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Décisions

Cass. com., 4 février 2014, n° 12-29.539

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Electronique Occitane (SARL)

Défendeur :

SFR (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Petit

Rapporteur :

Mme Riffault-Silk

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Piwnica, Molinié

Paris, pôle 5 ch. 4, du 19 sept. 2012

19 septembre 2012

LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 septembre 2012) et les productions, que suivant convention de distribution du 30 décembre 2005, la Société française du radiotéléphone (la société SFR) a confié à la société Electronique Occitane, pour une durée déterminée de trois ans sans prorogation ni renouvellement par tacite reconduction, et sans exclusivité, la diffusion d'une gamme de produits et services de radiotéléphonie définis au contrat ainsi que les tâches liées à l'enregistrement des demandes d'abonnement; que par courrier du 16 juillet 2008, la société SFR a rappelé à la société Electronique Occitane que le contrat prendrait fin le 31 décembre 2008, conformément aux stipulations contractuelles ; que la société Electronique Occitane l'a assignée en responsabilité pour rupture brutale de leurs relations commerciales, et a demandé la réparation des préjudices résultant du détournement et de la dépossession de sa clientèle ;

Attendu que la société Electronique Occitane fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes indemnitaires fondées sur les manquements contractuels de la société SFR, alors, selon le moyen : 1°) que l'usage abusif d'une prérogative contractuelle ouvre droit à réparation; qu'en relevant, pour écarter toute indemnisation de la société Electronique Occitane, que cette dernière n'était titulaire d'aucun droit privatif sur "la clientèle d'abonnés SFR" et qu'elle "ne bénéficiait d'aucune exclusivité et qu'elle ne [pouvait] reprocher à la société SFR de diffuser ses propres services de téléphonie mobile", sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société SFR n'avait pas profité de manière déloyale de l'absence d'exclusivité pour orienter les clients vers d'autres distributeurs SFR et diminuer ainsi les performances de la société Electronique Occitane qu'elle soumettait par ailleurs à des objectifs contractuels, et dont la rémunération dépendait du parc d'abonnés géré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil, ensemble l'article 1147 du même Code ; 2°) que la clientèle locale n'existe que par le fait des moyens mis en œuvre par le distributeur, parmi lesquels les éléments corporels de son fonds de commerce, matériel et stock, et l'élément incorporel que constitue le bail, que cette clientèle fait elle-même partie de son fonds de commerce puisque, même si celui-ci n'est pas le propriétaire de la marque et de l'enseigne mises à sa disposition pendant l'exécution du contrat de distribution, elle est créée par son activité, avec des moyens qu'il met en œuvre à ses risques et périls et lui procure des revenus ; qu'en écartant néanmoins toute faute de la société SFR à laquelle la société Electronique Occitane reprochait d'avoir détourné sa clientèle vers d'autres distributeurs, au motif que cette dernière ne disposerait d'aucun droit sur la clientèle, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; 3°) que la société Electronique Occitane produisait à l'appui de ses demandes tendant à ce que soit retenue la responsabilité de la société SFR pour avoir détourné des clients vers d'autres distributeurs, plusieurs courriers de clients indiquant qu'ils avaient été démarchés par un autre distributeur SFR qui les avait "informé(s) que l'opérateur SFR l'avait mandaté aux fins de suivre notre flotte" ; qu'en jugeant néanmoins que ces courriers ne démontraient pas la réalité d'un démarchage, la cour d'appel les a dénaturés et violé l'article 1134 du Code civil ; 4°) que la société Electronique Occitane produisait à l'appui de ses demandes tendant à ce que soit retenue la responsabilité de la société SFR pour détournement de clientèle plusieurs courriers de clients indiquant qu'ils avaient été démarchés par un autre distributeur SFR qui les avait "informé(s) que l'opérateur SFR l'avait mandaté aux fins de suivre notre flotte" ; qu'en jugeant néanmoins que ces courriers ne pouvaient établir le détournement de clientèle au motif inopérant que leurs auteurs concluaient qu'ils n'avaient pas donné suite à cette démarche, et sans rechercher si la tentative de détournement qu'ils établissaient et qui pouvait avoir produit ses fruits auprès d'autres clients ne caractérisait pas une violation de l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que l'étendue de la gamme commercialisée par la société Electronique Occitane était strictement définie par le contrat, l'arrêt retient, d'un côté, que la société Electronique Occitane, qui ne bénéficiait d'aucune exclusivité, ne pouvait reprocher à la société SFR de diffuser certains de ses propres services de radiotéléphonie mobile, de l'autre, que la clientèle qu'elle prétendait s'attribuer était en réalité une clientèle d'abonnés à l'opérateur SFR sur laquelle elle ne pouvait justifier d'aucun droit privatif ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la société SFR n'avait pas abusé de ses prérogatives contractuelles, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le premier moyen, pris en sa cinquième branche, et le second moyen ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.