CA Nîmes, 1re ch. civ., 27 juin 2013, n° 12-02775
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Guiton
Défendeur :
Guignabaudet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bruzy
Conseillers :
Mme Hebrard, M. Berthet
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 21 juin 2012, Monsieur Patrick Guiton a relevé appel d'un jugement réputé contradictoire rendu le 23 avril 2012 par le Tribunal de grande instance de Nîmes qui, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a débouté Monsieur Thierry Guignabaudet de ses demandes d'annulation de la vente du voilier Jeanneau Fantasia en date du 25 avril 2010 et l'a condamné à payer à ce dernier la somme de 5 000 euro en indemnisation de son préjudice subi ainsi que celle de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure outre les entiers dépens.
Dans ses conclusions signifiées le 22 août 2012 et déposées le 28 août 2012 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses motifs et arguments, l'appelant sollicite la cour, au visa des articles 1109, 1110, 1116 et 1604 du Code civil, de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il déboute Monsieur Thierry Guignabaudet de ses demandes nullité du contrat de vente et de l'infirmer pour le surplus. La cour statuant à nouveau déboutera Monsieur Thierry Guignabaudet de toutes ses demandes et le condamnera aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de son conseil ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses écritures en réplique du 13 mars 2013 auxquelles il est également explicitement renvoyé, Monsieur Thierry Guignabaudet conclut également au visa des articles 1109, 1107 et suivants, et 1604 du Code civil, au mal fondé de l'appel interjeté par Monsieur Guiton et à la réformation de la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté sa demande de nullité du contrat. La cour l'accueillera en son appel incident et statuant à nouveau, prononcera l'annulation du contrat de vente du navire Jeanneau Fantasia en date du 25 avril 2010 pour dol et subsidiairement en raison de l'erreur commise.
Subsidiairement la décision critiquée sera confirmée en ce qu'elle lui a alloué la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
En tout état de cause, Monsieur Guignabaudet sera débouté de l'intégralité de ses demandes et condamné aux entiers dépens distraits au profit de son conseil ainsi qu'à lui payer une indemnité de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code civil.
L'instruction de la procédure a été clôturée par ordonnance du 25 janvier 2013 avec effet différé au 4 avril 2013.
SUR CE
Par acte de cession du 25 avril 2010 Monsieur Guiton a vendu à Monsieur Thierry Guignabaudet le navire Parea, voilier Jeanneau modèle Fantasia 27 d'une longueur de 7,76 m moyennant le prix de 18 500 euro, et ce sous réserve de la reprise de la place de port S 80.
Se fondant sur le courrier du 8 juin 2010, et non 2011 comme le soutient l'appelant, par lequel la régie autonome du port de plaisance de Port-Camargue l'informait de ce que procédant à la vérification de la longueur du bateau, elle avait constaté que des modifications non déclarées à la capitainerie portaient la longueur maximale de celui-ci à 8,52 m au lieu de 7,90 m, longueur entraînant un changement de catégorie tarifaire, Monsieur Thierry Guignabaudet poursuit la nullité de la vente pour dol et subsidiairement pour erreur.
Aux termes des dispositions de l'article l'article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manœuvres l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
De même suivant l'article 1110 de ce même Code, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
Il ne peut qu'être relevé que Monsieur Patrick Guiton a reporté sur l'acte de cession les caractéristiques du bateau répertoriées sur son acte de francisation, soit une longueur extrême de 7,76 m, et non pas celle de 7,90 m figurant sur le contrat annuel de poste d'accostage qu'il a signé avec la régie autonome du port de plaisance le 25 juin 2009.
Le constructeur quant à lui indique comme caractéristiques du Fantasia 27 une longueur coque de 7,70 m et une longueur hors tout de 8,30 m.
Aux termes de la norme NF EN ISO 8666-2002 éditée par l'AFNOR qui détermine les dispositions selon lesquelles est mesurée la longueur de la coque des navires de plaisance pour le calcul du droit annuel de francisation et de navigation et à laquelle d' ailleurs se réfère expressément la régie autonome du Port de Plaisance de Port-Camargue, Grau du Roi, pour le calcul des redevances du port public, la longueur de la coque est la distance mesurée parallèlement à la ligne de flottaison et au plan axial du navire. Cette longueur inclut toutes les parties moulées ou soudées à la coque du navire proprement dite et qui ne peuvent à ce titre être détachées de manière non destructive et exclut les parties amovibles qui peuvent être détachées de manière non destructive sans affecter l'intégrité structurelle du navire telle que les bouts-dehors, les balcons, les delphinières, les plateformes et les jupes boulonnées.
Monsieur Guignabaudet a procédé à certains aménagements sur le navire. Il les reconnaît dans un courrier du 25 juillet 2011 adressé au conseil de son adversaire. Il a ainsi posé deux plateformes de sécurité 45 x 48 acquises suivant facture n° 77749 du 15 mai 2007 et un portique qu'il qualifie de dévissable.
Monsieur Thierry Guignabaudet admet dans ses écritures que les deux plates-formes sont dévissables. Elles n'ont donc pas à être incluses dans le calcul de la longueur du bateau.
S'agissant du balcon avant, les parties sont en désaccord sur son caractère amovible ou non. Monsieur Thierry Guignabaudet sur lequel pèse la charge de la preuve ne justifie ni de sa longueur, ni de son caractère inamovible, ne communiquant aux débats aucune photographie du navire, et plus particulièrement celles des plateformes et du portique jointes par son vendeur à son courrier recommandé du 25 juillet 2011 précité. Les seules constatations non-contradictoires des services du Port de Plaisance, alors que le règlement particulier de police et d'exploitation du port de plaisance de Port-Camargue prévoit des mesures contradictoires entre le personnel du port et le propriétaire du navire et une mesure de la longueur du bateau en tenant compte de "tous les équipements fixés à demeure au navire (balcon, filière, chaises, large part, moteur hors-bord fixe, bouts-dehors fixes, bossoirs, etc.) et qui nécessitent un outillage spécialisé pour être démonté", en contrariété avec la longueur définie par la norme NF EN ISO 8666-2002, sont insuffisantes à rapporter une telle preuve.
Au demeurant, Monsieur Thierry Guignabaudet a visité le navire avant la vente et était ainsi à même d'en mesurer sa longueur avec précision si celle-ci était, ainsi que soutenu, déterminante de son consentement à la vente.
Dès lors, force est de constater que Monsieur Thierry Guignabaudet ne rapporte pas la preuve que Monsieur Guiton s'est, en portant sur l'acte de cession une longueur du voilier de 7,76 m conforme à l'acte de francisation et en lui communiquant le dernier contrat annuel de poste d'accostage faisant apparaître une longueur du voilier de 7,90 m, livré à des manœuvres ayant pour objet de tromper son acheteur potentiel sur la longueur du bateau qui serait en réalité supérieure à 8 m et de l'amener ainsi à contracter.
Le dol n'est pas prouvé. L'erreur non plus puisqu'il n'est pas plus démontré que le montant annuel de la redevance à régler à la régie autonome du port de plaisance était, au contraire de la place de port S80 que l'acheteur a au demeurant bien repris, un élément déterminant de la vente, l'attestation de l'ancienne compagne de l'intimé étant par trop insuffisante.
Il n'a donc pas lieu à nullité du contrat de cession fondée tant sur le dol que sur l'erreur.
Par ailleurs, Monsieur Thierry Guignabaudet a déclaré bien connaître le navire Fantasia 27 pour l'avoir visité et l'accepter en l'état où il se trouve. Il a pu constater lors de sa visite que Monsieur Guiton avait procédé à la pose des deux plates-formes et du balcon qui ne figurent pas sur la fiche constructeur. Il n'est pas prétendu que le navire ait été modifié entre le moment où Monsieur Guignabaudet l'a acquis et le moment où il lui a été livré et où il, en a pris possession.
En tout état de cause, rien ne permet d'affirmer comme le premier juge que la longueur du navire vendu ne correspond pas à celle mentionnée dans l'acte de cession, tenant le caractère non irréversible des aménagements auxquels il a été procédé.
Il n'y a donc pas eu défaut de conformité aux spécifications convenues par les parties ni manquement de Monsieur Guiton à son obligation de délivrance.
Par suite, par réformation partielle de la décision entreprise, Monsieur Thierry Guignabaudet sera débouté de l'intégralité de ses demandes.
Par ces motifs : LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, en matière civile, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare Monsieur Patrick Guiton recevable en son appel ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur Thierry Guignabaudet de ses demandes en nullité de la cession du 25 avril 2010 ; Le réforme pour le surplus ; Statuant à nouveau, Déboute Monsieur Thierry Guignabaudet de sa demande visant à voir constater le manquement de Monsieur Guiton à son obligation de délivrance conforme ainsi que de ses demandes en paiement ; Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires ; Condamne Monsieur Thierry Guignabaudet aux dépens de première instance et d'appel ; Accorde à maître Catherine J le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Monsieur Thierry Guignabaudet à payer à Monsieur Patrick Guiton la somme de 2 000 euro au titre de ses frais irrépétibles.