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Décisions

CA Rennes, 4e ch., 7 juillet 2011, n° 09-02758

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Association Consommation et du Cadre de Vie de Saint-Malo, Vidaman, Suas

Défendeur :

Chalmin, Giboire Emeraude (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Septe

Conseillers :

MM. Adam, Delapierregrosse

Avoués :

SCP Guillou Renaudin, SCP d'Aboville de Moncuit St Hilaire

Avocats :

Me Nguyen, SCP Denoual-Kerjean-Le Goff

TI Saint-Malo, du 31 mars 2009

31 mars 2009

I - Exposé du litige :

Suivant acte sous seings privés du 1er septembre 2006 conclu par le truchement de la société Alet Immobilier Gestion, Monsieur Benoît Chalmin a donné à bail à Madame Claudine Vidaman et à Monsieur Mickaël Suas une maison d'habitation <adresse>, moyennant payement d'un loyer de 750 euros outre 2 euros de frais de correspondance.

Alléguant l'insalubrité des locaux, les locataires ont délivré le 26 février 2007 congé au bailleur pour le 15 avril suivant.

En avril 2007, ils ont fait assigner ce dernier ainsi que l'agent immobilier devant le tribunal d'instance aux fins que leur départ immédiat soit déclaré justifié, en payement de dommages et intérêts, en nullité des frais de quittance et en remboursement des sommes indûment prélevées à ce titre.

L'association Consommation et du Cadre de Vie de Saint-Malo (ci-après CLCV de Saint-Malo) est intervenue volontairement à la procédure au soutien des locataires.

Par jugement du 31 mars 2009, le tribunal a :

- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la CLCV et condamné celle-ci à verser aux défendeurs la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles,

- débouté Madame Vidaman et Monsieur Suas de leurs demandes en dommages et intérêts,

- condamné Monsieur Chalmin à leur verser la somme de 157,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2007,

- déclaré nulle et réputée non écrite la clause insérée au bail et relative aux frais de correspondance,

- donné acte à Madame Vidaman et à Monsieur Suas de ce qu'ils renoncent à leur demande de restitution à ce titre,

- condamné Madame Vidaman et Monsieur Suas aux dépens de l'instance et au payement à Monsieur Chalmin de la somme de 600 euros au titre des frais irrépétibles,

- débouté la société Alet Immobilier Gestion de sa demande au titre des frais irrépétibles.

L'Association CLCV de Saint-Malo a interjeté appel de cette décision par déclaration du 20 avril 2009.

Madame Vidaman et Monsieur Suas ont interjeté appel par déclaration du 4 mai 2009.

L'Association CLCV de Saint-Malo fait grief au premier juge d'avoir déclaré son intervention irrecevable alors qu'elle était mandatée pour intervenir par les associations CLCV Nationale et CLCV 35 et qu'aux termes de ses statuts, elle défend les intérêts des consommateurs et locataires. Elle ajoute qu'en raison du caractère confédéral de la CLCV Nationale, elle dépend de celle-ci, utilise avec son autorisation le sigle et bénéficie d'une délégation d'agrément. Au fond, elle fait valoir que le bailleur et l'agence ont facturé illégalement des "frais de quittancement" qu'ils ont refusé, dans un premier temps, de rembourser. Elle ajoute que l'appartement loué était de plus insalubre. Elle sollicite à titre de dommages et intérêts, la condamnation de cette agence, coutumière du fait, au payement d'une somme de 15 000 euros et la publication de la décision à intervenir.

Concernant l'insalubrité des lieux, Madame Vidaman et Monsieur Suas réclament la condamnation solidaire du bailleur et de l'agence à les indemniser à hauteur d'une somme de 3 000 euros et demandent à la cour de dire qu'ils étaient fondés à quitter les lieux sans préavis. Ils sollicitent par ailleurs, la restitution du dépôt de garantie (1470 euros).

Monsieur Chalmin et la société Giboire Emeraude venant aux droits de la société Alet Immobilier Gestion concluent à la confirmation du jugement critiqué. Ils font valoir que la CLCV de Saint-Malo qui ne bénéficie d'aucun agrément est irrecevable à agir conformément aux dispositions des articles L. 421-1 et L. 421-7 du Code de la consommation. Ils ajoutent que la CLCV de Saint-Malo peut, aux termes de l'article 414 du Code de procédure civile, représenter en justice la CLCV Nationale. Au fond, ils rappellent que les locataires ont renoncé à leur demande de remboursement des frais de courrier et contestent l'insalubrité alléguée observant que contrairement à ce que laissent entendre les appelants, aucun rapport de la DDASS n'est produit aux débats. Ils précisent que lors de l'entrée dans les lieux, le logement était décrit comme étant en bon ou très bon état, et qu'aucune action n'a été introduite durant le bail. Ils font enfin valoir quant au dépôt de garantie, qu'après imputation de celui-ci, Madame Vidaman et Monsieur Suas restaient débiteurs d'une somme de 779,41 que la caution CIL Habitat Ouest a réglée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à la décision critiquée et aux dernières écritures des parties signifiées les 12 avril 2011 par l'association CLCV de Saint-Malo, Madame Vidaman et Monsieur Suas et 9 mai 2011 par Monsieur Chalmin et la société Giboire Emeraude.

II - Motifs :

Sur l'appel des consorts Suas Vidaman :

Pour établir le caractère insalubre du logement donné à bail nonobstant les termes de l'état des lieux d'entrée, les appelants sur lesquels pèse la charge de la preuve, font état d'un rapport de la DDASS en date du 7 mars 2007, de photographies et de documents médicaux relatifs à des soins prodigués à leurs enfants.

La cour observe, en premier lieu, que le prétendu rapport de la DDASS en date du 7 mars 2007 est en réalité un courrier du service hygiène salubrité de la ville de Saint-Malo adressé au bailleur dont il ressort que, dans la salle de séjour, de l'eau pénètre par une fenêtre - laquelle est, en outre, dépourvue de volet (ce qui est indifférent pour qualifier un logement d'indécent) -, la porte d'entrée ne ferme pas de l'extérieur, de la moisissure a été constatée dans un placard et des champignons près de la porte donnant sur le jardin, que la fenêtre de la cuisine est dépourvue d'aération, que le ballon d'eau chaude n'a pas de prise de terre et que l'escalier est dépourvu d'éclairage.

La circonstance tirée du fait que les constatations émanant de ce service municipal n'aient pas été faites contradictoirement, en présence du bailleur, est, contrairement à ce que ce dernier soutient, indifférente, celui-ci ayant été mis à même de les analyser.

Il convient d'ailleurs de relever que dès le 23 mars, Monsieur Chalmin a répondu au service concerné qu'il allait entreprendre les travaux nécessaires (un devis était alors en cours pour changer la porte et la fenêtre (...)) confirmant ainsi les propos tenus par la locataire ("la locataire a spécifié qu'effectivement, vous n'étiez pas opposé à faire les travaux nécessaires", réponse du service hygiène et salubrité en date du 11 avril 2007), travaux qu'il n'a cependant pas eu le temps de mettre en œuvre en raison du départ précipité et à leur seule initiative des preneurs.

La cour relève, au demeurant, que les points soulevés par le service hygiène et salubrité qui n'affectent qu'une seule pièce d'une maison laquelle comporte, en outre et suivant le bail, une cuisine et trois chambres, sont marginaux et insuffisants pour qualifier l'immeuble donné à bail d'indécent.

Les autres pièces produites (photographies, documents médicaux) ne contredisent nullement cette analyse. Au contraire, il est établi que l'enfant Gurwan a présenté des difficultés respiratoires dès sa première année de vie (en 2002/2003), des épisodes de dyspnée sifflantes en 2005 et 2006 ayant justifié quatre passages aux urgences, le dernier concomitant à la prise à bail du logement, qu'il semble souffrir d'asthme qu'aucun des documents produits ne permet d'imputer au logement donné à bail, le certificat du docteur Duval (26 février 2007) qui ne comporte aucune explication, apparaissant à cet égard, pour le moins hasardeux.

Par ailleurs et avec raison, le premier juge a relevé que les photographies produites n'étaient pas suffisamment explicites, aucun constat d'huissier ou expertise n'ayant été diligenté.

C'est, en conséquence, à bon escient que le tribunal a rejeté la demande des locataires tendant à qualifier l'immeuble donné à bail d'indécent, le congé du 26 février 2007 ayant vraisemblablement été délivré par les consorts Suas Vidaman non en raison de l'état du logement mais du fait des difficultés qu'ils rencontraient pour régler le montant du loyer (leur compte présentant un arriéré de loyer dès le mois de janvier 2007).

Le congé n'ayant pu produire effet qu'à l'issue d'un délai de trois mois, les locataires ne sauraient prétendre à la restitution de la totalité du dépôt de garantie dès lors qu'ils n'ont pas réglé le montant des loyers des mois d'avril, mai et des huit premiers jours du mois de juin 2007, mais simplement un solde de 157,15 euros outre intérêts.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les appels et interventions des CLCV de Saint-Malo, d'Ille-et-Vilaine et Nationale :

De la CLCV de Saint-Malo :

L'appel contre le jugement du 31 mars 2009 a été interjeté par la CLCV de Saint-Malo, agissant en son nom faute d'autre précision dans la déclaration d'appel, étant rappelé que cette association était intervenue volontairement à la procédure en première instance. Celle-ci n'ayant pas conclu devant la cour, il convient de constater que cet appel n'est pas soutenu.

De la CLCV d'Ille et Vilaine et de la CLCV Nationale :

La CLCV d'Ille et Vilaine et la CLCV Nationale interviennent volontairement à la procédure devant la cour, représentées par la CLCV de Saint-Malo à laquelle mandats ont été donnés.

Il ressort des pièces produites que les associations CLCV d'Ille et Vilaine et Nationale sont des associations agréées pour exercer aux plans régional et national les droits reconnus aux associations de consommateurs, que leurs agréments sont en cours comme ayant été délivrés pour une durée de 5 ans, respectivement les 11 juin 2008 et 1er juin 2010.

Il résulte de l'article 25 des statuts de l'association CLCV d'Ille et Vilaine qu'elle est représentée en justice, devant toutes les juridictions civiles, (...), sur mandat du bureau, par le président ou toute autre personne désignée à cet effet.

Or, en l'espèce, force est de constater que si Monsieur Balanec, son président, a donné mandat le 15 décembre 2008 à la CLCV de Saint-Malo d'agir au nom de la CLCV d'Ille et Vilaine à l'encontre de la société Alet Immobilier, il n'est justifié d'aucun mandat du bureau pour exercer cette action.

L'intervention de l'association CLCV d'Ille et Vilaine est, dès lors, irrégulière et ne peut, par voie de conséquence, qu'être déclarée irrecevable.

Le bureau de l'association CLCV Nationale a, en revanche et suivant délibération du 12 janvier 2007, donné pouvoir à sa présidente, Madame Mader d'agir en son nom devant la Cour d'appel de Rennes contre l'agence immobilière Alet (aux droits de laquelle se trouve la société Giboire Emeraude).

Le même jour, Madame Mader a mandaté l'Union Locale de Saint-Malo pour exercer cette action.

Il est constant que l'organe d'une personne morale titulaire d'un pouvoir de représentation peut soit agir lui-même en justice au nom de cette personne ou déléguer son pouvoir ou donner mandat à une autre personne pour agir au nom de la personne morale.

L'intervention de l'association CLCV Nationale doit donc être déclarée recevable.

La pratique de la société Alet Immobilier consistant à facturer des frais de quittancement (ou de correspondance) est illégale (et a été annulée à juste titre) et il entre incontestablement dans l'objet de cette association de combattre cette pratique.

La cour observe toutefois que les sanctions réclamées (dommages et intérêts, publication et affichage) sont disproportionnées dès lors que l'activité de cette agence a cessé puisqu'elle a été cédée et que les frais indûment perçus ont été restitués.

Au regard de ces éléments, la société Giboire Emeraude sera condamnée à verser à l'association CLCV Nationale une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes :

Chacune des parties échouant partiellement en ses prétentions conservera à sa charge les dépens par elles exposés.

Les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile seront rejetées.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Saint-Malo le 31 mars 2009 dans le litige opposant Monsieur Suas et Madame Vidaman à Monsieur Chalmin et à la société Alet Immobilier en ce qu'il a : - déclaré irrecevable l'intervention de l'association CLCV de Saint-Malo et l'a condamnée à verser aux défendeurs une somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles, - débouté les consorts Suas Vidaman de leurs diverses demandes en dommages et intérêts, - condamné Monsieur Chalmin à leur verser la somme de 157,15 euros outre intérêts, - déclaré nulle et réputée non écrite la clause insérée au bail relative aux frais de correspondance, - statué sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, Y Ajoutant : Déclare irrecevable l'intervention en appel de l'association CLCV d'Ille et Vilaine. Déclare recevable et bien fondée l'intervention de l'association CLCV Nationale. Condamne la société Giboire Emeraude à payer à l'association CLCV Nationale la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts. Rejette toute autre demande ou plus ample. Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais qu'elle a exposés en appel. Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile.