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Décisions

Cass. com., 4 juin 2013, n° 11-24.601

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Mark'Techno (Sté)

Défendeur :

Boisson, Touraine outillage précision mécanique (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Ghestin, SCP Odent, Poulet, SCP Waquet, Farge, Hazan

Orléans, du 23 juin 2011

23 juin 2011

LA COUR : - Joint les pourvois n° 11-24.601 et 11-30.553 qui attaquent le même arrêt ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Boisson a acheté à la société Touraine outillage précision mécanique (la société Top Méca) un tour importé de Taiwan par la société Mark'Techno ; qu'après la livraison de la machine en mai 2004, M. Boisson s'est plaint de dysfonctionnements ; qu'après avoir obtenu en référé le 16 septembre 2005 une mesure d'expertise, M. Boisson a assigné les 28 et 29 janvier 2009 les sociétés Top Méca et Mark'Techno en résolution de la vente pour vice caché et en dommages-intérêts ;

Sur les premiers moyens des pourvois n° 11-24.601 et 11-30.553, réunis : - Attendu que les sociétés Mark'Techno et Top Méca font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie des vices cachés et d'avoir en conséquence prononcé la résolution de la vente, alors, selon le moyen : 1°) que selon l'article 1648 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2005, l'action en garantie des vices cachés doit être engagée à "bref délai" ; que la cour d'appel a constaté que "dès le mois de sa livraison, en mai 2004, M. Boisson s'est plaint de dysfonctionnements pour lesquels Mark'Techno s'est déplacée à de nombreuses reprises (...) qu'il s'agit là de défauts qui se sont manifestés dès la mise en service de l'engin et dont l'expert indique qu'ils sont intrinsèques à la machine" ; qu'il résulte de ces constatations que les vices cachés dénoncés s'étant manifestés dès la mise en service en mai 2004, l'action en désignation d'expert engagée en février 2005 était tardive ; qu'en écartant néanmoins l'exception de prescription de l'action en garantie contre le vendeur, la cour d'appel a violé l'article 1648 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2005 applicable en la cause ; 2°) que la cour d'appel qui se borne à affirmer que l'action en garantie des vices cachés doit être regardée comme introduite dans le bref délai requis, n'a pas fixé avec précision la date à laquelle M. Boisson avait pu avoir connaissance des vices de la chose vendue, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1648 du Code civil ; 3°) que le bref délai court à compter de la découverte du vice par l'acheteur ; qu'en l'espèce la cour d'appel a relevé qu'au vu de l'indétermination du vice, de la possibilité persistante d'utiliser partiellement la machine, malgré ses dysfonctionnements, et de l'intervention continue et partiellement efficace du vendeur assortie d'incitations à la patience dans l'attente de la position du constructeur, l'assignation devait être regardée comme introduite dans le bref délai requis ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas caractérisé le moment de la découverte du vice par l'acheteur, point de départ du bref délai, en violation de l'article 1648 du Code civil ; 4°) que la cour d'appel, en s'abstenant de préciser le point de départ exact du bref délai, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1648 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que le tour ayant été livré et installé le 4 mai 2004, M. Boisson a signalé dès les 10, 11 et 12 du même mois des dysfonctionnements dont le rapport d'expertise a confirmé l'existence ; qu'il relève encore que ces défauts se sont manifestés dès la mise en service de l'engin ; que par ces constatations et appréciations faisant ressortir que le moment de la découverte du vice par M. Boisson, point de départ du bref délai, devait être fixé entre les 10 et 12 mai 2004, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que sous le couvert de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain du juge du fond de déterminer, d'après la nature des vices et les circonstances de la cause, la durée du délai prévu par l'article 1648 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2005 ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 11-24.601, pris en sa première branche : - Attendu que la société Mark'Techno fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résolution pour vice caché de la vente du tour conclue en mars avril 2004 et de l'avoir condamnée in solidum avec la société Top Méca à payer à M. Boisson la somme de 57 707 euros en remboursement du prix de vente versé, alors, selon le moyen, que dans le cas de résolution d'une vente pour vice caché, la restitution du prix reçu par le vendeur est la contrepartie de la remise de la chose par l'acquéreur et que seul celui auquel la chose est rendue doit restituer le prix qu'il a reçu ; qu'en condamnant in solidum la société Mark'Techno, importateur du matériel et la société Top Méca, revendeur, à restituer le prix, la cour d'appel a violé l'article 1644 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir retenu que tant la société Top Méca que la société Mark'Techno pouvaient reprendre l'appareil à leurs frais et risques dans l'état où il se trouvait, la cour d'appel a estimé que ces deux sociétés, auxquelles la chose était rendue, devaient en conséquence restituer le prix en contrepartie de cette remise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 11-30.553 : - Attendu que la société Top Méca fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résolution de la vente pour vices cachés, condamné en conséquence la société Top Méca, in solidum avec la société Mark'Techno, à rembourser à M. Boisson le prix versé, à savoir 57 707 euros TTC, à reprendre à ses frais le tour et de l'avoir condamnée à verser à M. Boisson, in solidum avec la société Mark'Techno, la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice de ce dernier, alors, selon le moyen : 1°) que pour accueillir l'action en résolution de la vente pour vice caché, la cour d'appel a relevé que la machine était utilisable partiellement, que certains dysfonctionnements relevaient des choix discutables de l'utilisateur démontrant son manque de maîtrise et des déréglages dont certains probablement induits par une mauvaise utilisation, que c'était seulement dans certains cas que certaines pièces de qualité courante n'étaient pas réalisables avec la machine, et que M. Boisson avait refusé une proposition de remplacement, puis de rachat de la machine ; qu'il ne ressort pas de ces constats que la machine était impropre à l'usage auquel elle était destinée, à savoir le façonnage de pièces de moyenne qualité ; que la cour d'appel a violé l'article 1641 du Code civil ; 2°) que la cour d'appel a relevé à la fois la possibilité persistante d'utiliser partiellement la machine et que les défauts de la machine l'empêchaient d'être utilisée conformément à sa destination technique et contractuelle ; que si une machine peut être utilisée partiellement, elle est utilisable conformément à sa destination, en l'espèce réaliser des pièces de qualité moyenne ; qu'en statuant dès lors par des motifs contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que si, dans son rapport, l'expert a confirmé l'existence de désordres de type informatique, il n'a pas en revanche relevé qu'il n'a jamais été possible d'y remédier ; qu'en retenant que l'expert confirmait l'existence de désordres de type informatique chroniques auxquels il n'a jamais été possible de remédier, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et violé l'article 1134 du Code civil ; 4°) que la société Top Méca a fait valoir dans ses conclusions que les désordres inhérents à la machine, à savoir les désordres de type informatique, et ceux de type mécanique ou électrique, relevés par l'expert, ont tous été résolus, ce dont il découlait, conformément à ce qu'elle soutenait, que l'action en garantie pour les vices cachés ne pouvait plus être invoquée par l'acheteur qui a accepté que le vendeur procède à la remise en état du bien ; qu'en ne répondant pas à ce moyen des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que c'est sans se contredire que l'arrêt retient que le rapport d'expertise judiciaire confirme l'existence des dysfonctionnements allégués par M. Boisson, à savoir, la non-tenue des cotes et le non-respect des tolérances, le jeu dans les guidages mécaniques, l'apparition de vibrations dans certaines conditions, le dressage de faces imparfait, des problèmes d'origine machine ; que l'arrêt relève encore que l'expert conclut que certaines pièces de qualité courante ne sont pas réalisables avec la machine pour des raisons intrinsèques à celle-ci, ce qu'ont clairement mis en évidence les essais contradictoires auxquels l'expert a procédé personnellement le 2 novembre 2005 et le 7 novembre 2006, où sont rapidement apparues de fortes et anormales vibrations avec détérioration de la pièce à usiner et résultats hors tolérance, l'incidence de facteurs propres à M. Boisson ne se posant pas dans ces cas ; que l'arrêt retient enfin que ces défauts sont graves, puisqu'ils ne permettent pas d'usiner certaines pièces en phase d'ébauche ; que, sans être tenue de répondre aux conclusions évoquées par la dernière branche, rendues inopérantes par ses constatations et appréciations, la cour d'appel, a retenu, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, que ces défauts persistants empêchaient la machine d'être utilisée conformément à sa destination ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les troisièmes moyens des pourvois n° 11-24.601 et 11-30.553, rédigés en termes similaires, réunis : - Attendu que les sociétés Mark'Techno et Top Méca font grief à l'arrêt de les avoir condamnées in solidum à payer à M. Boisson la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel a constaté que le chiffre d'affaires de M. Boisson avait progressé de 53,6 % en 2005 et 2006 soit au cœur de la période affectée et qu'il avait refusé à deux reprises une proposition de remplacement puis de rachat de la machine et enfin que "l'évaluation qu'il fait de son préjudice repose sur des méthodes non convaincantes et n'est pas assortie de justificatifs probants" ; qu'elle a par ailleurs relevé que l'expert avait proposé un chiffre de perte d'exploitation de 18 700 euros sur 6 mois ou de 22 380 euros sur 12 mois en 2006 ; qu'en estimant néanmoins qu'il fallait tenir compte de ces chiffres et de la perturbation causée à l'entreprise par les dysfonctionnements de la machine pour arrêter à la somme de 30 000 euros le montant de la condamnation à dommages-intérêts, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que c'est sans se contredire que la cour d'appel a souverainement estimé qu'ayant subi des pertes de temps et de matériaux du fait des défauts de la machine, M. Boisson avait dû recourir à la sous-traitance pour tourner certaines pièces et que compte tenu de la perturbation avérée causée par les dysfonctionnements de la machine et la recherche de leurs solutions, le préjudice subi par lui devait être fixé à la somme de 30 000 euros ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° 11-24.601, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 4 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour condamner la société Mark'Techno in solidum à payer à M. Boisson la somme de 57 707 euros en remboursement du prix de vente versé, l'arrêt retient que cette société ne conteste pas, fût-ce à titre simplement subsidiaire, son obligation en cas de résolution de la vente ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société Mark'Techno soutenait dans ses conclusions d'appel qu'ayant vendu la machine à la société Top Méca à un prix inférieur à celui que cette dernière a obtenu de M. Boisson de sorte qu'elle ne pouvait être condamnée au remboursement du prix finalement payé par M. Boisson, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief du pourvoi n° 11-24.601 : Rejette le pourvoi n° 11-30.553 ; Et sur le pourvoi n° 11-24.601 : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Mark'Techno à payer in solidum à M. Boisson la somme de 57 707 euros en remboursement du prix versé, l'arrêt rendu le 23 juin 2011, entre les parties, par la Cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Orléans autrement composée.