CA Angers, ch. civ. A, 19 novembre 2013, n° 13-00018
ANGERS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Le Coadou
Défendeur :
Bres
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Hubert
Conseillers :
Mmes Grua, Monge
Avocats :
SCP Chatteleyn, George, SCP Sophie Dufourgurg-Christine Guillot, Richard, Volto-Pascual
Par compromis de vente signé le 16 février 2007, Monsieur Christian Le Coadou et son épouse Mme Marie-José Le Coadou ont vendu à Monsieur Gérard Bres un navire Tarquin 595, de l'année 1991, pour un prix de 230 000 euros.
Il était notamment convenu que la vente interviendrait sous 60 jours "si les conditions suivantes sont réunies :
4.1 Expertise du navire ne décelant pas de vice majeur le rendant impropre à la navigation (frais à la charge de l'acheteur sauf manutentions à la charge des vendeurs) dont une copie sera remise au courtier.
4.2 Inventaire et équipement en bon état de marche (liste jointe en annexe)
Dans le cas d'une demande d'expertise, l'acheteur accepte la responsabilité du choix de l'expert, ainsi que toutes les dépenses afférentes à cette expertise.
4.3 Essai du bateau en mer avec le vendeur."
Le 3 avril 2007, le bateau a été convoyé de Trebeurden à Paimpol où l'expertise a été réalisée le lendemain par la société Expertise Marine Plaisance.
La société Expertise Marine Plaisance a déposé le rapport d'expertise prévu au contrat le 19 avril 2007. Elle a décelé une anomalie sur le moteur tribord, appelant des travaux de réparations.
Une convention intitulée "Levée de Clauses" finalisant la vente a été signée par les parties.
Les travaux sur le moteur tribord ont été effectués par la société Penouest pour une somme de 17 387,75 euros payée par le vendeur, et lors des essais à la livraison, cette société a décelé des problèmes sur le moteur babord. Elle a établi un devis pour les travaux de réparation de ce moteur pour un montant de 9 216,76 euros.
Le 18 juillet 2007, saisi à la requête de Monsieur Bres, le président du Tribunal de grande instance de La Roche sur Yon a ordonné une expertise qu'il a confiée à Monsieur Ambroise Gouze. L'expert a déposé son rapport le 26 novembre 2007.
Le 19 février 2008, Monsieur Gérard Bres a fait assigner Monsieur et Madame Le Coadou aux fins d'obtenir réparation de son préjudice sur le fondement de la garantie des vices cachés .
Il demandait leur condamnation à lui verser la somme de 9 216,76 euros au titre des frais de réparation du moteur, tels qu'évalués par l'expert, ainsi que la somme de 24 066 euros à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 17 juin 2009, le Tribunal de grande instance de La Roche sur Yon a constaté l'existence d'un vice caché antérieur à la vente affectant le moteur bâbord du navire, condamné les époux Le Coadou à verser à Monsieur Bres la somme de 9 216,76 euros au titre des frais de réparation du moteur, débouté Monsieur Bres de sa demande de dommages et intérêts et les époux Le Coadou de leurs autres demandes, condamné les époux Le Coadou à verser à Monsieur Bres une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 5 novembre 2009, le Tribunal de grande instance de La Roche sur Yon, statuant sur requête en omission de statuer, a ordonné l'exécution provisoire du jugement du 17 juin 2009.
Les époux Le Coadou ont interjeté appel de ces jugements.
Les procédures ont été jointes.
Par arrêt rendu le 13 mai 2011, la Cour d'appel de Poitiers a
- infirmé le jugement entrepris,
et statuant à nouveau,
- débouté M. Bres de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné M. Bres à verser aux époux Le Coadou une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné M. Bres aux entiers dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise et dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
La cour a considéré que M. Bres n'avait développé aucune argumentation concernant les conditions d'application de la responsabilité contractuelle de droit commun et que, n'ayant pas pris, lors de l'expertise contractuelle du 4 avril 2007, la précaution élémentaire de réclamer une sortie en mer permettant d'essayer les deux moteurs jusqu'à leur puissance nominale, il ne pouvait soutenir que les vices affectant le moteur bâbord n'étaient pas apparents au jour de la vente.
Elle a aussi estimé, en l'absence d'action estimatoire ou résolutoire, que la notion de vice caché ne peut fonder une action indemnitaire autonome en application de l'article 1645 du Code civil et que la demande de dommages-intérêts présentée par M. Bres ne pouvait donc aboutir.
La cour a enfin considéré qu'en signant la levée des réserves avant le dépôt du rapport de l'expertise contractuelle, M. Bres avait renoncé à se prévaloir de toute anomalie concernant précisément l'objet de celles-ci.
Statuant sur le pourvoi formé par M. Gérard Bres, la première chambre civile de la Cour de cassation, a, par arrêt rendu le 26 septembre 2012 cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 13 mai 2011 entre les parties par la Cour d'appel de Poitiers, remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, renvoyé les parties devant la Cour d'appel d'Angers, condamné M. et Mme Le Coadou aux dépens, et à payer à Monsieur Bres la somme de 3 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La Cour de cassation a estimé que la cour d'appel, en affirmant le caractère apparent du vice au motif qu'il appartenait à M. Bres d'essayer le navire acheté, a violé les articles 1641 et 1642 du Code civil en ajoutant à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas. Elle a aussi estimé que la cour d'appel a violé l'article 1645 du Code civil puisque l'action en réparation du préjudice éventuellement subi du fait d'un vice caché n'est pas subordonnée à l'exercice d'une action rédhibitoire ou estimatoire et peut être engagée de manière autonome. Pour affirmer la violation de l'article 1134 du Code civil , la Cour de cassation a retenu que la cour d'appel avait par des motifs impropres, considéré que l'acceptation de M. Bres de la levée des conditions suspensives suffisait à établir qu'il avait renoncé sans équivoque à se prévaloir de la garantie des vices cachés.
Par déclaration du 3 janvier 2013, les époux Le Coadou ont saisi la Cour d'appel d'Angers.
Les époux Le Coadou ont conclu avant la clôture pour la dernière fois le 28 août 2013.
M. Gérard Bres a conclu avant la clôture pour la dernière fois le 3 septembre 2013.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2013.
Les époux Le Coadou ont conclu le 26 septembre 2013 date à laquelle ils ont communiqué leurs pièces numéro 17 et 18. Dans ces conclusions, les appelants ont sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture estimant n'avoir pas eu le temps de prendre connaissance et de répliquer avant la clôture aux dernières conclusions de M. Bres en date du 3 septembre 2013.
M. Bres s'est opposé à la révocation de l'ordonnance de clôture par conclusions du 7 octobre 2013.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile , à leurs dernières conclusions respectivement
- du 26 septembre 2013 pour M. Christian Le Coadou et Mme Marie-José Le Coadou,
- du 3 septembre 2013 pour M. Gérard Bres,
qui peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
Les époux Le Coadou demandent à la cour, vu l'article 784 du Code de procédure civile,
- de révoquer l'ordonnance de clôture pour cause grave,
vu les articles 1641, 1642 et 1646 du Code civil,
vu l'article 246 du Code de procédure civile,
- d'infirmer en toute leurs dispositions le jugement dont appel et statuant à nouveau,
- de constater l'absence de vice caché,
- de dire que le vice ne pouvait être qu'apparent,
- de constater la renonciation de M. Bres à tout recours à l'encontre des époux Le Coadou pour tout vice apparent ;
- de constater la mauvaise foi de l'acquéreur, en toute hypothèse la bonne foi des vendeurs ;
- de déclarer M. Bres irrecevable, en tout cas non fondé, en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter ;
- de condamner M. Bres à verser à M. et Mme Le Coadou la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de le condamner enfin aux entiers dépens avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Les époux Le Coadou rappellent avoir payé les réparations sur le moteur tribord pour 16 056 euros et que c'est après les essais postérieurs à cette réparation et après la levée des conditions contractuelles par M. Bres le 18 avril 2007 qu'ont été décelés les problèmes sur le moteur bâbord objet du litige. Ils rappellent aussi que, lors du convoyage réalisé le 3 avril 2007, l'état de la mer n'a pas permis les essais des moteurs au-delà de 1500 tours/minute jusqu'à leur pleine puissance (2300 tr/m) et que la société EMP n'a pas effectué de tels essais puisque l'expertise a eu lieu le 4 avril 2007 dans le port de Paimpol.
Ils insistent sur le fait que l'expert n'a pas conclu que les désordres affectant le moteur bâbord constituaient un vice caché mais a seulement indiqué que, en l'absence d'essais en mer, le vice ne pouvait être décelé sans un démontage. Ils en déduisent que M. Bres s'est privé, par négligence coupable, de la possibilité de découvrir un vice apparent en s'abstenant de demander des essais en mer, en signant une levée des réserves avant dépôt du rapport d'expertise contractuelle et en ne s'interrogeant pas sur l'état du moteur bâbord alors que le moteur tribord était à refaire. Il précise que les essais en mer auraient pu être effectués en l'absence de tout technicien contrairement à ce qu'affirme la cour d'appel. Ils en déduisent l'existence d'un vice apparent excluant toute garantie de leur part.
Les époux Le Coadou estiment aussi qu'en levant les clauses contractuelles de réserves avant le dépôt de l'expertise contractuelle et avant tout essai en mer, M. Bres a couvert, en l'absence de vices cachés, tout vice apparent affectant les moteurs.
Ils affirment la mauvaise foi de M. Bres qu'ils accusent d'avoir menti notamment sur l'étendue des désordres et l'existence d'essais en mer. Ils relèvent aussi que l'intimé, après l'arrêt de la Cour de cassation, leur a réclamé une somme injustifiée rendant nécessaire la saisine du juge de l'exécution.
Au contraire, ils affirment leur bonne foi puisque l'expert judiciaire indique que les désordres sont apparus pendant la période d'hivernage du bateau précédant sa vente alors qu'il n'en avait pas repris l'utilisation. En application de l'article 1146 du Code civil , ils s'opposent donc à toute demande de dommages-intérêts.
M. Gérard Bres demande à la cour, au visa des articles 1147, et 1641 et suivants du Code civil,
- de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon le 17 juin 2009 en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. et Mme Le Coadou et les a condamnés à lui rembourser la somme de 9 216,76 euros TTC au titre des frais de réparation de moteur tels qu'évalués par l'expert ainsi qu'à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de l'infirmer en ce qu'il a rejeté ses autres demandes présentées et, statuant à nouveau,
- de condamner Monsieur et Madame Le Coadou à lui verser la somme de 27 330 euros à titre du remboursement des frais générés par l'immobilisation du navire pendant près de six mois et des préjudices consécutifs ;
- de condamner M. et Mme Le Coadou à lui verser la somme de 10'000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter tous les dépens en ce compris ceux de référé et d'expertise avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.
M. Gérard Bres rappelle que, après les travaux réalisés par la société Penouest sur le moteur tribord, le 7 juin 2007, les essais en mer nécessaires à la réception de ceux-ci ont mis en évidence des désordres sur le moteur bâbord qui n'a pu dépasser 1 400 tr/m et pour la réparation desquels la société Penouest a établi un devis de 7 706,32 euros HT que les époux Le Coadou ont refusé de prendre charge. Il ajoute que, sans réparation du moteur bâbord, il lui était impossible de réceptionner la réparation du moteur tribord à un régime supérieur à 1 500 tr/m et de prendre livraison du navire dont le nouveau port d'attache était en Méditerranée.
S'appuyant sur le rapport d'expertise judiciaire de M. Gouze, M. Bres affirme que, en sa qualité d'acquéreur profane, le vice affectant le turbo du moteur bâbord lui était caché sans que puisse lui être reproché ni de n'avoir pas fait appel à un homme de l'art alors qu'il avait acquis le bateau par l'intermédiaire d'un courtier professionnel, ni de n'avoir pas pris d'initiative pour s'assurer de l'absence de vice. Il ajoute que le défaut affectant le moteur bâbord n'a pas été décelé par la société EMP lors de l'expertise contractuelle du 19 avril 2007 et que des essais en mer ont bien été effectués lors du convoyage du bateau jusqu'à Paimpol mais que la forte mer n'a pas permis de solliciter les moteurs à leur puissance nominale.
En l'absence de clause contractuelle d'exclusion de la garantie des vices cachés, M. Bres soutient que la signature de la convention "Levée de clauses" n'exonère pas les vendeurs de cette garantie puisqu'elle ne comporte aucune renonciation à celle-ci mais prévoit au contraire leur engagement à faire procéder à la réparation du moteur tribord.
Il affirme sa bonne foi et ses vaines tentatives de régler le problème à l'amiable après découverte des désordres affectant le moteur bâbord.
Il considère que ces désordres étaient connus des époux Le Coadou qui étaient propriétaires du navire depuis plusieurs années puisque l'impossibilité de ce moteur de dépasser une certaine puissance pouvait être constatée par un essai sur une mer normale.
Afin d'être replacé dans la situation où il se serait trouvé si le bateau vendu n'avait pas été atteint de vices cachés, M. Bres demande, outre le paiement de la somme de 9 216,76 euros au titre des frais de réparations évalués par l'expert, le paiement de l'ensemble des frais et pertes générés par l'immobilisation du navire, soit la somme de 27 330 euros au titre des frais de location du ponton à Trebeurden du 1er mai 2007 au 29 août 2007 (4 330 euros TTC), de la perte des revenus de location pendant six mois (20 000euros) et des frais, démarches et tracasseries (3 000 euros).
Considérant que, du fait de l'obstination des époux Le Coadou, le procès a duré six ans et que les appelants l'ont attaqué personnellement et ont fait procéder à la saisie de son véhicule en exécution de la de la Cour d'appel de Poitiers, M. Bres sollicite la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1°) Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
En application de l'article 784 du Code de procédure civile, l'ordonnance de clôture peut être révoquée s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
En l'espèce, les époux Coadou sollicitent la révocation de l'ordonnance de clôture en indiquant n'avoir pu utilement prendre connaissance qu'après l'ordonnance de clôture des conclusions de M. Bres déposées deux jours avant celle-ci. Le respect du principe de contradiction nécessite donc la révocation de l'ordonnance de clôture du 5 septembre 2013.
La clôture de la procédure sera fixée à l'ouverture des débats de la présente audience.
2°) Sur la demande d'indemnisation présentée sur le fondement de la garantie des vices cachés
L'article 1641 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie en raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
L'article 1642 du même Code stipule que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Le litige porte sur les désordres affectant le moteur bâbord du navire qui, selon l'expert judiciaire, sont constitués par une fissure de la tuyauterie d'échappement qui a laissé passer l'eau dans le turbo.
M. Gouze précise (page 12 point 6) : "Compte tenu du non-fonctionnement du dispositif de turbo, le moteur bâbord ne peut donner la puissance pour lequel il a été prévu et ne permet pas une utilisation du navire avec sécurité". Il ajoute que ces désordres existaient au moment de la vente.
Ils ont été décelés lors des essais effectués en mer par la société Penouest le 7 juin 2007 en vue de la réception des travaux effectués sur le moteur tribord (Pièce 12 de M. Bres). M. Jiquel, technicien de la société Penouest, atteste en effet qu'il n'a pas été possible de les mener à bien "du fait d'un manque de puissance du moteur bâbord". À la suite de ce constat, la société Penouest a établi, le 14 juin 2007, un devis de 7 706,32 euros HT pour "la réparation du moteur Bd Turbo gauche bloqué par la corrosion suite à une entrée d'eau par échappement (double paroi pose au niveau injection d'eau)".
Les époux Le Coadou soutiennent que ces désordres constituent un vice apparent en raison de la négligence coupable de M. Bres qui n'a pas fait réaliser les essais en mer qui lui auraient permis de les déceler.
Il convient de relever que la société EMP a effectué le 4 avril 2007 l'expertise amiable contractuelle à terre et à flots dans le port de Paimpol et n'a décelé aucun désordre sur le moteur bâbord (Pièce 2 de M. Bres Annexe page 33). Par ailleurs, l'expert judiciaire indique dans son rapport (page 12 point 4) : "Sans démontage les désordres ne pouvaient pas être décelables et à l'écoute du déroulement des essais au moment de la vente, au vu de la mer forte la puissance nominale des moteurs n'a pas été possible".
Le convoyage du navire de Trebeurden à Paimpol par Messieurs Le Coadou et Bres le 4 avril 2007 constitue l'"essai du bateau en mer avec le vendeur" prévu au compromis de vente. Lors de cet essai, il n'est pas contesté que la mer forte n'a pas permis de pousser les moteurs à leur puissance maximale qui aurait permis, selon l'expert judiciaire, de constater l'impossibilité du moteur bâbord d'atteindre sa puissance nominale.
Il résulte de ce qui précède que M. Bres, acquéreur profane, en exerçant les droits que lui conférait le compromis de vente : expertise amiable et essai en mer, n'a pas pu se convaincre lui-même du vice affectant le moteur bâbord avant la finalisation de la vente. Ce vice ne saurait être qualifié d'apparent puisqu'il ne peut être utilement reproché à M. Bres de n'avoir pas effectué lui-même, ou de n'avoir pas fait effectuer par un technicien, des investigations complémentaires. En effet, la condition contractuelle d'essai du navire en mer s'entend de son utilisation dans des conditions normales d'usage. Aucune négligence coupable ne peut donc être imputée à M. Bres pour n'avoir pas exigé que les moteurs du navire qu'il se proposait d'acquérir soient utilisés dans des conditions extrêmes de poussée à leur puissance maximale, étant au surplus rappelé que, au jour de l'essai, la satisfaction d'une telle exigence aurait été impossible compte tenu de l'état de la mer.
Les époux Le Coadou font valoir que la signature, par M. Bres, de la convention intitulée "Levée de clauses" couvre l'existence du vice apparent.
Cependant, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, le vice dont l'intimé demande garantie aux acquéreurs, n'était pas apparent. Ainsi, en l'absence de toute clause contractuelle de non garantie des vices cachés, la signature de cette convention le 19 avril 2007 ne suffit pas à démontrer la volonté non équivoque de l'acquéreur de renoncer de la garantie des vices cachés. Au surplus, par cette signature, M. Bres ne s'est engagé qu'à finaliser l'achat du bateau au prix convenu compte tenu de l'engagement simultané des acquéreurs de financer la réparation du moteur tribord suite au constat des désordres l'affectant décrits par la société EMP dans son rapport d'expertise amiable daté du même jour.
En conséquence, la cour confirmera le jugement du tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon en ce qu'il a retenu l'existence d'un vice caché et condamné les époux Le Coadou à payer à Monsieur Bres la somme de 9 216,76 euros TTC arbitrée par l'expert.
3°) Sur les demandes présentées par M. Bres au titre du remboursement des frais générés par l'immobilisation du navire pendant près de six mois et des préjudices consécutifs
M. Bres sollicite à ce titre la somme de 27'330 euros sur le fondement de l'article 1645 du Code civil et de l'article 1644 du même Code.
Sur le fondement de l'article 1644 du Code civil, la demande ne peut prospérer puisqu'elle n'a pas été soumise à l'arbitrage de l'expert judiciaire.
Selon l'article 1645 du Code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur.
L'action aux fins d'indemnisation du préjudice subi du fait du vice caché affectant la chose vendue exercée sur ce fondement est une action autonome susceptible d'être engagée même en l'absence d'exercice de l'action rédhibitoire ou estimatoire prévue à l'article 1644 du Code civil.
Elle est donc recevable en l'espèce.
Cependant, c'est par des motifs appropriés et pertinents et après avoir fait une exacte application de cette règle de droit que les premiers juges ont rejeté la demande de M. Bres de ce chef en relevant que l'expert indique dans son rapport (page 12 point 5) : "Sur la connaissance des désordres au moment de la vente, la période d'hivernage précédente a certainement permis la mise en place des désordres ; du fait de la bonne utilisation du bateau, cela n'a pas permis de les mettre en évidence".
Au surplus, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, le vice n'était pas apparent et ne pouvait être constaté que lors de l'utilisation des moteurs à leur poussée maximale ou lors d'un démontage. La mauvaise foi du vendeur ne se présumant pas et M. Bres ne rapportant la preuve ni du fait que les époux Le Coadou ont utilisé le navire avant son convoyage de Trebeurden à Paimpol, ni que, dans cette hypothèse, ils ont poussé les moteurs à leur maximum, il ne peut qu'être débouté de sa demande, la preuve n'étant pas rapportée que les époux Le Coadou connaissaient le vice affectant le moteur bâbord de leur navire.
4°) Sur les autres demandes
Par application de l'article 639 du Code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris ceux afférents à la décision cassée et sur l'indemnité de procédure dont le sort est assimilé à celui des dépens.
La décision de première instance sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et frais non répétibles de première instance.
M. Bres sollicite, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 10 000 euros. Il inclut dans cette somme, non seulement les frais non répétibles engagés dans le cadre de la procédure qui a duré plus de six années mais aussi l'indemnisation du préjudice subi en raison des attaques personnelles dont il a été l'objet dans le cadre du procès.
Une telle demande ne peut prospérer sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile qui ne permet que la condamnation de la partie tenue aux dépens au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
En conséquence, la cour condamnera les époux Le Coadou à payer à Monsieur Bres la somme de 4 000 euros au titre de ses frais non répétibles.
Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement et contradictoirement sur renvoi de cassation, Fait droit à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par les époux Le Coadou ; Ordonne la clôture de l'instruction à l'ouverture des débats de la présente audience ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 juin 2009 par le Tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon ; Y ajoutant, Condamne M. Christian Le Coadou et Mme Marie-José Le Coadou à payer à M. Gérard Bres la somme de 4 000 euros au titre de ses frais non répétibles; Condamne M. Christian Le Coadou et Mme Marie-José Le Coadou aux dépens d'appel, en ceux compris ceux de l'arrêt cassé, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.