CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 11 octobre 2007, n° 06-14995
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
UFC Que Choisir Quimper
Défendeur :
Promondo (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grosjean
Conseillers :
Mme Zenati, M. Farjon
Avoués :
SCP Boissonnet-Rousseau, SCP de Saint Ferreol-Touboul
Avocats :
Mes Ellak, Klein, Ciussi
DONNEES DU LITIGE :
L'UFC Que Choisir Quimper a interjeté appel d'un jugement réputé contradictoire rendu le 19 juillet 2006 par le Tribunal de grande instance de Grasse, en intimant par acte du 28 août 2006 la SARL Promondo.
Le tribunal avait été saisi par l'intimée d'une action en réparation du préjudice que l'appelante lui avait causé en portant atteinte à son crédit par une publication.
Il a entre autres dispositions, rejeté une exception d'incompétence et dit qu'il était compétent, condamné l'association, indépendamment des dépens mis à sa charge, à payer à la société Promondo deux sommes de 1 et de 1 000 euro, la première à titre de dommages et intérêts, la deuxième en compensation de ses frais irrépétibles et rejeté la demande de la société Promondo tendant à la publication de sa décision.
L'appelante demande à la cour de réformer ce jugement, de se déclarer incompétente au profit du TGI de Quimper, subsidiairement de débouter son adversaire de ses prétentions ou à défaut d'ordonner la communication d'une procédure pénale, et, en toute hypothèse de lui allouer deux indemnités de 15 000 et de 2 000 euro pour procédure abusive et frais irrépétibles
Elle affirme en effet qu'en sa qualité d'association à but non lucratif informant les consommateurs de divers abus possibles et notamment de ceux affectant les ventes par correspondance, elle a créé à cette fin une liste noire qui bénéficie de la liberté de la presse, qu'elle y a mentionné sans légèreté blâmable la société Promondo qui recourt à des publicités trompeuses pour convaincre les consommateurs les plus vulnérables de passer des commandes dans l'espoir d'obtenir le versement de gains fictifs, enfin que l'action intentée à son encontre procède d'une intention de nuire.
La SAS Promondo qui exerce ses activités sous l'enseigne Vital Confort, soutient au contraire qu'elle propose à la satisfaction de sa clientèle, dans le cadre de ventes par correspondance, de participer gratuitement et sans obligation d'achat à des jeux concours licites et que la formulation avantageuse de ses offres pouvait d'autant moins justifier l'insertion de son nom dans la liste noire de l'appelante que cet abus de la liberté de la presse procède d'amalgames, d'un diktat moral, d'une diabolisation des personnes et de procédés tendancieux, arbitraires, inquiétants, choquants, détestables, malhonnêtes et honteux.
Elle conclut donc en rappelant qu'elle a subi un préjudice dans le ressort judiciaire où se trouve son siège social, à la confirmation partielle du jugement, à la publication de l'arrêt, à l'exclusion de son nom et de ses enseignes de toute liste noire éventuelle, au rejet des demandes de l'appelante et à sa condamnation au paiement de deux indemnités de 1 et de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts et de frais irrépétibles.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 septembre 2007.
MOTIFS DE L'ARRET :
Il y a lieu de statuer par décision contradictoire en application de l'article 467 du nouveau Code de procédure civile.
Les appels doivent être déclarés recevables en la forme au vu des pièces versées aux débats.
L'association UFC Que Choisir Quimper qui a été constituée en 1980 publie une lettre trimestrielle d'information destinée à ses abonnés intitulée "Arnaques-Info" dont le numéro paru au mois de décembre 2002 mentionnait sous le titre "Les Listes Noires de la VPC" les enseignes à éviter, dont plusieurs d'entre elles appartiennent à la société Promondo expressément citée dans le corps de l'article.
Le préjudice allégué par cette société pourrait avoir été subi, en partie au moins, dans le ressort du TGI de Grasse où se trouve son siège social, ce qui justifiait le rejet de l'exception d'incompétence en application de l'alinéa 3 de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile.
L'intimée a versé aux débats plusieurs spécimens des documents publicitaires qu'elle adresse par la poste à des acheteurs potentiels de ses produits et notamment ceux correspondant à ses enseignes Vital Confort et Bien Etre et Confort.
Il en ressort qu'elle y a affirmé à plusieurs reprises en des termes clairs et catégoriques aux personnes destinataires nommément désignées, qu'elles étaient les gagnantes d'un chèque d'un montant de 18 550 euro pour Vital Confort et de 15 000 euro pour Bien Etre et Confort et que la perception de leur gain n'était soumise à d'autres conditions qu'à l'envoi le plus rapidement possible de leur acceptation accompagnée d'un formulaire et d'une vignette attestant de leur qualité, sans préciser de manière apparente que les gagnants des prix principaux seraient en réalité désignés ultérieurement par tirages au sort.
Cette formulation manifestement destinée à induire en erreur et à inciter à des achats les lecteurs les moins avertis des dérives de la publicité commerciale ou les moins en mesure de prendre connaissance d'un règlement indiquant la véritable nature du jeu à l'aide de caractères minuscules, comprimés et par moments altérés par les reflets brillants de son support coloré, a donné lieu au dépôt d'une cinquantaine de plaintes.
Le fait que la procédure pénale ait été clôturée par une ordonnance de non-lieu et que des clients de la société intimée aient manifesté leur satisfaction au sujet de ces jeux n'est pas de nature à justifier le procédé dénoncé par l'appelante qui n'a pas abusé de la liberté d'information et commis de faute en portant à la connaissance de ses lecteurs sa véritable finalité et en leur indiquant les moyens de se soustraire à ses inconvénients.
Les demandes de la société Promondo doivent donc être rejetées.
Elle n'a pas abusé du droit d'ester en justice mais elle devra verser à l'appelante une indemnité de 1 500 euro en compensation des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour pouvoir se défendre et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.
Le paiement des dépens lui incombera en outre car ses prétentions étaient infondées.
Par ces motifs : LA COUR, En la forme reçoit les appels ; Réformant partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau, Rejette l'exception d'incompétence ; Constate que le Tribunal de grande instance de Grasse était compétent pour statuer ; Rejette les demandes de la société Promondo ; Lui ordonne de payer à l'association UFC Que Choisir Quimper une indemnité de 1 500 euro (mille cinq cents euros) ; Met en outre les dépens à sa charge ; Autorise la distraction des dépens d'appel à son encontre au profit de l'avoué adverse, s'il en a fait l'avance sans avoir reçu provision.