CA Angers, ch. corr., 17 décembre 2008, n° 08-00523
ANGERS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ministère Public, Association Consommation, loge du Logement et du Cadre de Vie, Association Force Ouvrière, Union départementale des Associations Familiales de la Mayenne, Union Départementale des consommateurs (UFC 53)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Turquet
Conseillers :
Mme Vaucheret, M. Le Braz
Avocats :
Mes Le Gouriff, Franck, Martiano, Gisselbrecht
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Le Tribunal correctionnel de Laval, par jugement du 10 avril 2008, a, sur l'action civile,
- dit recevables toutes les constitutions de partie civile faites au nom de l'intérêt collectif des consommateurs:
- condamné solidairement Monsieur X Rémy et la SAS Y à payer :
- à l'association Force ouvrière représentée par Monsieur Claude Gilbert, la somme 3 000 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs;
- à l'Union départementale des associations familiales de la Mayenne, représentée par Madame Gombault Odile, la somme de 4 000 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs, et celle de 1 000 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
- à l'Union départementale des consommateurs - UFC 53, la somme de 4 000 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs et celle de 1000 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
- à l'association nationale Consommation, logement, cadre de vie (CLCV) la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs, et celle de 2000 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
- ordonné l'exécution provisoire des condamnations civiles, soit d'office pour certaines parties civiles, soit à leur demande pour d'autres;
- rejeté le surplus des demandes, quel qu'en soit l'auteur, notamment les demandes de publication réclamées par la CLCV;
Les appels
Appel a été interjeté par:
- Monsieur X Rémy, le 18 avril 2008 contre Association Consommation, loge du Logement et du Cadre de Vie, Association Force Ouvrière, l'Union départementale des Associations Familiales de la Mayenne, Union Départementale des consommateurs - UFC 53;
- Futura Finance, le 18 avril 2008 contre Association Consommation, loge du Logement et du Cadre de Vie, Association Force Ouvrière, l'Union départementale des Associations Familiales de la Mayenne, Union Départementale des consommateurs - UFC 53;
- Association Consommation, du Logement et du Cadre de Vie, le 21 avril 2008 contre Monsieur X Rémy;
- Association Consommation, du Logement et du Cadre de Vie, le 23 avril 2008 contre SAS Y;
LA COUR,
FAITS ET PROCÉDURE
Selon un jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Laval en date du 10 avril 2008 Monsieur Rémy X et la société Y ont été déclarés coupables de tromperies commises en 2001 sur les risques inhérents à des guirlandes électriques en provenance de Chine et en 2005 sur les risques inhérents à des sarbacanes provenant d'Allemagne. Les prévenus ont vu le surplus de la prévention telle que résultant de l'ordonnance de renvoi en date du 30 avril 2007, visant des articles de jouets mini-fruits, de peluches bonhommes de neige, d'anneaux de bougies, de figurines en tissus représentant des lapins ont été déclarées irrecevables.
Les prévenus ont été relaxés du chef de tromperie en ce qui concerne la sauce Buitoni à la viande de bœuf pour absence de charges. En répression de la déclaration de culpabilité partielle, le tribunal a condamné la société Y à une peine d'amende de 15 000 et Monsieur X à une peine d'amende de 5 000 euro, le tribunal ordonnant en outre la publication du dispositif de sa décision dans le quotidien Ouest France.
Sur l'action civile des différentes parties civiles, le tribunal a déclaré l'ensemble des parties civiles recevables et a condamné solidairement Monsieur Rémy X et la société Y à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts et plus précisément au profit de l'Association Consommation, Logement, Cadre de Vie (ci-après CLCV), une somme de 20 000 euro à ce titre, en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs, outre celle de 2000 euro en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
L'exécution provisoire de la décision au titre des dispositions civiles a été ordonnée.
L'Association Force Ouvrière a reçu la somme de 3 000 euro, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs.
L'Union Départementale des Associations Familiales de la Mayenne a reçu la somme de 4 000 euro sur le même fondement, outre 1 000 euro en vertu des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
L'Union Départementale des Consommateurs UFC 53 a également reçu la somme de 4 000 euro sur le même fondement, outre 1 000 euro en vertu des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
MOTIVATION
Sur la recevabilité:
Monsieur Rémy X et la société Y ont formé appel sur les intérêts civils du jugement ci-dessus par déclaration au greffe du Tribunal de grande instance de Lavale du 18 avril 2008.
L'association Consommation, Logement, Cadre de vie (CLCV), association nationale de consommateurs, a formé appel sur les dispositions civiles du jugement ci-dessus, cela, en date des 21 et 23 avril 2008.
Les appels seront déclarés recevables.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société Y et Monsieur X concluent à la limitation des montants des dommages et intérêts alloués aux associations de consommateurs, à hauteur d'un Euro symbolique, ou, à tout le moins réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts qui leur ont été octroyés par les premiers juges.
La CLCV, appelante, demande que soit constaté le caractère définitif des dispositions statuant sur l'action publique;
Sur l'action civile, elle sollicite d'être reçue en son appel et de voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Déclaré l'Association CLCV recevable en sa constitution de partie civile,
- Alloué la somme de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés devant les premiers juges.
Cette association de consommateurs demande de réformer le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau de:
- Constater que Monsieur Rémi X et la SAS Y ont commis le délit de tromperie aggravé à raison de la commercialisation des produits suivants :
- des peluches mini-fruit,
- des peluches lapin,
- des peluches bonhomme de neige,
- des anneaux de bougies.
- Condamner solidairement Monsieur Rémy X et la société Y à la publication d'un communiqué judiciaire dans trois quotidiens de diffusion nationale au choix de la CLCV, sans que le coût de chaque insertion ne puisse être inférieur à 5 000 euro et dont la teneur serait la suivante : "Par décision en date du 17 décembre 2008, la 2e chambre correctionnelle de la Cour d'appel d'Angers a constaté que Monsieur Rémy X à titre personnel et en qualité de représentant légal de, la société Y, ont commis le délit de tromperie, en l'espèce pour avoir trompé les consommateurs sur les risques inhérents à l'utilisation de produits et les contrôles effectués ceci rendant l'utilisation des dits produits dangereuse pour la santé de l'homme, en ayant commercialisé, dans des solderies exploitées sous l'enseigne Z des peluches destinées aux enfants, des guirlandes décoratives, des sarbacanes, des jouets mini fruits, des anneaux de bougie ne répondant pas aux règles de sécurité en vigueur. Ce communiqué est diffusé pour informer les consommateurs".
L'Union Départementale des Consommateurs UFC 53 conclut à l'irrecevabilité de l'appel des prévenus ; intimée, elle sollicite qu'il soit dit et jugé irrecevable et en tous cas mal fondé l'appel formé par Monsieur Rémy X et la société Y; la confirmation en ses dispositions pénales et civiles du jugement dont appel et le prononcé, sous réserve des réquisitions du Ministère Public, les peines prévues par la loi; la confirmation en tant que de besoin de la recevabilité et du bienfondé de sa constitution de partie civile ; la confirmation en ses dispositions civiles du jugement dont appel au profit de ladite Union Départementale des Consommateurs;
Y ajoutant,
La condamnation solidaire de Monsieur Rémy X et la société Y au paiement d'une indemnité complémentaire de 1 000 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel ; la condamnation des mêmes aux entiers dépens.
L'UDAF de la Mayenne, intimée, sollicite la confirmation en tant que de besoin de la recevabilité et du bien-fondé de sa constitution de partie civile; la confirmation en ses dispositions civiles du jugement dont appel au profit de ladite UDAF de la Mayenne;
Y ajoutant,
La condamnation solidaire de Monsieur Rémy X et la société Y au paiement d'une indemnité complémentaire de 1 000 euro en application de l'article 475-1 du CPP en cause d'appel;
L'Association FO Consommateurs (AFOC), intimée, sollicite également la confirmation du jugement entrepris ; elle demande encore la condamnation de Monsieur Rémy X et la société Y à lui payer la somme de 3 000 euro au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, en cause d'appel.
Sur le fond :
Il doit d'abord être constaté le caractère définitif des dispositions statuant sur l'action publique. Or, la décision frappée d'appel n'a retenu la culpabilité des prévenus qu'au regard de deux produits, savoir, des guirlandes électriques importées de Chine et des sarbacanes importées d'Allemagne. Pour un autre produit (boîtes de conserves de marque Buitoni), une relaxe est intervenue, tandis que pour quatre autres produits (jouets mini-fruits, peluches bonhommes de neige, anneaux de bougies et figurines en tissu représentant des lapins), les premiers juges ont considéré que l'expertise relative à ces produits était inexistante, qu'en tous cas, elle ne pouvait utilement étayer les poursuites. Dans ces conditions et dans le cadre de la procédure pénale, une infraction pénale étant le support nécessaire à l'exercice de l'action civile, les associations de consommateurs ne peuvent demander d'étendre l'indemnisation qu'ils réclament à d'autres produits que ceux pour lesquels les prévenus ont effectivement été condamnés par le Tribunal correctionnel de Laval, ce jugement étant définitif, car non frappé d'appel.
Les associations de consommateurs sont agréées pour agir au nom de l'intérêt collectif des consommateurs, pour tout fait causant un préjudice direct ou indirect au dit intérêt collectif, et ce en application de l'article L. 421-1 du Code de la consommation. Or aucune infraction n'est exclue du champ d'application de cet article L. 421-1 du Code de la consommation, dès lors que l'infraction cause un préjudice direct aux intérêts collectifs des consommateurs. L'intérêt collectif des consommateurs, qui n'est pas la somme des intérêts individuels, ni l'intérêt général représenté par le Ministère public, est lésé chaque fois que les pratiques déloyales des professionnels peu scrupuleux nuisent aux intérêts moraux et financiers des consommateurs ou les exposent à des risques graves pour leur santé.
Ainsi, les montants des dommages-intérêts correspondant aux préjudices résultant directement pour la seule partie civile appelante des faits visés à la prévention et subis par elles, ont été parfaitement appréciés par les premiers juges ; partant, le jugement entrepris, en ce qui concerne les seuls intérêts civils sera confirmé en toutes ses dispositions. Y ajoutant, la cour condamnera les prévenus à verser à la CLCV la somme de 1 000 euro au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
Il est par ailleurs impératif, en l'espèce, d'informer le consommateur sur les infractions sanctionnées par la juridiction répressive par le moyen de la publication du communiqué ci-dessous dans deux journaux quotidiens, l'un à vocation régionale, l'autre à diffusion nationale, savoir, Ouest France, édition du Maine et Loire et Aujourd'hui en France :
"Par décision en date du 17 décembre 2008, la 2e Chambre correctionnelle de la Cour d'appel d'Angers a constaté que Monsieur Rémy X à titre personnel et en qualité de représentant légal de la société Y, ont commis le délit de tromperie, en l'espèce pour avoir trompé les consommateurs sur les risques inhérents à l'utilisation de produits et les contrôles effectués, ceci rendant l'utilisation des dits produits dangereuse pour la santé de l'homme, en ayant commercialisé, dans des magasins exploitées sous l'enseigne Z des guirlandes décoratives et des sarbacanes, ne répondant pas aux régies de sécurité en vigueur. Ce communiqué est diffusé pour informer les consommateurs".
Il y a lieu en outre de condamner Monsieur Rémy X et la société Y à payer à l'UDAF de la Mayenne, l'Union Départementale des Consommateurs UFC 53 et l'Association FO Consommateurs (AFOC), la somme de 1 000 euro à chacune, ce, au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, en cause d'appel.
Par ces motifs : Déclare les appels recevables, et au fond dans la limite des appels, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions civiles, y ajoutant, Ordonne, à la charge des deux prévenus, la publication du texte ci-après en italique, cela, dans deux journaux quotidiens, l'un à vocation régionale, l'autre â diffusion nationale, savoir, Ouest France, édition du Maine et Loire et Aujourd'hui en France : " Par décision en date du 17 décembre 2008, la 2e chambre correctionnelle de la Cour d'appel d'Angers a constaté que Monsieur Rémy X à titre personnel et en qualité de représentant légal de la société Y, ont commis le délit de tromperie, en l'espèce pour avoir trompé les consommateurs suries risques inhérents â l'utilisation de produits et les contrôles effectués, ceci rendant l'utilisation des dits produits dangereuse pour la santé de l'homme, en ayant commercialisé, dans des magasins exploitées sous l'enseigne Z des guirlandes décoratives et des sarbacanes, ne répondant pas aux régies de sécurité en vigueur. Ce communiqué est diffusé pour informer les consommateurs". Condamne Monsieur Rémy X et la société à payer à l'UDAF de la Mayenne, l'Union Départementale des Consommateurs UFC 53, la CLCV et L'Association FO Consommateurs (AFOC), la somme de 1 000 euro à chacune, ce, au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, en cause d'appel, Condamne Monsieur Rémy X et la société Y en tous les dépens de l'action civile par-devant la cour.