Livv
Décisions

ADLC, 22 janvier 2014, n° 14-DCC-09

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de numericable Group par Altice Six

ADLC n° 14-DCC-09

22 janvier 2014

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 16 décembre 2013, relatif à la prise de contrôle exclusif de Numericable Group par Altice Six, formalisée par un contrat de cession d'actions et un pacte d'actionnaires en date du 17 novembre 2013 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. La société Altice Six SA est une société anonyme de droit luxembourgeois dont le capital est intégralement détenu par la société Next Limited Partnership Incorporated, elle-même contrôlée par M. Patrick Drahi. Next Limited Partnership Inc. détient par ailleurs l'intégralité du capital de la société Altice VII qui contrôle elle-même plusieurs sociétés de télécommunication dont le groupe Altice Blue Two. Altice Blue Two est actif en France, uniquement dans les départements et régions d'outre-mer (ci-après "DROM"), sur les marchés des télécommunications et de la télévision payante par l'intermédiaire des ses filiales Outremer Telecom (1), Mobius (2), Martinique TV Câble ("MTVC") et World Satellite Guadeloupe ("WSG").

1 Le groupe Outremer Telecom, acquis par Altice Blue Two en juillet 2013, est présent en Guadeloupe, Martinique, Guyane, à La Réunion et à Mayotte.

2 L'acquisition du contrôle exclusif de Mobius par Altice Blue Two a été autorisée par décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-199 du 24 décembre 2013. 2

2. Numericable Group (ci-après "Numericable") est la société holding à la tête d'un groupe de communications électroniques présent, en France métropolitaine, sur les marchés des télécommunications à destination des particuliers et des professionnels. Sur le segment des particuliers, Numericable Group exploite sous la marque Numericable des réseaux câblés sur lesquels il commercialise différents services de télécommunication (télévision, téléphonie et accès Internet haut débit). Sur le segment des professionnels, Numericable Group fournit, sous la marque Completel, (i) des services de télécommunications aux entreprises et entités du secteur public et (ii) des services aux opérateurs de télécommunications et fournisseurs d'accès à Internet.

3. L'opération, formalisée par un contrat de cession d'actions et un pacte d'actionnaires en date du 17 novembre 2013, consiste en l'acquisition par Altice Six auprès des fonds Carlyle et Cinven de 10 % du capital et des droits de vote de Numericable, portant la participation totale d'Altice Six à 40 %. Conformément au pacte d'actionnaires du 17 novembre 2013, la montée d'Altice Six au capital de Numericable emportera la modification de la composition du conseil d'administration de Numericable de telle sorte qu'Altice Six disposera désormais de cinq représentants au sein du conseil d'administration (sur dix membres), dont le président, ce dernier disposant d'une voix prépondérante en cas de partage des voix. Altice Six détiendra donc à l'issue de l'opération la moitié des voix au conseil d'administration de Numericable Group, ainsi qu'une voix prépondérante en cas de partage. Les décisions du conseil d'administration étant prises à la majorité simple, l'opération permet à Altice Six d'exercer seule une influence déterminante sur Numéricable.

4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de Numericable par Altice, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

5. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Altice : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2012 ; Numericable : [...] d'euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Altice : [...] d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2012 ; Numericable : [...] d'euros pour le même exercice) (3). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

3 Les chiffres d'affaires d'Altice incluent celui réalisé pour la même période par le groupe Outremer Telecom, acquis en juillet 2013.

II. Délimitation des marchés pertinents

6. La présente opération entraîne un chevauchement d'activités entre Altice et Numericable sur les marchés des communications électroniques et plus précisément sur les marchés des services de capacité et de la distribution au détail d'accès à Internet. Les parties sont également toutes deux actives sur les marchés nationaux de la téléphonie fixe.

7. En revanche, l'opération n'emporte pas de chevauchement d'activité sur les marchés de la téléphonie mobile, de l'édition et commercialisation de chaîne de télévision payante ainsi que sur les marchés de la distribution de services de télévision payante. La pratique décisionnelle distingue (4) en effet pour ces marchés le territoire métropolitain des départements et régions d'outremer. Or, en l'espèce, Altice est uniquement présente dans les DROM et Numericable n'exerce son activité qu'en métropole.

8. Les marchés de la télévision payante seront toutefois analysés au titre des effets verticaux.

A. LES MARCHÉS DE LA TÉLÉVISION PAYANTE

1. LES MARCHÉS INTERMÉDIAIRES DE L'ÉDITION ET COMMERCIALISATION DE CHAÎNES PAYANTES

9. En matière d'édition et de commercialisation de chaînes de télévision payante, la pratique décisionnelle (5) considère qu'il n'est pas pertinent de distinguer différents marchés en fonction des plateformes de distribution des chaînes. La pratique décisionnelle retient en revanche une segmentation des marchés intermédiaires en fonction des thématiques des chaînes.

10. Sur le plan géographique, la pratique décisionnelle considère que les marchés de l'édition de chaînes de télévision payante sont de dimension nationale, à l'exception des départements et régions d'outre-mer.

11. En l'espèce, les parties interviennent sur ces marchés à la fois du côté de la demande, en tant qu'acheteuses de chaînes linéaires dans plusieurs thématiques et du côté de l'offre, en tant qu'éditrices de la chaîne sportive de télévision payante "Ma Chaîne Sport" (ci-après "MCS").

2. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION DE SERVICES DE TÉLÉVISION PAYANTE

12. En aval, la pratique décisionnelle, tant nationale qu'européenne, distingue le marché de la télévision payante de celui de la télévision gratuite compte tenu, notamment, du mode de financement différent de ces deux types de télévision. En effet, la télévision payante établit une relation commerciale entre le distributeur de télévision et le téléspectateur alors que la télévision gratuite n'établit une telle relation qu'entre le distributeur de télévision et les annonceurs publicitaires. Ces deux offres ne sont donc pas substituables aux yeux des consommateurs.

13. La pratique décisionnelle récente a également considéré que seules les offres dites "de second niveau" proposées par les fournisseurs d'accès à internet ("FAI") en contrepartie d'un abonnement spécifique sont de nature à exercer une pression concurrentielle sur les offres de télévision payante sur le satellite et sur le câble, à l'exclusion des offres dites "de premier niveau", comprises dans les abonnements triple play (6).

14. Enfin, dans sa décision n° 12-DCC-100, l'Autorité relève qu'il convient de distinguer la distribution de services de vidéo à la demande, à l'acte et par abonnement, de la distribution de services de télévision payante linéaire.

15. Sur le plan géographique, la pratique décisionnelle considère que les marchés de la distribution de services de télévision payante sont de dimension nationale, à l'exception des départements et régions d'outre-mer (7).

16. En l'espèce, les parties sont toutes deux présentes dans le secteur de la distribution de services de télévision payante. Toutefois Altice est exclusivement active en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à La Réunion. Numericable n'exerce son activité qu'en métropole.

B. LES MARCHÉS DE LA TÉLÉPHONIE FIXE

1. LES MARCHÉS DE LA FOURNITURE DE SERVICES DE GROS DE TÉLÉPHONIE FIXE

17. Il s'agit principalement de l'acheminement de trafic commuté pour le compte de prestataires commercialisant des services de communications électroniques, qui choisissent ensuite de les commercialiser sous forme de minutes voix ou d'accès Internet bas débit.

18. Les autorités de concurrence (8) opèrent traditionnellement une distinction entre trois types de prestations : le départ d'appel (a), la terminaison d'appel (b) et les services de transit (c).

a) Le marché du départ d'appel

19. Le départ d'appel correspond à un service d'acheminement de trafic entre un abonné et un point d'interconnexion. Ce marché concerne les prestations d'acheminement d'appel fournies par un opérateur de boucle locale (ci-après "OBL") à d'autres opérateurs afin de permettre à ces derniers d'offrir des services aux abonnés raccordés par ledit OBL. L'Autorité estime que ce marché est de dimension nationale (9).

20. En l'espèce, les parties sont toutes deux présentes sur le marché national du départ d'appel. La partie notifiante précise cependant qu'Altice est exclusivement active en Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion et Mayotte et que Numericable est uniquement actif en métropole.

b) Le marché de la terminaison d'appel

21. La terminaison d'appel correspond à un service d'acheminement entre un point d'interconnexion et un abonné. Le marché de la terminaison d'appel est constitué par l'ensemble des utilisateurs raccordés sur la boucle locale d'un opérateur pour lesquels il n'existe pas de liaison de raccordement alternatif.

22. Les autorités de concurrence (10) ont défini des marchés de la terminaison d'appel sur le réseau individuel de chaque opérateur, de sorte que chaque opérateur de boucle locale peut être considéré comme le fournisseur unique sur le marché de terminaison délimité par son réseau. Les effets de l'opération sur ces marchés ne seront donc analysés qu'au titre d'éventuels effets verticaux.

23. En l'espèce, les parties sont toutes deux présentes sur le marché de la terminaison d'appel mais Altice est exclusivement active en Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion et Mayotte alors que Numericable est uniquement actif en métropole.

c) Le marché des services de transit de minutes commutées

24. Les services de transit consistent en l'acheminement de minutes de communication entre deux points d'interconnexion pour le compte d'opérateurs de détail des marchés de la téléphonie fixe, d'accès Internet bas débit et de téléphonie mobile. Sur ce marché, la demande est constituée des opérateurs désireux d'acheminer du trafic commuté entre deux abonnés mais ne disposant pas d'un réseau suffisamment capillaire pour s'interconnecter directement avec chaque opérateur. L'Autorité estime que ce marché est de dimension nationale (11).

25. En l'espèce, les parties sont toutes deux présentes sur le marché national des services de transit de minutes commutées.

2. LES MARCHÉS DE FOURNITURE DE SERVICES DE DÉTAIL DE TÉLÉPHONIE FIXE

26. Ces marchés regroupent l'ensemble des services d'accès au réseau et de transmission de voix. Une distinction peut être opérée entre le marché de l'accès au réseau téléphonique public et le marché des communications sur réseau téléphonique commuté ("RTC") (12). Au sein de ces marchés, une segmentation additionnelle peut être effectuée en fonction du type de clientèle, en distinguant les services fournis à des particuliers de ceux fournis à des entreprises (13).

27. L'Autorité estime que ces marchés sont de dimension nationale (14) mais a également déjà distingué les marchés de la métropole et de l'outre-mer (15).

28. En l'espèce, les parties sont toutes deux présentes sur les marchés nationaux de la fourniture de services de détail de téléphonie fixe. Dans l'hypothèse où une distinction métropole/outre-mer devrait être retenue, il convient de préciser qu'Altice est exclusivement active dans les DROM et que Numericable est uniquement actif en métropole.

C. LES MARCHES DE L'ACCÈS À INTERNET

29. Dans le secteur de l'accès Internet, la pratique décisionnelle distingue les marchés de gros, les marchés de la fourniture d'accès à Internet et les marchés de la distribution au détail de services d'accès Internet.

1. LES MARCHÉS DE GROS D'ACCÈS À INTERNET

30. En ce concerne les offres de gros d'accès à Internet, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après "ARCEP") a identifié et régule plusieurs marchés pertinents : le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire ("marché 4"), le marché de gros des offres haut débit et très haut débit activées ("marché 5") et le marché des services de capacités ("marché 6").

31. En l'espèce, étant considérées les activités exercées par les parties, l'analyse concurrentielle portera sur les marchés 4 et 6.

a) Le marché 4 de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire

32. Le marché 4 regroupe, au niveau national, l'ensemble des services mis à disposition des opérateurs pour le déploiement de leur propre infrastructure réseau, principalement sur la partie desserte. Il regroupe les offres d'accès au génie civil, les offres de dégroupage sur la boucle locale cuivre et les offres passives de mise à disposition de fibre optique (16).

33. S'agissant de sa délimitation géographique, l'ARCEP considère que le marché 4 est de dimension nationale (17).

34. En l'espèce, seul Numericable est actif sur les marchés de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire.

b) Le marché 6 des services de capacités

35. Le marché 6 tel que défini par l'ARCEP vise des capacités de communications électroniques qu'un client professionnel, entreprise ou administration, utilise pour relier entre eux ses différents sites. Les différents services de capacité se distinguent selon le type d'interface qu'ils utilisent et le débit qu'ils offrent vers chaque site.

36. Au sein du "marché 6", l'ARCEP opère une distinction supplémentaire entre : (i) le marché de détail des services de capacité ; (ii) le marché de gros des prestations du segment terminal des services de capacité ; (iii) les marchés de gros des prestations du segment interurbain, comprenant les marchés des prestations intra territoriales et interterritoriales (18).

37. En l'espèce, Altice et Numericable sont actifs sur le marché de détail des services de capacité ou marché de détail des liaisons louées. Les services de détail de capacité sont "des capacités de communications électroniques qu'un client professionnel, entreprise ou administration, utilise pour relier entre eux ses différents sites"(19). Il existe différents types de services : des liaisons louées traditionnelles, analogiques et numériques, et des services de capacités à interfaces alternatives (essentiellement Ethernet). Néanmoins, la pratique décisionnelle n'a pas envisagé de segmenter de manière plus fine ce marché en fonction des différents types de service.

38. En ce qui concerne la délimitation géographique du marché de détail des services de capacité, l'ARCEP, dans son analyse effectuée à des fins de régulation, considère qu'il est de dimension nationale (20). Néanmoins, dans sa décision n° 13-DCC-199 du 24 décembre 2013 (21), l'Autorité de la concurrence a observé que s'agissant des DROM, seuls les opérateurs implantés localement sont en mesure de fournir ce type de services aux entreprises demandeuses. L'Autorité a donc envisagé pour l'analyse du marché 6 d'opérer une distinction entre les DROM et la métropole, ainsi qu'entre chacun des DROM.

39. En l'espèce, toutefois, la délimitation de ce marché peut rester ouverte, l'analyse concurrentielle demeurant inchangée quelle que soit l'hypothèse considérée.

2. LES MARCHÉS DE LA FOURNITURE D'ACCÈS À INTERNET

40. Selon la pratique décisionnelle des autorités de concurrence (22), il convient de distinguer le marché de la fourniture d'accès à Internet bas débit (via le réseau téléphonique commuté) et le marché de la fourniture d'accès à Internet haut débit et très haut débit (via les technologies du câble, de l'ADSL et de la fibre). Par ailleurs, les marchés de la fourniture d'accès à Internet peuvent être segmentés selon le type de client (résidentiel/professionnel).

41. Le marché de la fourniture d'accès à Internet haut débit comprend l'ensemble des services haut débit, à savoir, outre l'accès à Internet, les services de voix sur IP et la télévision. Ces services sont généralement proposés dans le cadre d'une offre multiservices dite "triple-play". Ces offres peuvent évoluer vers des offres dites "quadruple-play" lorsqu'elles intègrent un service supplémentaire de téléphonie mobile. Les termes "offres multiservices" ou "offres multiple-play" peuvent également être utilisés pour désigner ce marché. La pratique décisionnelle a envisagé, sans trancher la question, de segmenter plus finement le marché de la fourniture d'accès à Internet haut débit en fonction de chaque type de service. Il est également envisageable de distinguer les différentes offres multiservices, compte tenu des différences dans le périmètre des prestations obtenues par les clients aux différentes offres. Il n'est toutefois pas nécessaire de se prononcer sur la pertinence de ces différentes segmentations dans le cadre de la présente décision dans la mesure où celles-ci ne conditionnent pas les conclusions de l'analyse.

42. Sur le plan géographique, la pratique décisionnelle (23) considère que les marchés de la distribution au détail de l'accès à Internet sont de dimension nationale. A l'occasion de son avis n° 10-A-13 du 14 juin 2010, l'Autorité de la concurrence a toutefois précisé qu'il convenait de distinguer le territoire métropolitain des départements d'outre-mer, les conditions de concurrence n'y étant pas les mêmes (24).

43. De même, à l'occasion de sa décision n° 13-DCC-199 du 24 décembre 2013, l'Autorité a observé que les offres d'accès à Internet sont spécifiques à chaque DROM et différentes de celles proposées en métropole, tant au niveau de leur tarification que de leur contenu.

44. La question de la délimitation exacte du marché de la fourniture d'accès Internet peut toutefois rester ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit l'hypothèse envisagée.

45. En l'espèce, les parties sont toutes deux présentes sur les marchés nationaux de la fourniture d'accès à Internet. Dans l'hypothèse où une distinction métropole/outre-mer devrait être retenue, il convient toutefois de préciser qu'Altice est exclusivement active dans les DROM et que Numericable est uniquement actif en métropole.

3. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION AU DÉTAIL D'ACCÈS À INTERNET

46. La distribution au détail d'accès à Internet vise la distribution au client final d'offres d'accès à internet par canaux de distribution physique et à distance. Selon la pratique décisionnelle nationale (25), la typologie des canaux de distribution des offres haut débit multiservices est similaire à celle des canaux de distribution des produits et services de téléphonie mobile (26).

47. Toutefois, la répartition des ventes d'abonnements haut débit multiservices entre ces différents canaux de distribution est différente de celle des services de téléphonie mobile. En effet, une part significative des ventes d'abonnements est réalisée à distance, certaines offres n'étant disponibles que sur Internet ou par téléphone.

48. Concernant la délimitation géographique du marché, la pratique décisionnelle (27) considère généralement que celui-ci est de dimension nationale, notamment parce que les offres sont proposées à des conditions identiques sur l'ensemble du territoire français et selon une politique tarifaire et commerciale fixée au niveau national, sans aucune marge de manœuvre pour les différents distributeurs. Toutefois, à l'occasion de sa décision n° 13-DCC-199 du 24 décembre 2013, l'Autorité a observé que les offres au détail d'accès à Internet sont spécifiques à chaque DROM et différentes de celles proposées en métropole au niveau de leur tarification. Par conséquent, au sein du marché de la distribution au détail d'accès à Internet, l'Autorité a envisagé de distinguer la métropole des DROM et d'opérer une analyse spécifique à chaque DROM.

49. En tout état de cause, en l'absence de problème concurrentiel, la question de la délimitation exacte du marché de la distribution au détail de l'accès Internet peut être laissée ouverte.

III. Analyse concurrentielle

A. EFFETS HORIZONTAUX

50. Numericable est actif en France exclusivement en métropole où il exploite notamment des réseaux câblés, sur lesquels il commercialise des service de télévision, téléphonie et accès Internet. Altice fournit ces mêmes services en France uniquement dans les DROM. En conséquence, l'opération n'entraîne un chevauchement d'activités que sur les marchés pour lesquels serait retenue une délimitation géographique nationale. Les offres de détail d'accès à Internet commercialisées dans les DROM sous la marque "Numericable" sont distribuées par les filiales d'Altice, MTVC et WSG (présentes respectivement en Martinique et en Guadeloupe), en application d'un contrat de licence de marque avec Numéricable.

51. Les parts de marché nationales des parties sur les segments d'activité pour lesquels l'opération entraîne un chevauchement sont présentées dans le tableau suivant :

<Emplacement Tableau>

52 A l'issue de l'opération, la position de la nouvelle entité restera donc modérée (inférieure à 10 %) sur l'ensemble des marchés concernés par l'opération. Par ailleurs, sur les différents marchés des télécommunications, la nouvelle entité restera confrontée à la concurrence exercée par des opérateurs tels qu'Orange ou SFR pour l'ensemble des marchés nationaux ou Bouygues Telecom et Free sur les seuls marchés de la métropole.

53. Compte tenu de ce qui précède, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effet horizontaux.

B. EFFET VERTICAUX

1. SUR LES MARCHÉS DE LA TÉLÉVISION PAYANTE

54. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval. La stratégie de verrouillage peut également concerner les marchés amont lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Cependant la pratique décisionnelle des autorités de la concurrence écarte en principe ces risques de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

55. Altice est présente sur les marchés intermédiaires d'édition et commercialisation de chaîne de télévision payante en tant qu'éditrice de la chaîne sportive de télévision payante "Ma Chaîne Sport". Pour sa part Numericable distribue, sur les marchés aval des services de télévision payante, différentes chaînes dont des chaînes sportives. A l'issue de l'opération Altice pourrait donc restreindre l'accès à sa chaîne MCS pour en réserver la distribution à Numericable.

56. Toutefois il convient d'observer qu'il existe sur le marché de l'édition et commercialisation de chaînes sportives, de nombreuses chaînes sportives concurrentes de MCS et notamment les chaînes Eurosport (éditée par le groupe TF1) et Sport+ (éditée par GCP). Par ailleurs, la part de marché de Numericable sur les marchés aval de distribution de services de télévision payante en métropole est, selon les estimations des parties, inférieure à 10 % quelle que soit la segmentation retenue. Par conséquent, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la télévision payante par le biais d'effet verticaux.

2. SUR LE MARCHÉ DE GROS DES OFFRES D'ACCÈS AUX INFRASTRUCTURES PHYSIQUES CONSTITUTIVES DE LA BOUCLE LOCALE FILAIRE

57. Numericable est présent en tant qu'offreur sur le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, marchés sur lesquels est également présente Altice en tant qu'acheteur.

58. Selon les estimations des parties la position de Numericable sur ce marché est inférieure à 3 %. La part d'achat d'Altice est quant à elle inférieure à 0,5 %. Tel qu'indiqué ci-avant, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence écarte en principe tout risque de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %. En l'espèce, étant considéré les très faibles positions de la nouvelle entité, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché de gros des offres d'accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire par le biais d'effet verticaux.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 13-233 est autorisée.

Notes :

1 Le groupe Outremer Telecom, acquis par Altice Blue Two en juillet 2013, est présent en Guadeloupe, Martinique, Guyane, à La Réunion et à Mayotte.

2 L'acquisition du contrôle exclusif de Mobius par Altice Blue Two a été autorisée par décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-199 du 24 décembre 2013

3 Les chiffres d'affaires d'Altice incluent celui réalisé pour la même période par le groupe Outremer Telecom, acquis en juillet 2013.

4 S'agissant des marchés de la télévision payante voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-100 du 23 juillet 2012. S'agissant des marchés de la téléphonie mobile voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-07 du 28 janvier 2011 et n° 12-DCC-95 du 17 juillet 2012.

5 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-100 du 23 juillet 2012.

6 Id.

7 Id.

8 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-182 du 13 décembre 2010.

9 Ibid.

10 Ibid.

11 Ibid.

12 Le RTC assure la connexion momentanée de deux installations terminales afin de mettre en relation deux usagers.

13 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-182 du 13 décembre 2010 précitée.

14 Ibid.

15 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-110 du 26 juillet 2011.

16 Voir la décision de l'ARCEP n° 2011-0668 en date du 14 juin 2011, p.29.

17 Ibid.

18 Décision de l'ARCEP n° 10-0402 du 8 avril 2010 sur la définition des marchés pertinents des services de capacité.

19 Décision n° 10-D-31 du 12 novembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché des services de capacité.

20 Décision de l'ARCEP n° 2010-0402 du 8 avril 2010 sur la définition des marchés pertinents des services de capacité.

21 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-199 du 24 décembre 2013, §16.

22 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-95 du 17 juillet 2012; n° 11-DCC-110 du 26 juillet 2011; n° 10-DCC-182 du 13 décembre 2010 et n° 09-DCC-35 du 6 août 2009.

23 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-35 précitée.

24 Voir également la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-118 du 20 juillet 2011 §23.

25 Décisions n° 11-DCC-110 du 26 juillet 2011 et n° 11-DCC-118 du 20 juillet 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Compagnie Européenne de Téléphonie par la société France Télécom SA.

26 Les différents canaux de distribution peuvent être présentés selon la typologie suivante : (i) réseaux intégrés des opérateurs ; (ii) réseaux monomarques spécialisés liés, sans être intégrés, aux opérateurs par un partenariat exclusif ou quasi-exclusif ; (iii) réseaux multimarques spécialisés, qu'il s'agisse de spécialistes télécom ou de grandes surfaces spécialisées (tels que notamment The Phone House, FNAC, Darty), intégrés ou non à des groupes de distribution ; (iv) réseaux multimarques généralistes (grandes surfaces alimentaires) ; (v) réseaux de vente à distance (Internet, vente par téléphone, vente directe).

27 Voir la décision n° 09-DCC-35 du 6 août 2009 ou n° 11-DCC-118 du 20 juillet 2011.