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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 11, 7 mai 2010, n° 09-05239

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Association des consommateurs de France

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Forkel

Conseillers :

Mmes Le Bail, Richet

Avocats :

Mes Salzer, Wolff

TGI Paris, 31e ch., du 11 déc. 2008

11 décembre 2008

LA PROCÉDURE :

La saisine du tribunal et la prévention

A Michel a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel de Paris par citation à la requête du Ministère public en date du 12 septembre 2008 pour avoir à Paris les 24 et 25 mai 2007 et courant 2007, en tous cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, par quelque moyen que ce soit, trompé les patients de son laboratoire d'analyses de biologie médicale sur la qualité de la prestation de service en l'espèce, la réalisation d'analyses de sérologie HIV sur un automate Minividas avec une calibration périmée, sans contrôle de qualité interne, et sans maintenance de l'appareil depuis 2 ans, la réalisation d'analyses de sérologie HIV deuxième technique et hépatite C par technique Immuvocomb II sans utiliser les contrôles de qualité interne à chaque série d'analyses comme le prévoit la notice d'utilisation des réactifs, ne pas avoir mis en place un système d'assurance de la qualité, ne pas avoir correctement géré les réactifs de laboratoires puisque retrouvés dans le stock en nombre et périmés, ne pas s'être adjoint des services d'un technicien de laboratoire alors que l'activité du laboratoire l'exigeait alors qu'il ressort que ces dysfonctionnements sont des non-respects au guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale auquel doit se soumettre un laboratoire d'analyses de biologie médicale conformément au Code de la santé publique, avec cette circonstance que les faits ont eu pour conséquence de rendre la prestation de service dangereuse pour la santé de l'homme eu égard à l'absence de fiabilité des résultats des analyses rendus aux patients et aux professionnels de santé.

A Michel est prévenu de tromperie sur une marchandise entrainant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal, infraction prévue par les articles L. 213-2 1°, L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-2, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation.

Le jugement

Le Tribunal de grande instance de Paris - 31e chambre, par jugement contradictoire, en date du 11 décembre 2008, a déclaré :

A Michel coupable des faits qui lui sont reprochés,

et, en application des articles susvisés,

a condamné A Michel à la peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis.

Sur l'action civile

- a déclaré la constitution de partie civile de l'Association des consommateurs de France irrecevable.

Les appels

Appel a été interjeté par l'Association des consommateurs de France, le 17 décembre 2008

DÉCISION :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Considérant que l'Association des consommateurs de France demande l'infirmation du jugement rendu le 11 décembre 2008 par le Tribunal de grande instance de Paris en ce que, après avoir déclaré Michel A coupable de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal et l'avoir condamné à une peine de dix mois d'emprisonnement avec sursis, le tribunal a déclaré sa constitution de partie civile irrecevable;

Considérant que l'article L. 421-1 du Code de la consommation prévoit que les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles sont agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs;

Considérant que l'Association des consommateurs de France verse aux débats l'arrêté n° 2007-2532 émis le 10 septembre 2007 par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, aux termes duquel agrément lui est accordé "pour exercer les droits reconnus à la partie civile dans le cadre des dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-9 du Code de la consommation pour une durée de cinq ans" ;

Considérant qu'il résulte des statuts mis à jour le 6 février 2004 que les buts poursuivis par l'Association des consommateurs de France, sont notamment :

"Article 3 A) (...) aider, informer, éduquer les consommateurs (...) assurer l'amélioration de leurs conditions de vie et de lutte contre les pollutions sous toutes leurs formes, d'habitation et d'environnement (...) ainsi que le développement harmonieux économique et social (...). C) d'assurer auprès des professionnels et industriels, distributeurs, entreprises en tous genres, prestataires de services, administrations et pouvoirs publics, sans restriction ni réserve, toutes interventions ou actions amiables ou judiciaires tant dans l'intérêt général et collectif des consommateurs et usagers isolés ou organisés, que dans l'intérêt de chaque consommateur ou usager, (...) E) d'assurer le conseil, la défense et l'assistance en tout temps et en tous lieux, des intérêts moraux et physiques des consommateurs et usagers, tant dans le domaine économique et social, que dans celui de l'environnement et du cadre de vie" ;

Considérant que l'intérêt collectif des consommateurs prévu par l'article L. 421-1 susvisé doit être pris dans son sens le large aucune infraction ayant porté une atteinte directe ou indirecte à cet intérêt n'étant exclue de ses prévisions ;

Considérant qu'il importe peu que le Conseil de l'Ordre des médecins n'ait formé aucune revendication dans le cadre de la présente procédure et que les agissements pour lesquels Michel A a été poursuivi et condamné par le tribunal aient fait l'objet d'une prescription médicale, dans la mesure où l'article L. 421-1 du Code de la consommation ne comporte pas de restrictions de nature à exclure son application aux infraction commises à l'occasion de services fournis dans l'accomplissement d'un contrat médical, ou résultant d'un tel contrat ;

Qu'en outre les demandes formulées n'apparaissent pas étrangères à l'objet de ladite association puisqu'il est reproché au prévenu d'avoir trompé les patients sur la fiabilité des analyses pratiquées ;

Qu'en conséquence, la cour, réformant le jugement sur ce point, déclarera recevable l'action de l'Association des consommateurs de France ;

Considérant qu'eu égard à l'ensemble des éléments de la cause, et pour tenir compte des forts enjeux de santé publique découlant des faits, en matière de diagnostic et de pronostics graves, il sera fait droit à la demande de l'Association des consommateurs de France à hauteur de 1 000 euros ;

Considérant que Michel A sera également condamné à payer à l'Association des consommateurs de France une somme de 1 500 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement à l'égard du prévenu et de la partie civile, Infirme le jugement sur l'action civile, Déclare recevable la demande de l'Association des consommateurs de France, Condamne Michel A à payer à l'Association des consommateurs de France : - 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, - 1 500 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.