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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 5, 11 décembre 2012, n° 10-17306

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Caisse Nationale de Prévoyance - Assurances (SA)

Défendeur :

Carrion, Geronimi (Epoux), UFC Que Choisir, Cofidis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Reygner

Conseillers :

MM. Byk, Chalachin

Avocats :

Mes Bettinger, Lacamp, Peytavi, Lecoq Vallon, Buret, Valençon

TGI Paris, du 29 juin 2010

29 juin 2010

Monsieur et Madame Geronimi et Monsieur Carrion ont contracté auprès de la société Cofidis en date respectivement du 10 novembre 2000 pour les premiers, 27 octobre 2004 pour le second, une ouverture de crédit reconstituable et concomitamment, adhéré au contrat d'assurance de groupe n° 4909 L souscrit par la société Cofidis auprès de la société Caisse Nationale de Prévoyance-Assurances (CNP-Assurances) visant à garantir les obligations de l'emprunteur à l'égard du prêteur en cas de décès, incapacité et invalidité.

Estimant avoir droit au versement par la CNP-Assurances d'une participation aux bénéfices techniques et financiers générés par le contrat d'assurance, que l'assureur aurait versée à tort à la société Cofidis, en violation prétendue des dispositions de l'article L. 331-3 du Code des assurances, Monsieur Carrion, par acte d'huissier du 19 septembre 2007, a assigné les sociétés CNP-Assurances et Cofidis devant le Tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de les voir condamner solidairement à lui payer cette participation outre la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral.

Monsieur et Madame Geronimi et l'association UFC Que Choisir sont intervenus volontairement à l'instance aux fins d'obtenir la condamnation solidaire des sociétés CNP-Assurances et Cofidis au paiement, les époux Geronimi, à titre principal, de la part leur revenant au titre de la participation aux bénéfices, et l'association UFC Que Choisir de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 29 juin 2010, le tribunal a, en substance :

- reçu l'association UFC Que Choisir et les époux Geronimi en leur intervention volontaire,

- déclaré recevable la demande de Monsieur Carrion,

- sursis à statuer sur les demandes jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la légalité de l'article A. 331-3 du Code des assurances, dans sa rédaction antérieure à l'arrêté du 23 avril 2007,

- réservé les dépens.

La société CNP-Assurances a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 août 2010.

Par arrêt rendu le 23 juillet 2012, le Conseil d'Etat a jugé que l'ancien article A. 331-3 du Code des assurances était entaché d'illégalité pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 331-3 du Code des assurances.

Dans ses dernières conclusions du 10 octobre 2012, la CNP-Assurances demande à la cour de :

- juger que sa demande tendant à voir confirmer le jugement entrepris du chef du sursis à statuer du fait de la question préjudicielle sur la légalité de l'article A. 331-3 du Code des assurances est devenue sans objet et en tant que de besoin lui donner acte de ce qu'elle y renonce,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- déclarer irrecevable la demande indemnitaire de Monsieur Carrion,

- déclarer irrecevables les interventions volontaires de l'association UFC Que Choisir et de Monsieur et Madame Geronimi,

- condamner in solidum les intimés à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions du 8 octobre 2012, la société Cofidis, intimée à l'appel principal et appelante incidente, prie la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reçu l'UFC Que Choisir en son intervention volontaire,

- juger cette intervention volontaire irrecevable,

- juger que le Conseil d'Etat ayant répondu par arrêt du 23 juillet 2012 à la question préjudicielle ordonnée par le tribunal, l'appel interjeté sur ce point est désormais sans objet,

- condamner l'UFC Que Choisir à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions du 15 octobre 2012, Monsieur Carrion, Monsieur et Madame Geronimi et l'association UFC Que Choisir demandent à la cour de :

- prendre acte de l'arrêt rendu le 23 juillet 2012 par le Conseil d'Etat,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- condamner solidairement les sociétés CNP-Assurances et Cofidis à leur payer à chacun la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

Sur ce, LA COUR,

Sur l'appel du chef de la décision de sursis à statuer

Considérant que le Conseil d'Etat s'étant prononcé par arrêt du 23 juillet 2012 sur la légalité de l'article A. 331-3 du Code des assurances dans sa rédaction antérieure à l'arrêté du 23 avril 2007, l'appel du jugement en ce qu'il a sursis à statuer dans l'attente de cette décision est devenu sans objet ;

Sur la recevabilité de la demande indemnitaire de Monsieur Carrion

Considérant que la CNP-Assurances soulève l'irrecevabilité de la demande indemnitaire présentée à titre subsidiaire par Monsieur Carrion, soutenant que c'est à tort que le tribunal a refusé de statuer immédiatement de ce chef alors qu'il s'est implicitement prononcé dessus en écartant la fin de non-recevoir qu'elle a opposée à l'intervention de l'association UFC Que Choisir et que le rejet de la demande principale de Monsieur Carrion, tendant au paiement de la part des bénéfices qu'il prétend lui être due sur le fondement de l'article L. 331-3 du Code des assurances, implique nécessairement celui de la demande subsidiaire ;

Mais considérant que comme l'a à juste titre jugé le tribunal, la demande de Monsieur Carrion tendant à obtenir le versement, à titre de dommages et intérêts, de la participation aux bénéfices qu'il estime lui revenir ayant été formée à titre subsidiaire, il n'y aura lieu de statuer sur sa recevabilité qu'en cas de rejet de la demande principale en paiement de Monsieur Carrion ;

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de Monsieur et Madame Geronimi et subsidiairement, de leur demande indemnitaire

Considérant que la CNP-Assurances soutient que l'intervention volontaire des époux Geronimi est irrecevable au regard des articles 325 et 329 du Code de procédure civile, faute de lien suffisant avec les prétentions originaires, et subsidiairement, oppose à la demande indemnitaire formée à titre subsidiaire par Monsieur et Madame Geronimi la même fin de non-recevoir que celle soulevée à l'encontre de Monsieur Carrion ;

Mais considérant que Monsieur et Madame Geronimi ont adhéré au même contrat d'assurance de groupe que Monsieur Carrion ; qu'ils excipent des mêmes droits que ce dernier et que leurs demandes à l'encontre des sociétés CNP-Assurances et Cofidis tendent aux mêmes fins et reposent sur le même fondement juridique que les prétentions originaires, auxquelles elles se rattachent ainsi par un lien suffisant ;

Que leur intervention volontaire est donc recevable ;

Qu'en outre, de même que pour Monsieur Carrion, la recevabilité de leur demande subsidiaire n'a pas lieu d'être examinée avant qu'il n'ait été statué sur le bien ou le mal fondé de leur demande principale ;

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de l'association UFC Que Choisir

Considérant que la CNP-Assurances soutient que l'intervention volontaire de l'association UFC Que Choisir est irrecevable aux motifs :

- d'une part, qu'elle n'a pas été jointe à une demande indemnitaire d'un consommateur conformément aux dispositions de l'article L. 421-7 du Code de la consommation, puisqu'à la date de l'intervention, Monsieur Carrion poursuivait seulement l'exécution de son contrat, que la demande au titre du préjudice moral ne suffit pas à rendre applicable les dispositions précitées et qu'au surplus, la demande indemnitaire subsidiaire de Monsieur Carrion, formée ultérieurement, est elle-même irrecevable,

- d'autre part que l'association UFC Que Choisir a déjà formulé la même demande à son encontre dans une autre instance engagée par un autre assuré, Monsieur Cardona Payares, actuellement pendante devant le Tribunal de grande instance de Paris, fondée sur le même contrat d'assurance et visant le même préjudice, correspondant aux dépens de la campagne d'information que cette association entend mener ;

Considérant que la société Cofidis conclut elle aussi à l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de l'association UFC Que Choisir, faute par celle-ci de justifier que le préjudice dont elle demande l'indemnisation est distinct de celui réclamé dans le cadre de l'autre instance pendante devant le Tribunal de grande instance de Paris ;

Considérant que l'association UFC Que Choisir fait valoir que son intervention volontaire est recevable en application des articles 30 et 31 du Code de procédure civile ainsi que L. 421-1, L. 421-2, L. 421-6 et L. 421-7 du Code de la consommation et conteste solliciter deux fois la même réparation d'un préjudice ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles L. 421-1, L. 421-2 et L. 421-7 du Code de la consommation que les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statuaire explicite la défense des intérêts des consommateurs agréées peuvent intervenir devant les juridictions civiles, afin notamment de demander l'application de mesures destinées à faire cesser des agissements illicites ou à supprimer dans le contrat ou le type de contrat proposé aux consommateurs une clause illicite et d'obtenir réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs, lorsque la demande initiale a pour objet la réparation d'un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs à raison de faits non constitutifs d'une infraction pénale ;

Considérant que la demande principale en paiement initialement formée par Monsieur Carrion tendant en réalité, comme l'a justement retenu le tribunal, à obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de l'inexécution par l'assureur de ses obligations contractuelles telles que prévues par l'article L. 331-3 du Code des assurances, et Monsieur Carrion ayant en tout état de cause sollicité dès son assignation introductive d'instance le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral que les agissements prétendument illicites des sociétés CNP-Assurances et Cofidis lui auraient causé, l'association UFC Que Choisir est recevable en vertu des dispositions légales susvisées à intervenir volontairement à l'instance afin de solliciter la cessation de ces agissements potentiellement préjudiciables à tous les consommateurs adhérents au même contrat collectif d'assurance que celui en cause et le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice éventuellement causé à l'intérêt collectif des consommateurs, étant rappelé que Monsieur Carrion et Monsieur et Madame Geronimi ont formé à titre subsidiaire une demande indemnitaire sur la recevabilité de laquelle il sera s'il y a lieu ultérieurement statué ;

Considérant, par ailleurs, que les demandes d'indemnisation formées par l'association UFC Que Choisir dans deux procédures différentes, concernant des contrats d'assurance différents puisque celui en litige dans l'instance introduite par Monsieur Cardona Payares a été souscrit auprès de la CNP-Assurances par la Caisse d'Epargne afin de garantir des prêts immobiliers, et d'un montant différent (4 267 899,79 euros dans le cadre de la présente instance, 5 053 193,83 euros dans l'autre) ne tendent pas à la réparation du même préjudice, même si les éléments constitutifs de ce préjudice sont similaires (campagnes de communication, temps consacré aux recherches techniques et au regroupement des victimes (...)), et qu'il appartiendra le cas échéant à chacune des juridictions saisies d'en évaluer le montant ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'intervention volontaire de l'association UFC Que Choisir est recevable ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Considérant que les sociétés CNP-Assurances et Cofidis, qui succombent, doivent supporter les dépens d'appel ;

Que la solution du litige conduit à condamner la CNP-Assurances à verser une somme de 1 000 euros à Monsieur Carrion d'une part, aux époux Geronimi d'autre part, en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, et in solidum avec la société Cofidis, sur le même fondement, une somme de 1 000 euros à l'association UFC Que Choisir.

Par ces motifs : Dit sans objet l'appel du jugement entrepris du chef du sursis à statuer, Confirme ledit jugement pour le surplus, Condamne la société CNP-Assurances à payer une somme de 1 000 euros à Monsieur Carrion d'une part, à Monsieur et Madame Geronimi d'autre part, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne les sociétés CNP-Assurances et Cofidis in solidum à payer une somme de 1 000 euros à l'association UFC Que Choisir sur le même fondement, Rejette toutes autres demandes, Condamne les sociétés CNP-Assurances et Cofidis in solidum aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.