Livv
Décisions

CA Rennes, 1re ch. A, 31 août 2010, n° 09-09020

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Confédération Générale du Logement et de la Consommation 35

Défendeur :

Carrefour Hypermarchés (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teze

Conseillers :

Mme Mallet, M. Garet

Avoués :

SCP Guillou & Renaudin, SCP Brebion Chaudet

Avocats :

Mes Nguyen, Moreau-Margotin

TGI Saint-Malo, prés., du 10 déc. 2009

10 décembre 2009

EXPOSE DU LITIGE :

Courant novembre 2009, la société Carrefour Hypermarchés a fait distribuer, dans la région de Saint-Malo, un catalogue commercial proposant à la vente, notamment, des micro-ordinateurs dont la taille des écrans était spécifiée en "pouces", soit une unité de mesure anglo-saxonne.

Estimant que cette publicité contrevenait au décret du 3 mai 1961 relatif aux unités de mesure et au contrôle des instruments de mesure, l'association "Confédération Générale du Logement et de la Consommation 35" (ci-après dénommée la CGLC 35) a fait assigner la société Carrefour Hypermarchés devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Saint-Malo aux fins d'obtenir, sur le fondement des articles 808, 809 du Code de procédure civile, L. 421-2 et suivants du Code de la consommation, la condamnation de ladite société à faire cesser sous astreinte la diffusion du catalogue incriminé, la publication de la décision à intervenir aux frais de la société fautive, ainsi que la condamnation de la société Carrefour Hypermarchés à payer à la CGLC 35 une provision de 20 000 euro à valoir sur l'indemnisation du préjudice porté à l'intérêt collectif des consommateurs, de même qu'une somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ordonnance du 10 décembre 2009, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Saint-Malo a :

- déclaré irrecevables les pièces et écritures déposées par les parties après la clôture des débats ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur le fondement des articles 808 et 809 du Code de procédure civile ;

- condamné la CGLC 35 à payer à la société Carrefour Hypermarchés une somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et a condamné ladite association aux dépens.

Par déclaration reçue le 21 décembre 2009, la CGLC 35 a interjeté appel de cette ordonnance.

Vu les dernières conclusions du 4 mai 2010 aux termes desquelles la CGLC 35 demande à la cour d'infirmer l'ordonnance et :

- de dire recevable et bien fondée l'action de la concluante ;

- de constater les manquements par la société Carrefour Hypermarchés aux informations précontractuelles et contractuelles destinées aux consommateurs conformément aux dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, du décret du 3 mai 1961 et de l'article R. 643-2 du Code pénal ;

- de condamner la société Carrefour Hypermarchés, sous astreinte, à faire cesser la diffusion du catalogue litigieux ;

- d'ordonner, aux frais de ladite société, la publication de l'arrêt à intervenir dans divers journaux locaux ainsi que sur le site Internet de la société, de même que son affichage, sous astreinte, dans le magasin incriminé ;

- de condamner la société intimée à payer à la CGLC 35 une provision de 50 000 euro à valoir sur l'indemnisation du préjudice porté à l'intérêt collectif des consommateurs et ce, par application des articles 1382 du Code civil et 809 du Code de procédure civile ;

- de condamner ladite société à payer à la CGLC 35 une somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions du 1er avril 2010 aux termes desquelles la société Carrefour Hypermarchés demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé ;

- débouter la CGLC 35 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- constater le caractère abusif de l'appel formé par la CGLC 35 et la condamner en conséquence, par application de l'article 32-1 du Code de procédure civile, à payer à la société Carrefour Hypermarchés une somme de 20 000 euro ;

- condamner la CGLC 35 à payer à la société concluante une somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et ce, en surplus de la condamnation intervenue sur le même fondement en première instance ;

- condamner la CGLC 35 aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu l'ordonnance de clôture du 12 mai 2010 ;

MOTIFS :

Sur la recevabilité :

Considérant qu'en vertu de l'article L. 421-1 du Code de la consommation, seules les associations régulièrement déclarées, ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs et agréées à cette fin, ont qualité pour exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ;

Considérant que pour justifier de sa qualité à agir, la CGLC 35 se prévaut d'un arrêté préfectoral du 14 novembre 2005 portant agrément de l'Association "Confédération Générale du Logement d'Ille-et-Vilaine", ayant son siège social <adresse>, pour ester en justice ;

Mais considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que cette Association, dont les statuts initiaux ont été déposés à la préfecture d'Ille-et-Vilaine le 6 juin 2002 et qui a été agréée le 14 novembre 2005, a connu des modifications statutaires importantes à l'occasion d'une assemblée générale extraordinaire qui s'est tenue le 2 septembre 2009 et au cours de laquelle :

- à la suite de dissensions entre l'Association locale et l'Association nationale Confédération Générale du Logement (dont le siège national est à Paris), la première a décidé de prendre ses distances avec la seconde à laquelle elle était jusqu'alors affiliée ;

- l'association "CGL 35" est ainsi devenue "CGL Consommation 35", son objet social ayant été élargi à d'autres domaines que ceux qui intéressaient jusqu'alors la "CGL 35", notamment à l'environnement et à la santé ; qu'en outre, la compétence géographique de la première association, qui était limitée au seul département d'Ille-et-Vilaine, a été étendue à toute la région Bretagne, la nouvelle entité étant ainsi devenue "Confédération Générale du Logement et de la Consommation de la région Bretagne", quand bien même son sigle "35" a été conservé ;

Considérant dès lors, que la nouvelle entité dénommée "CGLC 35" ne saurait être confondue avec la "CGL 35", même si cette première association n'a pas été officiellement dissoute, le siège social modifié ni les membres du bureau remplacés ;

Considérant par suite que l'agrément délivré le 14 novembre 2005 à la "CGL 35" ne saurait valoir autorisation d'ester en justice pour la "CGLC 35", les pouvoirs publics - qui n'ont pas été saisis d'une nouvelle demande d'agrément consécutivement à la modification des statuts de l'association - n'ayant pas été mis en mesure de vérifier si la nouvelle entité respectait les critères d'ancienneté et de représentativité prévus par les articles R. 411-1 et suivants du Code de la consommation pour pouvoir prétendre à cet agrément, dont il convient de rappeler qu'il confère une qualité - exorbitante du droit commun - à agir dans l'intérêt collectif des consommateurs ;

Considérant qu'il s'en déduit qu'à défaut d'agrément, la CGLC 35 n'est pas recevable à agir dans le cadre de la présente instance, laquelle tend, non pas à la défense des intérêts propres de l'association ou de ses membres, mais des seuls intérêts collectifs des consommateurs ;

Considérant que c'est donc à bon droit que le premier juge a estimé, dans les motifs de sa décision, que la CGLC 35 n'était pas recevable à agir ; qu'en revanche, c'est à tort qu'il a omis de rappeler cette irrecevabilité dans son dispositif qui, seul, a valeur de décision, de même que c'est tort qu'il a dit n'y avoir lieu à référé, cette formule impliquant nécessairement la recevabilité de l'action formée par l'association ; que l'ordonnance déférée sera infirmée en ce sens ;

Sur les autres demandes :

Considérant que l'appel intenté par la CGLC 35 ne présente pas un caractère abusif au sens de l'article 32-1 du Code de procédure civile, de sorte que la société Carrefour Hypermarchés sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre ;

Considérant que la CGLC 35 sera condamnée à payer à la société Carrefour Hypermarchés une somme de 2 500 euro au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ;

Considérant enfin que l'Association, partie perdante, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, Infirmant la décision déférée, statuant à nouveau et y ajoutant, Déclare l'Association CGLC 35 irrecevable en son action ; Reconventionnellement, Déboute la société Carrefour Hypermarchés de sa demande en dommages-intérêts formée au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile ; Condamne l'Association CGLC 35 à payer à la SA Carrefour Hypermarchés une somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne l'Association CGLC 35 aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.