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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 4 décembre 2008, n° 07-06031

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Fernand (Epoux), Langlais, Picaut, Confédération de la Consommation du Logement et du Cadre de Vie

Défendeur :

Voyages Bellier (SA), Emeraude Voyages Evasion (EURL), National Tours (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Simonnot

Conseillers :

Mme Nivelle, M. Gimonet

Avoués :

SCP Guillou & Renaudin, SCP Gauvain & Demidoff

Avocats :

Me Nguyen, SCPA Denoual-Kerjean-Le Goff

TI Saint-Malo, du 25 sept. 2007

25 septembre 2007

Insatisfaits de la qualité des prestations fournies lors d'un voyage organisé aux Etats-Unis du 31 mars au 12 avril 2006, les époux Fernand, Monsieur Langlais et Madame Picaut (les consorts Fernand) ont fait assigner la société Bellier Voyages devant le Tribunal d'instance de Saint-Malo, par acte du 29 août 2006, aux fins d'obtenir le remboursement du coût du séjour et des dommages-intérêts.

Par conclusions déposées le 7 novembre 2006, l'association Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie (CLCV) ayant son siège à Saint-Malo est intervenue volontairement à l'instance.

La société Emeraude Voyages Evasion et la société National Tours sont ensuite intervenues volontairement l'instance.

Par jugement du 25 septembre 2007, le Tribunal d'instance de Saint-Malo a :

- constaté le défaut de qualité à défendre de la société Voyages Bellier et l'a mise hors de cause,

- donné acte aux sociétés Emeraude Voyages Evasion et National Tours de leur intervention volontaire et l'a déclarée recevable,

- donné acte à la CLCV de Saint-Malo de son intervention volontaire et l'a déclarée recevable,

- débouté les époux Fernand, Monsieur Langlais et Madame Picaut de toutes leurs demandes,

- débouté la CLCV de Saint-Malo de toutes ses demandes,

- condamné la CLCV de Saint-Malo à verser aux sociétés Emeraude Voyages Evasion et National Tours 1 200 euro au titre des frais irrépétibles,

- condamné solidairement les consorts Fernand et la CLCV aux dépens.

Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 25 juillet 2008, les consorts Fernand et la CLCV de Saint-Malo concluent à la réformation du jugement et demandent à la cour :

- en ce qui concerne les consorts Fernand :

- de condamner solidairement les sociétés Bellier, Emeraude Voyages Evasion et National Tours à payer :

- 2 276 euro aux époux Fernand et 2 276 euro à Monsieur Langlais et à Madame Picaut, avec intérêts de droit à compter des conclusions, au titre de l'inexécution contractuelle et du préjudice économique,

- 2 000 euro aux époux Fernand et 2 000 euro à Monsieur Langlais et à Madame Picaut au titre du préjudice moral,

- 2 000 euro aux époux Fernand et 2 000 euro à Monsieur Langlais et à Madame Picaut au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- en ce qui concerne la CLCV de Saint-Malo :

- de déclarer recevable son intervention volontaire,

- de condamner solidairement la société Bellier Voyages, la société Emeraude Voyages Evasion et la société National Tours :

- à procéder aux rectifications des conditions générales et notamment les articles 7, 8, 9, sous astreinte de 500 euro par jour de retard pendant un délai de deux mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

- à lui payer 9 500 euro en réparation de son préjudice,

- d'ordonner une mesure de publication judiciaire, un affichage dans leurs locaux, également sous astreinte de 500 euro par jour de retard pendant un délai de deux mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

- de condamner solidairement la société Bellier Voyages, la société Emeraude Voyages Evasion et la société National Tours à lui payer 9 500 euro à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 2 000 euro au titre des frais irrépétibles.

Ils s'opposent à la mise hors de cause de la société Bellier Voyages au motif que son nom apparaît sur le contrat et qu'elle est la société mère de la société Emeraude Voyages Evasion.

Ils soutiennent que les prestations convenues n'ont pas été exécutées, se plaignant de la saleté et de l'inconfort de l'autocar utilisé pour leurs déplacements, de l'incompétence du guide et de l'impréparation des excursions, de la localisation mal choisie des hôtels, de leur mauvais état d'entretien et de la qualité de la nourriture.

Ils font valoir que la CLCV de Saint-Malo, qui est une émanation de la CLCV nationale, est recevable à agir et que le comportement fautif des sociétés intimées porte atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs.

Ils allèguent que les articles 7, 8 et 9 des conditions générales de vente de la société Bellier Voyages ne respectent pas diverses dispositions du Code du tourisme.

Par écritures signifiées le 2 mai 2008, la société Bellier Voyages, la société Emeraude Voyages Evasion et la société National Tours concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de la CLCV de Saint-Malo et à sa confirmation pour le surplus, et y ajoutant, à l'allocation de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. A titre subsidiaire, elles demandent que leur offre indemnitaire faite aux consorts Fernand soit déclarée satisfactoire.

Elles soutiennent que la CLCV de Saint-Malo ne justifie pas de son agrément, et donc de sa possibilité d'intervenir dans le litige.

Elles exposent que le nom de la société Bellier Voyages n'apparaît sur le contrat qu'en tant que marque et que, n'étant ni la venderesse ni l'organisatrice du voyage, elle doit être mise hors de cause.

Elles déclarent que les prestations convenues ont été exécutées et font valoir que les griefs développés par les consorts Fernand sont subjectifs et démentis par d'autres participants au voyage.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 2 octobre 2008.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION

a) sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la CLCV de Saint-Malo

Que, selon l'article L. 421-1 du Code de la consommation, les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ;

Que l'article L. 421-7 dispose que les associations mentionnées à l'article L. 421-1 peuvent intervenir devant les juridictions civiles et demander notamment l'application des mesures prévues à l'article L. 421-2, lorsque la demande initiale a pour objet la réparation d'un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs à raison de faits non constitutifs d'une infraction pénale ;

Que les conditions de l'agrément sont précisées aux articles R. 411-1 et suivants du Code de la consommation ;

Que l'article R. 411-1 prévoit que l'agrément des associations nationales est accordé par arrêté conjoint du ministre chargé de la Communication et du garde des Sceaux et est publié au Journal officiel tandis que l'agrément des associations locales, départementales ou régionales est accordé par arrêté du préfet du département dans lequel l'association a son siège social et est publié au Recueil des actes administratifs ;

Que la CLCV de Saint-Malo, qui est une association locale, ne justifie d'aucun agrément qui lui aurait été donné par le préfet d'Ille-et-Vilaine ;

Que si la CLCV de Saint-Malo est une association affiliée à la CLCV nationale, laquelle bénéficie d'un agrément, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une personne morale distincte qui ne peut intervenir en justice aux côtés d'un consommateur que si elle est personnellement agréée ;

Que le pouvoir qui a été donné, le 23 juin 2006, par le bureau de l'association nationale CLCV à Madame Mader, sa présidente, pour intervenir à la procédure et le mandat donné le même jour par celle-ci à la CLCV de Saint-Malo pour agir au nom de la CLCV est sans effet dans la mesure où la CLCV de Saint-Malo intervient, non pas ès qualités de représentant de l'association nationale, mais en son nom personnel ;

Que la CLCV de Saint-Malo n'étant pas agréée, elle est irrecevable à intervenir dans l'instance engagée par les consorts Fernand, le jugement étant infirmé sur ce point ;

b) au fond

Que le 1er mars 2006, les époux Fernand ont acheté auprès de la société Emeraude Voyages Evasion un voyage sur la côte Ouest des Etats-Unis pour eux-mêmes et deux amis pour la période du 31 mars au 12 avril 2006 pour un prix de 5 280 euro, correspondant à 1 320 euro par personne ; que ce voyage était organisé par la société National Tours ;

Que le fait que, sur le contrat de voyage figure le nom "Bellier Voyages" et que la société Bellier Voyages soit la société-mère de la société Emeraude Voyages Evasion ne suffit pas à établir que la société Bellier Voyages est intervenue à quelque titre que ce soit dans la vente ou la réalisation du voyage incriminé ;

Que c'est par conséquent à bon escient que le premier juge a ordonné sa mise hors de cause et déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Emeraude Voyages Evasion, vendeur du voyage, et de la société National Tours, organisatrice dudit voyage ;

Qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 211-17 du Code du tourisme, toute personne morale ou physique qui se livre aux opérations mentionnées à l'article L. 211-1 est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de service, sans préjudice de son droit de recours contre eux ;

Que le forfait touristique comprenait le voyage aérien, un circuit en autocar, l'hébergement et les repas ainsi que les visites ;

Que les prestations convenues ont été fournies, le mécontentement des consorts Fernand étant dû à leur mauvaise qualité ;

Que le voyage ayant été effectué, les consorts Fernand sont mal fondés, sous couvert d'une demande de dommages-intérêts, à obtenir le remboursement de la totalité du prix ;

Qu'en ce qui concerne la visite du Sequoia National Park, rendue difficile par une chute de neige et ayant conduit à un aménagement de la visite, force est de constater qu'il n'est nullement prouvé que le parc est habituellement fermé à la date prévue pour la visite ; que le document touristique sur les parcs nationaux produit aux débats établit que l'altitude de ce parc va de 520 mètres à 4 418 mètres d'altitude et précise "Saison : toute l'année mais les zones situées en altitude ne sont accessibles qu'en été (...)." ; que les aléas climatiques sont inhérents au voyage et peuvent être imputés à faute au vendeur et à l'organisateur du voyage ;

Que, s'agissant de l'emplacement des hôtels, de leur état et de la restauration, aucun engagement n'avait été contractuellement souscrit par la société Emeraude Voyages Evasion ou par la société National Tours relativement au standing des hôtels, à leur niveau d'hygiène et de confort, à l'abondance et à la qualité de la nourriture ;

Que, pour justifier de la qualité satisfaisante des prestations, les sociétés Emeraude Voyages Evasion et National Tours versent aux débats le recto des fiches de satisfaction qui ont été remplies par les participants au circuit ;

Que la véracité du contenu de ces fiches de satisfaction ne peut valablement être mise en cause par les consorts Fernand, dès lors que, même si la lecture n'en est pas aisée du fait de la mauvaise qualité de la photocopie, ils ne dénient pas que celles qui leur sont attribuées ont été remplies et signées par eux, ce qui permet de retenir la sincérité des autres fiches signées par d'autres participants ;

Que, si l'hébergement a suscité des critiques d'autres touristes en la personne des époux Flinoise, des époux Guillaumet et de Monsieur Lami, les formulaires de satisfaction révèlent que la moyenne des notes recueillies pour l'hôtel est de 6/10, ce qui n'est pas de nature à justifier les critiques véhémentes des consorts Fernand ni un défaut d'exécution des obligations contractuelles ;

Que l'enquête de satisfaction montre que le guide a pour sa part recueilli une moyenne de 7,10 /10 avec des notes allant de 10 à 0/10, ce qui suffit à établir le caractère subjectif de l'appréciation portée sur l'exécution de sa prestation et ne permet pas de retenir une inexécution des obligations contractuelles ;

Qu'en ce qui concerne l'autocar, la société National Tours a reconnu la réalité des griefs concernant l'autocar et offert aux consorts Fernand de leur verser une somme de 80 euro chacun, admettant ainsi qu'elle avait sur ce point fourni une prestation de piètre qualité et donc qu'elle avait commis une faute ; que cette somme apparaît de nature à compenser le désagrément subi par les consorts Fernand au cours d'un séjour à un prix attractif qui, globalement, a été apprécié par les participants puisqu'il a été noté en moyenne à 6,85/10 ; qu'il y a lieu de la déclarer satisfactoire et de condamner en tant que de besoin la société National Tours à payer 80 euro à chacun des consorts Fernand à titre de dommages-intérêts ;

Qu'il n'est pas contraire à l'équité de laisser à la charge de chacune des parties ses frais de procédure de première instance et d'appel non inclus dans les dépens ;

Que la CLCV de Saint-Malo supportera les dépens de première instance et d'appel afférents à son intervention volontaire ;

Que les consorts Fernand qui ont engagé une action qui ne leur permet pas d'obtenir une somme supérieure à celle qui leur avait été offerte amiablement supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel, à l'exception de ceux afférents à l'intervention volontaire de la CLCV de Saint-Malo ;

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Voyages Bellier, déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Emeraude Voyages Evasion et de la société National Tours, L'infirme pour le surplus, Et statuant à nouveau des chefs réformés, Déclare irrecevable l'intervention volontaire de la CLCV de Saint-Malo, Donne acte à la société National Tours de son offre de payer à Monsieur et Madame Fernand, Monsieur Langlais et Madame Picaut 80 euro chacun et la condamne au paiement de cette somme en tant que de besoin, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la CLCV de Saint-Malo aux dépens de première instance et d'appel afférents à son intervention, Condamne Monsieur et Madame Fernand, Monsieur Langlais et Madame Picaut au surplus des dépens de première instance et d'appel, Admet la SCP Gauvain-Demidoff, société titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.