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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 6 février 2014, n° 12-04086

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Juwi ENR (EURL)

Défendeur :

Seider (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

M. Douvreleur, Mme Michel-Amsellem

Avocats :

Mes Couturier, Fourmier, Petitjean

T. com. Paris, 8e ch., du 31 janv. 2012

31 janvier 2012

FAITS ET PROCÉDURE

La société Juwi ENR (ci-après Juwi) filiale de la société Juwi AG, de droit allemand, est spécialisée dans l'exploitation, le développement et la vente d'installations de parcs éoliens et de centrales solaires photovoltaïques en Europe.

La société Seider intervient dans le secteur du développement de projets portant sur la production d'énergie renouvelable dans les Antilles françaises.

Ces deux sociétés se sont rapprochées et ont signé un premier contrat le 13 juin 2007 qui avait pour objet de confier à la société Seider le développement de centrales solaires photovoltaïques au sol et sur toiture, en Guadeloupe et en Martinique, pour une durée de 5 ans renouvelable par tacite reconduction ; ce contrat a été modifié par un avenant du 15 février 2008, pour la Guadeloupe, et en août 2008 pour la Martinique.

Le 27 février 2008 un nouveau contrat de partenariat a remplacé celui du 13 juin 2007 et son avenant du 15 février 2008.

Les prestations fournies par la société Seider étaient rémunérées par des commissions dont le calcul et le versement étaient assujettis à la réalisation d'un planning d'interventions, les avenants avaient notamment pour objet de modifier les conditions de paiement des commissions.

La société Seider estimant ne pas avoir été payée de l'intégralité des commissions dues au titre des prestations effectuées en a réclamé le paiement.

La société Juwi s'est opposée à cette demande au motif que la renégociation du contrat la liant à Seider, intervenue en 2008, avait créé un déséquilibre flagrant entre les droits des parties au profit de Seider, et que la société Seider n'avait pas respecté ses obligations contractuelles.

Par jugement rendu le 31 janvier 2012, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Juwi de sa demande de sursis à statuer ;

- débouté la société Juwi de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'application de l'article 446-6 du Code de commerce ;

- condamné la société Juwi à payer à la société Seider la somme de 1 788 557 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des factures, déboutant pour le surplus ;

- condamné la société Juwi à indemniser la société Seider à hauteur de 1 100 euros, déboutant pour le surplus ;

- condamné la société Juwi à payer à la société Seider la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Vu l'appel interjeté le 2 mars 2012 par la société Juwi contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 2 octobre 2012 par la société Juwi, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 31 janvier 2012 en ce qu'il a condamné Juwi à payer à Seider la somme de 1 788 557 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des factures, déboutant pour le surplus ;

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 31 janvier 2012 en ce qu'il a débouté Juwi de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'article L. 442-6 I 2° ;

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 31 janvier 2012 en ce qu'il a condamné Juwi à indemniser Seider à hauteur de 1 100 euros ;

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 31 janvier 2012 en ce qu'il a condamné Juwi à payer à Seider la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

En conséquence :

- constater que Seider a manqué à ses obligations au titre du contrat de partenariat ;

- condamner Seider à payer à Juwi la somme de 1 762 101,22 euros TTC, au titre des sommes indûment versées par Juwi dans le cadre du contrat de partenariat du 27 février 2008 à parfaire des intérêts en retard en application de l'article 1153 du Code civil et de la capitalisation des intérêts ;

- condamner Seider à payer à Juwi la somme de 1 000 000 d'euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce ;

- ordonner la publication du jugement à intervenir dans un quotidien de presse national et un quotidien de presse antillais, aux frais de Seider, dans la limite de 10 000 euros ;

- condamner Seider à payer à Juwi la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Juwi expose que le second contrat imposé par la société Seider a provoqué un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en ce qu'il lui permettait de percevoir la majeure partie des commissions indépendamment de l'existence effective du projet, contrairement au premier contrat.

Elle fait en outre valoir que la société Seider a manqué à ses obligations contractuelles et que les déclarations préalables qu'elle a déposées sont illégales, puisque déposées auprès des maires des communes d'implantation et non auprès du Préfet du département et que de plus, elles sont entachées de fraude dans la mesure où elles comportent des inexactitudes sur les hauteurs des installations et sur leur finalité réelle.

Elle expose que, dès lors que les projets dépassaient la superficie de 2 000 m², la société Seider aurait dû faire tout son possible pour obtenir des permis de construire. Elle fait valoir que Seider n'a jamais déposé de dossier en ce sens puisqu'elle s'est contentée de procéder par simple déclaration préalable.

Elle fait par ailleurs valoir que la société Seider a manqué à son obligation contractuelle de transfert de la propriété des projets, alors que le contrat de partenariat prévoyait que la propriété du projet soit transférée définitivement et de plein droit à Juwi lors du premier versement. Elle soutient que le transfert des droits était notamment nécessaire du fait que Seider, avec la complicité de son directeur opérationnel, M. Bauer, avait choisi de déposer les déclarations préalables au nom des bailleurs.

Elle fait enfin valoir que la gestion des projets par son adversaire a eu des conséquences désastreuses sur leur financement, et demande donc l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi.

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 août 2012 par lesquelles la société Seider demande à la cour de :

- dire et juger qu'elle n'a pas manqué à ses obligations contractuelles

- dire et juger que les prestations qu'elle a réalisées sont légales

en conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. condamné la société Juwi à lui payer la somme de 1 788 557 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des factures et la somme de 1 100 euros au titre des frais bancaires

. débouté la société Juwi de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande reconventionnelle

. condamné la société Juwi à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

. condamner la société Juwi à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens

La société Seider soutient qu'elle a parfaitement exécuté ses obligations et que les projets développés n'exigeaient nullement en l'état de la législation en vigueur l'obtention d'un permis de construire.

Elle expose que les déclarations préalables, qu'elle a régulièrement déposées auprès du maire, n'ont donné lieu à aucun recours de sorte qu'ont pu être délivrés des certificats de non opposition et que la société Juwi l'a alors réglée de ses honoraires sans faire d'observations ; elle affirme que celle-ci était parfaitement au courant des modalités mises en œuvre et les a acceptées.

Elle ajoute avoir parfaitement respecté les modalités contractuelles de transfert des droits et fait observer que certaines installations fonctionnent.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Considérant que la société Juwi n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

Sur les factures

Considérant que la société Juwi soutient, d'une part, que la société Seider n'a pas exécuté ses missions conformément à ses obligations contractuelles, raison pour laquelle les projets n'ont pas abouti et, d'autre part, que les dispositions contractuelles ont été modifiées en cours d'exécution du contrat dans des conditions créant un déséquilibre entre les parties.

Qu'elle prétend avoir réglé dans ces conditions, à tort, des factures au titre des différents projets confiés à la société Seider qui le conteste, affirmant avoir réalisé l'intégralité des prestations à sa charge et que la société Juwi reste lui devoir la somme de 2 872 594,46 euros.

Sur le déséquilibre allégué

Considérant que la société Juwi soutient que le nouveau contrat de partenariat du 27 février 2008, qui a remplacé et annulé celui du 13 juin 2007 et son avenant du 15 février 2008, a créé un déséquilibre significatif, en ce qu'il a modifié le pourcentage de la rémunération de la société Seider au cours de l'exécution de sa mission, la société Seider percevant la moitié de sa rémunération à la fin de la phase 3 et non plus 10 % comme cela avait été prévu dans le premier contrat ; qu'elle ajoute qu'il a également été stipulé, d'une part, que pour les contrats concernant des centrales dont la puissance dépasse 2MWp, les commissions pourraient être renégociées "au cas par cas le montant des commissions dans une limite de 30 % en plus des sommes prévues dans le tableau ci-dessus" et, d'autre part, que si le projet n'avait pas été mis en service 9 mois après la date d'obtention du permis de construire purgé de tout recours, la société Seider était en droit de réclamer le paiement de la moitié de la commission liée à la phase 4 et en l'absence de mise en service dans le délai de 15 mois, le versement de la seconde moitié de cette commission ; que la société Juwi fait valoir que, par ces dispositions, la société Seider pouvait être payée de l'intégralité de sa commission, que la mise en service ait eu lieu ou pas.

Qu'elle ajoute que la clause 3.2 de l'avenant, qui prévoyait que la société Seider ne pouvait en aucun cas s'engager pour le compte de la société Juwi, a été supprimée.

Qu'elle soutient que ce nouveau contrat a été rédigé dans des conditions inhabituelles, son conseil n'étant pas intervenu et M. Bauer, alors directeur opérationnel photovoltaïque, n'ayant pas rendu compte de ce nouveau contrat aux co gérants de la société; qu'elle allègue également d'une concertation frauduleuse entre le dirigeant de la société Seider et son comptable ;

Considérant que ces affirmations sur les modalités des discussions entre les deux sociétés ne sont étayées par aucun élément.

Considérant que le nouveau contrat a stipulé le paiement de 10 % au lieu de 5 % à l'issue de la phase 1 et donc après l'étude environnementale, le dossier d'architecte et le dépôt du permis de construire ;

qu'il ne peut être contesté que cette phase représentait un coût important pour la société Seider, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il en résultait des difficultés financières pour elle, et correspondait à un état d'avancement certain du projet, de sorte que la décision d'augmenter la partie de la rémunération versée à ce stade se justifiait et n'était pas de nature à créer un déséquilibre entre les parties.

Considérant que les prestations de la société Seider s'achevaient avec le dépôt du dossier de demande de contrat d'achat d'électricité EDF ; qu'au titre des contrats de partenariat, il était stipulé que "la propriété du projet est transférée définitivement et de plein droit à Juwi lors du premier versement" et que "Seider reconnaît, comme cela est déjà indiqué à l'article 1 ci-dessus que Juwi pourra lorsque Juwi l'estimera opportun, céder tout ou partie des droits de développement relatifs à une centrale donnée à la Société de Projet. Les droits et obligations découlant du présent protocole seront pour la Centrale en question, transférés à la Société de Projet ce que Seider accepte expressément" ; qu'il s'ensuit que la société Juwi devenait propriétaire du projet dès les premiers versements, étant stipulé qu'elle pouvait céder ses droits à une société d'exploitation spécialement créée à cet effet ; que la société Seider n'avait pas en charge la mise en fonctionnement de la centrale; qu'en conséquence, le fait de prévoir le paiement du solde de la commission de la société Seider dans des délais de 9 et 15 mois, que la centrale soit mise en fonctionnement ou non, n'est pas léonin dans la mesure où la société Seider ne pouvait voir le paiement de ses prestations lié à la mise en fonctionnement de la centrale, qui était un événement dont elle n'avait pas la maîtrise.

Que la suppression de la clause stipulant que la société Seider ne pouvait en aucun cas s'engager pour le compte de la société Juwi a permis à la société Seider de négocier avec les propriétaires ;

que, toutefois, elle l'a fait selon des protocoles d'accords que la société Juwi reconnaît avoir elle-même préparés ; qu'elle ne saurait en déduire un déséquilibre dans les obligations respectives des parties, s'agissant d'une prestation accomplie pour son compte selon des modalités fixées par elle.

Considérant qu'il résulte de ces éléments que le contrat du 27 février 2008 n'a créé aucun déséquilibre dans les relations entre les parties.

Sur l'exécution de ses obligations contractuelles par la société Seider

Considérant que les prestations contractuelles se répartissaient en 5 phases à savoir :

Phase 0 : identification du projet (recherches de sites, vérification au regard de l'urbanisme et des servitudes publiques, vérification au regard de l'environnement et du raccordement EDF, descriptif de l'occupation des sols, signature des promesses de bail)

Phase 1: études (étude d'impact environnemental, dossier d'architecte, dépôt du permis de construire ou de la déclaration préalable)

Phase 2 : suivi de l'instruction du permis de construire ou de la déclaration préalables

Phase 3 : support humain et technique pour la demande et l'obtention de la proposition technique et financière

Phase 4 : dépôt du dossier de demande de contrat d'achat d'électricité EDF

Considérant que la société Seider détaille pour chacun des projets les prestations qu'elle a réalisées et pour lesquelles un paiement partiel a été effectué ;

Sur le projet Puyferrat, seul projet mené par les parties en Martinique, au titre duquel la société Seider n'a pas été réglée de la somme de 981 112,50 euros correspondant à la rémunération des phases 3 et 4 et la société Juwi qui a versé la somme de 56 026,69 euros TTC en demandant la restitution, faisant valoir que cette somme réglée au titre de la phase 0 du développement du projet relative à la sécurisation du foncier, n'a pas été réalisée.

Considérant que la société Juwi expose que le propriétaire du terrain était sous tutelle, de sorte que la promesse de bail emphytéotique signée par sa tutrice le 28 août 2008 n'avait aucun effet, dès lors que celle-ci n'avait pas été autorisée par le juge des tutelles ; qu'elle expose que manquaient aussi au dossier les éléments permettant de situer les parcelles prises à bail et que par ailleurs ce projet présentait un nombre d'heures pendant lesquelles EDF pouvait décider d'interrompre la production d'électricité et que, dans ces conditions, elle avait informé la société Seider de sa décision d'abandonner ce projet et lui avait proposé en novembre 2009 un protocole d'accord que la société Seider avait refusé ; qu'elle ne rapporte pas la preuve que la société Seider avait accepté de reprendre à son compte ce projet, comme elle le prétend.

Considérant qu'il résulte de ces éléments que deux promesses de bail ont été successivement signées, la première par le propriétaire, bien que sous tutelle, la seconde par sa tutrice ; de sorte que l'autorisation du juge des tutelles pour la signature du bail pouvait être demandée, démarche rendue inutile du fait de l'abandon du projet par la société Juwi, qui ne démontre pas que la rémunération qu'elle a versée, n'était pas due au regard des prestations réalisées dont elle a interrompu la poursuite.

Considérant que la société Seider ne réclame en cause d'appel aucune somme complémentaire au titre de ce projet.

Sur les autres projets, la société Seider affirme :

Sur le projet Blanchenet-Methiviers, avoir réalisé l'intégralité de ses obligations, la phase 4 étant caractérisée par le dépôt du dossier de demande de contrat d'achat d'électricité EDF et obtenu le 28 janvier 2010 du certificat ouvrant droit à l'obligation d'achat de l'électricité.

Sur le projet Nagapin-Chemin d'Arles, avoir effectué l'intégralité de ses obligations, ayant déposé le dossier de demande de contrat d'achat d'électricité EDF.

Sur le projet Douleyram-Laplante, avoir effectué l'intégralité de ses obligations, ayant déposé le dossier de demande de contrat d'achat d'électricité EDF.

Sur le projet Chandi-L'Espérance, avoir effectué l'intégralité de ses obligations, ayant déposé le 26 août 2010 le dossier de demande de contrat d'achat d'électricité EDF et obtenu le 28 janvier 2010 du certificat ouvrant droit à l'obligation d'achat de l'électricité.

Sur le projet Nathou-Guery avoir effectué l'intégralité de ses obligations, ayant déposé le dossier de demande de contrat d'achat d'électricité EDF.

Considérant que la société Juwi soutient avoir payé les factures correspondant à la phase 3 pour un montant total de 1 138 368 euros alors que le transfert de propriété des projets n'avait pas eu lieu et avoir procédé à des paiements anticipés au titre de la phase 4 et comptant alors qu'il avait été prévu deux versements au 9e et au 15e mois après la phase 3.

Considérant que la société Juwi ajoute, qu'en tout état de cause, la société Seider n'a pas accompli ses prestations dans les règles de l'art et a mis en péril le financement des projets ce qui est démontré, selon elle, par le fait que ces projets n'ont trouvé aucun investisseur et qu'elle a donc investi en pure perte ; qu'elle fait valoir que les déclarations préalables de travaux déposées par la société Seider sont illégales et qu'elle n'a pas respecté ses obligations de transfert de la propriété des projets.

Sur les déclarations préalables de travaux déposées par la société Seider

Considérant que la société Juwi affirme que la société Seider n'a pas respecté les règles d'urbanisme applicables, en ce sens qu'elle a déposé des déclarations auprès des maires alors que l'autorité compétente était le préfet et que, de plus, celles-ci ne sont pas régularisables, ayant été délivrées à la faveur d'une fraude administrative dans la mesure où, d'une part, la société Seider s'est sciemment adressée à une autorité qu'elle savait incompétente et, d'autre part, elle lui a soumis des déclarations, qui ne correspondaient pas à la réalité quant aux caractéristiques matérielles des projets et quant à leur vocation.

Considérant que la société Seider fait valoir qu'avant l'entrée en vigueur du décret N° 2009-1414 du 19 novembre 2009, relatif aux procédures administratives applicables à certains ouvrages de production d'électricité, les centrales photovoltaïques au sol n'étaient pas soumises a permis de construire ou à déclaration préalable, dès lors que leur hauteur était inférieure à douze mètres et qu'elles n'avaient pas pour effet de créer de surface de plancher.

Considérant que l'article L. 422-1 du Code de l'urbanisme dispose que l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme est le maire.

Que la société Juwi ne conteste pas qu'il n'existait en 2008 aucune disposition du Code de l'urbanisme visant les installations photovoltaïques, ni que, selon plusieurs déclarations officielles, il avait été confirmé que l'installation des seuls panneaux photovoltaïques n'était pas soumise à l'obtention d'un permis de construire ; que, dès novembre 2008, il a été annoncé une réforme visant à soumettre les centrales supérieures à 250 kilowatts a permis de construire et enquête publique ; que c'est dans ces conditions qu'est intervenu le décret du 19 novembre 2009 comportant des dispositions particulières concernant les installations productrices d'énergie et donnant compétence au préfet.

Considérant que l'article 9 du décret du 19 novembre 2009 dispose que :

"Toutefois :

1° Les articles 1 à 3 ne sont pas applicables aux ouvrages de production d'électricité à partir d'énergie solaire installés sur le sol :

lorsque ces ouvrages comportent des installations ou constructions ayant fait l'objet d'une décision avant l'entrée en vigueur du présent décret;

lorsque ces ouvrages sont dispensés de toute formalité au titre du Code de l'urbanisme et que les travaux ont été entrepris ou achevés à la date d'entrée en vigueur du présent décret".

Considérant que tous les projets concernés sont antérieurs à ces dispositions qui n'étaient donc pas applicables, ce que ni la société Seider, ni la société Juwi ne pouvaient ignorer.

Considérant que la société Juwi fait valoir que l'article R. 421-9 du Code de l'urbanisme soumet à déclaration tout projet dont la hauteur est supérieure à 1m80 et qu'en l'espèce, les ouvrages auraient été présentés comme atteignant 1m80, alors qu'ils étaient tous d'une hauteur supérieure à 2 mètres.

Considérant que la société Juwi se réfère aux affichages effectués par la société Seider après la déclaration, qui mentionnent une hauteur de 1m80, alors qu'il ressort des pièces produites par la société Seider, notamment des photos que cette hauteur est supérieure à 2 mètres ce qui, au demeurant, n'est pas contesté par la société Seider.

Considérant qu'il résulte de ces éléments que la déclaration de travaux a été faite à bon escient dans la mesure où les constructions ont dépassé 1m80 ; que les pièces établies par la société Seider mettent en évidence des études techniques qui précisent "Leur hauteur maximale par rapport au sol est de 2,15m" ; que, dans les déclarations préalables, la société Seider n'a pas donné de hauteur précise, que pour le projet Guery, elle indique "une conception des installations réalisées sur des structures porteuses situées à une hauteur comprise entre 1,60m et 1,80m de haut" et dans le projet Methiviers "des structures porteuses situées à une hauteur comprise entre 1,80 et 1,27m de hauteur" ; qu'il s'ensuit que les études et les renseignements fournis par la société Seider distinguaient la hauteur totale du projet de celle des structures porteuses ; que, dès lors, il n'est démontré aucune fraude dans les renseignements qu'elle a fournis quant à la hauteur des installations.

Considérant que la société Juwi soutient que la société Seider a dissimulé la finalité réelle des projets et se réfère là encore à la publicité qui a été faite et qui ne comportait aucune indication sur la consistance et l'étendue de chaque projet, les surfaces totales des panneaux photovoltaïques pourtant importantes n'étant pas précisées et que s'agissant de projets dépassant 2000 M2, la société Seider aurait dû faire son possible pour obtenir des permis de construire.

Considérant que la société Juwi fait valoir que l'article L. 421-6 du Code de l'urbanisme dispose qu'un permis "ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils sont compatibles avec une déclaration d'utilité publique".

Considérant que si, au regard de ces dispositions, le dépôt d'un permis de construire permet de sécuriser un projet, la société Juwi ne démontre, ni n'allègue que l'obtention d'un permis de construire était en l'espèce obligatoire ;

Considérant que, si la convention du 27 février 2008 se réfère au permis de construire, l'article 2.1 stipulant que la société Seider devait supporter la totalité des frais préalables à l'obtention du permis de construire et que l'assiette, sur la base de laquelle sa rémunération devait être calculée, tenait compte de la surface des projets définitifs "ayant fait l'objet d'un permis de construire", la société Juwi ne conteste pas que les parties ont aussi envisagé la possibilité d'une simple déclaration préalable, la convention stipulant que le permis de construire pourrait être compensé par "un équivalent" sans que celui-ci soit subordonné à une demande préalable de permis de construire. Qu'il résulte des propres courriels de la société Juwi qu'elle était au courant des déclarations de travaux faites par la société Seider et qu'elle a accepté cette manière de procéder qui a été la même pour tous les projets réalisés en Guadeloupe ; qu'elle a réglé les rémunérations y afférents pour quatre projets et que deux centrales solaires ont été mises en exploitation sans qu'elle conteste les modalités de ces déclarations ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les projets se situaient dans des zones agricoles qui sont soumises à des dispositions interdisant toute construction ou installation qui ne serait pas strictement nécessaire à l'exploitation agricole.

Que la société Juwi reconnaît que son conseil a alors averti son directeur opérationnel M. Bauer sur les risques découlant d'une déclaration portant sur un projet agricole, indiquant "A cet égard, il me semble qu'il existe un risque qu'en cas de litige, l'installation soit considérée comme d'abord à vocation de produire de l'électricité et ne soit donc pas regardée comme directement liée à l'activité ou strictement nécessaire à l'activité".

Que les pièces produites et des échanges de courriels démontrent que la société Juwi a, malgré cette circonstance, entendu poursuivre son projet, M. Bauer écrivant "En façade le projet doit être porté par le fermier et afficher une vocation agricole. Selon leurs dires cette combine passerait au niveau des services instructeurs" ; que dès lors, la société Seider n'a fait qu'exécuter ces demandes.

Considérant, qu'en conséquence, la société Seider a respecté ses obligations en procédant à une déclaration préalable ; qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait choisi de procéder de façon frauduleuse à ces déclarations préalables de sorte que leur existence pourrait être remise en cause ; qu'à la suite de ces déclarations, il a été procédé aux mesures de publicité par affichage sans qu'il soit fait de recours ; qu'ainsi la société Seider a exécuté les obligations qui lui incombaient sans qu'il puisse lui être reproché de manquement quant aux modalités de leur exercice acceptées par la société Juwi.

Sur les obligations de transfert de la propriété des projets

Considérant que la société Juwi soutient que la société Seider a manqué à son obligation de transfert des droits de propriété, qui était nécessaire dans la mesure où les déclarations préalables avaient été faites au nom des bailleurs et où seuls trois projets sur les neuf développés par la société Seider ont fait l'objet d'un transfert de propriété.

Considérant qu'au titre des contrats de partenariat, il était stipulé que "la propriété du projet est transférée définitivement et de plein droit à Juwi lors du premier versement" et que "Seider reconnaît, comme cela est déjà indiqué à l'article 1 ci-dessus que Juwi pourra lorsque Juwi l'estimera opportun, céder tout ou partie des droits de développement relatifs à une centrale donnée à la Société de Projet. Les droits et obligations découlant du présent protocole seront pour la Centrale en question, transférés à la Société de Projet ce que Seider accepte expressément".

Considérant que, si les modalités de transfert des droits avaient été ainsi réglées par les parties et stipulaient un transfert de propriété au profit d'une société spécifiquement créée à cet effet, il s'avère que les déclarations préalables ont été déposées au nom des propriétaires et non de la société Juwi qui ne contestait pas qu'il s'agissait d'une préconisation de son conseil ; que la société Seider s'était alors engagée "à avertir tout propriétaire bailleur, exploitant, vendeur de terrain ou collectivité de la propriété des projets à Juwi ENR " et " de faire accepter par écrit les modalités de transfert de propriété par tout acteur impliqué dans le projet" ; qu'à cette fin la société Juwi indique avoir préparé des protocoles d'accord que la société Seider devait faire signer ; que la société Juwi reconnaît que quatre protocoles ont été signés en avril 2009, la société Juwi prétendant que ceux-ci avaient été antidatés sans pour autant en faire la démonstration.

Considérant qu'il subsistait cinq projets pour lesquels ledit protocole n'a pas été signé:

Chemin d'Arles

La Plante

Guery

Methivier

Espérance

Considérant que, si les protocoles n'ont pas été signés, la société Juwi ne démontre pas que la société Seider aurait été défaillante dans la mesure où ceux-ci devaient être acceptés et signés par des tiers selon des modalités qu'elle avait elle-même fixées.

Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont condamné la société Juwi à payer la somme de 1 788 557 euros à la société Seider.

Sur la demande reconventionnelle de la société Juwi

Considérant que la société Juwi expose que la recherche d'investisseurs était essentielle puisque la réalisation du projet en dépendait et que les projets développés par la société Seider ne pouvaient être financés en raison des risques de recours existant, de sorte qu'elle-même a investi à perte.

Considérant qu'aucune faute n'a été relevée à l'encontre de la société Seider et que la société Juwi a elle-même pris le risque de recours ; que c'est donc à juste titre qu'elle a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts par les premiers juges.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que la société Seider a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Condamne la société Juwi à payer à la société Seider la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Juwi aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.