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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 9 janvier 2014, n° 12-01496

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Allo Express (SARL)

Défendeur :

Globtrans (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur

Avocat :

Me Herscovici

T. com. Marseille, du 10 janv. 2012

10 janvier 2012

FAITS ET PROCÉDURE

La société Allo Express a pour activité l'affrètement et l'organisation de transports. Elle expose qu'elle entretenait depuis août 2009 des relations commerciales constantes et régulières avec la société Globtrans qui lui sous-traitait le transport de colis et objets divers. Cette société aurait cessé toute collaboration avec elle à partir du 19 septembre 2011, brutalement et sans information préalable. Faute de pouvoir obtenir de sa part l'indemnisation à laquelle elle estimait avoir droit, la société Allo Express a saisi le Tribunal de commerce de Marseille pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 7 750 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 10 janvier 2012 réputé contradictoire, la société Globtrans n'ayant pas comparu, le Tribunal de commerce de Marseille a :

- débouté la société Allo Express de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- laissé les dépens à la charge de Allo Express.

Le tribunal a constaté que la société Allo Express ne versait aucun document démontrant qu'elle avait des relations d'affaires suivies avec la société Globtrans, ni justifiant de son préjudice. Il l'a, en conséquence, déboutée de toutes ces demandes.

Vu l'appel interjeté le 25 janvier 2012 par la société Allo Express contre cette décision.

Vu les conclusions déposées par la société Allo Express le 8 février 2012, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- constater que la société Globtrans a rompu de manière brutale les relations commerciales établies avec la société Allo Express ;

- dire et juger que sa responsabilité est engagée, à ce titre,

- condamner la société Globtrans à payer à la société Allo Express la somme de 7 750 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

- condamner la société Globtrans à payer à la société Allo Express la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Allo Express produit devant la cour de nouvelles pièces qui établissent, selon elle, la réalité des relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Globtrans et dont elle n'avait pas suffisamment justifié devant le tribunal.

Elle fait valoir que leurs relations ayant été régulières et suivies pendant plus de deux ans, la société Globtrans devait, avant de décider de les rompre, respecter le préavis de trois mois prévu par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 portant approbation du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants. Aussi doit-elle, par application des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, réparer le préjudice qui en est résulté et qu'elle chiffre, au vu du chiffre d'affaires moyen réalisé jusqu'alors, à 3 750 euros.

Elle ajoute qu'elle a subi, en outre, un préjudice résultant, d'une part, de ce que la brutalité de la rupture ne lui a pas permis de rechercher de nouveaux partenaires et, d'autre part, de l'atteinte portée à sa réputation professionnelle. Elle évalue à 4 000 euros le montant de ce préjudice supplémentaire.

La société Globtrans à qui le jugement n'a pu être signifié à personne, n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

MOTIFS

L'intimé n'ayant pas constitué avocat, malgré la signification par l'appelante de la déclaration d'appel, il a été procédé par assignation en date du 14 février 2012, laquelle n'a pu être remise à personne par l'huissier qui en a été chargé. Le présent arrêt sera donc rendu par défaut, en application des dispositions de l'article 473 du Code de procédure civile.

Sur la rupture des relations commerciales établies entre les sociétés Allo Express et Globtrans

A l'appui de sa demande, l'appelante verse aux débats devant la cour des pièces, - consistant dans des factures, données chiffrées et copie de courriers électroniques -, dont elle indique qu'elles n'avaient pas été produites devant le tribunal.

La cour constate que l'examen de ces pièces établit que la société Allo Express a entretenu avec la société Globtrans des relations commerciales régulières, du mois d'août 2009 au mois de septembre 2011. C'est ainsi, en particulier, que l'appelante produit la copie des courriers électroniques par lesquels la société Globtrans a accepté en juillet 2009 l'offre commerciale qu'elle lui avait soumise et a décidé de recourir désormais à ses services (courriers électroniques des 17 et 20 juillet 2009 - pièce n° 35). Elle produit également les factures qu'elle a émises mensuellement d'août 2009 à septembre 2011, et qui récapitulent chaque ordre de livraison donné par la société Globtrans, avec l'indication de son prix et de ses caractéristiques (pièces n° 6 à 31), le nombre moyen de livraisons faites par mois s'établissant à 66 en 2009, 64 en 2010 et 42 en 2011 et le nombre total d'ordres donnés durant la période considérée s'élevant à 1 494. Ces factures attestent donc de la continuité et de la régularité des relations commerciales que les deux sociétés ont entretenues durant cette période.

L'appelante soutient que la société Globtrans a, sans préavis, interrompu définitivement ces relations à compter du 19 septembre 2011. Cette allégation, quoiqu'elle n'ait pu être contradictoirement discutée par la société Globtrans qui n'a comparu ni en première instance ni en cause d'appel, sera néanmoins retenue par la cour au vu des éléments sur lesquels elle est étayée : la société Allo Express produit ainsi la copie d'un courrier recommandé du 13 octobre 2011 qu'elle a adressé à la société Globtrans et dont celle-ci a accusé réception (pièce n° 4). Dans ce courrier, elle constate que la société Globtrans ne lui a plus confié aucune livraison depuis le 19 septembre précédent et lui a indiqué verbalement qu'elle cesserait de le faire à l'avenir, et rappelle la nécessité de respecter le préavis prévu par l'article L. 442-6 du Code de commerce, à défaut de quoi sa responsabilité serait engagée.

Au vu de ces éléments, la cour considère qu'il est suffisamment démontré que la société Globtrans a rompu en septembre 2011 les relations commerciales qu'elle entretenait depuis août 2009 avec la société Allo Express et qu'elle n'a fait précéder cette rupture d'aucun préavis écrit ; elle sera, en conséquence, condamnée à réparer le préjudice qui en est résulté pour la société Allo Express, étant entendu qu'il ne ressort pas du dossier que celle-ci a manqué à ses obligations contractuelles.

Sur le montant des dommages-intérêts dus à raison du défaut de préavis

Compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales établies entre les parties, qui se sont poursuivies de façon continue du mois d'août 2009 au mois de septembre 2011, il y a lieu de considérer que la durée du préavis dont aurait dû bénéficier la société Allo Express est, comme elle le soutient, de trois mois.

Quant au préjudice qui en est résulté, il consiste non dans la perte du chiffre d'affaires que la société Allo Express aurait normalement réalisé durant le préavis dont elle a été privée, mais dans la perte de la marge brute correspondante, laquelle sera évaluée au taux de 50 % de ce chiffre d'affaires. Au vu des pièces produites par l'appelante, la cour constate que la moyenne du chiffre d'affaires trimestriel réalisé avec la société Globtrans était de 3 750 euros ; en conséquence, la société Globtrans sera condamnée à verser à la société Allo Express la somme de 1 875 euros.

Sur la demande de dommages-intérêts complémentaires

L'appelante fait valoir que la rupture brutale des relations commerciales dont elle a été victime a entraîné, d'une part, une désorganisation de son entreprise, puisque les moyens matériels, logistiques et humains qu'elle mettait en œuvre se sont trouvés subitement sans contrepartie et qu'elle n'a pu anticiper la recherche de nouveaux partenaires, et, d'autre part, une atteinte à sa réputation professionnelle.

Cependant, elle ne démontre pas que la désorganisation qu'elle allègue a entraîné un dommage distinct de celui que l'allocation de dommages-intérêts pour rupture sans préavis des relations établies a précisément pour objet de réparer, pas plus qu'elle ne démontre la réalité de l'atteinte à sa réputation professionnelle qu'aurait causé cette rupture. Sa demande de dommages-intérêts complémentaires de ce chef sera donc rejetée.

Sur les frais irrépétibles

Au regard de l'ensemble de ce qui précède, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Allo Express la totalité des frais irrépétibles engagés pour faire valoir ses droits et la société Globtrans sera condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort, Infirme le jugement attaqué ; Statuant à nouveau, Condamne la société Globtrans à payer à la société Allo Express la somme de 1 875 euros ; Condamne la société Globtrans à verser à la société Allo Express la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Globtrans aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.