Livv
Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 4 novembre 2008, n° 07-07698

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Association Léo Lagrange pour la défense des Consommateurs

Défendeur :

DG Services (SARL), Sud Services 84 (SARL), Parfip France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Deltel

Conseillers :

MM. Blanc-Sylvestre, Andrieux

Avoués :

SCP Auche-Hedou, Auche Auche, SCP Salvignol Guilhem, SCP Capdevila Vedel-Salles, SCP Negre Pepratx-Negre

Avocats :

SCP Perret du Cray-Montagne, Mes Templet-Teissier, Durand, Klochendler-Levy

TGI Montpellier, du 13 nov. 2007

13 novembre 2007

FAITS ET PROCEDURE :

L'Association Léo Lagrange pour la défense des Consommateurs a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Montpellier la SARL DG Services, la SARL Sud Services et la SAS Parfip France, aux fins de voir déclarer abusives certaines clauses du contrat proposé par ces sociétés, d'ordonner leurs suppressions, et de publier la décision dans divers journaux nationaux.

Par jugement rendu le 13 novembre 2007, le Tribunal de grande instance de Montpellier a déclaré les demandes irrecevables, le tribunal retenant que l'association ne démontrait pas sa qualité à agir au regard des dispositions de l'article L. 421-1 du Code de la consommation alinéa 1er, dès lors qu'elle n'avait pas produit ses statuts malgré la demande qui lui avait été faite, pour permettre de s'assurer de la capacité de son président pour la représenter.

Par acte en date du 27 novembre 2007, l'Association Léo Lagrange a interjeté appel de cette décision.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Par dernières conclusions notifiées le 1 octobre 2008, qui seules seront retenues pour les motifs ci-après développés, l'appelante demande de déclarer abusives diverses clauses des contrats de la société DG Service, de la société Sud Service et de la société Parfip, d'ordonner la suppression de ces clauses dans le délai de un mois, sous astreinte de 100 € par jour de retard, d'ordonner la publication de l'arrêt dans divers mensuels nationaux, dans le délai de 1 mois sous astreinte de 200 €, de condamner ces sociétés à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts et 4 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Soutenant que :

- elle dispose d'un agrément prévu par l'article L. 421-1 du Code de la consommation pour agir en justice,

- les diverses pièces produites démontrent de la qualité pour ester en justice de son président,

- les intimées continuent de proposer aux consommateurs les mêmes contrats que ceux qui ont été contestés lors de l'assignation,

- la Commission des clauses abusives a considéré dans sa recommandation 97-01 que les clauses par lesquelles le consommateur reconnaissait avoir librement choisi le matériel de télésurveillance et exonérait de sa responsabilité le télésurveilleur pour défaillance de ce matériel conduisait à la conclusion d'un contrat déséquilibré au détriment de l'abonné, alors que ce dernier ne fait qu'entériner le choix technique du professionnel qui propose le matériel,

- les clauses relatives à la durée du contrat irrévocables sur 48 ou 60 mois pour la société DG Services sont abusives, le motif tiré de la nécessité d'amortir le matériel n'ayant pas été démontré, en l'absence notamment du coût, et aucune clause de résiliation pour motif légitime n'étant prévue,

- la clause de maintenance gratuite est fictive comme vidée de son contenu par les exclusions,

- celle relative l'obligation de moyens est également abusive, car elle vide de son contenu l'obligation de télésurveillance,

- il n'est pas distingué entre le prix de la télésurveillance et le prix de la location du matériel, ce qui ne permet pas de chiffrer le surcoût lié à la location,

- la recommandation CCA prévoit que soit éliminer des contrats les clauses limitant le paiement au seul prélèvement automatique et prévoyant un engagement irrévocable qui réduit les possibilités de recours en cas de sur le prix,

- les clauses de révision de prix sont particulièrement abusives puisqu'elles empêchent le consommateur de prévoir le coût réel de son engagement,

- est abusive clause de substitution de télésurveilleur, dès lors que cette substitution s'exerce sans l'accord du locataire et qu'il ne lui est pas possible de mettre fin au contrat,

- la clause d'indépendance des contrats est abusive puisqu'elle permet alors que la prestation de télésurveillance serait interrompue de poursuivre paiement des loyers,

- celle relative à la résiliation du contrat est également abusive, s'agissant d'un simple retard de paiement, celle relative aux pénalités également dès lors qu'il n'est pas prévu de semblable clause en faveur du consommateur, ainsi que celle attributive de compétence comme contraires aux dispositions d'ordre public des articles 42 et suivants du Code de procédure civile,

- la mention de clauses abusives dans un contrat qui constitue une faute, porte atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs, le courrier de la DGCCRF ne démentant pas l'existence de clauses abusives, ne visant que la conformité aux articles R. 123 à 121-6 du Code de la consommation,

- la société Parfip cite une jurisprudence ne visant que des professionnels ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

- la société Sud Services se prévaut d'un courrier adressé à la DGCCRF sans communiquer la réponse,

Vu les dernières conclusions notifiées le 25 septembre 2008 par la société DG Services qui demande à titre principal la confirmation du jugement, à titre subsidiaire de débouter l'association appelante de toutes ses demandes, à titre subsidiaire de limiter l'éventuelle condamnation à titre de dommages et intérêts 1 €, de condamner l'appelante à payer la somme de 2 500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Aux motifs que :

- les statuts produits sont en date du 27 juin 2006 pour un agrément délivré antérieurement, ces statuts n'étant pas opposables aux tiers pour n'avoir pas été déclarés,

- l'action est irrecevable car l'action en suppression des clauses abusives ne peut être que préventive pour des contrats non signés mais proposés,

- elle n'est pas visée par le grief relatif au choix du matériel et de la prétendue absence du télésurveilleur, ce grief visant la société Sud Service 84,

- s'agissant de la durée du contrat, il ne s'agit que d'une recommandation de la commission des clauses abusives sans que le déséquilibre significatif soit démontré,

- il n'est pas mentionné l'exclusion de toute rupture anticipée durant la durée du contrat,

- il s'agit d'un dispositif contractuel complexe proche du crédit-bail qui inclut la fourniture d'un matériel sophistiqué destiné à un amortissement comptable classique pour ce type de matériel, la commission des clauses abusives ayant opéré la distinction entre les matériels loués et les autres,

- les clauses d'exclusion de la maintenance gratuite sont parfaitement légitimes,

- il pèse sur elle une simple obligation de moyens visant à mettre en échec l'initiative des délinquants, et non une obligation de résultat,

- le caractère abusif de l'absence de distinction entre le prix de la maintenance et le coût de la location n'est pas démontré, le locataire bénéficiant d'un coût définitif,

- le règlement par prélèvement est licite et le prix est fixe,

- elle n'est pas concernée par la clause de révision du prix, pas plus que par celle de l'interdépendance des contrats, seule Parfip France l'étant,

- le transfert du contrat à un autre prestataire n'est pas visé, pas plus que la possibilité de sous-traiter le contrat à tout moment, l'autorisation de sous-traitante de la télésurveillance résultant du contrat, ce qui est licite,

- la clause d'indemnité de résiliation n'est due qu'à défaut de paiement, obligation principale, elle correspond au préjudice du loueur,

- le contrat reproduit l'article L. 121-24 alinéa 2 qui interdit toute clause attributive de compétence, et rend la clause contestée inapplicable pour les consommateurs,

- le litige ne porte que sur les obligations financières et non sur la maintenance, ce qui minimise le préjudice et les di,

- la publication nationale est inappropriée dès lors qu'elle n'intervient qu'au niveau local,

Vu les dernières conclusions notifiées par la société Sud Services 84 le 3 juin 2008 qui conclut à la confirmation du jugement, à titre subsidiaire de débouter l'association de ses demandes, sollicite la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Aux motifs que :

- elle fait siens les développements de la société DG Services relatifs à l'irrecevabilité de l'action,

- elle n'a aucun lien juridique avec la société Parfip France, celle-ci intervenant dans le cadre de financements, pas plus qu'elle n'a de liens avec DG Services, ce qui interdit une condamnation solidaire,

- en outre la faute n'est pas démontrée dès lors qu'elle n'a été assignée que suite à un défaut de résiliation du contrat de location Merle, à qui elle a conseillé d'entrer en relation avec Parfip,

- le contrat d'abonnement de télésurveillance a toujours une durée d'amortissement de 48 mois, la conclusion d'un contrat d'une durée inférieure créerait un déséquilibre signification à son détriment, ce qui explique pourquoi au-delà de cette durée le contrat est renouvelable d'année en année, l'amortissement étant acquis,

- les clauses d'exclusions de gratuité de la maintenance ne visent que des causes qui lui sont étrangères,

- elle ne peut avoir une obligation de résultat, ne pouvant garantir l'absence de comportement délictueux,

- le contrat est lié au financement,

- l'article 6 s'impose en cas de contrat qui prévoit des obligations réciproques,

- elle prend un engagement personnel de réaliser la télésurveillance soit par elle-même soit par un tiers,

- la clause d'attribution de compétence s'applique suivant la qualité ou non du client, professionnel ou non,

- la DGCCRF n'a pas critiqué les termes de son contrat,

- soucieuse des consommateurs elle a adhéré à l'Association de défense des Consommateurs,

- Par dernières conclusions notifiées le 26 septembre 2008, la SAS Parfip France demande de confirmer le jugement, d'y ajouter en déboutant l'appelante de ses demandes et de la condamner à payer la somme de 10 000 € pour procédure abusive, 6 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Aux motifs que :

- l'appelante ne justifie pas de sa qualité à agir, la justification du changement des statuts n'étant pas démontrée,

- l'action de l'article L. 421-6 du Code de la consommation est une action préventive visant les contrats à conclure ou des modèles de contrats et non des contrats conclus, or en l'espèce il s'agit de contrats conclus,

- elle est une société de financement pour qui la recommandation n° 97-01 ne s'applique pas mais s'applique aux prestations de service, ses contrat selon la DDCCRF étant conformes,

- elle n'est pas concernée par la clause relative à l'absence de responsabilité du télésurveilleur dans le choix du matériel,

- il n'est nullement démontré un déséquilibre significatif dans la durée du contrat,

- elle paie comptant le matériel choisi qui s'amortit sur 4 ans,

- le contrat liant Parfip au locataire est indépendant de celui conclu entre le prestataire ou le fournisseur,

- l'appréciation du caractère abusif d'une clause ne peut porter sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert,

- elle n'est pas concernée par l'obligation de moyens qui vise le prestataire,

- la jurisprudence a validé les contrats ne distinguant pas la quote part de loyer financier et celle relative aux prestations,

- le prélèvement automatique est un mode de règlement licite, non exclusif de tout autre, la clause de revalorisation du prix est une "formule mathématique courante" (sic) en matière de financement, aucune modification n'intervenant pendant le contrat initial,

- l'article 7 des contrats de location ne vise que la propriété du matériel et est sans conséquence pour le locataire,

- les contrats de prestation de télésurveillance sont indépendants des contrats de location,

- la clause de résiliation du contrat n'est que la sanction normale du non-paiement des loyers,

- elle ne peut pas commettre de manquements contractuels, sa seule obligation étant de fournir le matériel, donc les pénalités contractuelles ne créent pas de déséquilibre,

- les clauses attributives de compétence ne sont pas abusives puisqu'elles ne s'appliquent pas aux consommateurs, l'accord de substitution étant licite,

- la procédure à son encontre est abusive car elle intervient après de multiples autres procédures pour requalifier les clauses de ses contrats,

Par conclusions d'incident déposées le 2 octobre 2008 la SARL DG Services demande le rejet des écritures déposées par l'appelante le 1er et le 2 octobre soit respectivement la veille et le jour de la clôture, ainsi que les deux pièces déposées le 2 octobre 2008, comme déposées à une date l'empêchant d'en apprécier la portée et d'y répliquer,

MOTIFS DE LA DECISION:

La SARL DG Services demande le rejet des écritures et des nouvelles pièces déposées par l'association appelante le 1 et le 2 octobre 2008, soit la veille et le jour de la clôture des débats.

Il y a lieu toutefois de relever qu'elle-même, alors qu'elle avait conclu le 19 mai 2008, que son adversaire avait conclu le 24 juillet 2008, a attendu le 25 septembre suivant pour répondre et ce, alors que l'audience de plaidoirie était fixée au 7 octobre. Elle ne saurait dès lors s'étonner de voir son adversaire pouvoir répondre à son argumentation le 1er octobre, soit la veille de la clôture, en visant essentiellement ses moyens relatifs à l'irrecevabilité de l'action, moyens déjà aux débats précédemment. La cour ne saurait donc retenir la violation du principe du contradictoire invoqué par la SARL DG Services, alors que l'appelante n'a fait que répondre à son argumentation tardive, étant précisé elle n'a pas demandé le rabat de l'ordonnance de clôture pour pouvoir éventuellement y répliquer.

En conséquence les écritures et les pièces déposées le 1er octobre par l'association appelante ne seront pas écartées des débats.

Par contre il n'était pas opportun, alors qu'elle avait déposé ses écritures en réponse la veille, de notifier de nouvelles écritures et de nouvelles pièces le 2 octobre, jour de la clôture, dans lesquelles elle faisait état d'un nouveau moyen relatif à l'augmentation de la durée des contrats de la SARL DG Services augmentation dont il n'avait pas été débattu jusqu'alors, ce qui portait atteinte au principe du contradictoire.

Les écritures et les deux pièces supplémentaires versées le 2 octobre 2008 seront écartées des débats.

Sur la recevabilité de l'action :

L'Association Léo Lagrange pour la défense des Consommateurs a vu son action déclarée irrecevable par le premier juge, au motif qu'elle ne justifiait pas par la production de ses statuts, la capacité de son président à la représenter en justice. Elle était donc parfaitement avertie que si elle poursuivait son action par voie d'appel, le moyen tiré de son défaut de capacité à agir pouvait être à nouveau invoqué comme moyen d'irrecevabilité. Il lui appartenait donc de justifier de sa capacité à agir.

Devant la cour elle produit un extrait du Journal Officiel du 25 avril 1979 attestant qu'elle a été déclarée. Elle produit également ses nouveaux statuts déposés en juin 2006 qui ne modifient ni le but, ni le siège social de l'association, ce qui aux termes de la loi du 1er juillet 1901 et du décret du 16 août 1901 ne lui fait pas obligation de publication en cas de changement des organes dirigeants, seule la déclaration à la Préfecture étant exigée, ce dont il est justifié par les pièces produites.

Aux termes des statuts le président a vocation à représenter l'association en justice tant en demande qu'en défense et il n'est pas soutenu que Marc Lagae, qui apparaît comme président en exercice pour le moins depuis 2005, ne l'aurait pas été lors de l'assignation initiale ou lors de la déclaration d'appel.

Il résulte toutefois de l'application combinée des articles L. 421-1 et L. 421-6 du Code de la consommation que les associations qui bénéficient d'un agrément peuvent agir devant une juridiction civile pour faire cesser tout agissement illicite à l'égard des consommateurs.

La SARL DG Services reproche à l'appelante de ne plus bénéficier d'un agrément, dont il doit être rappelé qu'il est d'une durée de 5 ans.

Il apparaît au regard des pièces produites et notamment de l'attestation de Monsieur Jean Jacques Berger, sous-directeur de la politique de la consommation et de la sécurité à la DGCCRF, que l'agrément de l'association a été renouvelé pour une période de 5 ans à compter du 28 janvier 2002, soit jusqu'au 28 janvier 2007, et que celle-ci a déposé une demande de renouvellement enregistrée le 16 juin 2006, soit antérieurement à la modification des statuts. Toutefois elle ne démontre pas que postérieurement à sa modification de statuts elle ait obtenu un renouvellement tacite de son agrément, alors que eu égard aux pièces produites aux débats, le renouvellement fait l'objet d'un arrêté des ministres concernés et d'une publication sur la liste des associations agréées de consommateurs. Or la liste produite aux débats où elle figure en tant qu'association agréée, fait état d'une mise à jour au 4 avril 2001, ce qui ne permet pas de retenir que lors de la déclaration d'appel, soit le 27 novembre 2007, elle était encore agréée pour poursuivre la procédure dans l'intérêt des consommateurs.

En conséquence il n'apparaît pas possible de retenir qu'elle a la capacité d'agir en justice devant la cour pour défendre l'intérêt des consommateurs, le moyen soulevé étant opérant.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable.

Sur la demande reconventionnelle de la Société Parfip :

Il n'est pas démontré qu'en dénonçant devant une juridiction le contenu des contrats proposés par les sociétés intimées, l'appelante aurait ou fait preuve de mauvaise foi, ou commis une faute équipollente au dol, étant ajouté que bien que le litige n'ait pas eu à être tranché au fond, les éléments produits aux débats laissent planer un doute certain quant à la rigueur juridique desdits contrats, à l'égard des "consommateurs" et des dispositions du Code de la consommation et de celles du Code civil relatives au contrat, ce qui confirme l'absence de mauvaise foi de l'Association Léo Lagrange.

En conséquence la société Parfip sera déboutée de sa demande.

Par ailleurs au regard des circonstances de l'espèce, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, En la forme, Déclare l'appel recevable, Au fond : Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne l'Association Léo Lagrange pour la défense des Consommateurs aux dépens, dont distraction au profit des avoués de la cause, par application de l'article 699 du Code de procédure civile.