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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 19 novembre 2013, n° 12-06075

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Lixxbail (SA), Partenaire Bureautique (SA)

Défendeur :

Ogec La Presentation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

MM. Chassery, Prouzat

Avocats :

Mes Senmartin, Greciano, Bertin, Auby, De Melo, Bertrand, Mazarian

T. com. Montpellier, du 11 juill. 2012

11 juillet 2012

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

L'organisme de gestion de l'enseignement catholique la Présentation (l'Ogec la Présentation) a signé, le 15 juin 2010, avec la société Partenaire bureautique, exerçant sous l'enseigne "Fac Similé", un contrat portant sur la vente de neuf photocopieurs de marque Canon "2ème génération", l'un de modèle IR65 70, quatre de modèle IR35 70, deux de modèle IR45 70, un de modèle IR10 24 et un de modèle IR33 80, en location trimestrielle de 8 110 euro HT ; un contrat de maintenance de ce parc de photocopieurs a été parallèlement souscrit.

Le 26 août 2010, un contrat de location avec option d'achat, portant également sur neuf photocopieurs Canon de modèles identiques, a été conclu entre la société Lixxbail et l'Ogec la Présentation, moyennant le versement de 63 loyers trimestriels de 9 699,56 euro TTC chacun, une facture de 162 880,94 euro TTC étant établie, le 7 septembre 2010, par la société Partenaire bureautique, désignée sur le contrat comme le fournisseur, à l'ordre de la société Lixxbail ; le contrat ainsi conclu présente le matériel comme " neuf " et à la même date du 26 août 2010, un procès-verbal de réception du matériel, reconnu en parfait état et conforme à la commande, a été signé entre l'Ogec et la société Partenaire bureautique.

Le 19 janvier 2011, Me Chetboun, huissier de justice, a établi, à la requête de l'Ogec la Présentation, un procès-verbal de constat, faisant apparaître que les photocopieurs livrés avaient été reconditionnés antérieurement à la vente et qu'ils avaient déjà été utilisés pour le tirage de copies, souvent en grand nombre.

Par acte du 22 mars 2011 , l'Ogec la Présentation a fait assigner devant le tribunal de commerce de Montpellier la société Partenaire bureautique et la société Lixxbail en vue d'obtenir la résolution du contrat de location avec option d'achat, du contrat de vente et du contrat de maintenance, sur le fondement des articles 1116, 1184, 1641 et 1729 du Code civil.

Le tribunal, par jugement du 11 juillet 2012, a statué en ces termes :

Prononce la résolution du contrat de vente passé entre la société Partenaire bureautique et Lixxbail, Prononce la résolution du contrat de location passé entre Lixxbail et l'Ogec, Prononce la résolution du contrat de maintenance passé entre la société Partenaire bureautique et l'Ogec,

Dit que ces résiliations auront pour conséquence de remettre les parties dans leur situation d'avant l'établissement des contrats,

Dit que Lixxbail devra récupérer le matériel livré par la société Partenaire bureautique,

Dit que Partenaire bureautique devra restituer le matériel d'origine de l'Ogec et l'Ogec restituer le chèque lié à la reprise de ce matériel, considérant que le tribunal ordonne la compensation entre ces deux condamnations,

Dit que Lixxbail restituera la totalité des sommes qui lui ont été versées par l'Ogec sous forme de loyer,

Dit que Lixxbail se fera rembourser par la société Partenaire bureautique le montant du matériel qu'il a réglé à ce dernier dans le cadre du contrat de vente principal,

Dit que Lixxbail restituera à la société Partenaire bureautique le matériel une fois qu'il l'aura lui-même récupéré auprès de l'Ogec,

Condamne tant la société Partenaire bureautique que Lixxbail à 10 000 euro de dommages et intérêts à verser à l'Ogec,

Condamne tant la société Partenaire bureautique que Lixxbail à payer la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Dit et juge que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la présente décision, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes par lui retenues en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devra être supportée par le débiteur en sus de l'article 700 du Code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La société Partenaire bureautique et la société Lixxbail ont régulièrement relevé appel de ce jugement en vue de sa réformation.

Les procédures d'appel enrôlées sous le n° 6075 et 6625-2012 ont été jointes.

La société Partenaire bureautique demande à la cour (conclusions reçues par le RPVA le 24 janvier 2013) de déclarer l'Ogec la Présentation irrecevables en ses prétentions pour défaut d'intérêt et de qualité à agir ; subsidiairement, elle conclut au rejet, comme étant mal fondées, des demandes de l'Ogec, qui ne démontre l'existence ni de manœuvres dolosives, ni de vices cachés rendant le matériel impropre à son usage ; à titre très subsidiaire, dans l'hypothèse où serait prononcée la nullité et/ou la résolution de la vente, elle demande de condamner l'Ogec la Présentation à lui rembourser la somme de 117 448,17 euro par-elle perçue, de prononcer la compensation des créances et dettes réciproques et de dire qu'elle ne saurait être tenue à l'égard de la société Lixxbail au-delà du montant des sommes perçues par celle-ci, déduction faite des loyers encaissés ; enfin, elle réclame la condamnation de l'Ogec à lui payer les sommes de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Lixxbail conclut au rejet des prétentions élevées à son encontre ; subsidiairement, dans l'hypothèse où le contrat de vente serait résolu, elle demande à la cour d'ordonner la résolution judiciaire du contrat de location, de condamner solidairement l'Ogec la Présentation et la société Partenaire bureautique à lui restituer le montant du financement, soit 162 880,94 euro TTC, assorti des intérêts de retard calculés au taux de 1 % par mois entre le 26 août 2010 et la décision à intervenir et de condamner l'Ogec la Présentation à lui payer la somme de 10 184,53 euro au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article 5-3) des conditions générales du contrat ; elle sollicite, en tout état de cause, l'allocation par l'Ogec de la somme de 3 000 euro en remboursement de ses frais irrépétibles (conclusions reçues par le RPVA le 9 janvier 2013).

Elle soutient pour l'essentiel que les photocopieurs litigieux ont été substitués, en janvier 2011, aux photocopieurs neufs livrés selon procès-verbal du 26 août 2010 et qu'en toute hypothèse, la résolution du contrat de vente ne peut entraîner que la résiliation du contrat de location, sans remboursement des loyers réglés antérieurement.

L'Ogec la Présentation conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement, sauf à fixer l'indemnité de procédure due au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la somme de 5 000 euro (conclusions reçues par le RPVA le 20 décembre 2012) ; elle soutient qu'elle a commandé un matériel neuf de deuxième génération, alors qu'il lui a été livré un matériel d'occasion, ce qui constitue un dol, qu'il n'y a pas eu de substitution de matériel en cours d'exécution du contrat de location contrairement à ce que prétend la société Lixxbail, et qu'en raison de l'interdépendance des contrats, la résolution du contrat de vente doit entraîner nécessairement celle du contrat de location et du contrat de maintenance.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 24 septembre 2013.

MOTIFS de la DECISION :

La société Partenaire bureautique n'est pas fondée à soutenir que l'Ogec la Présentation est dépourvue de qualité et d'intérêt à agir, alors qu'elle reconnaît elle-même, en page 14 de ses conclusions d'appel, qu'en vertu du contrat de location financière conclu avec la société Lixxbail, l'Ogec a la faculté d'exercer toutes les actions appartenant à cette société, propriétaire du matériel, nées du contrat de vente.

Pour solliciter la résolution du contrat de vente et, par voie de conséquence, celle du contrat de location financière et du contrat de maintenance, l'Ogec invoque, à titre principal, la garantie des vices cachés et, subsidiairement, l'existence d'un dol, en indiquant que la vente a porté sur neuf photocopieurs de marque Canon "2ème génération", à l'état neuf comme mentionné sur le contrat de location financière et le procès-verbal de réception du matériel en date du 26 août 2010, alors qu'il lui a été livré un matériel d'occasion ; il communique, à l'exclusion de toute autre pièce, un procès-verbal de constat dressé le 19 janvier 2011 par Me Chetboun, huissier de justice, dont il résulte que huit des neuf photocopieurs vendus, de marque Canon, modèles IR33 80, IR45 70, IR35 70 et IR 65 70, installés dans les locaux du collège la Présentation à Salon-de-Provence et du lycée agricole de Fontlongue à Miramas, correspondent à du matériel reconditionné, puisqu'à l'intérieur des machines, ont été apposés des autocollants, qui mentionnent les dates de reconditionnement, comprises entre le 3 mai 2004 et le 7 juillet 2010, et les index des compteurs à ces dates, soit un nombre de photocopies allant de 55 190 à 275 262.

Rien ne permet, à cet égard, d'affirmer, comme le prétend la société Lixxbail, que les photocopieurs ainsi examinés par l'huissier, dont les numéros de série sont les mêmes que ceux figurant sur le contrat de maintenance souscrit parallèlement à la vente, ne correspondent pas aux photocopieurs livrés le 26 août 2010, faisant l'objet du contrat location financière.

Il est donc évident que le matériel livré par la société Partenaire bureautique n'est pas un matériel neuf, mais un matériel reconditionné, sachant que l'expression "2ème génération", indiquée sur le contrat de vente signé, le 15 juin 2010, entre celle-ci et l'Ogec ne désigne pas nécessairement un matériel d'occasion, mais un matériel de technologie plus ou moins avancée par rapport à la dernière génération de produits sur le marché, et que sur le procès-verbal de réception du 26 août 2010, contresigné par la société Partenaire bureautique, il est mentionné que le matériel livré est un matériel "neuf", comme d'ailleurs sur le contrat de location financière établi le même jour.

La circonstance qu'ont été livrés à l'Ogec des photocopieurs d'occasion ou reconditionnés, alors que celui-ci avait commandé des photocopieurs neufs, ne peut être regardée comme constitutive d'un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil; il n'est pas, en effet, établi, ni même soutenu, que le matériel soit affecté de défauts, qui le rendent impropre à sa destination normale.

L'article 1116 du Code civil dispose, par ailleurs, que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté et qu'il ne se présume pas et doit être prouvé ; au cas d'espèce, le fait de désigner le matériel vendu, dans le contrat de vente du 15 juin 2010, comme du matériel de "2ème génération" qui, dans l'esprit du vendeur désigne du matériel qui n'est pas neuf, mais a été reconditionné, est certes ambiguë, puisque l'expression utilisée peut également signifier que le matériel vendu est un matériel d'une génération antérieure, mais néanmoins neuf ; pour autant, il ne peut en être déduit l'existence d'une manœuvre caractérisée de la part de la société Partenaire bureautique, visant à tromper délibérément l'Ogec sur la nature du matériel et à l'amener à contracter, d'autant qu'un matériel reconditionné est un matériel dont les composants ont été en tout ou partie renouvelés et les performances ainsi modifiées, à la différence d'un matériel d'occasion, revendu en l'état ; la preuve d'un dol, qui aurait déterminé l'Ogec à contracter, n'est donc pas démontrée.

La livraison de photocopieurs reconditionnés en lieu et place de photocopieurs neufs, correspondant, pour l'Ogec, à ce qu'elle estimait avoir commandé sous couvert de matériel de " 2ème génération " et conformément à l'expression " neuf " cochée sur le contrat de location financière et le procès-verbal de réception du 26 août 2010, aurait pu, éventuellement, être considérée comme caractérisant un défaut de conformité non apparent de nature à entraîner la résolution de la vente pour inexécution par la société Partenaire bureautique de son obligation de délivrance, sur le fondement des articles 1184 et 1604 du Code civil , le procès-verbal de constat de Me Chetboun indiquant, en effet, que les autocollants, sur lesquels figuraient la mention du reconditionnement des appareils, étaient apposés à l'intérieur des photocopieurs et donc, de façon non visible ; en toute hypothèse, l'intention dolosive de la société Partenaire bureautique lors de la vente, visant à induire en erreur son partenaire sur les caractéristiques du matériel vendu, ne se trouve nullement établie.

Il convient, dans ces conditions, d'infirmer le jugement entrepris et de débouter l'Ogec la Présentation de l'ensemble de ses demandes aux fins de résolution, avec toutes conséquences de droit, des contrats de vente, de location financière et de maintenance, portant sur les neuf photocopieurs litigieux.

L'action en justice engagée par l'Ogec n'apparaît pas, compte tenu des circonstances, constitutive d'un abus de droit caractérisé, de sa part, de nature à ouvrir droit, en faveur de la société Partenaire bureautique, à l'octroi de dommages et intérêts ; la demande formulée de ce chef ne peut dès lors qu'être rejetée en l'état.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, l'Ogec doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, mais sans que l'équité commande l'application, au profit de la société Partenaire bureautique et de la société Lixxbail, des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 11 juillet 2012, Statuant à nouveau, Déboute l'Ogec la Présentation de l'ensemble de ses demandes aux fins de résolution, avec toutes conséquences de droit, des contrats de vente, de location financière et de maintenance portant sur les neuf photocopieurs litigieux de marque Canon, modèles IR65 70, IR35 70, IR45 70, IR10 24 et IR33 80, Rejette la demande de la société Partenaire bureautique en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, Condamne l'Ogec la Présentation aux dépens de première instance et d'appel, les dépens d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à l'application, au profit de la société Partenaire bureautique et de la société Lixxbail, des dispositions de l'article 700 du même code.