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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 14 janvier 2014, n° 12-05260

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Agrec (SARL)

Défendeur :

Probano Productos del bano (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poumarède

Conseillers :

Mmes André, Guéroult

Avocats :

Mes Demidoff, Misserey, Oger

T. com. Rennes, du 10 juill. 2012

10 juillet 2012

I - EXPOSE DU LITIGE

La société Probano Productos del bano est un fabricant de meubles de salle de bains et d'armoires de toilette.

Par acte sous seing privé en date du 1er juin 2005, un contrat d'agence commerciale à durée indéterminée a été signé entre les parties, la société Agrec recevant mandat exclusif de commercialiser en France pour son mandant les produits de celle-ci (meubles de salle de bains et armoires de toilette). Le contrat prévoit que cet accord est valable uniquement pour l'ensemble des clientèles grossistes, bricolage, distributeur de meubles, cuisinistes-bainistes, VPC ainsi que des clients OEM (usine de fabricants d'appareils sanitaires) directs et indirects.

Le contrat est expressément soumis à la loi française et a prévu une clause de compétence territoriale au profit du Tribunal de commerce de Rennes.

Se prévalant d'une rupture unilatérale du contrat par son mandant, la société Agrec, par lettre recommandée du 9 mars 2010 avec accusé de réception du 17 mars 2010, a réclamé à son mandant le paiement de commissions restant dues ainsi que l'indemnité de fin de contrat et de préavis.

Les commissions arriérées ont été réglées en avril et mai 2010.

C'est dans ces circonstances que par acte du huissier en date du 1er août 2011, la société Agrec a fait assigner la société Probano devant tribunal de commerce.

Par jugement contradictoire en date du 10 juillet 2012, le Tribunal de commerce de Rennes a:

- débouté la SARL Agrec de toutes ses demandes fins et conclusions

- condamné la SARL Agrec à payer à la société Probano la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du CPC, outre aux dépens.

La société Agrec a déclaré faire appel de cette décision le 31 juillet 2012.

L'appelant demande à la cour de :

Vu les articles L. 134-1 à L. 134-17, R. 134-3 et R. 134-4 du Code de commerce,

Débouter la société Probano Productos del bano de toutes demandes, fins et conclusions et particulièrement de son appel incident.

Réformer purement et simplement le jugement dont appel

- Condamner la société Probano à verser à la société Agrec :

* 48 330,73 euro au titre de l'indemnité de cessation de contrat d'agent commercial prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce;

* 4 027,56 euro à titre d'indemnité compensatrice du préavis non respecté prévu par l'article L. 134-11 du Code de commerce;

* le tout avec intérêts légaux et capitalisation en application de l'article 1244 du Code civil à compter de l'assignation.

- Condamner la société Probano à verser à la société Agrec 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous dépens de première instance et d'appel.

Intimée, la société Probano demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L. 134-1 à L. 134-17 et suivants, du Code de commerce français,

- De débouter Agrec de son appel,

- Confirmer en tous points le jugement de 10 juillet 2012.

- Subsidiairement, de fixer l'indemnité de rupture à la somme de 17 921,94 euro (deux ans d'indemnité selon jurisprudence) et 1 493,49 euro au titre de l'indemnité de préavis

- de condamner le demandeur au paiement d'une somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés en application de l'article 699 du CPC.

L'ordonnance de clôture est du 2 octobre 2013.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties la cour se réfère aux énonciations de la décision déférée et aux dernières conclusions régulièrement signifiées des parties :

- du 5 avril 2013 pour l'appelant

- du 1er mars 2013 pour la société Probano

II- MOTIFS

Sur l'imputabilité de la rupture du contrat d'agence commerciale

Par application de l'article L. 134-12 du Code de commerce en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'article L. 134-13 dispose par ailleurs que

"La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'age, l'infirmité ou la maladie de l'agent, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée (...).

Une réunion a eu lieu entre les parties le 26 novembre 2009, sans qu'aucune des pièces produites aux débats ne permette de déterminer la teneur des échanges.

Des échanges par mail sont intervenus entre les parties et appelant et intimée s'accordent à indiquer, qu'il s'agit d'échanges intervenus entre les deux sociétés et donc quel que soit l'identité, ou la fonction du signataire.

Par un mail en date du 29 novembre 2009, la société Probano a ainsi indiqué à la société Agrec : "je vous remercie de votre gentillesse et votre attention au cours de notre réunion du jeudi 26 novembre. Comme convenu lors de notre réunion, nous vous confirmons qu'à partir du 1er janvier 2010, et de commun accord, nous mettrons fin à notre contrat d'agence commerciale. Cependant nous laissons la porte ouverte à des possibilités commerciales futures que n'importe lequel de ces deux entreprises peuvent développer et sur lesquels on pourrait discuter d'une formule de coopération."

Il résulte de ce mail que la rupture du contrat est clairement énoncée, avec effet au 1er janvier 2010. Mais ce courriel ne manifeste la volonté de la société Probano de rompre le contrat que sur la base d'un commun accord avec la société Agrec. Ce courriel ne peut être interprété comme manifestant une volonté unilatérale de rompre le mandat.

Par mail du 10 décembre 2009, la société Agrec informait son mandant qu'il prenait acte de la rupture et attendait ses propositions au titre de l'indemnisation de celle-ci.

La société Probano par retour de mail faisait état d'un incompréhension en réaffirmant que la rupture ne s'entendait que sur la base d'un commun accord. Les termes même utilisés laissent penser que l'auteur du courriel ne maîtrise pas parfaitement la langue française : "Vraiment, je suis très étonné par ton e-mail, puis, après notre rencontre à Paris, j'ai réalisé que toute était parlée et comprise par les deux parties. En effet, nous laissons la porte ouverte aux actions sur l'activité OEM mais nous concluons notre contrat d'un commun accord, pour l'activité courante. Lors de notre réunion, nous n'avons pas parlé d'indemnisation pour la rupture de notre contrat, car si nous analysons la situation actuelle de clients et ventes, est pire qu'en 2005. Merci de clarifier la situation".

Il ne peut être déduit de ces échanges une volonté claire du mandant de rompre le contrat sans accord du mandataire. Il ne s'agissait que d'une proposition de rupture qui ne pouvait se réaliser qu'au vu d'un accord du mandataire. C'est en ce sens que la société Probano, dans un courriel du 14 décembre 2010, a réaffirmé sa volonté de poursuivre le contrat : "comme j'ai dit lors de notre réunion, nous n'avons aucun problème avec votre gestion que vous savez est très apprécié par nous et ne jamais mettre en question votre professionnalisme (...) nous serons très heureux de continuer à travailler avec vous et, bien sûr, nous allons faire avec beaucoup d'enthousiasme. Valery, excusez mois si je n'exprime par clairement ce point dans mon e-mail".

Si en refusant cette proposition de rupture le mandataire était dans son droit, il ne justifie pour autant d'aucune rupture unilatérale du mandant de rompre le contrat. En refusant de poursuivre le contrat, la société Agrec l'a rompu de son seul fait. Elle ne peut donc prétendre à indemnisation au titre de la fin de ce contrat.

Le fait que les dernières commissions aient été payées avec un certain délai n'était pas invoqué dans la lettre de mise en demeure adressée à la société Probano. Il apparaît en outre, notamment au vu de l'historique des comptes entre les parties, que le délai dans lequel ces paiements ont été effectués correspond aux délais habituellement pratiqués entre les parties. Les paiements des factures n'étaient effectués qu'après la vente effective des marchandises et la perception par la société Probano des paiements des clients, soit trois à cinq mois en moyenne après l'émission de la facture de commission par la société Agrec. Les derniers paiements ont bien été effectués dans ce délai habituel. La société Agrec n'est donc pas fondée à se prévaloir d'une faute de la société Probano de nature à légitimer la rupture du mandat au tort du mandant.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Agrec de ses demandes afférentes à la rupture du contrat d'agent commercial.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Agrec qui succombe à l'instance sera condamné aux dépens et ne peut de ce fait prétendre aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. L'équité commande en revanche de faire droit à la demande de la société Probano ; il lui sera alloué de ce chef une somme de 3 000 euro;

Par ces motifs, LA COUR : Confirme le jugement, Y ajoutant : Condamne la société Agrec à verser à la société Probano Productos del bano la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Agrec aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.