à durée déterminée.
20. Ségurel propose à ses clients les MDD " Belle France " et " Délices de Belle France " et les marques de premier prix "Winny " et " Ecoprix ", également concédées par Francap, ainsi que la marque de premier prix " Le Mutant ", concédée par Coop de Normandie. Le chiffre d'affaires des MDD correspond à plus 30 % du chiffre d'affaires total de Ségurel.
2. LES MAGASINS ET LE SECTEUR D'ACTIVITÉ CONCERNÉS
a) Les magasins concernés
Le magasin objet du contrat de franchise du 18 juillet 1991
21. Le magasin objet du contrat de franchise du 18 juillet 1991 est situé à Bouffémont, dans le département du Val-d'Oise, à environ 20 km au nord de Paris. Dans les années 1990, la ville comptait environ 5700 habitants (13) Bouffémont est limitrophe de la ville de Domont, dont la population était sur la période environ 2,5 fois plus importante, et est proche, notamment, des agglomérations de Franconville, à 23 km au sud-ouest, et de Montmorency et Sarcelles, respectivement situées à 10 km et 12 km au sud-est.
22. Le magasin en question disposait, à l'époque des faits, d'une surface de vente de 400 m², selon des données fournies par Carrefour (14), et de 300 m², selon des données fournies par Ségurel (15), et son accès en voiture était facilité par la présence d'un parking d'une soixantaine de places (16).
Le magasin objet du contrat de franchise du 2 février 1994.
23. Le magasin objet du contrat de franchise du 2 février 1994 est situé à Septeuil, dans le département des Yvelines, à environ 60 km à l'ouest de Paris. Dans les années 1990, la ville comptait environ 2 000 habitants (17). Septeuil est proche de l'agglomération de Mantes-la-Jolie, située à 12 km au nord.
24. Le magasin en question disposait, à l'époque des faits, d'une surface de vente de 399 m², selon des données fournies par Carrefour (18), et de 350 m², selon des données fournies par Ségurel (19), et son accès en voiture était facilité par la présence d'un parking à proximité.
b) Le secteur concerné
25. Le secteur concerné est celui de la grande distribution à dominante alimentaire, et plus particulièrement du commerce alimentaire généraliste de proximité.
26. À l'époque des pratiques, étaient encore présentes dans le secteur plusieurs enseignes qui depuis ont fusionné avec d'autres groupes de distribution, comme Promodès (qui a fusionné avec Carrefour en 2000), Docks de France (qui a été rachetée par Auchan en 1997) ou Comptoirs Modernes (qui a fusionné avec Carrefour en 1998). Ainsi qu'il ressortait des avis n° 97-A-04 et n° 10-A-26, les six premiers groupes de distribution détenaient une part de marché de 68,8 % en 1995, à comparer au chiffre de 85 % observé en septembre 2009 (20)
27. En 1993, dans son avis n° 93-A-18 relatif à l'acquisition du groupe Société alsacienne de supermarchés par la société Docks de France, le Conseil de la concurrence a pu considérer que " les barrières à l'entrée sont très faibles pour les magasins inférieurs à 1 000 mètres carrés, ce qui a permis notamment l'apparition de nouveaux concurrents tels que les 'hard-discounters', également présents dans la ville de Paris " (21).
28. Dans ce même avis, le Conseil de la concurrence indiquait également que, sur le marché de la vente au détail des biens de consommation, " sont présents, en premier lieu, des commerces à dominante alimentaire, habituellement regroupés en trois catégories selon leur superficie de vente et leur mode de distribution : les hypermarchés d'une superficie de vente supérieure à 2 500 mètres carrés, les supermarchés d'une superficie de vente comprise entre 400 et 2 500 mètres carrés et les commerces de proximité inférieurs à 400 mètres carrés " (p. 3).
29. Cette segmentation des magasins en fonction de leur taille n'a pas été modifiée depuis même si, dans différentes décisions, le Conseil puis l'Autorité de la concurrence ont pu souligner que le critère de taille pouvait nécessiter d'être adapté au cas par cas, en fonction des caractéristiques des magasins étudiés et de leur lieu d'implantation. Plus récemment, dans son étude sur le commerce de proximité de 2007, l'Institut français du libre-service (IFLS) a défini l'univers de la proximité d'alimentation générale comme l'ensemble des petits libre-service (de 0 à 119 m²), des supérettes (de 120 à 399 m²), des supermarchés de proximité (de 399 à 999 m²), des magasins de maxi-discompte et des magasins populaires de centre-ville qui réalisent plus de 60 % de leur chiffre d'affaires dans l'alimentaire.
30. Dans sa décision n° 10-D-08, l'Autorité a relevé (22) que le commerce d'alimentation générale de proximité se caractérise par une clientèle composée majoritairement de personnes se rendant à pied sur le lieu de vente (personnes âgées, femmes actives ) et réalisant des achats courants de faibles montants (entre 10 et 12 euros à Paris et inférieurs à 7,5 euros en province).
31. En l'espèce, les magasins examinés disposent d'une superficie comprise entre 300 et 400 m², selon les données fournies par les parties aux litiges au principal. Le panier d'achat moyen y était, à l'époque des pratiques, de 107 francs à Septeuil et de 58 francs à Bouffémont (23), soit respectivement environ 21 et 11 euros, en euro constant. Ils sont accessibles à pied pour la clientèle habitant à proximité, la présence de parkings rendant également aisée une arrivée en voiture. Ils seront donc analysés comme des commerces d'alimentation générale de proximité.
32. S'agissant du commerce de proximité, le Conseil de la concurrence a relevé, dans son avis précité n° 97-A-04, que " les gains de parts de marché des grandes surfaces ont été particulièrement importants dans les produits alimentaires dont la distribution est assurée aujourd'hui pour les deux-tiers par le grand commerce (les hypermarchés et les supermarchés se partagent à égalité les ventes, avec 30 % de part de marché chacun). À l'inverse, le petit commerce alimentaire a reculé : les petites surfaces d'alimentation générale distribuent 10 % des produits alimentaires en 1994 contre 35 % en 1970 et les petits commerces spécialisés (y compris boulangeries-pâtisseries) représentent 23 % des ventes contre 41 % en 1970 ". De même, dans son avis n° 07-A-12, le Conseil de la concurrence indiquait que " sur les vingt dernières années, on observe une chute significative du nombre de petits libres-services alimentaires, particulièrement prononcée depuis 1996 (-7 % en nombre de points de vente entre 1996 et 2003) " (24).
C. LES PRATIQUES CONSTATÉES
1. LA CLAUSE DE NON-RÉAFFILIATION EN CAUSE DANS LE CONTRAT DE FRANCHISE DU 18 JUILLET 1991
33. Le 18 juillet 1991, les sociétés Prodim et Supercham ont conclu un contrat de franchise pour l'exploitation d'un magasin situé à Bouffémont (95570) sous l'enseigne " Shopi " (25).
34. Le contrat en question était conclu pour une période initiale de sept ans. Il était susceptible d'être renouvelé par tacite reconduction par période de trois ans à défaut de dénonciation par l'une ou l'autre des parties, sous réserve du respect d'un préavis de six mois (article 5 et annexe 2).
35. L'article 6 précisait en particulier les conditions de la mise en œuvre de la clause pénale prévue en faveur du franchiseur en cas de rupture du contrat en raison d'une faute imputable au franchisé. Le versement de cette pénalité était justifié " notamment par l'acquis d'un savoir-faire résultant de la franchise, laquelle n'avait pas donné lieu à droit d'entrée ".
36. Tout manquement à l'accord pouvait faire l'objet d'une mise en demeure adressée à la partie défaillante. Cette dernière avait alors un mois pour remplir ses engagements. À défaut pour celle-ci de satisfaire à ses obligations, l'autre partie pouvait invoquer la résiliation du contrat (article 7).
37. Dans ces conditions, aux termes de l'article 8 de ce contrat :
" À la fin du présent accord ou en cas de rupture de celui-ci et quelle que soit la partie qui en est l'origine, le Franchisé s'oblige :
8.1 À remettre au Franchiseur tous les documents publicitaires, commerciaux ou autres dont il a disposé au cours de la franchise.
Le Franchiseur sera également en droit de faire décrocher immédiatement l'enseigne du Franchisé et de lui interdire de poursuivre l'exploitation de son activité sous celle-ci, sous peine d'astreintes et de dommages intérêts. Le Franchisé perdra immédiatement le bénéfice de tous les avantages prévus à la franchise et, en conséquence, ne pourra utiliser directement ou indirectement le savoir-faire de la franchise ou réaliser sa communication à un tiers, sous peine de tous dommages intérêts et de poursuites, en concurrence déloyale.
8.2 À ne pas utiliser directement ou indirectement, personnellement ou par personne interposée, en société ou autrement, durant une période de trois ans à compter de la date de résiliation du présent contrat, une enseigne de renommée nationale ou régionale déposée ou non et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à ces enseignes (marques propres) ceci dans un rayon de cinq kilomètres du 'magasin Shopi' faisant l'objet du présent accord ".
38. Cette stipulation 8.2 du contrat est la clause de non-réaffiliation en cause dans l'affaire n° 11/0085 AJ.
2. LA CLAUSE DE NON-RÉAFFILIATION EN CAUSE DANS LE CONTRAT DE FRANCHISE DU 2 FÉVRIER 1994
39. Le 2 février 1994, les sociétés Prodim et G&A Distribution ont conclu un contrat de franchise pour l'exploitation d'un magasin situé à Septeuil (78790) sous l'enseigne " Shopi " (26).
40. À l'instar du contrat précité du 18 juillet 1991, il était prévu que le contrat était conclu pour une période initiale de sept ans et qu'il était susceptible d'être renouvelé par tacite reconduction par période de trois ans à défaut de dénonciation par l'une ou l'autre des parties, sous réserve du respect d'un préavis de six mois (article 5).
41. Outre les modalités de mise en œuvre de la clause pénale, l'article 6 précisait également les conditions d'application de la clause de non-réaffiliation en cause dans l'affaire n° 11/0086 AJ. Cette dernière clause est rédigée comme suit :
" En cas de rupture de la présente convention avant son terme et sans préjudice de l'exercice de la clause pénale ci-dessus et de toute demande en dommages intérêts complémentaires, le franchisé s'oblige à ne pas utiliser directement ou indirectement, personnellement ou par personne interposée, en société ou autrement, durant une période de un an à compter de la date de résiliation du présent contrat, une enseigne de renommée nationale ou régionale déposée ou non et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à ces enseignes (marques propres), ceci dans un rayon de cinq kilomètres du magasin Shopi faisant l'objet du présent accord ".
II. Discussion
A. SUR LA RECEVABILITÉ DES DEMANDES D'AVIS
42. Dans ses observations, Carrefour conclut, à titre principal, à ce que l'Autorité constate, " avant même de procéder à une analyse de fond, qu'elle n'est pas en mesure de répondre aux questions de la cour d'appel " (27). En effet, Carrefour fait valoir, d'une part, que l'ancienneté des faits commande à l'Autorité de relever leur prescription, en application de l'article L. 462-7 du Code de commerce. D'autre part, l'Autorité ne pourrait pas ignorer les décisions judiciaires rendues dans les litiges opposant Carrefour à ses anciens franchisés, Supercham et G&A Distribution, et qui auraient validé les clauses de non-réaffiliation en cause sur le fondement du droit de la concurrence (28).
43. Ce faisant, il convient de considérer que Carrefour soulève l'irrecevabilité des demandes d'avis adressées à l'Autorité de la concurrence par la Cour d'appel de Paris en raison, soit de la prescription des faits des litiges au principal, soit de l'opposabilité de précédentes décisions arbitrales ou judiciaires qui seraient devenues définitives.
1. SUR LA PRESCRIPTION DES FAITS
a) Les observations de Carrefour
44. Carrefour suggère à l'Autorité de la concurrence de " respecter la lettre de la loi relative à la prescription en considérant que celle-ci est bien applicable aux demandes d'avis qui lui sont adressées par les juridictions " (29).
45. Le fait que l'article L. 462-7 relève du même chapitre II du Code de commerce, intitulé " Des attributions ", que l'article L. 462-3 impliquerait que " la règle posée à l'article L. 462-7 n'est donc pas réservée à une seule catégorie parmi les 'attributions' de l'Autorité, les saisines pour sanction ". (30). En outre, l'emploi à cette disposition du verbe " saisir " s'appliquerait aussi aux " actes qui sollicitent un simple avis n'ayant pas pour l'institution qui le demande un caractère contraignant ". Or, " la demande d'avis adressée par une juridiction 'saisit' bien l'Autorité " (31)
46. À titre subsidiaire, Carrefour invite l'Autorité à refuser de répondre, au motif qu'il serait porté atteinte à ses droits de la défense. En effet, les faits ayant pour certains plus de vingt ans, l'entreprise se verrait largement privée des moyens de se défendre. (32).
47. À titre très subsidiaire, Carrefour sollicite de l'Autorité qu'elle s'inspire de la jurisprudence de la Cour de cassation et qu'elle n'accepte " de rendre des avis aux juridictions, au-delà du délai de prescription, que sur les contrats n'ayant reçu aucun commencement d'exécution " ou, a minima, qu'elle considère que, " du moins lorsque les faits sont prescrits, il appartient à l'entreprise demanderesse à l'exception de nullité (ou au rapporteur) d'établir que les conditions de l'exemption ne sont pas satisfaites ". (33)
b) Sur les observations de Carrefour
48. À titre liminaire, il faut rappeler que, l'ordre public étant en cause, la nullité prévue à l'article L. 420-3 du Code de commerce a un caractère absolu. Les tiers au contrat contenant des stipulations anticoncurrentielles ont donc la possibilité d'invoquer la nullité de ces stipulations lorsqu'elles leur sont opposées, voire de rechercher l'annulation du contrat dans son entier, soit au moyen d'un recours tendant à cette annulation (34), soit de manière incidente en soulevant une exception de nullité, comme dans les litiges au principal.
49. Tout d'abord, les articles L. 462-1 à L. 462-3 précisent les situations justifiant la consultation de l'Autorité de la concurrence. Selon les cas, cette consultation est soit facultative, comme le prévoit les articles L. 462-1 et L. 462-3 (" L'Autorité de la concurrence peut être consultée [ ] "), soit obligatoire lorsqu'il y a lieu de mettre en œuvre l'article L. 462-2 (" L'Autorité de la concurrence est obligatoirement consultée [ ] ").
50. Ensuite, la consultation de l'Autorité par les juridictions est soumise à une procédure qui lui est propre, prévue par les articles L. 462-3 et R. 462-3 du Code de commerce. Cette procédure est contradictoire et comprend deux phases, écrite et orale. D'une part, un rapport est notifié aux parties en cause devant la juridiction et au Commissaire du Gouvernement et les destinataires du rapport peuvent présenter des observations écrites. D'autre part, au cours de la séance, ces derniers ont encore la possibilité de compléter oralement leurs observations et de répondre aux observations des autres intervenants à la procédure.
51. Cependant, contrairement à ce que fait valoir Carrefour, dans le cadre de cette consultation, l'Autorité n'est pas saisie de pratiques anticoncurrentielles. Ce n'est qu'en application de l'article L. 462-5 de ce Code que l'Autorité " peut-être saisie [ ] de toute pratique mentionnée aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 [ ] ".
52. En revanche, comme en l'espèce, dans le cadre de l'article L. 462-3 du Code de commerce, l'Autorité peut être " consultée sur [de telles] pratiques ". C'est en effet à la juridiction de renvoi qu'il incombe de statuer sur l'existence d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles et d'en tirer les conséquences pour le litige dont elle est saisie, notamment aux fins de l'application de l'article L. 420-3 du Code de commerce.
53. Dans ces conditions, la procédure instituée par l'article L. 462-3 du Code de commerce est insusceptible d'aboutir au prononcé d'une sanction administrative de la part de l'Autorité de la concurrence qui justifierait, ainsi qu'il ressort de la décision n° 12-D-12, l'application de la prescription quinquennale prévue à l'article L. 462-7 du Code de commerce. En effet, ainsi que l'Autorité l'a relevé, cette disposition " vise, sans distinction, l'ensemble des 'faits' que l'Autorité peut être conduite à sanctionner " (35).
54. Enfin, quant à l'argument de Carrefour relatif à l'application du principe de respect des droits de la défense, les demandes d'avis en question n'ayant aucune visée répressive, il n'y a pas lieu d'y faire référence dans le cadre des présentes procédures. À cet égard, il convient néanmoins de relever que ces procédures concernent plusieurs litiges qui, pour les uns, n'ont pris fin qu'en 2006 et 2011, s'agissant des anciens franchisés Supercham et G&A Distribution, et, pour les autres, ont été initiés en 2002 et 2003 à l'encontre de Ségurel, et que ces litiges ont trait à l'application des clauses de non-réaffiliation soumises à la consultation de l'Autorité par la Cour d'appel de Paris.
55. Concernant la suggestion formulée par Carrefour d'exiger du demandeur en nullité ou de l'Autorité de la concurrence qu'ils démontrent, à la suite de l'écoulement du temps, que les conditions de l'exemption individuelle ne sont pas réunies, elle ne repose sur aucun fondement juridique. Au contraire, parce qu'il conduit à écarter l'application du principe de l'interdiction des pratiques anticoncurrentielles, le mécanisme de l'exemption individuelle repose sur un principe simple : c'est à l'entreprise qui s'en prévaut de rapporter la preuve que les conditions de l'exemption sont réunies. Ce n'est que dans l'hypothèse où cette entreprise pourrait se prévaloir d'une exemption par catégorie, en application d'un règlement de l'Union européenne ou d'un décret, qu'il reviendrait à l'autorité de concurrence de démontrer, pour l'en priver, que les conditions de cette exemption font défaut.
2. SUR L'OPPOSABILITÉ DES PRÉCÉDENTES DÉCISIONS ARBITRALES OU JUDICIAIRES
a) Les observations de Carrefour
56. Carrefour fait valoir que la validité des clauses de non-réaffiliation en cause au regard du droit de la concurrence a déjà été appréciée dans le cadre des litiges qui l'ont opposé à ses anciens franchisés Supercham et G&A Distribution, notamment par les tribunaux arbitraux dont les sentences sont aujourd'hui devenues définitives (36).
57. Partant, elle estime que ces précédentes décisions sont opposables. Certes, l'autorité de chose jugée attachée à ces décisions a une portée relative, mais Carrefour estime qu'elles sont " opposables au tiers qui ne peuvent pas ignorer l'existence de la situation juridique substantielle née du fait du jugement ", alors que par son existence ce dernier modifie l'ordonnancement juridique. (37). À cet égard, elle invoque plusieurs arrêts de la Cour de cassation (38) qui confirment ce principe d'opposabilité aux tiers des décisions devenues définitives. Or, la clause de non-réaffiliation contenue dans le contrat de franchise entre Prodim et Supercham a été validée par une décision devenue définitive (39).
58. Quant à la clause contenue dans le contrat de franchise entre Prodim et G&A Distribution, si la seconde sentence rendue le 10 juillet 2000 a finalement été annulée, Carrefour fait valoir que la Cour d'appel de Versailles avait validé la clause en question au regard des règles de la concurrence, par un arrêt du 30 janvier 2007 (40).
59. Partant, Carrefour propose à l'Autorité, à tout le moins en ce qui concerne le contrat de franchise entre Prodim et Supercham, de répondre que, conformément aux décisions de justice définitives ayant examiné ce point, la clause de non-réaffiliation est conforme au droit de la concurrence. À titre subsidiaire, elle suggère que l'Autorité s'inspire de la décision n° 08-D-27 (41) et considère qu'il lui est loisible " de retenir des faits et constatations utilisés par la cour d'appel pour fonder sa décision et les apprécier au regard de la pratique dénoncée dans la présente procédure " (42)
b) Sur les observations de Carrefour
60. Il est vrai que la question de la recevabilité d'une demande d'avis au titre de l'article L. 462-3 du Code de commerce peut se poser, en particulier si cette demande n'émane pas d'une juridiction ou si les pratiques sur lesquelles l'Autorité est consultée sont sans lien avec l'affaire portée devant le juge de renvoi.
61. Cependant, en dehors de ces cas, l'esprit de collaboration, qui préside à la procédure de l'article L. 462-3, impose à l'Autorité de répondre aux questions posées par la juridiction qui la consulte. En effet, ainsi que le Conseil de la concurrence l'a souligné dans son avis n° 05-A-20, la juridiction est " seul juge de la pertinence des questions soumises à l'avis du Conseil " (43).
62. En tout état de cause, la question de l'opposabilité des décisions intervenues précédemment entre Prodim et ses anciens franchisés ressort de la compétence de la Cour d'appel de Paris, et non de l'Autorité de la concurrence qui est consultée sur le caractère anticoncurrentiel des clauses de non-réaffiliation en cause.
63. Néanmoins, à cet égard, il convient de relever que, s'agissant du litige entre Prodim et Supercham, la Cour d'appel de Paris a jugé recevable la tierce-opposition introduite par Ségurel à l'encontre de la sentence arbitrale rendue le 25 avril 2001, alors même que celle-ci est " opposable à [Ségurel] dont la responsabilité est recherchée dans le cadre de la présente instance au titre de la complicité dans la violation de [la clause de non-réaffiliation] " (44). La cour souligne d'ailleurs que, " même dans l'hypothèse où [elle] viendrait à juger de l'illicéité de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle, il ne ressort pas que l'exécution de cette décision serait juridiquement impossible par rapport à l'exécution de la sentence arbitrale du 25 avril 2001 par la société Supercham " (45).
64. Quant au litige opposant Prodim à G&A Distribution, comme le relève Carrefour elle-même dans ses observations, l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 30 janvier 2007, qui aurait validé sur le fondement du droit de la concurrence la clause de non-réaffiliation contenue dans le contrat de franchise, a été annulé par la Cour de cassation (46).
3. CONCLUSION SUR LA RECEVABILITÉ DES DEMANDES D'AVIS
65. Il résulte de ce qui précède que, dans les affaires n° 11/0085 AJ et 11/0086 AJ, les demandes d'avis sont recevables.
B. SUR L'APPLICATION DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
66. La Cour d'appel de Paris invite l'Autorité de la concurrence à se prononcer sur le caractère de pratique anticoncurrentielle des clauses en question uniquement au regard des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce.
67. À cet égard, dans le cadre de l'article L. 462-3 du Code de commerce, il résulte de la pratique décisionnelle (47) qu'il n'appartient pas à l'Autorité de se prononcer sur l'application aux cas d'espèce du droit de l'Union européenne.
68. En revanche, lorsque l'analyse n'est effectuée qu'au regard du droit national, le droit de l'Union européenne constitue un guide d'analyse utile dont l'Autorité tient compte pour l'appréciation des pratiques ou des questions dont elle est saisie, pour autant que les dispositions qui en sont issues étaient en vigueur à l'époque des faits (48).
C. SUR LES MARCHÉS PERTINENTS ET LA POSITION DES OPÉRATEURS
1. LES MARCHÉS PERTINENTS
a) Sur les marchés de produits
69. Dans sa décision précitée n° 10-D-08 (point 135), l'Autorité de la concurrence a rappelé que la jurisprudence de l'Union européenne et nationale distingue généralement six marchés de la distribution de détail alimentaire en utilisant plusieurs critères, notamment, la taille des magasins, leurs techniques de ventes, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : les hypermarchés, les supermarchés, le commerce spécialisé, le petit commerce de détail (la proximité), les maxi-discompteurs et la vente par correspondance.
70. Les hypermarchés, supermarchés et supérettes sont habituellement définis comme des magasins à dominante alimentaire de taille différente, le seuil de 400 m² distinguant usuellement les supermarchés des supérettes, celui de 2 500 m² les hypermarchés des supermarchés. L'Autorité de la concurrence a cependant eu à plusieurs reprises l'occasion de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution et qu'ils peuvent être adaptés au cas d'espèce.
71. En l'occurrence, les magasins en cause sont d'une superficie inférieure à 400 m². Ils appartiennent donc à la catégorie des supérettes de proximité.
72. Comme le relève le Conseil de la concurrence, dans l'avis précité n° 00-A-06, " [ ] une partie substantielle de la clientèle des commerces de proximité est constituée par des personnes se rendant à pied dans le lieu de vente, faisant des achats courants et de faibles montants. [Toutefois], les achats de proximité des ménages ne constituent pas une part fixe de leurs dépenses de produits de consommation courante. [En] effet, les ménages qui sont situés dans la zone de chalandise d'un hypermarché, laquelle est d'une dimension nettement supérieure à la zone de chalandise d'un commerce de proximité, sont susceptibles, en planifiant leurs achats, de faire dans cet hypermarché une partie substantielle de leurs courses, réduisant ainsi leur demande de service commercial de proximité. [Par] ailleurs, lorsqu'un hypermarché est situé en centre ville ou dans une zone urbaine dense, les ménages situés à proximité immédiate peuvent utiliser ce type de commerce comme un commerce de proximité. [Il] peut ainsi exister une certaine concurrence entre des supermarchés ou supérettes et des hypermarchés " (49). De fait, la diminution de la part des ventes du commerce de proximité par rapport aux grandes et moyennes surfaces témoigne de la pression concurrentielle qu'ont pu exercer les supermarchés et hypermarchés sur les supérettes de moins de 400 m².
b) Les marchés géographiques
73. Il ressort de la pratique consultative et décisionnelle du Conseil puis de l'Autorité de la concurrence en matière de concentration que la délimitation des marchés géographiques dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire dépend de la surface des magasins considérés.
74. S'agissant des commerces de proximité, la pratique décisionnelle (50) a considéré que la délimitation des zones de chalandise des commerces de proximité doit être effectuée au cas par cas, en tenant notamment compte des spécificités locales, en particulier de la densité de population, des caractéristiques topographiques et des contraintes de transport. Elle a notamment considéré que le recours à une zone de chalandise de 15 minutes de trajet en voiture, utilisée pour les supermarchés, apparaissait peu pertinent (51), et qu'une zone de chalandise peu étendue, de l'ordre de cinq minutes de déplacement en voiture (correspondant à un trajet de 15 minutes à pied) pouvait être retenue (52). Ainsi, dans la décision n° 10-DCC-25 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Louis Delhaize par la société H distribution, où étaient rachetés des commerces de surface inférieure à 400 m², l'Autorité de la concurrence a défini des marchés géographiques étroits, limités à des communes relativement isolées.
75. Cependant, ainsi que le relève Carrefour (53), les éléments qui avaient conduits l'Autorité ou le ministre de l'Économie à retenir une zone de chalandise peu étendue dans ces décisions tenaient essentiellement à la localisation des zones concernées : la Martinique dans un cas, l'Autorité ayant notamment tenu des " spécificités topographiques " de cette île (décision n° 10-DCC-25, point 21), et Paris intra-muros dans l'autre cas (lettre C2006-15).
76. Or, l'attractivité de magasins de même format peut varier selon la densité de l'équipement commercial d'une zone. En particulier, lorsqu'ils sont situés dans des zones où l'équipement en hypermarchés reste limité, par exemple dans les zones rurales, les hypermarchés peuvent exercer une attractivité forte sur les populations résidant dans des communes éloignées (54).
77. Au cas d'espèce, compte tenu de la motorisation des ménages, de la facilité de circulation en voiture, des comportements d'achat des consommateurs, qui, en périphérie des grandes villes, peuvent choisir de concentrer leurs courses sur un moment de la semaine plutôt que de fréquenter régulièrement de petits commerces généralistes, les commerces de proximité, bien qu'ils aient, en principe, une zone de chalandise limitée à un rayon de 5 minutes en voiture (soit entre 4 et 7 km selon la vitesse de circulation), peuvent être concurrencés, pour une partie significative des achats, par des magasins de taille plus importante, proposant des prix inférieurs et une plus grande variété de produits, et ce bien que ces commerces soient localisés à une plus grande distance.
78. C'est pourquoi, en l'occurrence, il convient de considérer que ces magasins sont effectivement concurrencés par des supermarchés et des hypermarchés situés à une distance pouvant aller jusqu'à 15 minutes de trajet en voiture.
2. LA POSITION DES PARTIES SUR LES MARCHÉS IDENTIFIÉS
a) Sur le marché national
79. Dans son avis précité n° 97-A-04, le Conseil de la concurrence indiquait que, " en 1995, selon les chiffres diffusés par Nielsen, les parts de marché détenues par les principaux groupes sont, de 15,2 % pour Leclerc, 15,1 % pour Intermarché, 13,1 % pour Carrefour, 12,8 % pour Auchan, 11,1 % pour Promodès, 7,3 % pour Casino, 5,6 % pour Système U, 4,4 % pour Cora et 2,9 % pour Comptoirs Modernes ". Il en découle également que, bien que Ségurel soit affiliée à Francap, la part de marché cumulée des commerces affiliés à la centrale d'approvisionnement Ségurel était, à l'époque des faits, inférieure à 3 %.
b) Sur les zones de chalandises d'implantation des magasins
Position des opérateurs sur le marché géographique local où est implanté le magasin de Bouffémont
80. Eu égard aux zones de chalandise évoquées précédemment et sur la base des éléments remis par Carrefour (55), en septembre 1995, le magasin de Bouffémont était entouré, dans un rayon de 15 minutes en voiture, de 33 magasins d'une surface de 400 à 8 000 m² appartenant ou affiliés à 13 groupes de distribution concurrents. En surface, la part de marché du magasin de Bouffémont est de 0,7 %, celle du groupe Promodès de l'ordre de 20 % (cinq magasins à l'enseigne Shopi, Champion et Continent). Promodès était alors le premier opérateur de la zone en parts de marché, devant Docks de France (environ 16 % ; un magasin à l'enseigne Mammouth) et Auchan (environ 15 % ; quatre magasins à l'enseigne Atac).
Position des opérateurs sur le marché géographique local où est implanté le magasin de Septeuil
81. Eu égard aux zones de chalandise évoquées précédemment et sur la base des éléments remis par Carrefour (56), le magasin de Septeuil comprenait dans sa zone, en septembre 1996, 13 magasins concurrents de plus de 400 m² affiliés ou appartenant à 10 groupes de distribution concurrents, la part de marché du magasin de Septeuil étant de 1,6 %, celle du groupe Promodès de l'ordre de 3,6 %. Promodès était alors le cinquième opérateur de la zone en parts de marché, derrière Auchan (environ 40 %), Tesco (environ 20 %), Intermarché (environ 18 %) et Casino (environ 6 %).
D. SUR L'ANALYSE DE CLAUSES NÉCESSAIRES À UN SYSTÈME DE FRANCHISE
82. Il ressort de la jurisprudence de l'Union européenne et nationale, de la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence, ainsi que du droit positif à l'époque des faits, que, dans le cadre d'un contrat de franchise ne tombant pas sous le coup de l'interdiction des ententes anticoncurrentielles, les dispositions restrictives contenues dans cet accord et destinées à protéger un savoir-faire ou à maintenir l'identité commune et la réputation du réseau franchisé échappent également à cette interdiction.
83. Dans ces conditions, indépendamment de la question de savoir si les clauses de non-réaffiliation en cause sont susceptibles de restreindre la concurrence, il importe de rechercher d'abord si elles sont nécessaires et proportionnées par rapport à la franchise que les contrats entre Prodim et ses anciens franchisés tendaient à mettre œuvre. En effet, dans ce cas, l'article L. 420-1 du Code de commerce ne leur serait pas applicable.
1. LE CADRE JURIDIQUE ET JURISPRUDENTIEL CONCERNANT LES CLAUSES NÉCESSAIRES À LA MISE EN OEUVRE D'UN SYSTÈME DE FRANCHISE
a) Sur les clauses nécessaires à la franchise telles que définies par la CJCE et le règlement n° 4087/88
84. À l'époque où les contrats en cause ont été conclus, l'appréciation de clauses susceptibles de restreindre la concurrence en relation avec la mise en place d'un système de franchise avait déjà donné lieu à un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (" CJCE ", devenue la Cour de justice de l'Union européenne) et, eu égard aux principes dégagés par la Cour, à un règlement d'exemption de la Commission propre aux contrats de franchise.
L'arrêt de la CJCE du 28 janvier 1986 (" Pronuptia ")
85. Il ressort de l'arrêt de la CJCE, du 28 janvier 1986, Pronuptia (57), qu'un " système [de franchise], qui permet au franchiseur de tirer parti de sa réussite, ne porte pas atteinte en soi à la concurrence " (point 15).
86. Selon la Cour, ce système ne peut fonctionner qu'à une double condition. Premièrement, " le franchiseur doit pouvoir communiquer aux franchisés son savoir-faire et leur apporter l'assistance voulue pour les mettre en mesure d'appliquer ses méthodes, sans risquer que ce savoir-faire et cette assistance profitent, ne serait-ce qu'indirectement, à des concurrents " (point 16). Deuxièmement, " le franchiseur doit pouvoir prendre les mesures propres à préserver l'identité et la réputation du réseau qui est symbolisé par l'enseigne " (point 17).
87. Il en résulte que les clauses indispensables à ces fins " ne constituent pas des restrictions de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1[, du traité CE] " (points 16 et 17).
88. Selon la Cour, il en va notamment ainsi de " l'interdiction faite au franchisé d'ouvrir, pendant la durée du contrat ou pendant une période raisonnable après l'expiration de celui-ci, un magasin ayant un objet identique ou similaire, dans une zone où il pourrait entrer en concurrence avec un des membres du réseau " car elle tend à éviter que le bénéfice du savoir-faire transmis et de l'assistance apportée n'aille indirectement à un concurrent (point 16).
89. Partant, une clause de ce type est inhérente à l'opération que constitue un système de franchise, qui repose, par définition, sur la transmission d'un savoir-faire par le franchiseur à ses franchisés.
Le règlement d'exemption n° 4087/88 de la Commission européenne
90. Entré en vigueur le 1er février 1989, le règlement n° 4087/88 applicable aux accords de franchise (58) a été remplacé, le 1er juin 2000, par le règlement d'exemption n° 2790/1999 applicable à des catégories d'accords verticaux (59).
91. L'article 1er du règlement n° 4087/88 déclare l'article 85, paragraphe 1, du traité CE inapplicable aux accords de franchise entre deux entreprises qui contiennent une ou plusieurs des restrictions mentionnées à son article 2. En conséquence, ainsi qu'il découle de ce dernier article, seules ces restrictions se voient appliquer " l'exemption prévue à l'article 1er ". Parmi les restrictions qui bénéficient d'une exemption figurent notamment l'exclusivité territoriale conférée par le franchiseur au franchisé (art. 2, sous a)), l'obligation pour le franchisé de n'exploiter la franchise qu'à partir des locaux visés au contrat (art. 2, sous c)) ou encore l'interdiction de vente active en dehors du territoire visé au contrat de franchise (art. 2, sous d)).
92. Par ailleurs, l'article 3, paragraphe 1, du règlement vise les obligations qui, bien qu'imposées au franchisé, " ne font pas obstacle à l'application de l'article 1er ", au nombre desquelles figurent l'obligation " de ne pas exercer, directement ou indirectement, une activité commerciale similaire dans un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé, y compris le franchiseur ; cette obligation peut être imposée au franchisé après la fin de l'accord pour une période raisonnable n'excédant pas un an, dans le territoire où il a exploité la franchise ".
93. Il résulte donc tant des termes que de l'économie de ces dispositions que l'obligation de non-concurrence post-contractuelle que le franchiseur peut imposer au franchisé à la fin du contrat de franchise n'est pas visée par l'exemption prévue à l'article 1er du règlement.
94. En effet, eu égard à l'arrêt précité " Pronuptia ", les obligations visées par cette disposition, ne sont pas contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité CE, " dans la mesure où elles sont nécessaires pour protéger les droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l'identité commune et la réputation du réseau franchisé " (cf. art. 3, § 1, du règlement) (60).
95. Aux fins des dispositions du règlement, l'article premier, paragraphe 3, sous f, définit le savoir-faire comme " un ensemble d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du franchiseur et testées par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel et identifié " (cf.)). Ces notions sont précisées aux points g) à i) suivants :
" g) 'secret', le fait que le savoir-faire, dans son ensemble ou dans la configuration et l'assemblage précis de ses composants, ne soit pas généralement connu ou facilement accessible; cette notion ne doit pas être comprise au sens étroit, à savoir que chaque composant individuel du savoir-faire doive être totalement inconnu ou impossible à obtenir hors des relations avec le franchiseur ;
h) 'substantiel', le fait que le savoir-faire doive inclure une information importante pour la vente de produits ou la prestation de services aux utilisateurs finals, et notamment pour la présentation des produits pour la vente, la transformation des produits en liaison avec la prestation de services, les relations avec la clientèle et la gestion administrative et financière; le savoir-faire doit être utile pour le franchisé en étant susceptible, à la date de conclusion de l'accord, d'améliorer sa position concurrentielle, en particulier en améliorant ses résultats ou en l'aidant à pénétrer sur un nouveau marché ;
i) 'identifié', le fait que le savoir-faire doive être décrit d'une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier qu'il remplit les conditions de secret et de substantialité; la description du savoir-faire peut être faite dans l'accord de franchise, dans un document séparé ou sous toute autre forme appropriée ".
b) Sur les clauses de non-réaffiliation telles qu'appréhendées par le Conseil et l'Autorité de la concurrence
96. Dans la décision n° 96-D-36, du 28 mai 1996, étaient en cause trois contrats de franchise types mis en œuvre au sein du réseau de magasins de vêtements pour enfants de la marque Z. Ainsi qu'il ressortait de cette décision, les deux premiers contrats types comportaient l'interdiction pour le franchisé, pendant la durée du contrat et les deux années suivant l'expiration du contrat de franchise, d'exercer dans toute la zone d'exclusivité un commerce concurrent de celui des magasins franchisés Z, en s'affiliant à tout groupement régional ou national de commerce associé, notamment de franchise. En revanche, le franchisé conservait la possibilité d'exercer le commerce de vêtements d'enfants, dès lors qu'il n'adhérait pas à un groupement (61)
97. Concernant cette clause, le Conseil a considéré que " les clauses de non-affiliation ou de non-concurrence peuvent être considérées comme inhérentes à la franchise ", dans la mesure notamment où elles permettent d'assurer la protection du savoir-faire transmis qui ne doit profiter qu'aux membres du réseau (62). Selon le Conseil, " ces clauses doivent cependant rester proportionnées à l'objectif qu'elles poursuivent " (63).
98. À cet égard, bien qu'inapplicable au cas d'espèce, le Conseil a constaté que le règlement n° 4087/88 prévoit qu'une obligation de non-concurrence ne peut être imposée aux franchisés après l'expiration du contrat que pour une durée raisonnable qui ne peut excéder un an et seulement dans la mesure où une telle obligation est nécessaire pour protéger les droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l'identité commune et la réputation du réseau. Partant, le Conseil a estimé qu'il n'était pas démontré que le commerce de vêtements pour enfants présentait une technicité telle qu'il imposait une clause d'une durée de deux ans, d'autant que le franchiseur disposait par ailleurs d'autres moyens pour se prémunir contre la divulgation de son savoir-faire, comme l'imposition d'une obligation de confidentialité s'étendant au-delà de l'expiration du contrat ou l'interdiction de l'utilisation du savoir-faire à d'autres fins que la franchise Z, et que, du reste, un autre contrat type avait ramené la durée de ladite clause à un an.
99. Plus récemment, dans une décision n° 11-D-03 relative à une clause de non-réaffiliation de deux ans mise en œuvre, hors de toute franchise, par un groupement coopératif sur le secteur de la distribution de gros de fruits et légumes, l'Autorité de la concurrence a considéré que celle-ci n'était pas nécessaire à l'existence et au fonctionnement du groupement d'entreprises dès lors qu'un autre groupement opérait quant à lui sans utiliser ce type de clauses (64).
c) La jurisprudence nationale
100. Les juges de l'ordre judiciaire ont, à plusieurs reprises, soumis les clauses de non-réaffiliation aux mêmes conditions de validité que les clauses de non-concurrence post-contractuelles, en termes de nécessité et de proportionnalité par rapport à l'objectif poursuivi (65).
101. Sur le plan contractuel, ces exigences de nécessité et de proportionnalité sont justifiées par l'atteinte que la clause de non-réaffiliation porte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle (66).
102. Certaines décisions ont également analysé la clause de non-réaffiliation sous l'angle de l'ordre public économique, comme étant susceptible de porter atteinte à la liberté du commerce, et en la soumettant à ces mêmes exigences, aussi bien pour l'invalider (67) que pour la juger licite (68).
103. Par ailleurs, par un arrêt du 9 octobre 1990, la Cour de cassation a considéré que " le savoir-faire ('know-how') est une connaissance que le franchiseur possède et doit pouvoir transmettre au franchisé ". Selon la Cour, " il s'agit d'une connaissance que ce dernier ne possède pas et qu'il ne pourrait acquérir lui-même qu'au prix de longues recherches et tâtonnement coûteux, peu important, par ailleurs, que des concurrents possèdent un savoir-faire analogue " (69).
104. L'existence d'un savoir-faire rendant nécessaire une clause de non-concurrence ou de non-réaffiliation a déjà été examinée par les juridictions nationales.
105. À cet égard, certaines décisions ont admis l'existence du savoir-faire de Promodès. Ainsi, par un arrêt du 4 juin 1996, la Cour de cassation a considéré " qu'en relevant que les époux X avaient suivi un stage de formation avant de commencer l'exploitation de leur fonds de commerce et que la société Promodès leur avait transmis ses connaissances, provenant de son expérience, sur le plan technique, commercial et administratif, la cour d'appel a pu déduire de ces constatations et appréciations que la société Promodès avait exécuté ses obligations contractuelles tenant à la transmission d'un savoir-faire " (70).
106. En ce sens également, par un récent arrêt du 15 septembre 2011 (71), la Cour d'appel de Rouen a reconnu le " savoir-faire professionnel indéniable " du franchiseur, en l'occurrence Prodim. Elle a néanmoins invalidé la clause de non-réaffiliation insérée au contrat de franchise " Shopi ", conclu le 8 mars 1994, jugeant, d'une part, que ce savoir-faire était constitué pour partie d'éléments " communs à toutes les enseignes et indispensables à l'exercice de la profession de commerçant ", pour partie d'éléments pouvant " être facilement remarqués au sein du magasin " et pour partie " d'éléments spécifiques à l'enseigne [ ] dans les faits abandonnés par l'ex-franchisé dès lors qu'il quitte le réseau pour adopter ceux transmis par le nouveau réseau ", et, d'autre part, que " la clause de non-réaffiliation n'est en réalité pas liée à la crainte de la fuite d'un savoir-faire vers des groupes de distribution concurrents puisqu'elle n'a vocation à s'appliquer qu'en cas de rupture anticipée, alors que ce risque est encore encouru d'égale manière à l'échéance prévue du contrat ".
107. De même, par un arrêt du 25 février 2010, la Cour d'appel de Paris a jugé que le savoir-faire transféré par Prodim à son franchisé n'était pas de nature à justifier une telle clause, " Prodim n'établissant pas avoir transmis [au franchisé] d'autres éléments que des prestations de logistique et des conseils de commercialisation, qui seraient le fruit d'un travail intellectuel susceptible d'appropriation et comme tels, justifiant une protection " alors que la clause visée mettait le franchisé " dans l'impossibilité de maintenir une offre suffisamment concurrentielle en terme de produits, de prix, de services et d'avantages " (72).
108. À l'inverse, dans d'autres arrêts, rendus en référé, les juridictions ont estimé que de telles clauses de non-réaffiliation, également mises en œuvre dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire, étaient en apparence licites dans la mesure où :
? elles permettaient au franchisé de poursuivre leur activité sous leur propre nom (CA Paris, 4 janvier 2006, Distri Marché/Prodim (73) ; CA Riom, 30 septembre 1998, Loirec/Prodim, où a été jugée licite une clause de non-réaffiliation d'une durée de quatre années (74) ;
? elles étaient nécessaires pour permettre la reconstitution du réseau du franchiseur au niveau local (Cass. com., 22 février 2000, Bourdon/Prodim (75)) ;
? elles étaient nécessaires pour protéger le savoir-faire transmis et n'avaient pas pour effet de créer des obstacles à l'entrée (CA Chambéry, 8 mars 1999, Mydis/Prodim (76)) ;
109. En outre, le 10 décembre 2002, à propos de la clause de non-réaffiliation contenue dans le contrat de franchise du 18 juillet 1991, en cause dans l'affaire 11/0085 AJ, la Cour d'appel de Caen a considéré qu'" il n'est pas démontré que la clause de non-réaffiliation viole [une] quelconque règle de droit national qui soit d'ordre public. Elle constitue une simple restriction, certes non négligeable, mais limitée dans l'espace et dans le temps, d'exercice d'une activité similaire sous une enseigne de renommée nationale ou régionale et de vente de produit liés à celle-ci " (77). Cet arrêt est devenu définitif à la suite du rejet du pourvoi par la Cour de cassation, le 17 janvier 2006 (78).
110. Concernant l'autre affaire 11/0086 AJ, par un arrêt du 30 janvier 2007 et statuant sur le fond du litige opposant Prodim à G&A Distribution, la Cour d'appel de Versailles a considéré que la clause de non-réaffiliation contenue dans le contrat de franchise du 2 février 1994 " présente un caractère spécifique qui la différencie de la clause de non-concurrence en ce qu'elle ne vise pas à interdire au franchisé d'exercer une activité pendant une période déterminée et dans un espace donné mais préserve au contraire la possibilité pour celui-ci de maintenir son activité sans le recours à une enseigne renommée concurrente dans une limite de temps et d'espace ". Partant, elle a jugé que " la clause litigieuse est strictement limitée à un an, qu'elle vise un espace restreint à un rayon de cinq kilomètres, qu'elle se justifie par la protection du savoir-faire reconnu à la société Prodim et par celle du risque concurrentiel, qu'elle n'interdit pas à la société G&A Distribution de poursuivre son activité, qu'en conséquence, elle doit être déclarée valable et recevoir application " (79).
111. Cependant, le 28 mai 2008, la Cour de cassation a annulé ce dernier arrêt.
2. SUR LES CLAUSES DE NON-RÉAFFILIATION EN CAUSE
a) Sur les objectifs poursuivis par les clauses de non-réaffiliation en cause
112. Carrefour a indiqué que les clauses de non-réaffiliation en question sont nécessaires pour assurer la protection du savoir-faire propre à la franchise Shopi. Plus précisément, ces clauses permettraient de préparer la sortie du franchisé du réseau et d'éviter qu'il ne le quitte en emportant avec lui les éléments de ce savoir-faire, tant pour en faire profiter un autre réseau qu'à son propre profit (81).
113. Elles serviraient également à empêcher que le franchisé fasse usage des matériels propres au concept de magasin développé par Carrefour et du concept lui-même sous une autre enseigne. (82). En ce sens, l'interdiction de commercialiser des MDD liées à une enseigne de renommée nationale ou régionale concurrente participerait aussi du maintien de l'identité commune et de la réputation du réseau franchisé (83). Cette dernière interdiction viserait également à empêcher le franchisé " de se faire identifier de facto, même sans enseigne, comme appartenant à un réseau concurrent, en commercialisant largement des MDD identifiées comme attachées à ce réseau ". Cette interdiction de commercialisation de telles MDD " aurait donc simplement pour objectif d'empêcher le détournement de la finalité de la clause de non-réaffiliation " (84).
114. Carrefour a enfin fait valoir que ces clauses se justifiaient par la loyauté contractuelle inhérente au contrat. (85)
115. À cet égard, cependant, le principe de la loyauté contractuelle invoqué par Carrefour n'est pas susceptible de justifier le recours aux clauses de non-réaffiliation en cause. Tout d'abord, cela signifierait que leur application viserait à sanctionner le franchisé sorti indûment du réseau, situation déjà prise en compte par les clauses pénales prévues aux contrats. Ensuite, aucun élément au dossier n'indique que la clause de non-réaffiliation, en sus de ladite clause pénale ou des montants qui lui sont associés, serait nécessaire pour sanctionner ce manquement. Enfin, eu égard à l'arrêt de la CJCE, Pronuptia, et au règlement n° 4087/88, un tel motif ne peut pas légitimer le recours à des clauses susceptibles de restreindre le jeu de la concurrence. .
116. En l'espèce, la nécessité et la proportionnalité des clauses de non-réaffiliation en cause seront donc uniquement appréciées au regard des objectifs de protection du savoir-faire et de maintien de l'identité commune et de la réputation du réseau franchisé.
b) Sur la nécessité des clauses de non-réaffiliation en cause
117. Carrefour souligne que de nombreuses décisions, reprises supra, ont expressément validé l'existence d'un savoir-faire à l'époque des faits (86).
118. Il ressort tant du règlement n° 4087/88, en vigueur à l'époque des faits, que de la jurisprudence, que pour être protégeable, notamment au moyen de clauses de non-réaffiliation ou de non-concurrence post-contractuelles, le savoir-faire transmis par un franchiseur à ses franchisés doit être " secret, substantiel et identifié ".
119. À cet égard, Carrefour a produit la sentence arbitrale du 23 septembre 1998, rendue dans le litige opposant Prodim à Supercham (87) (magasin de Bouffémont), de laquelle il ressort que " la société Prodim a satisfait à ses obligations lors du réaménagement du magasin, consécutif à la prise en main de l'exploitation par les nouveaux associés de la société Supercham ; que, par la suite, la société Prodim a mis en place des opérations de 'remodeling' du magasin, a fait participer la société Supercham à des opérations publicitaires, a offert des stages de formation, a invité [le représentant de la société Supercham] à des réunions auxquelles il a effectivement participé, cependant qu'un conseiller en franchise a visité régulièrement le magasin de la société Supercham ".
120. De plus, cette même sentence arbitrale précise, au sujet des difficultés financières auxquelles le franchisé devait faire face, que " il résulte de la procédure, et notamment de l'audition [du représentant de la société Supercham] et [du représentant de la société Prodim], lors des débats, que ceux-ci se sont rencontrés à trois reprises, entre juin et août 1995 ; que la société Prodim a proposé à la société Supercham diverses solutions ; que si ces solutions n'ont pas été finalement retenues par la société Supercham, qui a préféré recourir à d'autres fournisseurs, et exploiter son commerce sous une autre enseigne, il n'est pas établi, pour autant, que la société Prodim, qui a analysé la situation de la société Supercham et formulé des propositions, ait manqué aux obligations qui pesaient sur elle a raison du contrat de franchise ".
121. Or, en premier lieu, plusieurs des éléments du savoir-faire de Promodès allégué par Carrefour dans le cadre de l'instruction des présentes procédures sont publics : les plans d'implantation des magasins et des linéaires (88), l'assortiment de ces mêmes magasins, la communication mise en place dans les magasins et la publicité sont des éléments accessibles à des concurrents.
122. Si le caractère secret du savoir-faire signifie que " dans son ensemble ou dans la configuration et l'assemblage précis de ses composants ", celui-ci n'est pas " généralement connu ou facilement accessible ", les éléments exposés au public en l'occurrence apparaissent comme constituant une part significative du savoir-faire décrit par Carrefour, en particulier en ce qui concerne l'aspect " commercial " de ce savoir-faire qui est l'essence même d'un système de distribution. Or, le savoir-faire perd son caractère secret lorsque les éléments essentiels qui le composent sont rendus publics.
123. En deuxième lieu, toujours selon le règlement n° 4087/88, le savoir-faire est un " ensemble d'informations pratiques ". Il est donc, par nature, constitué d'éléments immatériels qui ne peuvent être repris par le franchiseur à l'issue de la relation contractuelle avec le franchisé, ce qui justifie d'ailleurs qu'il fasse l'objet d'une protection particulière au-delà même de la période d'application du contrat. Partant, le transfert d'actifs et de services, tels que la marque Shopi, les conditions d'approvisionnement, la présence de MDD en rayons, la participation à des opérations promotionnelles ou publicitaires, est susceptible de bénéficier au franchisé uniquement pendant l'exécution du contrat de franchise et justifie d'ailleurs le versement d'une redevance. Cependant, des clauses post-contractuelles qui limitent l'activité du franchisé, une fois celui-ci sorti du réseau, ne sont pas nécessaires à un tel transfert.
124. En troisième lieu, certains éléments du savoir-faire transmis par Promodès à l'époque des pratiques sont demeurés inaccessibles au public (les informations relatives aux comptes de gestions mensuels (89), les guides d'utilisation du logiciel de gestion (90), ainsi que le contenu de la formation qui a été dispensée aux franchisés et l'assistance qui leur a été apportée) et n'étaient pas susceptibles d'être repris au terme de la relation contractuelle.
125. Des éléments du savoir-faire transmis par Promodès sont donc bien identifiés et seraient bien demeurés secrets. Cependant, dans la sentence précitée, le Tribunal arbitral a lui-même relevé que " les pièces du dossier rendent certes difficile une appréciation quant à l'intensité à la qualité et à l'intérêt pour le franchisé des services ainsi fournis ". De fait, dans le cadre des présentes procédures, si des éléments du savoir-faire transmis sont bien secrets et identifiés, ceux-ci ne permettent pas, en revanche, d'attester du caractère substantiel, justifiant une protection, du savoir-faire que Promodès aurait transmis aux franchisés dans le cadre des contrats de franchise en cause.
126. Par ailleurs, il peut être indiqué que, à la même époque, les sociétés CSF, filiale de Carrefour, et Marcadet Distribution 75 ont conclu, le 29 août 1989, un contrat de franchise pour l'exploitation d'un magasin d'une surface de 1 000 m² sous l'enseigne Champion. Or, le contrat de franchise en question, qui était en cause dans la décision précitée 11-D-20, ne comportait pas de clause de non-réaffiliation ou de non-concurrence post-contractuelle (91), alors même que les caractéristiques du magasin laisseraient envisager que le franchisé devait être lui aussi destinataire d'un savoir-faire au moins équivalent à celui prétendument transmis aux deux franchisés en cause en l'espèce. En outre, cette absence de clause de non-réaffiliation dans le contrat de franchise conclu avec la société Marcadet Distribution 75 ne peut s'expliquer par la présence au capital de la société franchisée de la société Profidis, filiale de Promodès puis de Carrefour, en tant qu'actionnaire minoritaire. En effet, Profidis était également actionnaire minoritaire de la société G&A Distribution avec laquelle Prodim avait conclu le contrat de franchise pour l'exploitation du magasin situé à Septeuil.
127. Dans ces conditions, aucun savoir-faire secret, substantiel et identifié, au sens du règlement n° 4087/88, qui aurait été transmis par Promodès aux anciens franchisés Supercham et G&A Distribution et qui justifierait l'octroi d'une protection au travers d'une clause de non-réaffiliation, n'ayant pu être constaté, les clauses de non-réaffiliation en cause n'apparaissent pas nécessaires à la protection du savoir-faire transmis dans le cadre des contrats de franchise afférents
128. Concernant l'interdiction de commercialiser des MDD liées à une enseigne de renommée nationale ou régionale, celle-ci est d'abord destinée, selon Carrefour, à prévenir un risque de confusion en empêchant la commercialisation, au sein d'un même magasin, des MDD de Promodès sous une enseigne concurrente (92). En ce sens, cette interdiction participerait de l'objectif de maintien l'identité commune et de la réputation du réseau franchisé. Cette interdiction viendrait ensuite en complément de l'interdiction de réaffiliation, pour éviter que l'ancien franchisé ne profite de l'image de marque d'un nouveau réseau grâce à ses produits sous marque de distributeur (93).
129. Cependant, il ressort également des pièces du dossier que les MDD " Grand Jury " commercialisées à l'époque dans les magasins de l'enseigne Shopi étaient également proposées à la vente au sein du réseau de magasins " cash and carry " Promocash (94), de sorte qu'un commerçant indépendant, affilié ou non à une enseigne concurrente, était susceptible de s'approvisionner en même temps en MDD de Promodès et, éventuellement, en MDD concurrentes auprès d'un autre fournisseur.
130. Il en résulte que le risque de confusion mis en avant par Carrefour et qui justifierait le recours aux clauses de non-réaffiliation en cause, en ce qu'elles interdisaient au franchisé de commercialiser des MDD concurrentes à celles de Promodès, n'est pas fondé dès lors que Promodès n'avait pas pris toutes les mesures utiles pour se prémunir contre ce risque.
131. Dans ces conditions, l'interdiction de commercialiser des MDD de renommée nationale ou régionale imposée au franchisé en cas de résiliation du contrat de franchise n'apparaît pas nécessaire au maintien de l'identité commune et de la réputation du réseau franchisé.
132. Enfin, l'argument de Carrefour selon lequel cette interdiction de commercialiser des MDD viserait à empêcher que le franchisé puisse être identifié, de facto, comme appartenant à un réseau concurrent et à empêcher le détournement de la finalité de la clause de non-réaffiliation ne peut être pris en considération. Premièrement, en l'absence de réaffiliation à un réseau concurrent, le risque de transmission indue du savoir-faire est limité, quand bien même des MDD d'un réseau concurrent seraient commercialisées. Deuxièmement, le franchisé qui résilierait de façon illégitime le contrat de franchise est déjà " sanctionné " par l'application de la clause pénale prévue au contrat et donc par l'obligation de verser une indemnité forfaitaire à son franchiseur. c) Sur la proportionnalité des clauses de non-réaffiliation en cause
133. À titre liminaire, il convient de rappeler que l'analyse de la proportionnalité d'une restriction consiste à " vérifier si sa durée et son champ d'application matériel et géographique n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour la réalisation de [l'opération principale] " (95).
134. Si le règlement ne prévoit pas l'exemption de la clause de non-concurrence post-contractuelle contenue dans un contrat de franchise, il pose néanmoins une présomption en ce que, dans les limites de temps et d'espace qu'il prévoit, cette clause apparaît proportionnée, pour autant qu'elle soit nécessaire pour " protéger les droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l'identité commune et la réputation du réseau franchisé ". Il en va de même de la clause de non-réaffiliation, dans la mesure où elle est poursuit ces mêmes objectifs. .
135. Ainsi, concernant des pratiques similaires mises en œuvre à la même époque, le Conseil de la concurrence a apprécié la proportionnalité de ces clauses par rapport aux objectifs poursuivis par référence au règlement n° 4087/88, même lorsque celui-ci n'était pas applicable (voir décisions précitées n° 96-D-36, n° 97-D-48 et n° 97-D-51).
Sur la durée des clauses de non-réaffiliation en cause
Concernant la clause de non-réaffiliation d'une durée de trois ans (magasin de Bouffémont)
136. Tout d'abord, il faut relever que la durée de trois ans prévue par le contrat de franchise du 18 juillet 1991 pour l'application de la clause de non-réaffiliation va au-delà de la durée d'un an prévue par le règlement n° 4087/88.
137. Ensuite, cette durée de trois ans n'apparaît pas justifiée par la technicité du savoir-faire transmis.
138. Enfin, elle est d'autant moins proportionnée que la clause de non-réaffiliation incluse dans le contrat de franchise du 2 février 1994 n'est que d'une durée d'un an, sans que Carrefour ait fait état d'une différence dans le savoir-faire transmis par Promodès aux deux magasins en question qui aurait justifié une durée plus longue de non-réaffiliation, de difficultés spécifiques au magasin situé à Bouffémont qui auraient rendu nécessaire une telle durée ou encore d'une inefficacité de la clause de non-réaffiliation de un an à remplir son objectif.
139. Or, dans sa décision précitée n° 96-D-36, le Conseil avait relevé le caractère disproportionné de la clause de non-réaffiliation en cause dans cette affaire, d'une durée de deux ans, en soulignant notamment que sa durée avait varié dans le temps et " que, du reste, le troisième contrat type a ramené la durée de la clause à un an ", sans que cette variation s'explique par un savoir-faire devenu moins important au fil des versions du contrat en question.
Concernant la clause de non-réaffiliation d'une durée d'un an (magasin de Septeuil)
140. La clause de non-réaffiliation contenue dans le contrat de franchise du 2 février 1994 est applicable pendant une durée d'un an à compter de la résiliation du contrat. Partant, elle est d'une durée conforme à celle prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 4087/88.
141. Toutefois, la proportionnalité d'une clause, même limitée à un an, ne s'apprécie pas seulement par référence au règlement en question, encore faut-il que, par sa durée, cette clause n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi.
142. Or, Carrefour a indiqué que la protection du savoir-faire au terme prévu du contrat est assurée par le respect d'une période de préavis de six mois, suffisante pour anticiper la sortie du franchisé de son réseau à l'échéance du contrat de franchise (96).
143. Selon Carrefour, cette différence de délai dans ces deux situations " se justifie d'abord par la protection de notre savoir-faire. Le franchisé qui quitte le réseau Carrefour de manière anticipée conservera ses actifs (meubles), d'autant plus si cette rupture intervient rapidement après le début du contrat, et notamment l'usage des matériels propres au concept développé par Carrefour. Le risque pour nous est de voir ces mêmes matériels, ce concept, utilisés sous une autre enseigne " (97).
144. Carrefour fait également état d'un risque similaire s'agissant de la vente des produits de marques de distributeur : " la rupture du contrat intervient avant son terme et ne nous permet pas d'anticiper un changement d'enseigne qui aurait pour conséquence de vendre des produits MDD de notre enseigne sous une autre enseigne et de porter à la connaissance d'un de nos concurrents les éléments de notre politique commerciale, notamment le plan de vente " (98).
145. À cet égard, en premier lieu, le risque que les matériels propres au " concept Shopi " soient utilisés sous une autre enseigne n'est pas moindre en cas de changement d'enseigne à l'échéance du contrat que lorsque ce dernier est résilié.
146. En deuxième lieu, s'agissant de la vente de MDD, la durée de la clause de non-réaffiliation d'un an est disproportionnée par rapport au préavis de six mois prévu en cas de résiliation au terme prévu du contrat, alors même que celui-ci est également supposé empêcher la vente de MDD de marque Promodès sous une enseigne concurrente.
147. En outre, la durée de mise en vente des produits sous MDD n'excède que très rarement six mois, surtout dans un commerce de surface limitée qui propose essentiellement à la vente des produits alimentaires de grande consommation. À l'issue de cette période de six mois, les produits en question auront été soit vendus, soit retirés de la vente en raison de l'atteinte de leur date limite de consommation.
148. En tout état de cause, il n'est pas expliqué en quoi ce risque justifierait que le franchisé ne puisse vendre aucune MDD liée à une enseigne de renommée nationale ou régionale une fois son stock de MDD de Promodès écoulé ou revendu. Ainsi, il pourrait être prévu au contrat que la possibilité de commercialiser des MDD concurrentes soit conditionnée à ce que le franchisé fasse constater par huissier l'absence de MDD de Promodès dans ses rayons et dans son stock, afin d'éviter toute confusion entre ces différentes MDD. Un tel mécanisme contractuel, qui pourrait être aisément mis en œuvre, apparaît moins contraignant pour le franchisé que l'interdiction de commercialiser des MDD concurrentes pendant une durée d'un an, tout en permettant d'atteindre l'objectif de maintien de l'image commune ou de l'identité du réseau franchisé allégué par Carrefour.
149. Enfin, il est rappelé que cette justification de l'interdiction de vente de MDD apparaît contradictoire avec la possibilité offerte à tout magasin de s'approvisionner en MDD du groupe Carrefour auprès de ses magasins Promocash.
150. En troisième lieu, s'agissant du plan de vente et de la transmission d'informations " à échéance lointaine ", les informations dont il est fait mention ne sont pas moindres, eu égard aux obligations du franchiseur, lors de la dernière année du contrat de franchise que durant ses premières années d'exécution. La durée de la clause de non-réaffiliation ne peut donc excéder le préavis de six mois prévu en cas de résiliation au terme prévu.
151. Par ailleurs, si ces informations sur les promotions à venir sont transmises bien avant la réalisation desdites promotions, cela signifie également qu'elles doivent être organisées très en amont et, partant, qu'il serait ensuite difficile pour un concurrent de s'y adapter en proposant, au même moment, des promotions similaires.
Conclusion
152. Partant, sans qu'il soit besoin d'analyser la proportionnalité des clauses de non-réaffiliation en cause au regard de leur champ d'application géographique, les périodes de trois ans et d'un an prévues pour leur application apparaissent disproportionnées par rapport aux objectifs qu'elles sont censées poursuivre et qui tiennent à la protection du savoir-faire du franchiseur et au maintien de l'identité commune et de la réputation du réseau franchisé.
E. SUR L'APPRÉCIATION DES CLAUSES DE NON-RÉAFFILIATION EN CAUSE AU REGARD DE L'ARTICLE L. 420-1 DU CODE DE COMMERCE
1. SUR L'APPRÉCIATION DES PRATIQUES AU REGARD DE LA RÈGLE DE MINIMIS
153. L'article L. 464-6-1 du Code de commerce prévoit que l'Autorité peut décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure lorsque les pratiques mentionnées à l'article L. 420-1 ne visent pas des contrats passés en application du Code des marchés publics et que la part de marché cumulée détenue par les entreprises ou organismes parties à l'accord ou à la pratique en cause ne dépasse pas 10 % sur l'un des marchés affectés par l'accord ou la pratique lorsqu'il s'agit d'un accord ou d'une pratique entre des entreprises ou organismes qui sont des concurrents, existants ou potentiels, sur l'un des marchés en cause.
154. Si cette disposition ne trouve à s'appliquer, en principe, que dans le cadre de procédures contentieuses ouvertes devant l'Autorité en vertu de l'article L. 462-5 du Code de commerce, elle repose, à l'instar de la communication sur les accords d'importance mineure de la Commission (99), sur la présomption qu'en-deçà de certains seuils de parts de marché, les accords passés entre des entreprises concurrentes ne restreignent pas sensiblement la concurrence. Il s'agit d'une présomption réfragable qui ne recouvre pas notamment les restrictions caractérisées de concurrence, dont certaines sont énumérées à l'article L. 464-6-2 du même code.
155. Par ailleurs, si les dispositions de l'article L. 464-6-1 du Code de commerce n'ont été introduites dans le Code de commerce qu'en 2004, par l'ordonnance n° 2004-274, du 25 mars 2004, la règle de minimis est consacrée dans la jurisprudence de la CJCE depuis l'arrêt du 9 juillet 1969, Völk (aff. 5/69, point 7) (100).
156. En l'occurrence, dans la zone de chalandise de 15 minutes de déplacement en voiture autour de Septeuil, les parts de marché cumulées du magasin sous enseigne Champion, détenue par Promodès, et du magasin objet du contrat de franchise auraient été, en 1996, à l'époque de la résiliation du contrat de franchise, comprises entre 5 et 6 %, tandis que le réseau Promodès détenait, sur le marché national de la grande distribution à dominante alimentaire, une part de marché d'environ 11%.
157. Partant, à supposer même que la clause de non-réaffiliation contenue dans le contrat de franchise de 1994 (magasin de Septeuil), d'une durée d'un an, ait pu avoir un effet anticoncurrentiel, il est probable que cet effet est resté limité et qu'il est demeuré dans des proportions qui permettent de douter qu'il aurait pu être suffisamment sensible à l'époque des faits.
2. SUR LE CARACTÈRE RESTRICTIF DE CONCURRENCE DE LA CLAUSE DE NON-RÉAFFILIATION FIGURANT DANS LE CONTRAT DE FRANCHISE DU MAGASIN DE BOUFFÉMONT
158. Selon la jurisprudence et la pratique décisionnelle, pour analyser l'applicabilité des règles de concurrence, il convient de tenir compte du cadre concret dans lequel l'accord déploie ses effets, et notamment du contexte économique et juridique dans lequel opèrent les entreprises concernées, de la nature des produits et/ou services visés par cet accord, ainsi que des conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché.
a) La jurisprudence relative aux clauses de non-réaffiliation post-contractuelles
159. Ni le juge de l'Union ni la Commission ne se sont prononcés sur la nature de la clause de non-réaffiliation au regard des règles de la concurrence découlant de l'article 101 TFUE.
160. En droit national, par un arrêt du 28 septembre 2010, la Cour de cassation a considéré, au visa de l'article 1134 du Code civil, que la clause de non-réaffiliation ne doit pas s'analyser comme une clause de non-concurrence, au motif que la première " se borne à restreindre sa liberté d'affiliation à un autre réseau " alors que la seconde " a pour objet de limiter l'exercice par le franchisé d'une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu'il quitte " (101). Cette position de principe a été rappelée par l'Autorité dans son avis précité 10-A-26 et dans sa décision précitée n° 11-D-03 (102).
161. Pour autant, ceci n'implique pas nécessairement qu'une clause de non-réaffiliation post-contractuelle soit dépourvue d'objet ou d'effet anticoncurrentiel, ainsi qu'il découle notamment de la décision précitée n° 96-D-36.
162. Par cette décision, le Conseil a notamment constaté que, eu égard au règlement n° 4087/88, il n'était pas démontré que le commerce de vêtements pour enfants présentait une technicité telle qu'il imposait une clause de non-affiliation ou de non-concurrence d'une durée de deux ans, d'autant que le franchiseur disposait par ailleurs d'autres moyens pour se prémunir contre la divulgation de son savoir-faire, comme l'imposition d'une obligation de confidentialité s'étendant au-delà de l'expiration du contrat ou l'interdiction de l'utilisation du savoir-faire à d'autres fins que la franchise Z, et que, du reste, le troisième contrat type a ramené la durée de la clause à un an. Dans ces conditions, le Conseil a considéré que les obligations découlant de ces clauses étaient contraires aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dès lors qu'elles ont pu dissuader d'anciens franchisés de se réinstaller soit à titre individuel, soit en tant que membre d'un réseau sur la zone d'exclusivité pendant les périodes stipulées au contrat.
163. Plus récemment, dans sa décision précitée n° 11-D-03, l'Autorité de la concurrence a estimé, pour juger de la validité de clauses de non-réaffiliation post-contractuelles d'une durée de deux ans mises en œuvre dans le secteur de la distribution de gros de fruits et légumes, qu'il lui fallait apprécier, d'une part, si l'opérateur vis-à-vis duquel cette clause s'exerçait, pouvait, sans l'appui d'une affiliation à une structure de référencement nationale, poursuivre son activité et concurrencer les autres grossistes et, d'autre part, si la clause litigieuse était susceptible de remettre en cause la capacité des concurrents à se développer sur le marché. Il ressort également de cette décision que la clause en question, qui ne s'inscrivait pas dans le cadre d'un système de franchise dans le secteur de la distribution alimentaire de détails, était " très spécifique en l'espèce " (103).
b) Application au cas d'espèce
164. Les clauses de non-réaffiliation en cause comportent, pour le franchisé sorti du réseau Shopi, deux interdictions, à savoir, d'une part, l'interdiction d'apposer une enseigne de renommée nationale ou régionale et, d'autre part, l'interdiction de commercialiser des produits de marques de distributeur liés à une telle enseigne.
Sur les effets découlant de l'interdiction d'apposer une enseigne de renommée nationale ou régionale
Les observations des parties
165. Les parties aux litiges au principal ont mis en avant le rôle joué par l'enseigne dans le secteur de la distribution d'alimentation générale, en particulier en termes d'image de marque.
166. Ainsi, Carrefour souligne que l'enseigne constitue " une valeur ajoutée " et qu'il " est possible de travailler sans enseigne, mais de manière moins performante " (104).
167. Elle précise encore que " le franchisé de Carrefour bénéficie de l'image de marque du groupe, permettant le ralliement de la clientèle, ainsi que de l'assistance technique et commerciale de Carrefour, qui lui procurent un avantage concurrentiel et des économies d'échelle ". (105)
168. Elle soutient cependant que, " pendant une durée provisoire, correspondant par exemple à la période d'application d'une clause de non-réaffiliation, le fonctionnement sans enseigne est tout à fait possible : on n'a ainsi jamais constaté de faillite de magasin devant fonctionner sans enseigne et sans MDD en application de cette clause ". (106)
169. Pour sa part, Ségurel juge qu'il " est devenu indispensable pour les magasins aujourd'hui d'opérer sous enseigne " et que " [l]a demande pour opérer sous enseigne s'est accrue au cours des dernières années ". (107)
La situation du magasin objet du contrat de franchise du 18 juillet 1991 situé à Bouffémont
170. Dans la décision précitée n° 10-D-08, l'Autorité avait relevé que, lors de l'instruction, " il est apparu que certains anciens franchisés étaient parvenus à maintenir leur activité sans enseigne pendant la période d'application de la clause de non-réaffiliation " (point 56).
171. Ainsi que le rappelle Carrefour, les anciens dirigeants de la société G&A Distribution, société gérant le magasin situé à Septeuil en cause dans l'affaire n° 11/0086 AJ, avaient été auditionnés dans le cadre de l'instruction aux fins de cette décision n° 10-D-08 et avaient indiqué que, malgré l'absence d'enseigne, leur magasin avait pu conserver sa clientèle, baisser ses prix et augmenter sa marge pendant la période de non-réaffiliation (108).
172. En outre, dans ses observations en réponse au rapport, Carrefour relativise l'importance du rôle joué par l'enseigne dans le marché de la proximité en rappelant que, dans cette même décision n° 10-D-08, l'Autorité avait fait état des données provenant d'une étude de l'IFLS de 2007 de laquelle il ressortait que " 50 % en nombre et 40 % en surface du marché de la distribution d'alimentation générale de proximité était composée d'indépendants, non affiliés à un réseau particulier. En d'autres termes, en 2007 encore, la moitié des acteurs du marché de la proximité exerçait son activité sans enseigne. Au moment des faits examinés en l'espèce, cette proportion devait sans doute être encore plus importante ".
173. Cependant, en 2004, le rapport établi par le groupe de travail présidé par M. Guy Canivet indiquait que, " les grands groupes français de distribution représentent environ 85 % des magasins de proximité dont la superficie est comprise entre 199 m² et 1199 m². Ces petits ou moyens commerces organisés bénéficient donc de conditions d'approvisionnement similaires à celles des grandes surfaces et ne sont, en définitive, pas les plus menacés par les éventuelles pratiques prédatrices des grandes surfaces " (109). Cette proportion importante de superettes et de petits supermarchés affiliés à des réseaux importants de distribution avait d'ailleurs également été mentionnée par le Conseil, en 2007, dans son avis précité n° 07-A-12 (110).
174. S'agissant du magasin de Septeuil, il convient de relever que, si celui-ci a pu opérer pendant environ 9 mois sous sa propre enseigne (" Supermarché de Septeuil "), avant de prendre l'enseigne Coccinelle, ce changement d'enseigne, quelques mois seulement avant la fin de la période de non-réaffiliation, a été décidé afin " de permettre le redressement de la société qui n'avait jusqu'alors enregistré que des pertes et non dans l'intérêt particulier du groupe majoritaire ", ainsi qu'il ressort d'un arrêt de la Cour d'appel de Versailles (111). Il ressort également de cette décision que Promodès, par l'intermédiaire de sa filiale Profidis, était actionnaire minoritaire de la société franchisée et s'était opposée au changement d'enseigne.
175. Il peut d'ailleurs être observé que les deux magasins en cause ont délibérément fait le choix d'opérer sous enseigne alors qu'ils étaient théoriquement en mesure de s'approvisionner auprès d'une centrale d'achats, comme celle de Ségurel, membre du réseau de Francap, sans apposer d'enseigne.
176. Ceci est l'illustration que ces commerçants indépendants espéraient profiter de manière spécifique non seulement de l'image de marque apportée par l'enseigne, mais aussi des services qui y sont généralement attachés en termes de politiques de promotion et de publicité, même s'ils peuvent être de moindre renommée ou qualité que ceux d'un important groupe de distribution (112).
177. Or, le profit qu'ils espéraient ainsi retirer de la pose d'une enseigne ne peut provenir, pour une part significative, que d'une plus grande attractivité à l'égard des clients et la pose d'une enseigne renommée participe donc à l'animation de la concurrence.
178. Plus généralement, les magasins objets des contrats de franchise visés dans les affaires n° 11/0085 AJ et n° 11/0086 AJ sont concurrencés, dans une mesure étroitement liée à la distance les séparant de ces autres commerces, par des magasins sous enseigne, disposant donc des avantages associés à cette affiliation, tels que prospectus, programmes de fidélité ou politiques de promotions.
179. À cet égard, Carrefour indique d'ailleurs que " les opérations promotionnelles et publicitaires portant sur les produits vendus, étroitement corrélées avec la mise en place des produits dans les rayons (dans le respect d'un droit de la consommation très pointilleux à cet égard), contribuent puissamment à l'activité et à l'attractivité des points de vente " (113).
180. Priver le magasin de Bouffémont d'enseigne pendant une période trois années après la rupture du contrat de franchise était donc susceptible de lui faire perdre une clientèle significative et, surtout, de l'empêcher de faire croître sa clientèle en concurrençant les autres commerces situés à une plus ou moins grande proximité.
Sur les effets découlant de l'interdiction de commercialiser des MDD liées à une enseigne nationale ou régionale
Les observations des parties
181. Carrefour conteste que les clauses de non-réaffiliation en cause interdisent aux magasins exerçant sans enseigne de commercialiser des MDD, qui en toute hypothèse ne jouaient pas en 1996 le même rôle que de nos jours. Elle souligne que celles-ci interdisent de vendre les MDD propres de Carrefour dans le cadre d'une enseigne concurrente et de proposer, même sans enseigne, des MDD attachées à des enseignes concurrentes de renommée nationale ou régionale (114).
182. Carrefour fait également valoir qu'un commerçant exploitant sans enseigne peut " s'approvisionner, auprès des magasins de cash & carry extérieurs au groupe Carrefour, comme Métro par exemple, en produits sous marque propre de ces magasins, qui sont extrêmement nombreux ", à partir du moment où ces produits ne sont pas attachés à des enseignes de renommée nationale ou régionale, ou " continuer à commercialiser les MDD de Carrefour vendus dans les magasins de cash & carry du groupe Carrefour, en l'espèce Promocash " (115).
183. De ce fait, selon Carrefour, l'effet restrictif de concurrence est totalement inexistant.
184. Ségurel indique que la présence de MDD est " un élément indispensable pour rallier la clientèle vers son point de vente : différenciation par rapport à la concurrence, ralliement de la clientèle aux produits MDD qui bénéficient d'une appréciation positive en termes de rapport qualité/ prix dans l'esprit du consommateur mais également pour se positionner favorablement par rapport aux discompteurs (type Ed, Dia, Lidl, Aldi et autres....) qui ont modifié leur offre en présentant aux côtés de leurs produits discount, un assortiment de produits de marques nationales non négligeable " (116).
185. Elle fait valoir également que la présence de ces produits " est aussi un facteur de rentabilité pour le point de vente car c'est sur ces marchandises qu'il dégage le plus de marge. Ce facteur de rentabilité se retrouve d'ailleurs en amont chez le grossiste (comme la société Ségurel) mais également chez les industriels " (117).
La situation du magasin objet du contrat de franchise du 18 juillet 1991 situé à Bouffémont
186. Lors de leur audition, le 14 février 2012, les représentants de Carrefour ont confirmé que l'interdiction de commercialiser des MDD liées à une enseigne de renommée nationale ou régionale s'impose à l'ancien franchisé même dans l'hypothèse où il déciderait d'opérer sans apposer une telle enseigne (118).
187. Dans ses observations, Carrefour soutient cependant que l'application de la clause de non- réaffiliation ne prive pas l'ancien franchisé de toute possibilité de commercialiser des MDD puisque des alternatives existent. .
188. À cet égard, il faut relever que l'unique exemple mentionné par Carrefour, à savoir la possibilité pour l'ancien franchisé de commercialiser des MDD provenant de l'enseigne Metro, n'apparaît pas pertinent. En effet, si Metro n'opère sur le territoire français que sur le secteur du " cash and carry " (en concurrence d'ailleurs avec Carrefour), elle possède une enseigne de distribution alimentaire, " Real ", présente dans au moins trois États membres de l'Union européenne, à savoir en Allemagne, en Pologne et en Roumanie. À tout le moins, Metro constitue donc un concurrent potentiel de Carrefour sur le marché français de la distribution alimentaire de détail et l'on ne saurait exclure que l'interdiction de commercialiser des MDD de renommée nationale ou régionale s'étende également aux produits de marque Metro.
189. Quant à la seconde alternative, à savoir la faculté laissée à l'ancien franchisé de s'approvisionner en MDD auprès de Carrefour, via ses magasins Promocash, elle ne peut constituer une alternative crédible, sauf à considérer que, par ce biais et malgré la résiliation du contrat de franchise, Carrefour pourrait se " réserver " un débouché en incitant l'ancien franchisé à s'approvisionner en MDD auprès de ses seuls magasins Promocash.
190. Plus généralement, à supposer de telles alternatives réalistes, elles ne peuvent pour autant être jugées équivalentes à un approvisionnement en MDD auprès d'une centrale d'achat, censée procurer des conditions d'achat plus compétitives que celles d'un magasin " cash and carry ".
191. En conséquence, il apparaît que, de facto, l'ancien franchisé Shopi était contraint de ne commercialiser que des produits de marque nationale. En l'occurrence, les gérants du magasin situé à Septeuil ont d'ailleurs indiqué que, durant la période où le magasin a été exploité sous l'enseigne " Magasin de Septeuil ", seuls des produits de marque nationale avaient été commercialisés (119).
192. Or, ainsi qu'il est rappelé plus haut, les MDD représentent environ le tiers du volume d'affaires des magasins affiliés au réseau de Carrefour, situation qui prévalait vraisemblablement déjà à l'époque des faits, au dire même de Carrefour (120). Cette part des MDD dans le chiffre d'affaires est actuellement supérieure à 30% s'agissant des magasins indépendants se fournissant auprès de Ségurel (121), qu'ils opèrent sous une enseigne Coccinelle ou non. Dans son avis précité n° 97-A-04, le Conseil de la concurrence relevait que, en 1993, les MDD (au sens large, i.e. incluant les marques " premiers prix ") représentaient 36 % du volume des ventes des hypermarchés et des supermarchés.
193. Carrefour reconnaît d'ailleurs que " l'un des éléments clés du réseau Carrefour est la vente de MDD. Leur présence et leurs caractéristiques différencient le réseau sous enseigne Carrefour de ses concurrents : il n'est pas concevable que des produits sous MDD Carrefour se retrouvent dans un magasin qui serait passé sous enseigne concurrente " (122).
194. Dans son avis précité n° 97-A-04, le Conseil relevait que " les grandes surfaces alimentaires ont développé les produits premiers prix pour contrer notamment la concurrence de magasins mettant en service de nouvelles prestations de vente importées d'Allemagne : le maxidiscompte ". Le Conseil y soulignait également que l'une des raisons du succès des grandes surfaces alimentaires résidait dans la " fidélisation de la clientèle par le développement de marques propres ".
195. Dans ces conditions, en empêchant, durant trois ans, le commerçant indépendant sorti du réseau Shopi de commercialiser des MDD liées à une enseigne concurrente de Carrefour de renommée nationale ou régionale, alors que ces produits représentent environ le tiers de son volume et l'opportunité de dégager une marge plus importante que celle obtenue sur les produits de marque nationale, l'empêchant ainsi d'affecter ce surplus de marge à une diminution du prix des produits de marque nationale en question, et alors que les MDD constituent un élément primordial de la politique commerciale envers la clientèle, les clauses de non-réaffiliation en cause limitent de manière significative sa capacité à contribuer au jeu concurrentiel dans sa zone de chalandise et à s'y développer.
Conclusion sur l'effet restrictif de concurrence de la clause de non-réaffiliation visant le magasin de Bouffémont
196. Il résulte de ce qui précède qu'en interdisant à la fois à son ancien franchisé d'apposer une enseigne de renommée nationale ou régionale et de commercialiser des MDD liées à une telle enseigne, la clause de non-réaffiliation d'une durée de trois ans figurant dans le contrat de franchise portant sur le magasin de Bouffémont est susceptible d'amoindrir la pression concurrentielle que ce magasin, sorti du réseau Shopi, pouvait exercer à l'égard des autres magasins présents dans la même zone de chalandise.
197. Elle constitue donc une restriction de la concurrence prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce.
F. SUR L'APPRÉCIATION DES CLAUSES DE NON-RÉAFFILIATION EN CAUSE AU REGARD DE L'ARTICLE L. 420-2 DU CODE DE COMMERCE
1. S'AGISSANT D'UN ÉVENTUEL ABUS DE POSITION DOMINANTE
198. À l'époque des faits, Promodès n'occupait pas une position dominante sur le marché de la distribution d'alimentation générale. En effet, ainsi qu'il est rappelé au point 79 du présent rapport, en 1995, le groupe Promodès détenait une part de marché de 11,1 % et était le cinquième groupe de distribution alimentaire sur le marché français, le leader étant alors le groupement coopératif Leclerc avec une part de marché de 15,2 %. Sur le marché de la distribution d'alimentation générale en proximité, le groupe Promodès n'aurait occupé, à l'époque des faits et selon les données fournies par Carrefour (123), qu'une part de marché de 1,8 % en 1991 et 1,7 % en 1997. Enfin, sur les marchés locaux avals, le groupe Promodès détient une part de marché légèrement supérieure à 20 % pour ce qui concerne le magasin de Bouffémont et inférieure de l'ordre de 5 % pour ce qui concerne le magasin de Septeuil.
199. Dans ces conditions, le recours aux clauses de non-réaffiliation en cause ne constitue pas une pratique susceptible d'être qualifiée d'abusive de la part d'une entreprise en position dominante, en application du premier alinéa de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
2. S'AGISSANT D'UN ÉVENTUEL ABUS DE DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE
200. Selon une pratique décisionnelle constante du Conseil et de l'Autorité de la concurrence, confirmée par la Cour d'appel de Paris et la Cour de cassation, pour caractériser l'existence d'une situation de dépendance économique il convient de tenir compte " de la notoriété de la marque du fournisseur, de l'importance de la part de marché du fournisseur, de l'importance de la part de fournisseur dans le chiffre d'affaires du revendeur et, enfin, de la difficulté pour le distributeur d'obtenir d'autres fournisseurs des produits équivalents " (124).
201. En outre, la modification de l'article L. 420-2 du Code de commerce introduite par la loi du 15 mai 2001, qui a éliminé la référence à la notion de " solution équivalente ", n'exempte pas les parties d'en démontrer l'existence. En effet, le Conseil de la concurrence a eu l'occasion de rappeler, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001, que l'état de dépendance économique implique " l'impossibilité dans laquelle se trouve une entreprise de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées " (125).
202. Dans la décision précitée n° 10-D-08, l'Autorité a considéré que, eu égard à la part de marché de Carrefour sur le marché national du commerce d'alimentation générale de proximité, celle-ci ne disposait pas sur ce marché d'une position susceptible d'en faire un partenaire commercial obligé pour tout candidat à l'ouverture d'un magasin d'alimentation générale de proximité.
203. En l'espèce, force est également de constater que la part de marché du groupe Promodès à l'époque des faits ne le plaçait pas dans la situation d'en faire un partenaire commercial obligé pour tout candidat à l'ouverture d'un magasin d'alimentation générale de proximité.
204. En outre, dans la décision précitée n° 11-D-20, l'Autorité a également considéré que, dans cette affaire, il n'était pas démontré que les entreprises saisissantes " étaient en état de dépendance économique à l'égard de Carrefour (anciennement Promodès) lorsqu'elles ont souscrit à l'ensemble des clauses [litigieuses] et que Carrefour aurait ainsi profité de cet état pour les obliger à souscrire lesdites clauses. Le cumul de ces restrictions ne peut donc être susceptible d'être regardé comme constituant un abus de dépendance économique de Carrefour à l'égard des saisissantes " (point 59).
205. Dans les cas d'espèce, non seulement le groupe Promodès n'était pas dans la situation d'être un partenaire commercial obligé lorsque les contrats de franchise en cause ont été conclus, mais il ne ressort pas, a fortiori, des éléments du dossier, à ce stade de la procédure, que Promodès aurait profité d'un éventuel état de dépendance pour obliger les franchisés à souscrire aux clauses de non-réaffiliation en cause en l'espèce.
206. Partant, les clauses de non-réaffiliation en cause apparaissent insusceptibles de constituer des pratiques abusives au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
CONCLUSION
207. Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, l'Autorité de la concurrence est de l'avis de répondre à la Cour d'appel de Paris de la manière suivante :
1) Les clauses de non-réaffiliation en cause dans les affaires n° 11/0085 AJ et n° 11/0086 AJ, contenues respectivement dans les contrats de franchises du 18 juillet 1991, entre Prodim et Supercham, et du 2 février 1994, entre Prodim et G&A Distribution, n'apparaissent nécessaires ni à la protection d'un savoir-faire secret, substantiel et identifié ni au maintien de l'identité commune ou la réputation du réseau franchisé.
En outre, dans le cadre du système de franchise en question, ces clauses apparaissent disproportionnées au regard de tels objectifs, en ce qu'elles prévoient une période de trois ans, dans l'affaire n° 11/0085 AJ, et d'un an, dans l'affaire n° 11/0086 AJ. 2) Dans l'affaire n° 11/0086 AJ, compte tenu des parts de marché cumulées de Prodim et Supercham à l'époque des faits et eu égard à sa durée, la clause de non-réaffiliation contenue dans le contrat du 2 février 1994 n'apparaît pas susceptible d'avoir eu un effet suffisamment sensible sur le marché.
3) Dans l'affaire n° 11/0085 AJ, en interdisant aux franchisés sortis du réseau de l'enseigne Shopi d'utiliser une enseigne de renommée nationale ou régionale et en interdisant à ces franchisés de commercialiser des produits de marques de distributeur liées à une telle enseigne, la clause de non-réaffiliation contenue dans le contrat de franchise du 18 juillet 1991, entre Prodim et Supercham, constitue une pratique à caractère anticoncurrentiel prohibé par l'article L. 420-1 du Code de commerce.
4) Les clauses de non-réaffiliation en cause dans les affaires n° 11/0085 AJ et n° 11/0086 AJ apparaissent insusceptibles de constituer des pratiques abusives au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
Délibéré sur le rapport oral de M. Alexandre Lacresse, rapporteur, et l'intervention de M. Etienne Pfister, rapporteur général adjoint, par Mme Françoise Aubert, vice-présidente, présidente de séance, et MM. Yves Brissy, Noël Diricq et Jean-Bertrand Drummen, membres.
Notes
1 Dans l'affaire n° 11/0085 AJ, cotes 2 à 153, et dans l'affaire n° 11/0086 AJ, cotes 2 à 123 ; Sans autre précision, les cotes citées visent les pièces du dossier dans l'affaire n° 11/0085 AJ.
2 Voir décision n° 11-D-20, du 16 décembre 2011, relative à des pratiques mises en œuvre par Carrefour dans le secteur de la distribution alimentaire, points 6 et suivants.
3 Cotes 203 à 209.
4 Voir étude Xerfi, Épiceries et superettes, janvier 2012, cotes 4631 à 4709. D'après cette étude, les magasins Shopi ont une surface de vente moyenne de 540 m².
5 Les marques de premier prix sont aussi des MDD. Selon l'INRA : " Les différentes gammes de MDD que proposent les distributeurs ont [ ] plusieurs buts (complémentaires) suivant leur positionnement en qualité : segmentation de la demande, ou gain en pouvoir de négociation du distributeur. Les MDD premier prix et haut de gamme relèvent de la première catégorie, tandis que les MDD 'me-too' [(en anglais, 'moi-aussi')] ont pour principal but la concurrence avec les [marques nationales (MN)] et donc le gain en pouvoir de négociation ", INRA Sciences sociales, Les marques de distributeurs : une stratégie d'enseigne gagnante, n° 5-6, novembre 2006 ; cotes 1943 à 1946.
6 Cote confidentielle 206 et cote non-confidentielle 2386.
7 Cote confidentielle 208 et cote non-confidentielle 2388.
8 Voir avis n° 00-A-06, du 3 mai 2000, relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès.
9 Cotes 171 à 175 et 1296 à 1299.
10 Les magasins Coccinelle ont une surface de vente moyenne de 370 m² (étude Xerfi, précitée).
11 Francap a conclu, en 2004, un accord avec la société Provera (centrale d'achats du groupe Cora), chargée de négocier les conditions d'achat auprès des fournisseurs ; cote 1298. Cette accord s'est substitué à un précèdent accord, conclu en 1996, avec le groupe Casino.
12 Francap propose à ses affiliés un certain nombre de services dont la concession des enseignes dont elle est propriétaire et les services attachés à ces enseignes, notamment la création et le suivi de marchandises à marque propre (fabrication, packaging ) et la politique promotionnelle ; cote 1298. Selon l'étude Xerfi précitée, les 25 affiliés qui constituent le réseau détiennent 4 000 magasins dont environ 275 petits supermarchés, 1 200 supérettes et 2 500 magasins en libre-service. En outre, Francap est présenté comme un acteur majeur de la distribution alimentaire de proximité qui dispose d'un fin maillage territorial avec plus de 1 200 superettes indépendantes, dont 500 magasins Coccimarket et 98 magasins Coccinelle.
13 5 700 habitants en 1990 et 5 701 habitants en 1999 ; Données INSEE, recensements de 1990 et de 1999, http://www.recensement-1999.insee.fr/.
14 Cotes 211 et 213.
15 Cote 4503.
16 Cote 868.
17 1 945 habitants en 1990 et 2 046 habitants en 1999 ; Données INSEE, recensements de 1990 et de 1999, http://www.recensement-1999.insee.fr/.
18 Cotes 212 et 214.
19 Cote 4502.
20 Voir avis n° 97-A-04 relatif à diverses questions portant sur la concentration de la distribution et n° 10-A-26, du 7 décembre 2010, relatif aux contrats d'affiliation de magasins indépendants et les modalités d'acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire, point 15.
21 Voir avis n° 93-A-18, du 30 novembre 1993, relatif à l'acquisition du groupe Société alsacienne de supermarchés par la société Docks de France.
22 Voir décision n° 10-D-08, du 3 mars 2010, relative à des pratiques mises en œuvre par Carrefour dans le secteur du commerce d'alimentation générale de proximité, points 3 à 6.
23 Cote 4496.
24 Voir avis n° 07-A-12, du 11 octobre 2007, relatif à la législation relative à l'équipement commercial.
25 Cotes 135 à 153 et 803 à 819.
26 Affaire 10/0086 AJ, cotes 100 à 123 et, affaire 11/0085 AJ, cotes 176 à 201 et 821 à 845.
27 Observations de Carrefour, point 303 ; cote 5050.
28 Observations de Carrefour, points 52 et suivants ; cotes 4095 à 5012.
29 Observations de Carrefour, point 77 ; cote 4998.
30 Observations de Carrefour, point 80 ; cote 4999.
31 Observations de Carrefour, points 81 et 82 ; cote 4999.
32 Observations de Carrefour, points 88 à 90 ; cote 5000.
33 Observations de Carrefour, points 91 et 92 ; cotes 5000 et 5001.
34 Voir Cass. com., 24 octobre 2000, pourvoi n° 98-14382.
35 Voir décision n° 12-D-12 relative à la situation du groupe Colruyt au regard du I de l'article L. 430-8 du Code de commerce, points 21 et suivants.
36 Observations de Carrefour, points 94 à 111 ; cotes 5001 à 5003.
37 Observations de Carrefour, points 125 et 126 ; cotes 5007 et 5008.
38 Voir Cass. com., 7 janvier 2004, pourvoi n° 02-11014 ; 23 janvier 2007, pourvoi n° 05-19523 et 30 octobre 2007, pourvoi n° 04-16655.
39 Observations de Carrefour, points 129 et 130 ; cote 5009.
40 Observations de Carrefour, point 131 ; cote 5009.
41 Voir décision 08-D-27, du 20 novembre 2008, relative à des pratiques mises en œuvre par la société Total France, sur le marché de la commercialisation de produits pétroliers raffinés dans le sud de la France, point 43.
42 Observations de Carrefour, points 133 à 136 ; cotes 5010 et 5011.
43 Voir avis n° 05-A-20, du 9 novembre 2005, relatif à une demande présentée par le Tribunal de grande instance de Paris concernant un litige opposant la société Luk Lamellen à la société Valeo, point 24.
44 Cote 8.
45 Cote 9.
46 Le 28 mai 2008, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt et renvoyé devant la Cour d'appel de Paris. La Cour d'appel de Paris n'a pas statué sur la clause de non-réaffiliation présente au contrat de franchise. Ce dernier arrêt a fait l'objet d'un pourvoi de Carrefour, déclaré non admis par la Cour de cassation le 4 mai 2011 ; Cotes 657 à 684.
47 Voir avis n° 05-A-20, précité, point 21.
48 Voir décisions n° 03-D-39, du 4 septembre 2003, relative à la situation de la concurrence dans le réseau de franchise créé par la société Plus International, point 55, et n° 07-D-04, du 24 janvier 2007, relative à des pratiques mises en œuvre par le réseau de franchise Jeff de Bruges, point 85.
49 Voir également décision n° 10-DCC-25 du 19 mars 2010 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Louis Delhaize par la société H Distribution (groupe Hoio), point 16.
50 Voir décision de la Commission européenne, du 30 octobre 1997, renvoyant en partie l'affaire n° IV/M.991-PROMODES/CASINO aux autorités nationales de la République française en vertu de l'article 9 du Règlement du Conseil n° 4064/89.
51 Voir décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-25, précitée, et lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, du 14 avril 2006, n° C2006-15.
52 Dans son avis n° 97-A-04, du 21 janvier 1997, relatif à diverses questions portant sur la concentration de la distribution, le Conseil avait relevé que " Le mini-libre service (moins de 120 mètres carrés) offre un assortiment étroit de produits courants (environ 300 références) [et] la supérette (surface comprise entre 120 et 400 mètres carrés) en offre en moyenne 1 700. La zone de chalandise de ces deux magasins est peu étendue, de l'ordre de cinq minutes de déplacement. "
53 Observations de Carrefour, point 146 ; cotes 5013 et 5014.
54 Voir rapport annuel pour l'année 2010, étude thématique " Concurrence et distribution ", p. 97.
55 Cotes 211, 213 et 3121.
56 Cotes 212, 214 et 3121.
57 Voir CJCE, 28 janvier 1986, Pronuptia, 161/84.
58 Règlement (CEE) n° 4087/88 de la Commission, du 30 novembre 1988, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de franchise (JOUE 1988, L 359, p. 46).
59 Le règlement n° 2790/1999 est entré en vigueur après la conclusion des contrats de franchise en cause en l'espèce et après la fin de la période d'application des clauses de non-réaffiliation contenues dans ces contrats. Ainsi qu'il est rappelé au point 68 du présent rapport, en tant que guide d'analyse utile, le droit de l'Union est pris en compte pour autant que les dispositions qui en sont issues étaient en vigueur à l'époque des faits. Par ailleurs, les dispositions de ces règlements d'exemption posent des règles de fond qui, selon une jurisprudence constante de la CJUE, " ne sauraient en principe faire l'objet d'une application rétroactive, indépendamment des effets favorables ou défavorables qu'une telle application pourrait avoir pour les intéressés. En effet, le principe de sécurité juridique exige que toute situation de fait soit normalement, et sauf indication expresse contraire, appréciée à la lumière des règles de droit qui en sont contemporaines " (voir en dernier lieu, arrêt CJUE, 14 février 2012, Toshiba, C-17/10, point 50) et il ne ressort ni des termes, ni de la finalité, ni de l'économie de ces dispositions qu'elles devraient faire l'objet d'une application rétroactive.
60 Voir en ce sens également la communication de la Commission, du 27 avril 2004, relative aux lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité (JOUE C 101, 27.04.2004, p. 97), point 31.
61 Voir décision n° 96-D-36, du 28 mai 1996, relative à des pratiques relevées dans le réseau de franchise de vêtements pour enfants de la marque Z, p. 4.
62 Voir décision n° 96-D-36, précitée, p. 8.
63 Voir décision n 96-D-36, précitée, p. 8 ; voir également décision n° 97-D-48, du 18 juin 1997, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des transactions immobilières entre particuliers par les entreprises du réseau de franchise ERAS et, en ce sens, décisions n° 97-D-51, du 24 juin 1997, relative à des pratiques relevées dans le réseau de franchise de lavage de véhicules par haute pression de la société Hypromat France, et n° 00-D-82, du 26 février 2001, relative à des pratiques relevées dans le secteur des glaces et crèmes glacées industrielles sur le marché de l'impulsion.
64 Voir décision n° 11-D-03, du 15 février 2011, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du commerce de gros des fruits et légumes et produits de la mer frais, point 96.
65 Voir Cass. com., 17 janvier 2006, pourvoi n° 03-12382, et Cass. civ. 2ème, 10 janvier 2008, pourvoi n° 07-13558 ; pour le second de ces arrêts, cotes 2166 et 2167 ; voir également plusieurs décisions de cours d'appel, cotes 2369, 2321, 2342, 2217, 2269, 689, 697, 703, 710, 736, 750, 761.
66 Voir CA Paris, 25 février 2010, cote 2342.
67 Voir CA Rouen, 15 septembre 2011, cote 783 ; voir également cote 2217. .
68 Voir CA Caen, 10 décembre 2002, cote 652, rendu à propos de la clause de non-réaffiliation contenue dans le contrat de franchise du 18 juillet 1991 en cause dans l'affaire 11/0085 AJ, et CA Versailles, 30 janvier 2007, cote 750, rendu à propos de la clause de non-réaffiliation contenue dans le contrat de franchise du 2 février 1994 en cause dans l'affaire 11/0086 AJ. Ce dernier arrêt a été annulé par Cass. Com., 28 mai 2008, pourvoi n° 07-13266, cotes 668 à 670.
69 Voir Cass. com., 9 octobre 1990, pourvoi n° 89-13384.
70 Voir Cass. com., 4 juin 1996, pourvoi n° 94-21027.
71 Cotes 771 à 786.
72 Cotes 2338 à 2343.
73 Cotes 686 à 690 ; arrêt d'appel statuant en référé. .
74 Cotes 706 à 713, en particulier cotes 710 et 711 ; arrêt d'appel statuant en référé.
75 Cotes 700 à 704, en particulier cote 703 ; arrêt de rejet, Cour d'appel statuant en référé.
76 Cotes 715 à 723, en particulier cotes 721 et 722 ; arrêt d'appel statuant en référé.
77 Cotes 649 à 655.
78 Voir Cass. com., 17 janvier 2006, pourvoi n° 03-12382, cotes 644 à 647.
79 Cotes 672 à 684.
80 Cotes 668 à 670.
81 Cotes 2394.
82 Cotes 2396.
83 Cote 208.
84 Observations de Carrefour, point 199 ; cote 5025.
85 Cotes 208 et 2396.
86 Observations de Carrefour, points 264 à 272 ; cotes 5040 à 5042.
87 Cotes 5052 à 5103.
88 Cotes confidentielles 386 à 531 et non-confidentielles 2819 à 2822 (dossier " merchandising ", mars 1999), cotes confidentielles 533 à 642 et non-confidentielles 2823 à 2826 (normes techniques, document non daté), cotes confidentielles 3250 à 3522 et non-confidentielles 4491 à 4493 (documents relatifs au concept Shopi, 1991).
89 Cotes 869 à 909.
90Cotes 3524 à 4120 (guides utilisateurs " prologiciel AM²P ", " Quotidien " et " Exploitant ", septembre 2000).
91 Voir décision 11-D-20, précitée, points 28 et 42.
92 Observations de Carrefour, point 199 ; Cotes 208 et 5025.
93 Observations de Carrefour, point 199 ; Cote 5025.
94 Cote 206.
95 Voir Tribunal de première instance des Communautés européennes, 18 septembre 2001, M6 e.a./Commission, T-112/99, point 113.
96 Cote 208.
97 Cote 2396.
98 Cote 208.
99 Communication de la Commission concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne (de minimis) (JOUE C 368, 22/12/2001, p. 13).
100 La règle de minimis est également reconnue dans la jurisprudence de la Cour de cassation depuis un arrêt de la chambre commerciale du 4 mai 1993, pourvoi n° 91-17937.
101 Voir Cass. com., 28 septembre 2010, n° 09-13.888 ; cotes 1971 à 1974.
102 Voir avis n° 10-A-26, précité, point 148, et décision n° 11-D-03, précitée, point 98.
103 Voir décision n° 11-D-03, précitée, point 121.
104 Cote 208.
105 Cote 3108.
106 Cote 208.
107 Cote 174.
108 Observations de Carrefour, points 194 et 195 ; cote 5024.
109 Guy Canivet, " Restaurer la concurrence par les prix - Les produits de grande consommation et les relations entre industrie et commerce ", La Documentation Française, 2004, p. 62.
110 Voir avis n° 07-A-12, précité, point 19.
111 Voir CA Versailles, 7 septembre 2000 ; cotes 4613 à 4619.
112 Cotes 173 et 174.
113 Cote 3109.
114 Observations de Carrefour, points 198 et 199 ; cote 5025.
115 Observations de Carrefour, point 200 ; cotes 5025 et 5026.
116 Cote 1300.
117 Cote 1301.
118 Cote 2395.
119 Voir déclarations des gérants du magasin de Septeuil, observations de Carrefour, point 194 ; cote 5024.
120 Cotes confidentielle 206 et non-confidentielle 2386.
121 Cotes 173 et 1299 à 1301.
122 Cote 3109.
123 Cote 4421.
124 Voir décision n° 10-D-08, précitée, point 150 et pratique décisionnelle et jurisprudence citées.
125 Voir décision n° 01-D-49, du 31 août 2001, relative à une saisine et demande de mesures conservatoires présentées par la société Concurrence concernant la société Sony.